Six hommes ont marqué la saison de leur empreinte. Chacun d'entre eux a eu sa petite déclaration pour parfaitement résumer les 12 derniers mois de sa vie. Nous avons reconstruit la saison des ces six Mauves sur base de ces déclarations.
« Roberto Martinez m’a soufflé: bienvenue en équipe A »
Premier constat : le visage de Youri Tielemans a changé. Ses joues rosées de bébé ont laissé place à des traits taillés. Le regard n’est plus celui d’un gamin qui découvre avec bonheur la Pro League. Tielemans a franchi une étape cette année.
Le travail physique a été la clé de sa saison. René Weiler a fait transpirer son équipe en préparation. Le jeune médian s’est affiné et s’est taillé. Il tient désormais la dragée haute à tous les autres entrejeux durant 90 minutes.
Weiler lui fait davantage confiance que Hasi
Il a rapidement compris ce que René Weiler attendait de lui. Terminés les retours défensifs en marchant et la nonchalance.
Le coach n’hésite pas à faire d’un gamin qui avait alors 19 ans son vice-capitaine. Weiler décide de lui donner les clés du jeu et l’aligne toujours quand il est prêt. Besnik Hasi, en comparaison, ne lui faisait débuter que 70% des rencontres.
Tielemans assume la tâche de capitaine quand Hanni est absent ou sur le banc et devient un patron dans le vestiaire.
Ses prestations suivent son rythme de progression. Comme s’il jouait encore dans son jardin, il envoie plusieurs obus au fil de la saison et débloque des situations qui s’annonçaient compromises.
« Je demande à Youri de participer au jeu offensif, d’oser vu sa bonne frappe »
Roberto Martinez est attentif à sa courbe de progression. Le sélectionneur l’appelle à chaque rassemblement et lui offre même sa première cape en Russie. «Bienvenue en équipe A, m’a soufflé le coach », confiait le joueur avant que le nouveau T1 annonce qu’il lui a « compliqué la vie ».
Petit Youri est devenu grand. Sa fin de saison est ponctuée par un Soulier d’ébène en attendant peut-être le trophée du Footballeur Pro.
Le titre et la course aux distinctions personnelles n’occultent pas pour autant le sujet principal : son avenir.
« Je déciderai de ce que je fais après la saison »
« Je me fous de ce que les gens pensent de moi »
Il est inconnu, a loupé l’Euro. Et pourtant, René Weiler veut absolument ce grand attaquant polonais. Son nom : Lukasz Teodorczyk.
Premier match, premier but et première conférence de presse surréaliste. Lukasz Teodorczyk l’avouera plus tard, il n’aime pas trop s’exprimer dans les médias. La faute à une mauvaise expérience avec un journaliste polonais. Pour sa première rencontre avec les journaux belges, il est sarcastique, froid et parle peu. Il se contente de réponses brèves et sèches.
Nicolas Frutos, T3 du club, sauve toutefois la mise de l’homme (qui au moment de sa présentation a planté trois buts en quatre matches) en le mettant sur un piédestal :
« Il est le meilleur attaquant d’Anderlecht depuis mon départ en 2010 »
Les propos de l’Argentin se confirment au fur et à mesure des rencontres. Il ne faut pas une demi-occasion à Lukasz Teodorczyk pour marquer un but. Il choque d’ailleurs tout le monde fin août en déposant toute la défense de Gand d’un seul dribble avant de faire trembler les filets.
Il tourne à un rythme jamais vu auparavant et sauve une équipe d’Anderlecht moribonde qui aurait chuté nettement plus bas que la sixième place sans ses buts salvateurs.
Seul Messi le surpasse
Il est alors l’un des hommes les plus efficaces d’Europe juste derrière Messi et se permet même d’être le meilleur buteur des compétitions égales ou supérieures à la Pro League.
Pris dans la tourmente suite à la révélation d’une possible sortie la veille d'un match avec l’équipe nationale de Pologne, il affronte les journalistes pour la seconde fois. En plus de tacler ceux à la base de l’article, il balance quelques phrases en fixant l’audience droit dans les yeux.
« C’est vrai qu’on parle souvent de moi comme quelqu’un d’agressif. On me voit comme une bombe. On dit que je suis le blagueur du groupe? On dit ça mais on dit aussi que je suis un méchant… »
« Oui, je peux marquer de l’oreille comme l’a dit Davy Roef et j’ai la volonté d’en planter le plus possible cette saison. »
Teo continue de planter les banderilles pour en totaliser 28. Des chiffres qui ont poussé Herman Van Holsbeeck à déposer les 4,75 millions prévus dans son contrat de prêt pour le faire signer jusqu’en 2020. De quoi s’assurer un juteux transfert estival.
À moins que le manager général ne concrétise l’ambition affichée le jour de sa prolongation :
« Nous voulons avant tout conserver Teo. Il se sent bien à Anderlecht, et je pense qu'il n'est pas prêt à partir. »
Ses mauvais playoffs I (à l'exception de son doublé à Charleroi, il n'a pas marqué le moindre but en Playoffs) pourraient aider Van Holsbeeck dans son projet d’inclure l’attaquant polonais dans sa prochaine campagne de Ligue des Champions.
