Hazard,
prénom Thorgan

Troisième épisode de notre série Histoires de Diables.

Jusqu'au Mondial en Russie, tous les quinze jours, la DH vous raconte la belge histoire d'une star de notre équipe nationale.
Après Romelu Lukaku et Thierry Henry, place à Thorgan Hazard.

Son histoire est une saga familiale débutée dans l'ombre de son frère Eden.
De Braine-le-Comte à Mönchengladbach, retour sur une trajectoire moins fulgurante mais ascendante, celle de Thorgan Hazard.

Une histoire de famille

"Vous verrez, Thorgan est meilleur que moi". Combien de fois Eden Hazard a-t-il prononcé cette phrase ? Lui seul le sait. Au-delà du côté chambreur, l'affirmation traduit finalement assez bien la relation forte entre les deux aînés. Elle s'est construite dans la maison familiale avec en victimes collatérales les figurines de la maman Carine mais aussi en France quand l'un était à Lille et l'autre à Lens.

Souvent, Thorgan prenait le train pour aller voir son frère qui, une fois que son cadet a eu son permis, lui a offert sa première voiture, une Mini, son ancien véhicule. Le tout sans la moindre once de jalousie. "Parce que Thorgan est le premier à être content de la réussite de son frère. Après, ce n’est pas toujours facile. À lui de se faire un prénom", nous avait expliqué le papa Thierry en mai 2011 au moment du premier portrait d'un Thorgan qui "n'a pas peur d'aller secouer Eden".

"On avait vu les photographes, on s'était dit: prends-moi dans les bras"

Quand Eden a signé à Chelsea, Thorgan était là, observateur attentif des premiers pas de la vie londonienne d'Eden. Comme Eden l'a été lors des grandes premières de son frère : présent dans les gradins de Felix Bollaert en mai 2011 pour la première apparition dans le groupe de Thorgan, l'aîné avait aussi pris un vol privé pour assister à la finale de Coupe de Belgique de Zulte, contre Lokeren. Il a même été parfois l'un des acteurs de ses premières.

La qualification à l'Euro 2016 restera comme leur première convocation commune en sélection marquée par une blessure de Thorgan mais aussi par ce goût de la mise en scène qui les amuse : "on avait vu les photographes, on s'était dit: "prends-moi dans les bras" ou plus récemment cette première titularisation ensemble devant Chypre, avec un Eden persuasif: "Si j'étais coach, je mettrai Thorgan à la place de Carrasco".

De Braine-le-Comte à Tubize...

Le sport comme moteur. Chez les Hazard, il fait partie des gènes de la famille. Tous deux profs de gym, Carine et Thierry ont tâté du ballon. À haut niveau. Fils d’un membre fondateur du Stade Brainois en 1969, le papa fut même semi-pro quand il porta le maillot louviérois en D2. Fille d’un champion de Belgique cycliste amateur, la maman remisa ses crampons quand Eden s’annonça. Et c’est logiquement sur le terrain du Sans Fond, dans le prolongement du jardin de la maison familiale à Braine-le-Comte, que l’aîné tapa dans ses premiers ballons.

C’était en 1995. Thorgan suivit, avant Kylian et Ethan, la suite de la fratrie. Il fit ses premiers pas de footballeur dans les empreintes cramponnées du fils prodige. Une belle histoire. Qui prend donc racine dans le Comté de Braine, verte petite commune hennuyère. Et qui sortit de terre 10 km plus au Nord, de l’autre côté de la frontière brabançonne, dans le jardin du puissant club voisin, à Tubize…

“Son grand-père a carrelé la buvette du club”

Alain Pauly, président du Stade Brainois
Alain Pauly et Pascal Delmoitiez au terrain de Braine-le-Comte, devant la maison familiale des Hazard.

Alain Pauly et Pascal Delmoitiez au terrain de Braine-le-Comte, devant la maison familiale des Hazard.

Dissocier Thorgan Hazard de Braine-le-Comte est impossible. Alain Pauly, président du club hennuyer, et Pascal Delmoitiez, délégué du RSB, feuillettent les pages du matricule 343, éleveur de champions…

C’est à 50 kilomètres au Sud-Ouest de Bruxelles, à Braine-le-Comte, qu’on retrouve le camp de base de la famille Hazard. C’est là, dans l’Avenue du stade, tout un programme, qu’ont grandi, dans une belle maison aux briques rouges, Eden, Thorgan, Kylian et Ethan. Depuis leur jardin, il suffisait aux enfants de Thierry et Carine de franchir une petite barrière pour partir jouer sur le Sans Fond, le terrain du Royal Stade Brainois, le club local qui a retrouvé le niveau national cette saison.

