Gilbert et le Tour,
l’amour vache

Philippe Gilbert et le Tour de France, c’est une histoire faite d’amour et de haine. Quatre ans après sa dernière participation, le Remoucastrien s'alignera ce samedi au départ de sa 8e Grande Boucle.

Le Liégeois n’a jamais vraiment porté le Tour dans son coeur, même si, alors qu’il était jeune professionnel, en 2004, ce fut pour lui une frustration de le voir partir de Liège, puis passer devant chez lui à Remouchamps.

De 2005 à 2008, le Wallon a couru à quatre reprises la Grande Boucle sans trop de résultats avant d’y revenir en 2011, son année grandiose. Après avoir snobé la Grande Boucle dès 2009 pour privilégier la Vuelta, idéale à ses yeux pour préparer le Mondial où il a toujours considéré, à juste titre, avoir plus à gagner, Gilbert était retourné au Tour par la grande porte. Au Mont des Alouettes, l’Ardennais remporta la première étape et conquit le maillot jaune (ainsi que le vert et celui à pois).

Ce fut quasi le dernier grand fait d’armes de l’ancien n°1 mondial sur les routes de la Grande Boucle car, contrairement au Giro et à la Vuelta, Gilbert n’a que rarement donné l’impression de s’amuser au Tour. Chez BMC, il a souvent dû s’y plier à la tactique d’équipe qui privilégiait le leader, Cadel Evans ou Tejay Van Garderen. Physiologiquement, il n’est pas, non plus, fait pour la course au maillot jaune, le Wallon est de ceux qui ne s’améliorent pas au fil des trois semaines d’un grand tour...

Absent depuis 2013, l’ancien (double) champion de Belgique et du Monde revient donc cette année au Tour de France, au sein d’une équipe Quick Step Floors où il a retrouvé le goût de courir et ses jambes de vingt ans, pour une huitième participation. Petit rappel des sept épisodes précédents.

TOUR 2005 (70e à 2h24:00)

Crime de lèse-majesté

Jugé trop jeune pour débuter l’année précédente à Liège (il n’avait que 22 ans), Gilbert dispute son premier Tour au départ de Vendée sous le maillot de la Française des Jeux. Il termine 165e (à plus de 3 minutes), le chrono inaugural.

Des premiers pas difficiles, avec quand même deux cinquièmes places, à Mulhouse (9e étape), après le passage des cols vosgiens et à Pau (16e étape), où il s’est glissé dans une échappée. À Paris, le jeune Liégeois provoque l’ire d’Armstrong et de son équipe, occupés à fêter le 7e succès du Texan (qui, comme les autres lui sera enlevé pour ses aveux de dopage). Malgré le crachin qui tombe, Gilbert attaque aux portes de Paris où les Discovery veulent entrer en tête.

Dans la poursuite de l’insolent Liégeois, les partenaires d’Armstrong chutent et le maillot jaune lui-même échappe de peu à la culbute. Trois mois plus tard, Gilbert paiera ce crime de lèse-majesté dans la finale de Paris-Tours où Stijn Devolder, alors coureur de Discovery, finit par ne plus le relayer. Les deux hommes sont repris à cent mètres de la ligne...

TOUR 2006 (109e à 3h12:06)

La rage au Cauberg

Terrible désillusion le 4e jour, à Valkenburg où le Liégeois voulait gagner la veille de son 24e anniversaire. Dans le Cauberg, dont il sera le roi dans quelques années, il est le dernier à tenir la roue de Kessler (futur… dopé). Mais il lâche prise, car il a dû auparavant effectuer, sur le vélo d’un équipier, un incroyable effort pour revenir au pied de la dernière côte, après avoir chuté à quelques kilomètres du but.

