Le coeur des urgences

La clinique Saint-Pierre à Ottignies nous a ouvert ses portes

On y côtoie la vie, parfois la mort. Des chagrins, des joies.
On y soigne les petits bobos et les cas les plus graves.
Plongée dans un service hospitalier hors du commun.

Vendredi, fin d'après-midi. Dans la salle d’attente, un coude cassé dans une chute. Puis un hématome au bras. Un enfant qui pleure, autant que sa maman. Une femme seule. Une morsure d’un chien au crâne d'une jeune fille. Tous sont arrivés un peu paniqués, perdus, fébriles. Des patients comme eux, le service en a accueillis près de 50.000 en 2017.

Baptême de feu

La vie extraordinaire
de médecins ordinaires

Chaque jour est différent. Mais à chaque fois, les patients sont accueillis par Jennifer et Sylvie, les deux secrétaires. Pour les patients, elles sont leurs premiers remèdes. Celles qui vont panser les premières plaies rien qu’en les accueillant, calmement.

“Beaucoup arrivent inquiets, raconte Sylvie, 14 années de service au compteur. On ne fait pas de consultations, on les accueille, on les inscrit. Notre métier est très varié. Une journée n’est pas l’autre. Certains ont essuyé leurs larmes une fois le secrétariat passé. Comme si une fois inscrits, ils se sentaient déjà en sécurité”, raconte-t-elle, assise derrière la vitre, entre deux arrivées.

Plus loin, sur deux grands écrans de télévision, les téléfilms de l’après-midi de TF1 et de la RTBF rythment l’ambiance de la salle d’attente. Une quarantaine de personnes attendent. Chacun attend son tour pour le triage comme il le peut avec son livre, son magazine ou son smartphone. Et chacun lève la tête lorsqu’une infirmière appelle le suivant.
"Adèle?" demande l'infirmière. La jeune fille mordue au crâne par son chien se lève.
Les autres patients rebaissent la tête et continuent à attendre.

Un code couleur pour chaque patient

Adèle arrive chez l’infirmière avec un mouchoir souillé de tâches de sang, posé sur sa tête. Son chien l’a mordu, sans aucune explication. Dans une petite pièce exiguë, l’infirmière réalise un premier diagnostic. “On attribue ensuite au patient un code couleur, précise l’infirmière. Rouge, jaune, vert ou bleu, en fonction de la prise en charge. On trie les patients, en quelque sorte.”

Adèle retourne dans la salle d’attente. La porte du poste de triage s’ouvre à nouveau. Les patients relèvent la tête croyant leur tour venu. Mais c’est un autre qui est appelé.
La porte se referme.
Certains soufflent et ne comprennent pas la longue attente avant devoir un médecin.

Puis arrive Laurent, un sexagénaire, seul, le visage un peu pâlot. Pascal, le garde des urgences, l’installe sur une chaise roulante et le conduit au sas des inscriptions. Il présente des douleurs thoraciques.

Au triage, il raconte à l’infirmière ses antécédents cardiaques et retourne en salle d’attente. Et puis, tout s’enchaîne. Laurent fait un arrêt cardiaque sur sa chaise, au milieu de la salle d’attente. Assis, presque recroquevillé, sa tête part sur sa droite. Ses yeux se sont fermés. Du sang sort de sa bouche grande ouverte.

L'alerte retentit, c'est l'urgence absolue

Jennifer, l’une des secrétaires assiste à la scène depuis son bureau. Elle prévient immédiatement les infirmières. En urgence absolue, Laurent est pris en charge. Il est emmené en salle de déchoquage lourde numéro 3.
Un signal d’alerte retentit dans le service.
Médecins et infirmiers quittent leur poste et arrivent en nombre dans la salle.

En quelques secondes à peine, ils sont une dizaine au tour de lui. Laurent est allongé sur un brancard. Les médecins procèdent au massage cardiaque. Au bout de quelques minutes, il reviendra à lui. Un cardiologue est appelé en urgence pour lui prodiguer une angioplastie, soit la pose d’un stent.

Dans les couloirs, la pression est retombée. Les femmes de ménage arrivent pour nettoyer les longues traces de sang. Lors de sontransit de la salle d’attente au déchoquage, Laurent a laissé derrière lui une longue trace de sang de plusieurs mètres. Les femmes aux tuniques roses nettoient.

Et, lorsqu’elles arrivent dans la salle d’attente, on aperçoit des patients silencieux, bouches bées, presque stupéfaits. Presque choqués par la scène à laquelle ils viennent d’assister. Les femmes de ménage rincent des torchons dans leurs sceaux d'eau devenus rouge sang.
Ceux qui pestiféraient sur l’attente trop longue aux urgences sont dans leurs petits souliers : ils comprennent maintenant pourquoi, on appelle ce service les urgences...

*tous les patients sont décris avec des noms d'emprunt

Le capitaine, Dr Pelgrim

“Avec Google, les patients se prennent pour des médecins”

"En 20 ans, ce qui a surtout changé et évolué c’est la vulgarisation de la médecine et une démystification de la profession. C’est-à-dire que les gens qui arrivent aux urgences croient toujours tout savoir avant d’arriver, avant de rencontrer un médecin. Car avec Internet, les patients se prennent eux-mêmes pour des médecins. Google est devenu leur nouvel ami. En arrivant, les patients viennent pour obtenir le même diagnostic que celui de Google. Et puis, ce qui a changé également, ce sont les mentalités. Il faut toujours tout et tout de suite. La médecine est devenue un bien de consommation comme on achèterait une tondeuse à gazon ou un percolateur. Si les gens n’ont pas ce qu’ils veulent en retour, ils partent en colère. Or les patients, ne comprennent pas ce qui se passe en coulisses. Ici, nous avons installé un tri. Le but du tri n’est pas de faire attendre le patient. Le but est de réaliser une hiérarchisation. Les gens sont amenés à attendre parce que le service est encombré. Le service n’est pas extensible. Si on accueille un polytraumatisé, cela risque d’accaparer une grande ressource d’infirmiers et de médecins. Tout cela va déterminer l’attente de la personne.”

Dr Jean-Pierre Pelgrim

La petite histoire

"Il est venu avec sa zezette
coincée dans sa baguette"

Les urgences ont aussi leur lot d’histoires drôles et de petites anecdotes...

Sylvie, secrétaire au service des inscriptions, s'en souvient encore. “Nous étions à l’époque dans l’ancien bâtiment, avant les grands travaux. L’accueil était plus petit, plus restreint qu’aujourd’hui. Puis un homme arrive, raconte-t-elle. Il se présente devant la vitre et me demandant de ne pas rire car il ne venait pas pour quelque chose d’amusant. Je lui demande alors pourquoi. Et d’un coup, il lève son t-shirt et je vois que sa zezette était coincée dans sa braguette ! Rien de grave bien entendu. Mais lui comme moi avions bien ri !”

"Ce sont ceux qui ont les problèmes les plus graves qui sont le plus patients.”

Une infirmière

Les chiffres fous

18 médecins pour 50.000 patients

18

18 médecins se relayent 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 dans le service des urgences. 50 infirmiers et employés administratifs les épaulent.

35

Le service compte 35 box dans ce nouveau service inauguré en 2013.

2.346

En 2017, on a comptabilisé 2.346 missions SMUR soit une moyenne de 6 par jour. Le samedi est la journée la plus chargée.

9.848

Le service a accueilli en moyenne 27 ambulances par jour soit 9.848 sur l’année 2017.

49.797

En 2017, le service a accueilli et soigné 49.797 patients. Un nombre en constante augmentation. En 2012, ils étaient 44.661.