“Mais l’histoire entre les Hazard et le Stade Brainois date de bien avant l’éclosion d’Eden”, relate Alain Pauly, président du club. “Francis Hazard, le grand-père des quatre frères, était l’un des membres fondateurs du Royal Stade Brainois en 1969. Comme moi, c’était un comitard qui s’est investi dans le club. À certaines périodes, le Sans Fond était sa deuxième maison. Carreleur de métier, il a travaillé dans la construction de notre buvette. Il n’a pas chômé. C’est lui qui a posé le sol de cette dernière.”

“Il était connu dans toute la ville”, enchérit Pascal Delmoitiez, l’actuel délégué du club, qui n’a raté que trois matches de l’équipe première depuis 1969. “En été, il s’intéressait à la balle pelote et en hiver au football.” Et c’est donc en toute logique que la génération suivante a enfilé les crampons au Sans Fond. “Thierry Hazard a évolué chez les jeunes et en équipe première avant de poursuivre sa progression à La Louvière notamment. Il est revenu chez nous lors de notre dernière saison en Promotion avant d’endosser le training d’entraîneur. Maintenant il est officiellement directeur sportif.”

Et après avoir connu Francis et Thierry, les deux chevilles ouvrières du club brainois allaient découvrir au milieu des années 90 l’un des plus grands talents de l’histoire du football belge: Eden Hazard. Bientôt suivi par Thorgan, son petit frère…

Alain Pauly s’en souvient comme si c’était hier : “Eden, j’en ai entendu parler pour la première fois quand mon fils, Michaël, qui coachait les Diablotins du club, est revenu d’un entraînement en me disant: ‘Papa, j’ai un extra terrestre dans mon groupe, tu dois venir voir’. Thorgan a suivi quelques années après. Il n’a pas suscité le même émerveillement chez les entraîneurs mais il possédait aussi un gros potentiel…"
Pascal Delmoitiez est, lui, vite tombé sous le charme du futur Diable…

"Comme Eden, Thorgan possédait aussi quelque chose en plus que les autres. Mais ce que j’adore chez les Hazard, c’est qu’il n’y a pas de jalousie et aucune comparaison entre les frères. Chaque fils fait son petit bonhomme de chemin. Je
possède une bibliothèque qui compte plus de 1.800 livres et j’ai un jour demandé à Thierry pour quand était prévu un bouquin sur Eden car cela manquait dans ma collection. Il m’a répondu, tout naturellement, que si un jour un livre devait voir le jour ce ne serait peut-être pas sur l’aîné de ses fils mais bien un sur la famille Hazard.”

Le Sans Fond, terrain des premiers pas footballistiques de Thorgan.

Le Sans Fond, terrain des premiers pas footballistiques de Thorgan.

"Petit, Thorgan était fort hargneux"

Michaël Marcou, son premier entraîneur à Braine-le-Comte
Michaël Marcou, ami de la famille, organise notamment le Hazard Tournament.

Michaël Marcou, ami de la famille, organise notamment le Hazard Tournament.

Premier entraîneur de Thorgan, baby-sitter des trois frères et ami proche de la famille, Michaël Marcou est un témoin privilégié quand on parle des Hazard…

Ceux qui connaissent Thierry Hazard ont déjà entendu le papa d’Eden, Thorgan, Kylian et Ethan dire : “J’ai quatre enfants... et le grand Mika”. Mais qui est donc ce “grand Mika”? Il s’agit de Michaël Marcou (35 ans), un ami proche de la famille Hazard depuis presque 20 ans.

“Quand j’avais 16 ans, j’entraînais au Stade Brainois”, relate le Brabançon. “Je connaissais Thierry qui était prof de gym. C’est lui qui m’a guidé lors de mes débuts comme formateur. J’habitais à 500 mètres de la maison des Hazard et comme je ne possédais pas encore mon permis, c’est Thierry qui me ramenait. Mes parents étaient divorcés et je n’ai pas eu de contact avec mon père génétique. Lors de mon adolescence, c’est Thierry qui a pris ce rôle et qui m’a servi de guide. Je le considère comme un papa. Je suis devenu le baby-sitter des enfants, Thierry et Carine me laissaient les clés de leur maison et nous sommes toujours restés très proches.”

