Ces Diables qui n'ont porté qu'une fois le maillot national

Eddy Snelders, Michel Wintacq, Alain De Nil, Didier Ernst et Denis Odoi sont bien loin des 98 capes de Jan Vertonghen. Ils n'ont pas marqué l'histoire des Diables rouges, mais leur passage éphémère en équipe nationale a marqué leur carrière. Pour le premier de notre liste, c'était un soir de novembre 1981, lors d'une terrible défaite aux Pays-Bas (3-0). Pour Denis Odoi, c'était bien plus récent: le 25 mai 2012, l'Anderlechtois de l'époque était rappelé par Marc Wilmots, tout nouveau sélectionneur, pour affronter le Monténégro à domicile.

Les cinq joueurs précités ont tous accepté de revenir pour nous sur un jour qu'ils n'oublieront jamais. Les nostalgiques apprécieront...

Eddy Snelders, 14/10/1981

"Cela allait trop vite contre Neeskens"

Avec ses 594 matches, Eddy Snelders n'est devancé que par Raymond Mommens et Willy Wellens dans le classement des joueurs avec le plus de rencontres à leur actif en D1 belge. Mais en équipe nationale, Snelders – actuellement excellent consultant pour Sporza et Play Sports – n'en totalise qu'un seul: Pays-Bas – Belgique du 14 octobre 1981. Les Néerlandais ont balayé les Belges: 3-0.

À cette époque, Snelders était attaquant à Lokeren. "Mais en équipe nationale, j'étais barré par l'incontournable Jan Ceulemans. Il était meilleur que moi. Pour ce match au Kuip de Feyenoord, Jan était blessé, et Guy Thys avait fait appel à moi. La Belgique était déjà qualifiée pour le Mondial 1982 en Espagne, les Pays-Bas devaient réaliser un 4 sur 4 – une victoire rapportait deux points à l'époque – contre la Belgique et en France. Pour espérer réaliser l'exploit, les Néerlandais avaient convaincu Johan Neeskens de revenir en équipe nationale, après deux ans d'absence."

Snelders n'a pas vu beaucoup de ballons. "Un de mes adversaires directs était John Metgod de Feyenoord. Je sentais que cela allait un rien trop vite pour moi. Thys m'a sorti vers l'heure de jeu pour Plessers, et je ne râlais même pas. J'avais sombré avec le reste de l'équipe. Pourtant, nos autres grands noms comme Pfaff, Vandereycken et Gerets étaient au rendez-vous. J'étais quelqu'un qui faisait toujours son autocritique. Ma conclusion était simple: tu es bon pour le championnat belge, tu te débrouilles dans les matches de Coupe d'Europe, mais tu n'as pas le niveau des Diables."

Les Néerlandais ont finalement loupé la Coupe du Monde en étant battus en France (2-0) et les Diables ont créé l'exploit au Mondial en surprenant l'Argentine, le champion du monde en titre (0-1). Snelders: "J'aurais pu faire partie de la sélection, mais ma suspension de 3 mois à la fin de la saison 1981-1982 m'a coûté ma place dans le groupe..."

En 1984, Snelders était transféré au Standard. Quelques mois plus tard, il était rappelé pour le match amical prestigieux contre l'Argentine au Heysel. "Entre-temps, j'étais devenu défenseur central. Mais je n'ai pas quitté le banc. C'est Lei Clijsters qui a joué tout le match. Et honnêtement, je n'étais même pas déçu. Même dans ce match amical, j'avais l'impression que c'était un niveau trop élevé pour moi. Mon papa a gardé quelques photos et il a peut-être encore mon maillot et ma casquette avec une étoile, comme preuve de ma cape. Mais pour le reste, ce match aux Pays-Bas ne restera pas gravé dans ma mémoire..."

Michel Wintacq, 12/10/1983

“Ni amertume, ni frustration”

24 août 1983. Première journée de championnat de D1. Le Standard de Raymond Goethals accueille le RWDM. Dans ses rangs, un p’tit nouveau, Michel Wintacq, arrivé en droite ligne du FC Liégeois où il avait multiplié les prestations convaincantes quatre saisons durant.

Le Borain ne pouvait pas rêver mieux comme Joyeuse Entrée. Porté par son instinct offensif, le Mich’ déferle sans relâche sur son flanc et signe tout simplement les trois buts des Rouches !
Séduit, l’entraîneur fédéral, Guy Thys, le réquisitionne en prévision d’un déplacement des Diables à Glasgow, dans le cadre des éliminatoires de l’Euro ’84 en France. Une convocation qui ne surprend pas plus que ça l’intéressé: "Beaucoup de personnes dans mon entourage estimaient que j’aurais déjà dû retenir l’attention du sélectionneur bien avant ça mais à cette époque, Anderlecht, le Standard et le FC Brugeois étaient les principaux pourvoyeurs de l’équipe nationale. Et puis, sans vouloir m’étendre sur le sujet, les Wallons étaient largement minoritaires sans oublier que d’autres que moi pouvaient également revendiquer ce poste d’arrière gauche. Comme Marc Baecke, Michel De Groote ou encore Michel De Wolf."

