De quidam à entraîneur de foot professionnel:
des années de galère




La plupart des entraîneurs de football les plus connus sont passés par une carrière de joueur. Pour les autres, passer ses diplômes et nourrir un C.V. relève parfois de l'exploit. On a rencontré ces anonymes qui relèvent le défi !

A toute théorie correspond une "exception qui confirme la règle". L'exception la plus récente aux galères des jeunes entraîneurs que l'on vous présente dans ce DH Inside est sans doute Julian Nagelsmann. Cet Allemand de 29 ans à peine n'a jamais percé comme joueur de football professionnel. Pourtant, il entraîne Hoffenheim depuis février 2016 avec un certain succès, amenant son équipe à la 5e place de la Bundesliga après 11 journées.

Lucas Spampinato, un jeune coach français de 26 ans à peine, nous explique le long processus imposé à monsieur tout le monde pour tenter de se faire une place dans ce milieu fermé. Julien Negri, un jeune employé de l'Olympique Lyonnais en mission au Viêt Nam ainsi que Serge Pohos, ex-footballeur professionnel en Asie partagé entre les diplômes d'entraîneur et la nécessité de gagner sa vie pour subvenir aux besoins de sa famille, témoignent également dans ce dossier exceptionnel.

Enfin, Patrick De Herde, qui a notamment coaché Eden Hazard à Braine, nous partage son expérience de formateur reconnu… mais non diplômé.

Chapitre 1

Devenir coach de foot, mode d'emploi

Lucas Spampinato est titulaire du diplôme UEFA A, il ne lui reste que la licence "Pro" à passer avant de se consacrer exclusivement à la pratique…

27 ans, c'est à la fois peu et beaucoup pour devenir entraîneur de football. Peu, parce que le milieu est assez fermé et réservé aux hommes d'expérience, bien souvent reconvertis après une carrière de joueur. Mais beaucoup également, car la plupart des diplômes se délivrent en trois ou cinq ans. Pas celui d'entraîneur de football, qui demande énormément d'investissement pour obtenir la licence "Uefa Pro", soit la plus reconnue en Europe, celle qui permet de coacher à tous les niveaux.

Lucas Spampinato fêtera son 27e anniversaire le 6 décembre prochain mais il n'est plus qu'à une étape du diplôme qu'il convoite depuis dix ans. Il a obtenu la licence UEFA A à la faveur de nombreux stages techniques et prépare désormais l'UEFA Pro, qui lui demande toujours plus de stages et d'investissement personnel. Entre plusieurs démarches effectuées dans l'espoir de trouver un point de chute dans un club où il pourra acquérir de l'expérience et remplir son C.V. ainsi que son carnet d'adresses, il a accepté de nous en dire plus sur ce rêve un peu fou. Rencontre avec cet amoureux du foot italien et d'Arrigo Sacchi, lui aussi parti de rien…

Commençons par la genèse de votre projet… D'où vous vient cette envie de coacher une équipe de football ?
Déjà petit, j'aimais le rôle d'entraîneur. Sur les jeux vidéos, on avait déjà des simulations avec mes amis. On jouait beaucoup sur ces jeux de manager qui voyaient le jour. Puis un jour, un ami m'a proposé de coacher des tout petit dans ma commune, en France. C'était du foot de masse, avec simplement des entrainements le mercredi et des matches le samedi. Ca m'a plu directement: la pédagogie, la relation avec les familles…

Le déclic qui a fait que vous avez voulu faire ça de votre vie ?
C'était un peu vague au niveau des diplômes à passer et j'avais peur que ce soit un caprice donc j'ai mis du temps avant de vouloir me lancer. Mais un jour, le responsable de notre école de foot, m'a dit que ce que je faisais était très bien. Je devais avoir 16 ou 17 ans. C'est là que je suis passé de l'abstrait au concret. Un an plus tard, j'avais terminé le lycée et je pouvais commencer les formations. Je n'ai pas eu le temps d'envisager d'autres études.

