Troisième épisode de notre série Histoires de Diables.
Jusqu'au Mondial en Russie, tous les quinze jours, la DH vous raconte la belge histoire d'une star de notre équipe nationale.
Après Romelu Lukaku et Thierry Henry, place à Thorgan Hazard.
"Vous verrez, Thorgan est meilleur que moi". Combien de fois Eden Hazard a-t-il prononcé cette phrase ? Lui seul le sait. Au-delà du côté chambreur, l'affirmation traduit finalement assez bien la relation forte entre les deux aînés. Elle s'est construite dans la maison familiale avec en victimes collatérales les figurines de la maman Carine mais aussi en France quand l'un était à Lille et l'autre à Lens.
Souvent, Thorgan prenait le train pour aller voir son frère qui, une fois que son cadet a eu son permis, lui a offert sa première voiture, une Mini, son ancien véhicule. Le tout sans la moindre once de jalousie. "Parce que Thorgan est le premier à être content de la réussite de son frère. Après, ce n’est pas toujours facile. À lui de se faire un prénom", nous avait expliqué le papa Thierry en mai 2011 au moment du premier portrait d'un Thorgan qui "n'a pas peur d'aller secouer Eden".
"On avait vu les photographes, on s'était dit: prends-moi dans les bras"
Quand Eden a signé à Chelsea, Thorgan était là, observateur attentif des premiers pas de la vie londonienne d'Eden. Comme Eden l'a été lors des grandes premières de son frère : présent dans les gradins de Felix Bollaert en mai 2011 pour la première apparition dans le groupe de Thorgan, l'aîné avait aussi pris un vol privé pour assister à la finale de Coupe de Belgique de Zulte, contre Lokeren. Il a même été parfois l'un des acteurs de ses premières.
La qualification à l'Euro 2016 restera comme leur première convocation commune en sélection marquée par une blessure de Thorgan mais aussi par ce goût de la mise en scène qui les amuse : "on avait vu les photographes, on s'était dit: "prends-moi dans les bras" ou plus récemment cette première titularisation ensemble devant Chypre, avec un Eden persuasif: "Si j'étais coach, je mettrai Thorgan à la place de Carrasco".
- Marc Westerloppe assiste à un match entre Tubize et le Brussels quand il tombe sous le charme de Thorgan Hazard. Mais celui qui est à l'époque recruteur pour le RC Lens a, pour une fois, un coup de retard sur son voisin lillois. "Thorgan y a même passé des tests mais nous n'avons plus trop eu de nouvelles", explique Thierry Hazard. "Le fait qu'Eden soit déjà au Losc a joué un rôle. Ni nous, ni Lille ne voulions qu'on puisse établir un parallèle. C'est mieux ainsi, chacun a pu tracer son propre chemin ".
Celui d'Hazard épousera les contours d'une génération dorée avec en guise de coéquipiers Serge Aurier, Geoffrey Kondogbia ou encore Raphaël Varane. "Au centre, il faisait pas mal de petites conneries, c'est un filou, il faut s'en méfier", nous a confié, amusé, le défenseur du Real "Mais à chaque fois, il se faisait griller par les coaches".
"Débuter au Vélodrome, ce n'était pas forcément un cadeau"
“Il chambrait beaucoup mais on marquait les temps. Quand il fallait travailler, on travaillait”, se souvient Olivier Bijotat, qui l’a dirigé durant 4 ans à Lens. “J’aime bien son humour, c’est un blagueur et en tant qu’éducateur, je rebondissais sur ses propos. Il est dans la dérision.” Laszlo Bölöni, qui l’a fait monter en pro, a également été conquis : “Il a un sens prononcé de l’humour, de la provocation et a de la répartie. J’aime toutes ces qualités-là.”
Jean-Louis Garcia, le successeur du Roumain, offrira à Hazard sa première titularisation contre Marseille, au Vélodrome le 25 octobre 2011. Sur le coup, le joueur nous confie sa déception : "Ce ne sera pas forcément un très bon souvenir, vu qu’on a perdu 4-0, cela fait mal”. Plus tard, il avoue "ce n’était pas forcément un cadeau, mais il faut bien jouer un jour. J’avais tenté deux ou trois gestes, mais j’avais Fanni au marquage. Ce n’était pas simple pour un premier match. On n’avait rien à perdre, le coach m’avait lancé. J’étais content de débuter au Vélodrome.”
En tout, Hazard dispute cette saison-là 15 matches. Avant de céder à l'appel de Londres.
15 septembre 2012. OHL reçoit Zulte Waregem. Et la Belgique découvre un milieu créatif, qui multiplie les courses et n'hésite pas à frapper au but. Thorgan Hazard vient de signer une entrée fracassante en Pro League. Deux semaines plus tard, il délivre ses deux premières passes décisives contre le Lierse, sous les yeux de Marie.
"Avant, il y avait beaucoup de discussion autour de moi vu la notoriété de mon frère. Malgré les louanges d’Eden à mon égard, personne ne me connaissait", confie-t-il. "J’ai disputé à peine quelques matches à Lens. Je n’avais pas assez joué pour montrer ma valeur aux gens. J'étais fort attendu". Par le grand public mais aussi par le milieu.
"Quand il a signé, on s’est dit Hazard à Zulte, cela va peut-être changer la mentalité, il va peut-être se la raconter un petit peu”, avoue Franck Berrier. “Mais ce n’était pas du tout le cas. Au contraire. Cela m’a vraiment fait plaisir. Il a une super mentalité”.
