Mon Ironman
d'Hawaï :
du paradis
à l'enfer

Le carnet de bord
d'Alexandra Tondeur

152 longueurs de piscine, mais en eau libre et dans le trafic, une étape du Tour de France et un marathon: tel est le menu d'un Ironman. Celui d'Hawaï est le plus réputé de tous et attribue chaque année, en octobre, le titre de champion du monde de la discipline. Mais la plupart des participants se battent contre leurs propres limites, bien plus que contre la concurrence.

Plus que jamais, ce fut le cas de notre compatriote Alexandra Tondeur (30 ans) lors de cette édition 2017. Du paradis à l'enfer, du bout du monde au bout d'elle-même, la Brabançonne vous raconte sa préparation et sa course comme si vous étiez.

Lundi 9 octobre / J-5

Au départ de Paris, samedi, et avec une escale de six heures à San Francisco, nous sommes arrivés à Hawaï, ce dimanche soir, après un total de... trente heures de voyage ! Nous avons été arrêtés par les policiers parce qu’en plein milieu de la nuit sur une Alii drive déserte, j’ai ralenti, sans marquer le stop ! Tout commençait donc bien... Après une nuit assez courte, j’ai enfourché le vélo dès huit heures, direction Queen K, la route qui nous emmène de la baie de Kailua-Kona vers Hawii. Les sensations étaient relativement bonnes, 61 km en 1h46 avec beaucoup de circulation… Plutôt OK ! Après le traditionnel plat de pâtes (Hé non, ce n'est pas original), direction la piscine pour un 2 km de décrassage... Y avait, comment dire ?, beaucoup du monde !!! C'est promis, je ne me plaindrai plus jamais des couloirs trop remplis quand je nage en Belgique ! Allez, good night Kona parce que, ce mardi, nouveau jour, nouveau défi, nouveaux frissons !

Mardi 10 octobre / J-4

Aloha ! Ce fut chaud boulette ce mardi matin… Nager avec mon coach, Luc Van Lierde, vainqueur de cet Ironman d'Hawaï en 1996 et 1999, c’est l’assurance d’avoir un peu (beaucoup ?) mal aux bras : 57 minutes avec deux ou trois STOP orientation. Haha ! Les STOP. Pas de policiers dans la flotte ! Bref, si je pouvais sortir cette natation le jour de l'épreuve, ce serait vraiment top. Ce Kailua Pier est rempli, pire qu’un concert du Grand Jojo au centre de Bruxelles ! Oh, c’est pour rire, hein, les Bruxellois ! Bon, après, je suis retournée sur Queen K à vélo, histoire de sentir le vent. Ça va… Ça ira peut-être moins bien après 180 km. Mais 40 km, les jambes répondent. On attend ce samedi pour confirmer ! Je profite de digérer mon plat de… pâtes pour écrire ces quelques lignes avant de retourner sur Alii drive, sentir comment mes baskets vont, si elles récupèrent du jet lag comme moi ! Sur ce, un épisode de Once upon a time m’attend.

Mercredi 11 octobre / J-3

Je vous confirme que ma paire de New Balance a récupéré du jet lag ! Un bon run ! En revanche, la nuit a été pourrie... Sans doute la pression monte-t-elle un peu ? Par à-coups et c’est pendant la nuit que ça me prend. Bref, ce mercredi matin, y avait du job : rouler à vélo et emmener le photographe de Triathlète Magazine pour quelques clichés ! J’ai hâte de découvrir... Bien que, les séances photos, ce n’est pas mon fort. Après, je suis retournée au Kailua Pier pour toucher l’eau sur un bon 1.500 m avec les tortues ! Hé, sérieux, ne me dites plus jamais qu’une tortue, c’est lent ! Ça trace quand ça nage, ces petites bêtes-là ! Jusque-là, tout se passait bien. Arrivèrent l’enregistrement (le gars qui parlait un anglais dont je ne comprenais pas un mot sur dix), puis le contrôle antidopage (une heure d’attente et encore un gars qui blaguait alors que personne n'avait envie de rire). Retour à l’appart, assiette de pâtes froides, puis mettre le vélo en état, massage…Ce jeudi, c’est le briefing PRO.