Que trouvez-vous de noble dans cette activité de coaching ?
La multi-activité. Il y a une largeur d'action : de la psychologie, de la pédagogie quand on travaille avec des jeunes. Prévoir ses discours, dire les choses au bon moment. Il y a aussi la gestion de l'image, la communication qui est la vitrine du magasin. Puis la tactique et la technique, bien sûr…

Pouvez-vous résumer les étapes que vous avez franchies pour obtenir vos premiers diplômes de coach ?
J'ai commencé à 18 ans, en France. Mais les diplômes sont propres à la fédération française, qui est dans sa bulle, contrairement à la Belgique où ce sont des diplômes UEFA. J'ai fini par passer les examens en candidat libre au bout de deux ans. En janvier-février 2010, juste après avoir obtenu mon premier diplôme, je suis parti en stage en Italie. Ce n'était pas obligatoire mais j'avais envie d'aller poser des C.V., de passer de la théorie à la pratique. Je suis arrivé à Citta di Castello qui était à l'époque en 4e division italienne. Ze Maria, un ancien international brésilien, venait d'arriver comme coach et il m'a permis de faire pas mal de choses avec lui. L'hiver suivant, je suis allé au Qatar pour tenter d'y prendre de l'expérience aussi mais je n'ai pas tenu.

Que voulez-vous dire ?
J'ai douté à ce moment-là, il y avait eu des plans infructueux et plusieurs difficultés qui sont arrivées en même temps. Je suis resté quelques mois sans foot, jusqu'à l'été. Puis, l'envie est revenue et en septembre 2011 j'ai passé ma thèse UEFA B en Italie car je vivais là-bas avec ma copine. Ensuite, j'ai passé l'UEFA A grâce à une série de stages. De mémoire, il fallait 2.000 heures d'expérience sur 3 ou 5 saisons d'affilée dans un rôle technique. Maintenant, je me prépare pour l'UEFA Pro pour lequel j'ai aussi de nombreux stages à effectuer. Je n'ai que 26 ans et c'est jeune pour ce diplôme mais j'avance le plus possible tant que je n'ai pas d'enfants.

Concrètement, que pouvez-vous faire avec l'UEFA A ?
Il me semble que je peux même être adjoint chez les pros. Bon, de plus en plus d'entraîneurs disposent de ces diplômes. La différence se fait surtout au niveau de l'expérience. C'est d'ailleurs pour cela que je fais un maximum de stages, notamment à l'étranger. Ce qui me motive, c'est que de nombreux clubs me laissent entendre qu'ils apprécient mon C.V. et qu'ils sont prêts à me rencontrer. J'ai notamment eu des touches pour devenir T2 d'un club de D3 grecque, j'ai un contact avancé avec Next Gen USA pour un stage chez eux, dans la formation, et on m'a également contacté pour me proposer de former des coachs en Chine, où le diplôme UEFA A est apprécié !

Vous avez aussi des expériences comme recruteur…
Ca m'attire moins, mais c'est plus facile d'en vivre. Je suis notamment allé taper à la porte de la Reggina, en 2e division italienne. Ce n'était pas nécessaire dans mon parcours mais c'est toujours bon d'élargir ses contacts. Je suis arrivé à leur centre, j'ai rencontré un responsable technique du centre de formation et j'ai demandé si je pouvais leur présenter des joueurs. Le tout sans avoir de diplôme particulier.

Comment convaincre un club de Serie B italienne de vous laisser leur présenter des joueurs ?
C'était en 2010, je n'avais pas encore de stage à mon actif. J'ai donc simplement dit qu'ils n'avaient rien à perdre. C'est le joueur qui paie son déplacement, il reste quelques jours dans le centre de formation et s'il ne convient pas, il repart. Sur les 17 joueurs que j'ai présentés, aucun n'a signé à la Reggina mais certains ont signé ailleurs pendant leur période de test. Il faut évidemment éviter d'envoyer des rigolos. Le premier que j'ai amené à la Reggina, j'étais sûr qu'il plairait et que je gagnerais leur confiance. Je n'ai jamais réussi à faire signer quelqu'un de manière définitive mais parfois, cela a coincé pour des petites blessures. J'ai aussi présenté des joueurs à Boussu Dour lorsqu'ils étaient en division 2 belge. Ces expériences n'étaient pas nécessaires dans le processus des stages que j'avais à faire mais elles m'ont permis de mettre un pied dans les clubs et d'élargir mes contacts…



Lucas Spampinato : le parcours pour devenir...