En plus de ce lien affectif, Michaël sera aussi le premier entraîneur de Thorgan Hazard au Stade Brainois : “Petit, Thorgan était fort hargneux, il voulait toujours tout gagner. Il a travaillé comme un malade pour arriver où il se trouve. Parfois j’ai l’impression qu’il possède trois poumons tellement il peut courir sur un terrain. Il mérite vraiment ce qui lui arrive.”

Proche du clan Hazard, l’ancien éducateur de l’AFC Tubize connaît très bien le caractère du deuxième fils de la famille: "Je me souviens lors des baby-sittings qu’on pouvait détourner Thorgan du football avec des jeux de société. Eden, c‘était quasiment impossible…"

Même s’il avoue ne pas être un témoin 100% impartial quand on parle des Hazard, Michaël Marcou trouve que le succès n’a pas fait changer la manière d’être de la tribu Hazard. “La famille est toujours restée les pieds sur terre, personne ne s’est jamais emballé. Thierry et Carine habitent toujours la même maison à Braine-le-Comte, vont toujours dans le même camping en France pendant les vacances. Thorgan ne se prend pas la tête non plus. Il est tranquille. Je trouve même que Thorgan a parfois meilleure pub qu'Eden en Belgique. C’est peut-être parce qu’il a joué en Pro League. Thorgan n’est pas la personne la plus expressive sur terre ou le joueur le plus demandeur d’interviews. Mais s’il s’engage à faire quelque chose, il s’y tient.”

Et quand toute la famille parvient à se retrouver, le football revient naturellement sur la table au moment des discussions.
“Les trois frères se racontent les anecdotes de leurs clubs. Comme Eden a trois enfants et Thorgan deux, les sujets de discussion peuvent maintenant s’éloigner du foot.”

"Thorgan ne lâchait jamais rien que cela soit en match ou en entraînement"

Fathi Ennabli, son formateur à l'AFC Tubize
Benito Macchione et Fathi Ennabli ont connu Thorgan à Tubize.

Benito Macchione et Fathi Ennabli ont connu Thorgan à Tubize.

Fathi Ennabli et Benito Macchione, formateurs à Tubize dans les années 2000, ont connu le petit Thorgan à l'AFC

Le rendez-vous avait été donné au lieu-dit le Chalet sur les hauteurs de Tubize. Il suffit de faire quelques mètres dans le complexe des jeunes du club brabançon pour tomber sur une fresque d’Eden Hazard peinte sur un vieux mur en briques d’un vestiaire d’un autre temps. Une peinture qui rappelle à chaque visiteur que la star de Chelsea mais aussi son frère Thorgan ont été formés chez les Sang et Or.

Fathi Ennabli et Benito Macchione, formateurs au club tubizien lors de l’arrivée du trio Hazard en 2003, prennent la pose avant d’ouvrir leur boîte aux souvenirs pour évoquer le passage de Thorgan dans le club brabançon…
“À 12 ans, Eden a rejoint Tubize avec ses deux frères, Thorgan et Kylian”, se souvient Fathi Ennabli, qui a commencé à entraîner en 1996 à Tubize où il a occupé la fonction de responsable de l’école des jeunes et qui est maintenant à Rebecq.

"Les enfants Hazard ont toujours aimé le football”, poursuit Benito Macchione. “Ils jouaient le samedi avec les nationaux et si un joueur manquait chez les provinciaux le dimanche, ils étaient toujours prêts à dépanner même si ce n’était pas dans la meilleure équipe. Ce qui les intéressait c’est le jeu. À l’époque, Tubize possédait un accord avec Saintes, un petit club de la région pour prêter des joueurs quand leurs équipes n’étaient pas complètes. Le niveau ne volait pas très haut mais Eden et Thorgan y sont allés pour faire plaisir.”

Ayant passé des heures et des heures sur les terrains de foot à former des jeunes, les deux éducateurs brabançons ne peuvent cacher leur joie quand ils évoquent la réussite de Thorgan: “En tant que formateur cela fait plaisir de voir le niveau qu’il a atteint. C’est le même sentiment pour d’autres joueurs qui sont passés par Tubize et qui évoluent maintenant en D1 ou en D2. Avec de petits moyens, l'AFC a participé à l’éclosion de beaucoup de joueurs. Il faut se souvenir qu’à l’époque Tubize possédait un synthétique avec du sable où le moindre tacle te brûlait, un deuxième terrain boueux et de minuscules vestiaires...”

