Le Half Marathon des Sables, dont la première édition a eu lieu à la fin du mois de septembre sur l'île de Fuerteventura (Canaries), nous a ouvert ses portes.
Plongée au cœur d'un univers atypique mais qui fait fantasmer bien des passionnés de course à pied à travers la planète !
"On trouve ici ce que la vie ne peut plus nous offrir"
Le Half Marathon des Sables (HMDS) pourrait être assimilé, pour ceux qui ne sont pas familiers du milieu de l'ultra, comme une histoire de passionnés égocentriques cherchant à tutoyer, voire dépasser, leurs limites, quitte à mettre leur santé en danger. S'il faut évidemment un grain de folie pour s'élancer chaque jour pour plusieurs dizaines de kilomètres dans le désert avec un sac pesant entre 5 et 12 kilos sur les épaules, les participants, ici comme ailleurs, ne peuvent être réduits à ce stéréotype.
À Fuerteventura, ils sont près de 300 à être venus chercher bien d'autres choses, quitte à dénouer les cordons de la bourse pour s'offrir un dossard à plus de 1.000 €.
Chausser ses baskets dans le désert, c'est d'abord pour beaucoup fuir un quotidien au rythme effréné. Entre un boulot prenant et une vie de famille qui l'est tout autant, le HMDS s'impose comme un retour aux sources. Presque une démarche spirituelle afin de se retrouver avec soi-même.
Le Français Christophe Tessier fait partie de ceux qui ont besoin de tout lâcher. Dirigeant d'entreprise, il a changé de tenue pour venir se mêler aux anonymes dans la masse des participants. Avec plusieurs Marathons des Sables dans sa besace, le Niçois envisage ces participations à un ultra comme un rendez-vous essentiel avec lui-même.
"J'ai de la chance dans la vie et je ne vais pas me plaindre. J'ai une famille, des enfants, une maison et même une piscine et l'occasion de prendre des vacances. J'ai donc tout ce qu'il faut, aux yeux d'un citoyen occidental, pour être heureux. Mais quand on a ça, on a quoi au final ? Rien d'important, même si j'ai conscience de mon privilège. Un Marathon des Sables, c'est pour moi l'occasion de te retrouver, de retourner à l'essentiel. Ici, peu importe qui on est, nous sommes seulement nous et on nous respecte pour ce que nous sommes, sans subterfuge."
L'aspect compétition, pour la toute grande majorité, passe également au second plan, loin des images que peuvent véhiculer les chaînes spécialisées. "Avec le boulot que j'ai, je ne vais pas commencer à me mettre de la pression ici", martèle un autre Français, Frédéric Droin, par ailleurs PDG de Cummins Energie Algérie dans le civil. "Si on commence comme ça, on n'y arrive pas !"
Plus que contre le chrono, c'est donc contre eux-mêmes que les coureurs d'ultra se battent. Et ce sont les nombreuses rencontres humaines au cours d'une semaine à partager leurs souffrances, joies et délires avec leurs voisins de tente et l'aventure dont ils se souviendront plus que de la symbolique médaille du finisher.
Dolores Geurts, qui a bouclé la longue étape de 63 km à un peu moins de 4km/h de moyenne, en est le parfait exemple. Tombée amoureuse de la course à pied voici seulement deux années, la résidente de Beyne-Heusay a rapidement relevé défi après défi pour, après un marathon mené doucement mais sûrement, se retrouver au départ du Half Marathon des Sables. Avec de l'envie, mais aussi beaucoup d'angoisse quant à sa capacité à relever le défi sur un terrain qui lui est a priori hostile.
"La chaleur, le sable et le trail, tout ça, ce n'est pas mon truc", confiait-elle, de façon un peu surprenante. "Je me suis même demandé ce que j'étais venue faire ici. Mais j'avais envie de vivre cette belle aventure humaine."