Dans son sillage, Zulte Waregem passe tout près du titre lors de l'ultime match des PO à Anderlecht. "On a été champion pendant quelques minutes. Cela reste en travers de la gorge de tous les joueurs. Sur le moment, c'est bizarre, on se dit qu'on a quand même fait une bonne saison, on fête avec les supporters après le match. Mais en y repensant, on est passé à côté d'un titre. Il y a eu la Coupe aussi l'année suivante", avoue le milieu au moment de faire le bilan sur ces deux années à Waregem qu'il résume ainsi: "C'est là où tout à commencé pour moi. J'ai montré le joueur que j'étais. Ce n'était pas facile de revenir en Belgique car je savais qu'il y aurait des comparaisons. Mais cela s'est très bien passé avec deux très belles années."
Et Hazard n'a qu'à regarder le Soulier d'Or qui trône dans le hall de sa maison pour se les remémorer.
En ce mois de janvier 2014, le suspense autour de l'identité du futur Soulier d'Or n'existe même pas. Grand favori, Thorgan Hazard remporte le trophée avec 372 points, loin devant Maxime Lestienne (154).
"J'étais malade le matin à cause de toute l'histoire du transfert"
Sauf que ce qui devait être une fête devient l'une des scènes finales de son départ avorté à Anderlecht. "Ce jour-là, j’étais malade le matin surtout à cause de toute l’histoire du transfert. On parlait beaucoup trop de moi, j’en étais mal. C’était la journée la plus mouvementée de ma carrière. Après, avec du recul, cela reste une belle soirée, même si cela parlait tout le temps transfert. C’est vrai qu’on a parlé plus du transfert que du Soulier d’or. Mais ce n’est pas moi qui l’ai décidé. Ce n’était pas une bonne période pour moi, on parlait beaucoup, cela traînait trop et c’est pour ça qu’à la fin, ça m’énervait et que j’ai dit que je restais à Zulte Waregem", nous a expliqué le joueur un an après son sacre.
Si Marie, qui n'est pas encore son épouse, le trouve "nerveux", le lauréat préfère garder le positif. "Quand je suis arrivé à la soirée j’espérais le gagner. Mais quand j’ai vu les votes du premier tour, je me suis dit que j’allais peut-être ne pas le gagner. Maxime Lestienne était loin devant, je ne pensais pas l’avoir… Quand j’ai vu que c’était moi, j’étais bien sûr content et surpris. C’était marrant parce qu’on se regardait tout le temps avec Max, on en rigolait. C’était une bonne soirée, il y avait plein de potes à moi: Michy, Mpoku, Mbaye, Max beaucoup de gens que j’apprécie. Une fois que j’ai gagné, c’était quand même un peu impressionnant avec toutes les interviews, les journalistes, je ne m’attendais pas vraiment à ça. Mais je n’avais rien fait de spécial pour le fêter car c’était la première fois qu’on laissait notre fille à la maison toute seule, on voulait vite rentrer et quand on est rentré, elle dormait."
Eté 2014. Thorgan Hazard sort de deux saisons pleines. La poursuite de sa progression linéaire passe par la découverte d'un nouvel horizon. D'un nouveau championnat plus relevé : direction Mönchengladbach où il est prêté sans option d'achat. Son objectif ? "Je veux devenir une machine", assène-t-il avant de clamer avec assurance "Mönchengladbach, c'est mon choix".
Mais aussi celui de travailler sous les ordres de Lucien Favre avec qui il apprend beaucoup. "C'est un perfectionniste, parfois, il me disait des choses que personne ne m'avait jamais dites avant", racontera le Diable au sujet du Suisse.
Huit mois après son arrivée, son prêt se transforme en transfert définitif et le Borussia investit sur lui 8 millions d'euros. "Le premier transfert du papa", se marre Thorgan qui prend ses marques durant sa première saison qui fut collectivement une réussite avec une qualification en Ligue des Champions.
Sa deuxième saison sera faite d'un autre apprentissage: le remplacement de Lucien Favre par André Schubert le relègue sur le banc. "Il accepte la situation", nous expliquera au moment de tordre le cou aux rumeurs de départ le papa "mais il a redoublé d'efforts aussi". Au point de terminer l'exercice 2015/16 dans la peau d'un titulaire et d'un réserviste pour l'Euro. De quoi aiguiser encore un plus son envie de Russie…
"Thorgan nous avait envoyé un message pour nous dire d'essayer d'arriver à l'heure et nous avons alors compris qu'ils allaient débuter tous les deux". Thierry Hazard sourit. Le 10 octobre 2017 restera comme une date à part dans l'histoire de la famille Hazard mais aussi dans celle du football belge. Après avoir passé leur temps à se croiser, la faute aux blessures, Thorgan et Eden ont fini par enfin être titularisés ensemble. Comme des grands, le jour de la sixième sélection de Thorgan célébrée par son premier but en Diable.
Si Michy Batshuayi s'est un peu retrouvé dans la peau de Kylian qui, dans le jardin familial, ne touchait pas beaucoup le ballon ("mais on l'avait prévenu", se marre Thorgan), la complicité entre les deux frères a été frappante. Telle le prolongement de leur relation. "J'ai toujours dit qu'Eden avait forgé le caractère de Thorgan. Plus jeune, Thorgan devait se mesurer à un frère qui était meilleur que lui", souligne le papa, Thierry. "Eden n'a cessé d'aider son petit frère en lui donnant les meilleurs conseils". Et il espère maintenant partir à la conquête du monde avec lui.