Pour faciliter les déplacements et ne pas devoir courir à gauche et à droite, la famille Hazard a déplacé les trois frères en même temps à Tubize. Thorgan Hazard a donc débuté son parcours dans le Brabant wallon dès les U7... “Il possédait déjà un gros bagage technique”, se remémore Fathi Ennabli. “Mais le plus marquant chez lui, c’était son physique. Il possédait un gros volume de jeu avec de la vitesse et de l’endurance. Sans oublier sa polyvalence. Thorgan pouvait être placé à gauche, à droite, devant, derrière, il donnait toujours satisfaction. Et je n’oublierai jamais sa force de caractère. Il ne lâchait jamais rien que cela soit en match ou en entraînement. Que cela soit un cône, un équipier ou un entraîneur, s’il fallait passer à travers pour récupérer un ballon, il y allait. Et même si c’était son frère en face de lui, il ne prenait pas de gants. Quand on effectuait en interne des oppositions, Thorgan ne se posait aucune question s’il devait un peu secouer Eden. Vu son style, il fallait parfois un peu piquer Eden pourqu’il donne le meilleur de lui, avec Thorgan je n’aurais pas osé, par peur de sa réaction. Fougueux comme il était, il m’aurait retourné un adversaire. Mais je n’ai jamais décelé de la jalousie entre les frères. Chacun menait sa barque…”

Responsable de l’école des jeunes à Tubize pendant une certaine période, Thierry Hazard a également entraîné Thorgan. Une proximité pas toujours facile à gérer comme l’explique Benito Macchione. “Thierry a entraîné Thorgan en U11. Parfois il était trop nerveux et trop dur avec son fils. C’est une situation qui n’est jamais facile d’avoir son fils comme joueur. Thierry ne voulait pas que les parents parlent de favoritisme pour Thorgan et il se montrait donc plus exigeant avec lui qu’avec les autres. Maintenant, il est plus calme quand il voit ses enfants jouer.”

Les deux anciens formateurs estiment que Thorgan peut encore aller bien plus haut … “Je pense que sa marge de progression est encore très grande. Partir en Allemagne ne s’apparentait pas à un choix anodin. Thorgan n’a peur de rien et travaillera encore et encore pour se construire une belle carrière”, espère Fathi.

L'apprentissage à Lens

  1. Marc Westerloppe assiste à un match entre Tubize et le Brussels quand il tombe sous le charme de Thorgan Hazard. Mais celui qui est à l'époque recruteur pour le RC Lens a, pour une fois, un coup de retard sur son voisin lillois. "Thorgan y a même passé des tests mais nous n'avons plus trop eu de nouvelles", explique Thierry Hazard. "Le fait qu'Eden soit déjà au Losc a joué un rôle. Ni nous, ni Lille ne voulions qu'on puisse établir un parallèle. C'est mieux ainsi, chacun a pu tracer son propre chemin ".

Celui d'Hazard épousera les contours d'une génération dorée avec en guise de coéquipiers Serge Aurier, Geoffrey Kondogbia ou encore Raphaël Varane. "Au centre, il faisait pas mal de petites conneries, c'est un filou, il faut s'en méfier", nous a confié, amusé, le défenseur du Real "Mais à chaque fois, il se faisait griller par les coaches".

"Débuter au Vélodrome, ce n'était pas forcément un cadeau"

“Il chambrait beaucoup mais on marquait les temps. Quand il fallait travailler, on travaillait”, se souvient Olivier Bijotat, qui l’a dirigé durant 4 ans à Lens. “J’aime bien son humour, c’est un blagueur et en tant qu’éducateur, je rebondissais sur ses propos. Il est dans la dérision.” Laszlo Bölöni, qui l’a fait monter en pro, a également été conquis : “Il a un sens prononcé de l’humour, de la provocation et a de la répartie. J’aime toutes ces qualités-là.”

Jean-Louis Garcia, le successeur du Roumain, offrira à Hazard sa première titularisation contre Marseille, au Vélodrome le 25 octobre 2011. Sur le coup, le joueur nous confie sa déception : "Ce ne sera pas forcément un très bon souvenir, vu qu’on a perdu 4-0, cela fait mal”. Plus tard, il avoue "ce n’était pas forcément un cadeau, mais il faut bien jouer un jour. J’avais tenté deux ou trois gestes, mais j’avais Fanni au marquage. Ce n’était pas simple pour un premier match. On n’avait rien à perdre, le coach m’avait lancé. J’étais content de débuter au Vélodrome.”

En tout, Hazard dispute cette saison-là 15 matches. Avant de céder à l'appel de Londres.