La suite du Tour s’apparente à un calvaire, à l’image de la 16e étape où, tandis que Rik Verbrugghe se brise le fémur, il doit, pour arriver à Gap une demi-heure après Pierrick Fedrigo et peu avant la fermeture des délais, rouler seul cent kilomètres devant le camion balais. Cinq jours plus tard, il attaque encore sur les Champs-Elysées. Meilleur résultat : une 15e place le 3e jour…

TOUR 2007 (abandon)

Grosse fatigue

Le Tour part de Londres. À Gand, Philippe Gilbert est 14e, en queue du groupe dominé par Gert Steegmans. Avec Sylvain Chavanel, il anime la 5e étape: 130 km d’échappée pour le tandem repris par un peloton survolté à la suite de la chute de Alexandre Vinokourov, un des favoris.

Six jours plus tard, Le Liégeois est à l’attaque dans un petit groupe qui semble bien parti, quand une bordure brise encore le peloton et provoque son accélération. Rejoint, il finit 8e au sprint. Cette débauche d’efforts a épuisé le Wallon. En Ariège, il renonce au matin de la 15e étape, à Foix. La veille, lâché dans les cols pyrénéens, il avait failli terminer hors des délais au Plateau de Beille.

TOUR 2008

Si près, si loin...

Philippe Gilbert termine deuxième le premier jour au sommet de la côte de Plumelec, mais loin derrière l’intouchable Alejandro Valverde. Le lendemain, il chute dans le dernier kilomètre et perd toute chance de revêtir le maillot jaune dont il rêvait.

Blessé à la selle, il traîne sa douleur et sa misère ensuite (meilleur résultat : 49e), mais se refait quelque peu une santé sur la fin du Tour.

TOUR 2011 (37e à 1h14:51)

Dans la légende

Dans la spirale d’une année exceptionnelle, celui qui est devenu Monégasque d’adoption entre temps, revient au Tour en N°1 mondial. Au printemps, il a réussi un formidable quadruplé dans les classiques ardennaises, puis est devenu champion de Belgique.

Au Mont des Alouettes, en Vendée, c’est avec le maillot tricolore sur le dos qu’il survole la fin de la première étape. Il devient le 80e coureur de l’histoire à gagner au moins une étape sur chacun des trois grands tours et s’empare du maillot jaune qu’il doit abandonner le lendemain dans le chrono par équipes, aux Herbiers.

La suite est moins euphorique même s’il conquiert six top-10, dont deux deuxièmes places et aide son ami Jelle Vanendert à gagner au Plateau de Beille.

TOUR 2012 (46e à 1h41:35)

La prophétie d'Eddy

Gilbert est passé chez BMC. C’est l’époque où Eddy Merckx répète que, s’il maigrissait, le Liégeois pourrait lutter pour la victoire au Tour, ce que John Lelangue, le directeur sportif de l’équipe américaine, pense pouvoir mettre en oeuvre...

L’année est pourtant compliquée pour l’ancien n°1 mondial qui devra attendre septembre pour gagner une première fois. Au Tour, après un excellent prologue (9e), à Liège, il doit se contenter de la 4e place sur les hauteurs de Seraing, dans un final taillé pour lui, où un certain Peter Sagan enlève sa première victoire d’étape.

Gilbert finira encore 4e à Foix, où Luis Leon Sanchez s’est montré le plus costaud du groupe d’échappés dans lequel se trouvaient les deux hommes. A trois jours de l’arrivée, il chute et se blesse à la main, à cause d’un chien non tenu en laisse.

TOUR 2013 (62e à 2h07:11)

Le Tour de l'ennui

Une 5e place à Calvi, le 3e jour, une 8e à Gap, deux semaines plus tard, ce sont les rares résultats du Wallon porteur du maillot arc-en-ciel. Le véritable fait d’arme de Philippe Gilbert durant ce 100e Tour de France, où il avoue son ennui et regrette publiquement la tactique de BMC qui l’empêche d’attaquer, c’est d’avoir signé pendant la course un contrat le prolongeant de trois saisons dans la formation américaine.

Le Tour vire par ailleurs au cauchemar pour les hommes de John Lelangue, qui sera débarqué, deux jours après l’arrivée. Cadel Evans et Tejay Van Garderen finissent 39e et 45e. Philippe Gilbert, lui, mettra quatre ans pour revenir sur la Grande Boucle.