Dix jours après avoir fêté ses 28 ans, Michel Wintacq est donc de la partie, de même qu’un autre Diable néophyte: Nico Claesen, qui ne cesse de dégainer à Seraing.

Déjà battue au pied de l’Atomium dix mois auparavant (3-2), l’Ecosse n’a plus aucune chance de rejoindre la Belgique en tête du Groupe 1, pas plus que les autres concurrents, la Suisse et l’Allemagne de l’Est. Hampden Park n’est d’ailleurs rempli qu'à moitié.

D’une tête plongeante, Vercauteren ouvre le score à la demi-heure et jusque-là, Michel Wintacq assure bien le coup. La suite sera moins heureuse. Il raconte : "J’ai mal calibré une passe et cette perte de balle a coûté l’égalisation quelques secondes plus tard. Ce raté de ma part a suffi aussi à ce que ma carrière de Diable Rouge soit morte née le soir même. Pour tout vous dire, je n’ai éprouvé ni amertume, ni frustration particulières. J’ai continué à prester pour le Standard sans jamais faire la moindre fixation sur cette cape sans lendemain, d’autant que je n’étais certainement pas le premier choix de l’entraîneur..."

Un mois plus tard à Berne, pour le match de clôture des éliminatoires (défaite sans importance, 3-1), Michel Wintacq n’était fatalement plus du voyage. Ce fut au tour de Raymond Mommens de prendre le relais aux côtés des inamovibles Gerets, L. Millecamps et Meeuws…

Alain De Nil, 03/06/1992

"On envoyait le ballon à la mer quand on ne cadrait pas"

Le 3 juin 1992, Alain De Nil, milieu de terrain devenu agent de joueurs, vit son premier et seul match pour l’équipe nationale belge. Un souvenir qui reste encore gravé dans sa mémoire. Surtout vu le déplacement exotique aux Îles Féroé. Il raconte.

"C’était la fin de la saison, on avait juste fini le championnat. J’évoluais au Cercle Bruges et avais été l’un des meilleurs joueurs de D1. J’ai pris cette sélection comme une récompense pour ma bonne saison. J’avais fait les classes de jeunes en équipe nationale mais être pris chez les A, c’est la consécration", raconte-t-il.

"Paul Van Himst était notre coach. Un monument dans le football belge. Et encore plus pour un Bruxellois comme moi.
C’était une belle période pour l’équipe nationale. J’avais 25 ans et j’arrivais dans un groupe avec un niveau fou. Les vrais cadres de cette équipe se nommaient Enzo Scifo, Michel Preud’homme, Georges Grün ou encore Philippe Albert. J’en connaissais pas mal car beaucoup évoluaient en Belgique. J’ai donc été vite accepté. Je n’ai pas eu droit à un bizutage car ça ne se faisait pas à l’époque. Je n’ai, heureusement, pas dû chanter sur une table.

"Le football a changé mais l’attrait pour les Diables pas. J’ai vraiment vu une différence lors de cette sélection. Les gens me regardaient différemment. On était déjà très médiatisés. C’est comme après ton premier match en D1, tu as l’impression que tout change. En plus, moi, je sortais vraiment de nulle part avant d’atterrir chez les Diables. J’ai eu la chance de connaître un déplacement avec cette équipe. Et pas des moindres. Nous allions aux Îles Féroé. C’était le tout petit poucet à l’époque. Je me souviens encore des conditions de déplacement", se souvient-il.

"Nous sommes arrivés sur une toute petite piste d’atterrissage. C’était vraiment périlleux et stressant (rires). Quand tu arrives à l’aéroport, tu vois presque le terrain. Sauf que l’île est en forme de fer à cheval. J’avais envie de dire: 'Prenons le bateau, ça ira plus vite', mais il fallait faire tout le tour en bus. Il y avait encore deux heures de trajet je crois."

Le périple des Diables de l'époque n'était pas terminé: "Même notre hôtel n’était pas tout près du stade. Le seul souci est qu’il n’est pas possible de s’entraîner ailleurs que dans l’enceinte officielle car c’était le seul terrain en herbe de l’île. C’était un truc installé sur une falaise. Ils avaient dû dynamiter une partie de la roche pour y mettre le stade. Honnêtement, à part des moutons et des rochers, je n’ai pas vu grand-chose du pays."