Jeudi 12 octobre / J-2

Là, la pression monte franchement ! J’ai encore roulé et couru, mais pas beaucoup... J’ai également pris quelques minutes pour lire avec attention tous les gentils commentaires et encouragements de mon sympathique Belgium Iron Fan et je suis énormément touchée. Ça me booste à fond ! C’était ma pensée positive du jour. Pour le reste, briefing PRO et, surtout, repos ! Je commence à être énervée par plein de petites bêtises. Y a la pâte qui prend ! Ce vendredi, ce sera encore pire, soyez, dès lors, de bonne humeur pour me lire... La Belgique me manque, surtout le chocolat.

Vendredi 13 octobre / J-1

Ce vendredi matin, je me suis levée de bonne heure. D'abord, parce que je ne parvenais plus à dormir. Ensuite, parce que, la veille d'une épreuve, j'ai toujours un tas de détails à régler ! J'ai également mis un peu d'ordre dans mon appartement en préparant mes sacs de ravitaillements et de transitions. J'ai bien veillé à ne pas me tromper dans les dosages de sucre et de sel. Ensuite, j'ai pris le tout pour me rendre au parc, véritable centre névralgique de la compétition.

Sympa : j'ai croisé quelques Belges avec qui j'ai discuté. J'ai même accordé une interview à Hans Cleemput, de 3athlon.be. Ensuite, je me suis rendue à mon emplacement, marqué du n°120, celui que m'a attribué l'organisation... Là, je suis entrée dans le vif du sujet. Et je me suis aussi un peu inquiétée en voyant la pluie s'abattre sur l'île et, notamment, sur Queen K. La météo a annoncé de possibles précipitations pour ce samedi et j'avoue que rouler sous la pluie ne m'arrange pas !

À l'interview avec Hans Cleemput, de 3athlon.be.

Samedi 14 octobre / Jour J

L'avant-course

Les derniers préparatifs des participantsdans le parc de transitions.

Les derniers préparatifs des participants
dans le parc de transitions.

Nous y voilà ! Après sept heures de sommeil, je me suis levée à 3h30. Un brin de toilette, puis je me suis habillée. Comme d'hab ! J'ai pris mon petit-déjeuner. Toujours bizarre à cette heure de la nuit, mais je m'y suis habituée. J'ai quitté mon appartement à 4h15 pour arriver au parc de transitions à 4h50, près de deux heures avant le départ.

La pression monte ! Pas que celle des pneus, dont j'ai vérifié, une dernière fois, qu'ils étaient bien gonflés. Je suis également passée par le fameux marquage sur les bras : le sigle IM pour Ironman et mon numéro, le 120. Après un dernier coup d’œil à mes affaires, casque, dossard, etc., j'ai trottiné un quart d'heure. Ensuite, je suis revenue vers la zone de départ où je me suis échauffée en compagnie de... Jan Frodeno, le double tenant du titre. Puis, je me suis rendue vers la baie où j'ai assisté au départ de l'épreuve masculin avec, notamment, Frederik Van Lierde et Bart Aernouts, les deux autres pros belges engagés lors de cette édition 2017.

Alex s'échauffe pour la natation avec... Jan Frodeno,l'Allemand double tenant du titre à Hawaï.

Alex s'échauffe pour la natation avec... Jan Frodeno,
l'Allemand double tenant du titre à Hawaï.

3,8 km à la nage

À peine dans l'eau, à 27 degrés, mon coeur a commencé à battre. S'ils étaient 54 pros masculins, nous étions 38 féminines sur la ligne de départ délimitée par des bénévoles sur leur planche. Mais, croyez-moi, dès le coup de canon, ce fut la bagarre ! Tout triathlète digne de ce nom est habitué mais, ici, c'était quand même le Mondial.

J'ai essayé de me glisser dans un groupe et, pour ne pas devoir m'orienter moi-même, j'ai nagé dans les pieds d'autres concurrentes. Ce qui eut pour désavantage que j'ai bu quelques fois la tasse. Mais ça, aussi, ce n'est pas inhabituel en triathlon. Seulement, ici, je n'ai pas vraiment digéré l'eau salée parce que trop, c'est trop !