« Sans le RSCA, je faisais le tour du monde en camionnette »
Fin septembre, Frank Boeckx rejoue son premier match depuis plusieurs années. Il n’a qu’un arrêt à faire contre OHL mais prend plaisir sur le terrain et après lorsqu'il doit répondre aux journalistes. Le Gantois pose la première pierre de sa saison : il ne compte pas se prendre trop au sérieux.
« Cela faisait longtemps que je n’avais plus joué. Mais quand on ne roule pas à vélo pendant un an et qu’on remonte sur sa bicyclette, on ne tombe quand même pas ? »
Il avoue également pour la première fois qu’Anderlecht ne lui a pas uniquement donné une bouffée d’air au niveau sportif. L’arrivée du Sporting a changé sa vie. « J’ai eu des problèmes financiers à l’Antwerp et je voulais arrêter ma carrière. J’allais vendre ma maison, faire le tour du monde, chercher un autre emploi et peut-être jouer en provinciale. Anderlecht m’a sauvé. Maintenant, j’ai retrouvé le plaisir du foot.»
Il ne parle pas encore d’ambitions. Ou il préfère les garder pour lui. Comme un prédateur qui a goûté pour la première fois au sang, il ne se contentera pas d’une seule fois. Il continue de bosser jusqu’à recevoir sa chance à Qabala après plusieurs matches sans de Davy Roef.
Il stoppe un penalty et est lancé. Il prend d’abord sa revanche sur le terrain de Gand, son ancienne équipe qui l’avait poussé vers la sortie. « Certains n’ont pas cru en moi mais je n’ai jamais baissé les bras », lance-t-il.
Il se retrouve en stage avec l’étiquette de numéro 1 et vide son sac. Il avoue, par exemple, avoir perdu trois kilos depuis son arrivée et être conseillé par sa copine, blogueuse culinaire.
« Sans ma maman, je serais en Amérique du Sud. C’est elle qui m’a demandé de continuer à y croire alors que j’étais sans club depuis trois mois. Je voulais prendre un billet d’avion pour le Costa Rica. Et de là, je serais descendu jusqu’en Uruguay avec une camionnette et j’aurais profité jusqu’à ce que mon compte en banque soit vide. »
Finalement, ce sont ses filets qui ont été plus vides que prévu. Frank Boeckx ne lâche rien. « Le tour du monde, ça peut attendre.» Il n’encaisse que très peu de buts et devient un véritable leader vocal et un ambianceur du vestiaire.
Même les forts caractères comme Lukasz Teodorczyk trouvent en lui un compagnon de rigolade. Les deux hommes ont d’ailleurs une manière très particulière de célébrer leur victoire : ils se font des doigts d’honneur mutuels.
"Je déteste les buteurs, sauf quand ils jouent dans mon équipe"
« Entre Weiler et moi,
c’est 1-1 »
Débat de début d’année entre les journalistes présents au stage du RSCA à Stegersbach, en Autriche : qui sera capitaine d’Anderlecht suite au départ de Silvio Proto? « Je vote pour De Maio », « moi pour Tielemans. » Personne n’avait parié sur Sofiane Hanni. Il avait pourtant porté le brassard lors de certains amicaux.
Pour Hanni, le choc est énorme. Il arrive pour la première fois dans un grand club où il doit devenir le leader technique mais également vocal car il reçoit le brassard. «J’essaie surtout de ne pas me prendre la tête. Le plus important, c’est que je sois bon sur le terrain. Je tente d’être un exemple pour mes équipiers. »
« À la maison, c’est aussi le capitaine. J’essaie de lui piquer le brassard mais il y tient. »
Il prend rapidement les choses en main. Les supporters entonnent le Will Grigg’s on fire et y remplacent le nom du Nord-Irlandais par celui de l’Algérien. Ses premiers matches sont de bon niveau.
L’arrivée de Stanciu redistribue les cartes. Le Roumain n’a pas l’abattage physique de Hanni qui est repoussé sur le côté gauche. Un flanc sur lequel il peut moins facilement être décisif.
« Je suis mieux en tant que numéro 10, j’ai plus de repères que sur le flanc »
Son nouveau positionnement ne lui plaît pas spécialement mais Hanni se tait et travaille. Jusqu’au match face à Zulte Waregem où il balance, entre autres, que « les longs ballons, ça va 5 minutes » et qu’Anderlecht « ne joue pas en fonction de ses qualités. »
Le capitaine sort de sa coquille et dit tout haut ce que le vestiaire pense tout bas. Weiler ne lui en tient pas rigueur et continue de l’aligner. En décembre, les rôles s’inversent. Le numéro 10 est dans le dur et reçoit une volée de bois vert de son coach devant le reste du vestiaire. « Avec Weiler, c’est 1-1 », sourit-il plus tard.
Weiler le remet dans l’axe du jeu et il retrouve sa force de frappe. Stanciu n’est plus qu’une doublure de Hanni. Quelques matches creux lui vaudront un petit clash avec les supporters. Il y a répondu d’un solo (qui fera partie des buts de l’année) et d’une main derrière l’oreille.
« Les supporters n’ont pas l’habitude de me voir rater certains ballons. Rassurez-vous,
il n’y a pas de guerre entre eux
et moi. »