Chapitre 2

De la théorie à la pratique

Lucas Spampinato en pleine séance d'entraînement à la tête des U15 du RJ Wavre.

Si les premiers stages du cursus d'un coach sont beaucoup basés sur l'observation, les diplômes UEFA A et UEFA Pro requièrent pas mal de pratique. Lucas Spampinato a ainsi trouvé avec le RJ Wavre un club qui faisait confiance aux jeunes entraîneurs, leur offrant un espace d'expression suffisamment important pour poursuivre leur évolution. Il a accepté de nous laisser filmer l'une de ses séances d'entraînement…



Séance d’entraînement U17 au RJ Wavre : comment coache-t-on ?



Chapitre 3

Les difficultés d'un jeune coach…

Depuis ses 28 ans, Julian Nagelsmann, qui n'a pourtant jamais fait carrière comme joueur pro, est l'entraîneur d'Hoffenheim (Bundesliga) où il connaît un certain succès. Mais il est l'un des très rares coachs de moins de 30 ans à percer dans ce milieu réservé aux gens d'expérience…

Forcément, faire du coaching sa "première carrière", sans être passé par la case joueur professionnel, c'est s'exposer à des difficultés liées au déficit de crédit et au manque d'expérience. A presque 27 ans, Lucas Spampinato glane cette expérience au cours des stages compris dans son cursus. Et comme tout "étudiant" qui cherche un stage, il doit se montrer débrouillard: "Ce n'est pas forcément très dur de trouver des bons clubs qui vous laissent observer les entraînements mais il faut s'assumer à côté. Personnellement, j'essaye de trouver des clubs qui peuvent me prendre en charge, ne serait-ce qu'en me laissant dormir dans leur centre de formation… Actuellement, pour vous faire une idée, je vis sur l'argent que j'ai gagné en 2013, lorsque j'avais organisé des stages pour Italian Soccer Management, une académie italienne. J'avais alors travaillé toute l'année et ça m'a permis de vivre trois saisons sur ces rentrées-là."

A 32 ans, Julien Negri est un peu plus avancé dans son processus de développement et il est salarié de l'Olympique Lyonnais depuis quatre ans. S'assumer financièrement n'est donc plus un problème mais sa jeunesse se heurte parfois à certaines mentalités: "A Lyon, j'ai commencé par coacher les U11 et U12 mais en parallèle, j'ai voulu prendre plus d'expérience en coachant l'équipe réserve d'Ain Sud Foot. Puis j'ai été amené à faire un intérim à la tête de leur équipe première. J'entraînais donc des joueurs plus vieux que moi. Ca demande parfois un temps d'adaptation pour certains mais je suis quelqu'un qui échange beaucoup et à force de communication, tout le monde s'acclimate…"

Depuis le 15 août dernier, Julien Negri est en mission au Viêt Nam. Lyon et le Ho Chi Minh Football Club (Ho Chi Minh est la ville la plus peuplée du Viêt Nam, avec 13 millions d'habitants) ont en effet conclu un accord fin 2015. L'idée ? Envoyer un formateur français pour prendre le poste de Directeur Technique dans ce club qui vient d'effectuer son retour au sein de l'élite vietnamienne et qui souhaite s'y installer, tout en développant son centre d'entraînement. L'OL met ainsi son savoir et son expérience au service d'un club qui ne demande pas mieux que tirer les bénéfices des méthodes européennes. En échange, le club français peut se construire une image dans le marché asiatique et, pourquoi pas, en profiter pour y repérer avant d'autres grandes écuries les talents de demain. Titulaire du diplôme UEFA A, Julien Negri a accepté de relever ce challenge.