Le match s'est plutôt bien déroulé, tant sur le plan individuel que collectif. "J’ai eu la chance d’être aligné durant 90 minutes. Je n’y croyais pas mais Paul Van Himst m’a dit d’y aller. Il voulait aussi me faire plaisir. Le stade était tout petit. J’ai même du mal à appeler ça un stade. Il y a des terrains de P1 qui sont mieux équipés. Les conditions étaient difficiles mais on n’y faisait pas gaffe. Les vestiaires étaient propres mais hyper basiques avec des petits bancs en bois. Il n’y avait pas de tribune derrière un des buts. C’était directement la mer. Quand tu ne cadrais pas… bah le ballon était définitivement perdu (rires). Puis, il y avait ce gardien qui jouait avec son bonnet (NdlR : Jens Martin Knudsen) ! Vous vous en rappelez ? C’était vraiment folklorique de vivre ce match."

Jens Martin Knudsen

Jens Martin Knudsen

"J’ai été rappelé quelques mois plus tard, en septembre. J’ai fait le déplacement en Tchécoslovaquie avec le groupe mais n’ai pas décollé du banc. J’étais dans le noyau comme remplaçant car le coach avait gardé l’impression de ma saison avec le Cercle. Entre-temps, je venais de signer à La Gantoise. J’avais une belle pancarte de gros transfert de l’année sur le dos mais je ne suis pas parvenu à retrouver mon niveau physique et footballistique. Je me dis que j’aurais pu avoir plus de sélections en restant au Cercle. Mais il est facile de penser de la sorte après coup. Je préfère me dire que j’ai joué pour mon pays. Ça me rend fier."

Didier Ernst, 30/03/1999

Dans l'ombre de Vanderhaeghe

A cette époque, la Belgique du football n'avait qu'une lubie: préparer au mieux l'Euro qui allait, en partie, se jouer sur son territoire. Georges Leekens avait donc décidé de passer en revue un maximum de joueurs pour tenter de trouver la sélection la mieux équilibrée. Cette politique n'avait, dans un premier temps, pas permis à Didier Ernst de découvrir cet univers international, malgré des prestations abouties avec le Standard. Jusqu'à cette rencontre amicale face à l’Égypte.

Didier Ernst en action contre l'Egypte

Didier Ernst en action contre l'Egypte

"Bien sûr que je m'en souviens. Il n'y a eu qu'un match, cela aurait été con de l'oublier", sourit-il. "Je suis monté à la mi-temps à la place de Chris Janssens. Malheureusement, nous avons perdu."

Les Africains s'étaient imposés grâce à un but d'Emam au quart d'heure de jeu via une balle bien piquée au-dessus de Ronald Gaspercic. Mais pour le médian liégeois, l'important n'était pas spécialement le résultat. "Au début, je ne figurais pas dans la sélection. Il y avait eu l'un ou l'autre blessé, ce qui avait poussé Georges Leekens à me reprendre. Je me souviens bien de ce moment, j'étais en train de m'entraîner au Standard sous la bulle car il faisait froid dehors. Puis Tomislav Ivic est venu me trouver pour me dire que je devais rejoindre l'équipe nationale à Crainhem juste après le repas de midi. J'ai cru qu'il plaisantait mais quand les deux kinés m'ont dit que c'était vrai, j'ai rapidement plié bagage", sourit-il.

Cela faisait longtemps que Didier Ernst attendait ce moment. A 27 ans, il pensait qu'il ne connaîtrait jamais cette joie de représenter son pays. "Pour moi, jouer au Standard était déjà un rêve mais vous savez, je suis quelqu'un qui a les pieds sur terre, donc je n'osais même pas imaginer jouer pour mon pays. Ce n'était juste pas possible. A l'époque, plusieurs équipiers étaient souvent repris, comme Philippe Léonard, Régis Genaux ou encore Michaël Goossens mais je ne les ai jamais jalousés. Ils étaient plus forts que moi, tout simplement, et je n'avais aucun mal à le reconnaître."

Il faut dire que la concurrence était sévère. "Yves Vanderhaeghe évoluait à ma place et sincèrement, il était plus fort", convient-il. "Lorsque je suis arrivé à l'hôtel des joueurs, Georges Leekens m'a souhaité la bienvenue. Il m'a également précisé que j'aurais du temps mais il ne savait pas si j'allais commencer le match ou si cela allait être Janssens. Finalement, je suis monté en seconde période mais j'aurais préféré être titularisé car c'est plus simple, pour moi, de jouer la première période."