Chelsea, la parenthèse bleue

Été 2012. Lens vient de terminer le championnat de Ligue 2 à une décevante douxième place. Oubliés les rêves de remontée immédiate dans l'élite, l'heure est aux économies. Et à la vente des plus belles pépites de la Gaillette, le centre de formation artésien. Thorgan Hazard sort d'une saison frustrante. D'un côté demeure la satisfaction d'avoir enfin pu jouer avec les pros. De l'autre, un goût d'inachevé, la faute à ses multiples allers-retours avec les U19 qui préparent le Tour Élite de l’Euro. Le Brainois disputera la compétition avant de rejoindre ensuite… Chelsea. Forcément, l'idée de voir dans ce transfert une faveur accordée à Eden est grande. Erreur.

"Combien de joueurs auraient dit “Je reste à Chelsea ?” Lui ne l’a pas fait.”

Son agent John Bico

Pour un million d'euros, les Blues engagent un joueur qui n'a plus qu'un an de contrat et qui colle avec leur philosophie d'investir sur des jeunes à fort potentiel. "Ce n'est pas parce qu'il a le même agent ou qu'Eden a signé à Chelsea que Thorgan est allé là-bas", nous assure à l'époque John Bico qui s'occupait de ses intérêts. "L’opportunité s’est présentée, ils se sont dit qu’il valait mieux l’engager maintenant que plus tard, qu’économiquement, ce serait plus intéressant. Beaucoup disaient qu’en allant à Chelsea, il allait brûler des étapes, ce qui est stupide. Il a fait preuve de beaucoup d’humilité en comprenant qu’il avait besoin de temps de jeu. Et la possibilité Zulte Waregem s’est présentée. Combien de joueurs auraient dit “Je reste à Chelsea ?” Lui ne l’a pas fait.”

Cinq semaines après sa signature, Thorgan se retrouve prêté le 30 août 2012 dans le club flandrien.

"C'est à Zulte Waregem que tout a commencé pour moi"

15 septembre 2012. OHL reçoit Zulte Waregem. Et la Belgique découvre un milieu créatif, qui multiplie les courses et n'hésite pas à frapper au but. Thorgan Hazard vient de signer une entrée fracassante en Pro League. Deux semaines plus tard, il délivre ses deux premières passes décisives contre le Lierse, sous les yeux de Marie.

"Marie était enceinte de quelques mois. C’était après le match au Lierse. C’était une des premières fois qu’elle venait au stade. Elle n’aime pas trop se montrer non plus. Un bisou dans l'euphorie"

"Marie était enceinte de quelques mois. C’était après le match au Lierse. C’était une des premières fois qu’elle venait au stade. Elle n’aime pas trop se montrer non plus. Un bisou dans l'euphorie"

"Avant, il y avait beaucoup de discussion autour de moi vu la notoriété de mon frère. Malgré les louanges d’Eden à mon égard, personne ne me connaissait", confie-t-il. "J’ai disputé à peine quelques matches à Lens. Je n’avais pas assez joué pour montrer ma valeur aux gens. J'étais fort attendu". Par le grand public mais aussi par le milieu.

"Quand il a signé, on s’est dit Hazard à Zulte, cela va peut-être changer la mentalité, il va peut-être se la raconter un petit peu”, avoue Franck Berrier. “Mais ce n’était pas du tout le cas. Au contraire. Cela m’a vraiment fait plaisir. Il a une super mentalité”.

Dans son sillage, Zulte Waregem passe tout près du titre lors de l'ultime match des PO à Anderlecht. "On a été champion pendant quelques minutes. Cela reste en travers de la gorge de tous les joueurs. Sur le moment, c'est bizarre, on se dit qu'on a quand même fait une bonne saison, on fête avec les supporters après le match. Mais en y repensant, on est passé à côté d'un titre. Il y a eu la Coupe aussi l'année suivante", avoue le milieu au moment de faire le bilan sur ces deux années à Waregem qu'il résume ainsi: "C'est là où tout à commencé pour moi. J'ai montré le joueur que j'étais. Ce n'était pas facile de revenir en Belgique car je savais qu'il y aurait des comparaisons. Mais cela s'est très bien passé avec deux très belles années."

Et Hazard n'a qu'à regarder le Soulier d'Or qui trône dans le hall de sa maison pour se les remémorer.

Drôle de Soulier doré...

En ce mois de janvier 2014, le suspense autour de l'identité du futur Soulier d'Or n'existe même pas. Grand favori, Thorgan Hazard remporte le trophée avec 372 points, loin devant Maxime Lestienne (154).