Mais comment assumer ce rôle dans un club professionnel à seulement 32 ans ? "Honnêtement, j'ai été très bien accueilli par les pensionnaires d'Ho Chi Minh. Tout le monde est très ouvert et ils accueillent avec plaisir l'aide d'un club comme Lyon. Il faut dire que je ne suis pas arrivé avec l'idée de tout révolutionner mais j'ai pris deux mois pour observer et maintenant, on commence à modifier quelques petites choses dans la façon de travailler. Pour vous donner un exemple: les séances d'entraînement des jeunes duraient entre 2h et 2h30, avec peu d'intensité et sans jamais de période de récupération. On a désormais densifié ces séances et on a récemment octroyé une première semaine de récupération aux joueurs. Cette méthode leur plaît déjà !" Et le jeune entraîneur d'ajouter: "En fait, la plus grande difficulté liée à mon jeune âge, c'est d'amener des méthodes nouvelles et modernes pour des gens qui sont parfois encore de la vieille école mais avec du temps et de la volonté, tout est possible."

Le troisième jeune entraîneur que nous avons contacté est Serge Pohos. Ancien professionnel en Malaisie, en Indonésie et en Thaïlande, il vit aujourd'hui en Belgique et passe son diplôme UEFA B tout en coach les U16 nationaux à Wavre. "Je sens qu'ils sont à l'écoute de mes conseils et c'est une facilité de bénéficier du crédit qu'offre le statut d'ancien joueur pro, que certains jeunes entraîneurs n'ont pas forcément". Mais à 33 ans, sa priorité n'est pas sur les terrains de foot: "Je fais une formation en électrotechnique à l'IFAPME. Vous savez, c'est très dur de vivre du football en Belgique et je me dois de trouver un métier pour subvenir aux besoins de ma famille. Cela dit, j'entraîne les U16 nationaux à Wavre tout en passant mon diplôme. Ca me fait des grosses journées mais je ne peux pas me permettre d'attendre une hypothétique opportunité qui lancerait ma carrière de coach."

Cette opportunité, Lucas Spampinato l'a peut-être reçue quelques jours avant la publication de ces lignes. Alors que nous l'avions déjà rencontré à deux reprises pour la confection des chapitres 1 et 2, il nous a fait savoir qu'un club de l'élite thailandaise lui avait proposé un poste de T2. Après avoir analysé le sérieux de cette offre, il fut agréablement surpris par le contrat proposé: "C'est plus d'argent que je ne l'aurais pensé, pour un championnat de l'Asie du Sud-Est, et c'est pour une durée de 3 ans. Je dois encore y réfléchir mais cette opportunité pourrait me permettre de mettre de l'argent de côté tout en atteignant mon quota de stages en vue du diplôme UEFA Pro."



Chapitre 4

Une carrière dans l'ombre, à l'étranger ?

Julien Negri, salarié de l'Olympique Lyonnais, est en mission au Viêt Nam où il enseigne les méthodes européennes en tant que Directeur Technique du Ho Chi Minh Football Club dans le cadre d'un partenariat avec les Gones.

Si elle a retenu l'attention de Lucas Spampinato, cette proposition n'était pas exactement celle dont il rêvait: "Je suis attaché à la qualité de vie dont on dispose en Europe et je rêve de percer comme entraîneur sur le Vieux Continent. Dans l'immédiat, je n'ai pas d'enfants et c'est donc tout à fait envisageable d'acquérir de l'expérience et de gagner ma vie en Thaïlande, mais je ne me vois pas faire carrière dans le foot asiatique", avoue-t-il.

Serge Pohos, lui, est déjà passé par là en tant que joueur. "J'ai commencé à jouer au Cameroun. Tous mes équipiers n'attendaient qu'une chose: une opportunité de faire leurs preuves en Europe. Finalement, un agent est venu nous proposer l'Asie et j'y suis allé avec un seul de mes équipiers. Nous y avons fait carrière alors que d'autres Camerounais, plus forts que nous, n'ont jamais pu devenir professionnels. En tant qu'entraîneur, il faut être prêt à faire les mêmes sacrifices. J'ai maintenant une famille et ce sera donc plus compliqué de partir mais si les conditions qu'on me propose en valent la peine, je le ferai. La priorité est bien sûr de vivre de ma passion en Belgique mais si je n'y parviens pas, j'actionnerai mes contacts en Asie pour tenter d'y percer dans le costume d'entraîneur."