Sans oublier, pour d'autres, l'aspect caritatif. En se faisant parrainer, ils associent leur effort à une ou plusieurs bonnes causes et donnent un sens supplémentaire à leur défi.
Un esprit en mode survie
Une course par étapes en autosuffisance alimentaire signifie que les concurrents doivent trimballer avec eux tout au long de l'épreuve les aliments nécessaires pour tenir jusqu'au terme de la course. L'organisation impose un minimum de 2.000 kilos calories par jour et par personne, ce qui est vérifié rigoureusement avant le grand départ.
Le but du jeu est donc d'arriver à obtenir 8.000 kilos calories en un minimum d'espace et de poids. Pour ce faire, la nourriture lyophilisée est un must sur une épreuve par étapes. Certains sont des champions en la matière, faisant preuve, grâce à l'expérience accumulée par le passé, d'une organisation extrême. "Moi j'utilise des codes couleurs", nous détaille encore le Français Frédéric Droin. "À chaque jour sa couleur pour les repas. Idem pour les ravitaillements en course qui sont programmés."
Un menu visuellement et gustativement pas toujours appétissant mais qui fait l'affaire quand on a plusieurs dizaines de kilomètres dans les pattes dans le désert et le ventre affamé. Le tout à préparer dans des conditions, là aussi, rudimentaires. "Moi ce sont des pâtes carbonara au menu ce soir", indique le Floreffois Olivier Quevrin. "C'est relativement mangeable (rires) et il y a suffisamment de calories pour pouvoir s'en sortir..."
Alors quand, lors du jour du repos, l'organisation réserve une surprise à tous les participants en déboulant dans le bivouac avec un camion rempli de bouteilles de soda bien fraîches, l'euphorie est de mise. Et il ne faut que peu de temps pour que le véhicule soit encerclé de concurrents en quête de sucre. Pour peu, on se croirait sur le terrain d'une zone sous assistance humanitaire...
Conserver un minimum d'hygiène est aussi l'un des combats quotidiens des concurrents. La tâche n'est pourtant guère évidente et mieux vaut ne pas être du genre pudique. Pour corser le tout, l'importante humidité ambiante sur l'île de Fuerteventura fait que la transpiration est abondante, contrairement à ce qui peut être le cas dans le Sahara. Ici, pas d'eau en abondance et encore moins de machine à laver.
Après l'étape, les participants reçoivent tout au plus un bidon de 5 litres qui doit leur permettre de tenir, pour tous leurs besoins, jusqu'au premier check point du lendemain. Et comme les concurrents ne prennent peu ou pas de vêtements de rechange avec eux, c'est le règne de la débrouille avant de repartir pour le lendemain.
La douche relève du fantasme. Chacun y va donc de ses trucs et astuces pour se rafraîchir. "Moi j'ai opté pour les lingettes. C'est facile à transporter, c'est léger et ça permet d'économiser de l'eau", avance Edwin Cordin. D'autres percent un petit trou dans le bouchon de leur bidon, se fabriquant un semblant de douche avec un minimum d'eau. Le tout offre des scènes parfois cocasses où la pudeur, encore de mise le premier jour, s'estompe rapidement.
Un bouquet final d'émotions qui rend accro
Privation alimentaire, sommeil difficile et dépassement de soi offrent un savant mélange qui, en fin d'aventure, compose le cocktail explosif d'émotions ressenties sur la ligne d'arrivée. Ces mêmes émotions qui peuvent rendre accro à l'ultra.
Patrick Bauer, le fondateur du Marathon des Sables, se fait un plaisir d'être là pour accueillir les participants, du premier au dernier classé. "Thibaut, mon fils", nous lance-t-il dans un éclat de rires en nous voyant arriver à l'issue de l'ultime étape, que nous avons pu tester de l'intérieur.
Les bras sont levés vers le ciel, les genoux touchent le sol. Pour beaucoup, les larmes sont difficiles à retenir. Le retour sur terre prendra de longues heures. Avant, déjà, de penser au prochain défi.