Le médian est alors rapidement accueilli par les autres Diables. Il n'est pas complètement perdu car il en connaît déjà quelques-uns. "J'avais déjà pas mal d'expérience mais j'avais l'impression d'être un petit jeune de 18 ans qui découvrait le football professionnel. Je suis assez timide et ce n'est donc pas facile de s'habituer à un nouvel environnement. Mes amis m'ont aidé mais j'étais quand même content que le bizutage n'existe pas à l'époque. Rien que me voir sur une chaise en train de chanter, je me sens mal (il rit). Pour vous dire, j'avais même peur de demander aux kinés de me faire un bandage. A la limite, je le faisais moi-même", se souvient-il.

Pour une première, il n'aurait pu rêver plus beau décor: Sclessin. Soit le stade où il évolue une semaine sur deux depuis déjà de longues années. "J'avais fait venir tous mes proches, comme c'était le cas lors de chaque match des Rouches."

Lors de sa montée au jeu face à l’Égypte, Didier Ernst joue son jeu: accrocheur, battant. "Le moment des hymnes a été saisissant. Mais je ne me suis pas senti à la ramasse pendant cette mi-temps, sans pour autant avoir été au-dessus du lot."

Ce moment, il s'en souvient donc encore très bien. Et il en garde quelques souvenirs. "A la fin du match, on pouvait échanger nos maillots mais moi j'ai préféré garder le mien. Il est dans une armoire avec tous ceux que j'ai pu collecter au cours de ma carrière. Ce qui est marrant, c'est que les gens que je peux croiser à Liège se souviennent encore bien de ce duel face à l’Égypte", sourit-il.

"Malgré tout, je savais bien que ça allait être difficile d'être repris une deuxième fois. Il y avait de la concurrence et puis je changeais beaucoup de places au Standard, donc je n'avais pas une position de prédilection. J'ai toujours eu les pieds sur terre et je ne me suis pas subitement vu à l'Euro 2000. Je n'ai même pas attendu les sélections suivantes avec plus d'attention. Ce n'est pas mon style."

Denis Odoi, 25/05/2012

"Dries m’a regardé et m’a demandé si c’était vrai"

Denis Odoi, actuel joueur de Fulham, a fêté ses 24 ans lors de ses premiers entraînements en tant qu’international. Il portait les couleurs d’Anderlecht au moment de sa seule et unique cape chez les Diables Rouges. Le latéral droit ne se sera jamais imposé sur le long terme mais pourra dire qu’il a connu la grande première de Marc Wilmots lors de deux amicaux: face au Monténégro et en Angleterre, où il est resté sur le banc.

"J'ai joué 90 minutes contre le Monténégro. J’étais arrivé dans la sélection juste avant. C’était la première de Marc Wilmots en tant que coach principal. Je jouais à Anderlecht et pourtant son discours ne portait que sur Saint-Trond. Il m’a dit 'Fais comme à Saint-Trond'. À mon avis son affinité avec le club a fait qu’il m’a davantage vu jouer au Stayen qu’à Anderlecht."

Denis Odoi vient de disputer le seul match de sa carrière avec les Diables.

Denis Odoi vient de disputer le seul match de sa carrière avec les Diables.

"C’était une super expérience. J’avais fait un bon match en plus. J’avais évolué à droite lors de la première mi-temps puis à gauche la seconde. Je pensais que ça avait suffi au coach pour voir ma polyvalence mais je n’ai plus été rappelé par la suite. Je n’ai pas trop bien compris pourquoi, car mon début de saison avec Anderlecht était bon. J’étais en pleine forme et donnais beaucoup d’assists. Je ne sais toujours pas pourquoi je ne n’ai plus été sélectionné. C’est dommage. Quand je suis parti à Lokeren, je me suis dis que ce n’était pas un assez grand club pour revenir dans l’équipe."

"Wilmots ne m’en a plus parlé. Il ne doit pas le faire, hein. C’est juste comme ça. Quand j’ai réalisé ma toute bonne saison à Lokeren comme latéral gauche, j’ai cru qu’il y avait une fenêtre pour que je revienne dans le groupe. Il manquait quelqu’un à ce poste. Ce vide était comblé par Jan Vertonghen. Ce n’était pas son poste naturel mais il a toujours fait ses matches."

"Je ne regrette pas l’expérience. Regardez les grands avec qui j’ai pu jouer. En plus, j’ai plein de potes en équipe nationale. Notamment Dries Mertens. Nous avons grandi ensemble. Nos carrières sont un peu similaires. Nous avons débuté en D2 pour monter progressivement. Après, il a mieux fait le job que moi", se marre le Louvaniste.

"À l’époque, Dries n’était pas le titulaire qu’il est maintenant. Le fait d’avoir été sélectionnés au même moment était très fort. Dans un toro à l’entraînement, il m’a regardé et m’a demandé si c’était vrai et si on aurait osé penser ça à l’époque. C’était un chouette feeling", conclut-il.