Quant à Julien Negri, sa carrière asiatique est déjà lancée. Et la mission que lui a proposé l'Olympique Lyonnais en tant que Directeur Technique du Ho Chi Minh Football Club (Viêt Nam) lui permet d'envisager sereinement l'avenir: "C'est une mission très longue. On fera le point au bout de deux ans avec l'OL mais normalement, elle devrait durer au moins quatre ans. A l'heure où je vous parle, nous n'en sommes qu'au commencement. Voilà seulement que je prends mes marques avec mon traducteur et que j'apprends quelques mots de vietnamien pour tenter de me faire comprendre par moi-même." Après trois mois passés sur place, l'entraîneur de 32 ans se voit bien mener une carrière en Asie: "C'est un bon moyen d'évoluer car en France ou en Europe, quand on n'a pas été joueur professionnel, c'est très difficile d'accéder à ces postes-là au-delà de la CFA (4e division française, ndlr). Quand on s'exporte en Asie ou en Afrique, on a plus de possibilités car on incarne aussi quelque chose de nouveau à leurs yeux. Donc oui, clairement, à l'issue de la mission de quatre ans ce pourrait être une possibilité pour moi."

Mais avant de songer à sa carrière personnelle, Julien Negri profite pleinement des responsabilités que lui offrent sa mission. Il cache difficilement son enthousiasme au moment de nous dévoiler sa "journée-type" : "J'attaque le travail entre 7h30 et 8h, je fais un peu d'administratif le matin avant d'aller observer les séances d'entraînement des U17 et des U19, au cours desquelles je dois parfois intervenir. Il y a ensuite un débriefing avec les coachs pour affiner nos méthodes. Après la pause repas, j'enchaine avec les U12 - dont je suis l'entraîneur à part entière - et les U14. A 15h30 j'observe l'entraînement des professionnels avant de terminer ma journée par de l'administratif et par la création de carnets d'entraînement pour les coachs, entre autres choses. Le vendredi matin, on ajoute à ça une réunion pour planifier les séances de la semaine suivante et j'ai également un rôle sur des mini-académies qu'on a créé dans des écoles de la ville."

Chapitre 5

Patrick De Herde, ce non-diplômé qui a formé Eden Hazard

Le terrain de football de Braine-le-Comte, où Patrick de Herde a vu évoluer Eden Hazard.

Si Lucas Spampinato et Serge Pohos jonglent actuellement entre les diplômes et les stages tout en cherchant un moyen de s'assumer financièrement, Patrick De Herde (55 ans), issu d'une autre génération, a pu accéder plus facilement à la profession… et devenir un formateur reconnu. Interview.

A quand remonte votre passion pour l’encadrement des jeunes footballeurs ? "Cela remonte à trente ans. J’avais 25 ans et mon jeune frère jouait à Wavre Sports. Je le conduisais au match le dimanche matin. Il était étudiant à Louvain-La-Neuve à l’époque. J’ai suivi son championnat et je me suis de plus en plus intégré au club. J’étais aussi très attentif au discours du coach de mon frère à l’époque. On m’a ensuite associé à un entraîneur des minimes (NDLR : U10-U12) pour quelques séances. La saison suivante, je m’occupais seul de jeunes cadets (NDLR : U12-U14). J’ai beaucoup appris par moi-même. Trois ans après, je rejoignais le club de Braine-L’Alleud où j’ai eu la grande chance de croiser la route d’un certain Philippe Saint-Jean. Il a travaillé sept ans au RCS Brainois."

Votre propre formation s’est donc essentiellement construite sur le terrain… "Philippe Saint-Jean, qui m’a transmis encore plus de passion pour ce sport, m’a déconseillé de suivre ce qu’on appelait à l’époque les cours du Heysel. C’était assez lourd comme cursus avec un pôle unique d’apprentissage réparti sur quatre ans chaque samedi matin. Il m’a plutôt proposé de suivre l’équipe première et de faire du scouting pour lui. J’ai beaucoup appris comme cela."