Ceci dit, je suis quand même satisfaite de ma natation qui n'est pas mon point fort avec les séquelles de la blessure à l'épaule dont j'ai souffert pendant deux ans. Je suis donc sortie de l'eau en 28e position, en 1h00'17", alors que, l'an dernier, pour ma première participation, j'avais nagé en 1h01'52" J'ai donc progressé de 1'35", mais à quel prix ?

Alex saute sur son vélo : en route pour 180 km !

Alex saute sur son vélo : en route pour 180 km !

180 km à vélo

À Hawaï, avec deux longues transitions, on a le temps de retrouver ses esprits, notamment après une heure dans l'eau. Mais on ne perd pas de temps ! J'ai enlevé le bonnet, les lunettes et le haut de ma combi en courant avant de terminer l'opération devant mon vélo. J'ai veillé à bien ranger toutes mes affaires... Puis, j'ai mis mon casque et mon dossard avant de repartir, toujours en courant vers la fameuse ligne blanche marquant le début de la course cycliste.

J'y ai enfourché mon vélo, à l'assaut des 180 km au menu de l'Ironman. Tout s'est relativement bien passé jusqu'au turning-point, à Hawi, soit au km 95. Là, j'ai commencé à me sentir mal et j'ai repensé à toute cette eau salée que j'avais ingurgitée, bien malgré moi. J'ai été prise de vomissements et, à partir de ce moment, j'ai été incapable de m'alimenter convenablement.

Tout juste pouvais-je encore boire... En plus, avec ce ciel sans le moindre nuage et ce vent presque nul, le soleil est vite devenu accablant. J'ai senti que je brûlais aux bras et aux jambes. J'avais pourtant mis de la crème solaire... Mais ce n'était encore rien à côté de la course à pied qui m'attendait pour terminer cet Ironman d'Hawaï !

Résultat : j'ai terminé le vélo en 29e position, après 5h18'31" Encore mieux qu'en 2016 ! Il est vrai que, pour ma première, je m'étais montrée très prudente, bouclant les 180 km en 5h22'24" Soit... Mais, pour les sensations, c'était le jour et la nuit avec ce que j'avais vécu...

Alexandra a commencé à souffrir à partir du 100e km.

Alexandra a commencé à souffrir à partir du 100e km.

42 km à pied

En confiant mon vélo au bénévole prévu à cet effet à l'entrée de la zone de transition, j'étais déjà bien entamée. J'ai donc pris mon temps pour me préparer au marathon... Je me doutais que ce serait une souffrance, mais je n'imaginais pas à quel point ! Et pourtant, je me suis sentie bien ou mieux pendant une dizaine de kilomètres pour pointer au 25e rang après 12 km à pied. Mais j'ai, à nouveau, été prise de vomissements. Incapable de m'alimenter, j'ai, alors, connu l'enfer pendant une trentaine de kilomètres. J'ai bien cru y laisser ma peau ! Mais je n'étais pas venue à l'autre bout du monde pour m'arrêter là... J'ai continué. En courant et en marchant. Au mental plus qu'au physique. Et ce soleil, auquel je suis pourtant habituée, a continué de me brûler le corps, visage compris. J'ai encore été malade (si vous voyez ce que je veux dire...) à plusieurs reprises.

Mon passage par Energy Lab, entre le km 30 et le km 35, fut interminable. Mais je me suis encore accrochée à ma devise : Never give up ! Ainsi, j'ai rallié l'arrivée sur la célèbre Alii Drive en 27e position et en 10h04'47" Cette place et ce chrono ne correspondent pas à mes objectifs, ni même aux sensations éprouvées ces dernières semaines à l'entraînement, mais je les prends comme une expérience. Une fois rentrée en Belgique, j'analyserai tout ça et je tâcherai de trouver des solutions pour revenir plus forte l'an prochain.

L'après-course

Dès la ligne d'arrivée franchie, j'ai été prise en charge par le service médical de l'organisation. Un secouriste m'a placée sous perfusion. De l'eau et du glucose... Une fois l'opération terminée, j'ai regagné mon appartement, épuisée. Vous me croirez ou non, mais j'ai perdu six kilos dans l'aventure ! De 57, je suis descendue à 51, ce qui ne m'était jamais arrivé. J'ai donné le meilleur de moi-même, mais je me souviendrai longtemps de ma deuxième expérience sur l'Ironman d'Hawaï, que vous aurez appréciée avec moi, j'espère...