"J'étais malade le matin à cause de toute l'histoire du transfert"

Sauf que ce qui devait être une fête devient l'une des scènes finales de son départ avorté à Anderlecht. "Ce jour-là, j’étais malade le matin surtout à cause de toute l’histoire du transfert. On parlait beaucoup trop de moi, j’en étais mal. C’était la journée la plus mouvementée de ma carrière. Après, avec du recul, cela reste une belle soirée, même si cela parlait tout le temps transfert. C’est vrai qu’on a parlé plus du transfert que du Soulier d’or. Mais ce n’est pas moi qui l’ai décidé. Ce n’était pas une bonne période pour moi, on parlait beaucoup, cela traînait trop et c’est pour ça qu’à la fin, ça m’énervait et que j’ai dit que je restais à Zulte Waregem", nous a expliqué le joueur un an après son sacre.

Si Marie, qui n'est pas encore son épouse, le trouve "nerveux", le lauréat préfère garder le positif. "Quand je suis arrivé à la soirée j’espérais le gagner. Mais quand j’ai vu les votes du premier tour, je me suis dit que j’allais peut-être ne pas le gagner. Maxime Lestienne était loin devant, je ne pensais pas l’avoir… Quand j’ai vu que c’était moi, j’étais bien sûr content et surpris. C’était marrant parce qu’on se regardait tout le temps avec Max, on en rigolait. C’était une bonne soirée, il y avait plein de potes à moi: Michy, Mpoku, Mbaye, Max beaucoup de gens que j’apprécie. Une fois que j’ai gagné, c’était quand même un peu impressionnant avec toutes les interviews, les journalistes, je ne m’attendais pas vraiment à ça. Mais je n’avais rien fait de spécial pour le fêter car c’était la première fois qu’on laissait notre fille à la maison toute seule, on voulait vite rentrer et quand on est rentré, elle dormait."

"Mönchengladbach, c'est mon choix"

Eté 2014. Thorgan Hazard sort de deux saisons pleines. La poursuite de sa progression linéaire passe par la découverte d'un nouvel horizon. D'un nouveau championnat plus relevé : direction Mönchengladbach où il est prêté sans option d'achat. Son objectif ? "Je veux devenir une machine", assène-t-il avant de clamer avec assurance "Mönchengladbach, c'est mon choix".

Mais aussi celui de travailler sous les ordres de Lucien Favre avec qui il apprend beaucoup. "C'est un perfectionniste, parfois, il me disait des choses que personne ne m'avait jamais dites avant", racontera le Diable au sujet du Suisse.

Huit mois après son arrivée, son prêt se transforme en transfert définitif et le Borussia investit sur lui 8 millions d'euros. "Le premier transfert du papa", se marre Thorgan qui prend ses marques durant sa première saison qui fut collectivement une réussite avec une qualification en Ligue des Champions.

Sa deuxième saison sera faite d'un autre apprentissage: le remplacement de Lucien Favre par André Schubert le relègue sur le banc. "Il accepte la situation", nous expliquera au moment de tordre le cou aux rumeurs de départ le papa "mais il a redoublé d'efforts aussi". Au point de terminer l'exercice 2015/16 dans la peau d'un titulaire et d'un réserviste pour l'Euro. De quoi aiguiser encore un plus son envie de Russie…

Deux frères à la conquête du monde

"Thorgan nous avait envoyé un message pour nous dire d'essayer d'arriver à l'heure et nous avons alors compris qu'ils allaient débuter tous les deux". Thierry Hazard sourit. Le 10 octobre 2017 restera comme une date à part dans l'histoire de la famille Hazard mais aussi dans celle du football belge. Après avoir passé leur temps à se croiser, la faute aux blessures, Thorgan et Eden ont fini par enfin être titularisés ensemble. Comme des grands, le jour de la sixième sélection de Thorgan célébrée par son premier but en Diable.

Si Michy Batshuayi s'est un peu retrouvé dans la peau de Kylian qui, dans le jardin familial, ne touchait pas beaucoup le ballon ("mais on l'avait prévenu", se marre Thorgan), la complicité entre les deux frères a été frappante. Telle le prolongement de leur relation. "J'ai toujours dit qu'Eden avait forgé le caractère de Thorgan. Plus jeune, Thorgan devait se mesurer à un frère qui était meilleur que lui", souligne le papa, Thierry. "Eden n'a cessé d'aider son petit frère en lui donnant les meilleurs conseils". Et il espère maintenant partir à la conquête du monde avec lui.