La multiplication des diplômes et l’exigence de plus en plus de clubs d’avoir des entraîneurs diplômés est-elle une bonne chose selon vous ? "J’ai pas mal croisé la route de candidats-entraîneurs, surtout au RJ wavre. Le club servait de tremplin pour l’ACFF (Association des clubs francophones de football). Je pense en effet que cela permet de filtrer l’accès au poste d’entraîneur. Les personnes ont-elles la passion suffisante pour prendre des groupes de jeunes en charge et les faire évoluer ? On y répond sans doute plus facilement. Est-ce que cela change quelque chose au contenu ? Je ne pourrais pas me positionner sur la question puisque je n’ai jamais eu de théorie et de pratique enseignée."

Le regrettez-vous ? "A 55 ans, je peux dire que non. Bien sûr, je ne possède pas de diplôme pour entraîner à un certain niveau ou une équipe première malgré mon expérience. Et de plus en plus de clubs exigent au minimum le brevet C afin d’obtenir les labels délivrés par l’ACFF."

La fonction d’entraîneur a-t-elle fort évolué ces dernières années en Belgique ? "Ce que je ressens surtout sur le terrain, c’est l’évolution d’un esprit de compétition vers un esprit de formation. Et c’est une bonne chose… Maintenant, il y a toujours des entraîneurs qui sont des gagneurs à tout prix. Une attitude qui est clairement au détriment de la qualité de la formation."

En tant qu’entraîneur d’équipe de jeunes, comment garde-t-on le feu sacré aussi longtemps ? "Le plaisir de voir des enfants grandir et évoluer. La joie de leur apprendre quelque chose. C’est fort proche du monde de l’école. Je m’amuse aussi beaucoup à consulter la presse nationale ou régionale les lundis et de voir que certains jeunes que j’ai eus chez moi militent aujourd’hui en P1 ou en D3."

Vous préférez donc clairement coacher des jeunes que des équipes premières. "C’est le cas. La tranche 12-14 ans est véritablement l’âge d’or pour l’apprentissage du football. Il y a une grande réceptivité en face, les gosses sont encore dans la magie… Ils se connaissent très bien et voient leurs limites. Cela ne les empêche pas de rêver pour autant. Avec la post-formation et les seniors, les contacts sont déjà différents ainsi que l’ambiance générale. A titre personnel, je trouve l’expérience moins gaie."

Avec votre expérience les bons ou les mauvais coaches vous les sentez directement… "Je suis toujours très attentif à la manière avec laquelle l’entraîneur parle à son groupe durant le match. A mes yeux, l’essentiel s’y retrouve. Quelle pédagogie va-t-il mettre en place pour pousser l’enfant ou le groupe, pour les mettre devant leurs responsabilités ? Vous savez un gamin qui est à la base d’une perte de balle qui coûte un but à son équipe, il sait qu’il est en tort sur cette action. Cela ne sert à rien de vociférer sur le bord du terrain. Laissons retomber l’émotion et quelques minutes plus tard dialoguons avec lui pour lui donner des clés afin de ne plus commettre cette erreur. A cette âge-là, il faut toujours encourager ! Les coaches de type piles électriques, très peu pour moi…"

Vous avez eu Eden Hazard sous vos ordres. Quand on est coach peut-on se dire "celui-là il va cartonner plus tard" ? Ou la route est trop longue encore jusqu’au professionnalisme ? "Moi, j’ai eu Eden en U14. Il a d’ailleurs été rattaché aux U15 tellement il était fort. Honnêtement ? Jamais je ne lui aurais prédit un tel avenir ! La talent était certes présent mais j’ai croisé des joueurs qui étaient meilleurs que lui. Mais, à ce niveau-là pour ces joueurs, le cadre familial n’était peut-être pas adéquat ou les parents ne pouvaient pas assurer une présence suffisante pour l’exigence de plusieurs entraînements par semaine en plus du match. Conclusion : on ne peut faire aucun pronostic sur l’avenir d’enfants de 12, 13, 14 ans…"

Nicolas

Christiaens


Journaliste

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