La maman, Amor: "On a trois priorités: le foot, le foot et la famille"
"J'ai joué au football jusqu'à mes 43 ans, j'adorais ça. Mon fils est devenu le même passionné que moi à l’époque", nous a confié Roberto Martinez senior, aujourd'hui âgé de 84 ans, lors de notre visite à Balaguer en 2016.
Une passion bien résumée en une anecdote: “Le jour de la naissance de ma fille, qui a pointé le bout de son nez à huit heures du matin, j’ai appelé le délégué de mon équipe pour lui dire: ma femme est en train d’accoucher mais si tu as besoin de moi pour le match aujourd’hui, je viens! Quand j’ai vu la famille de ma femme arriver pour prendre soin d’elle et du bébé, je suis parti jouer !"
Amor, la mère de famille, ne s'est jamais plaint de son sort de femme, puis de mère, de footballeur acharné. Elle parle d'ailleurs encore avec la plus grande tendresse du lien incassable entre le ballon et Robert (c'est comme ça qu'elle appelle son fiston). "Jeune homme, il avait invité une petite amie à la maison. Je lui ai dit : tu es la bienvenue, mais si tu veux entretenir une relation avec Robert, tu dois savoir quelles sont les trois choses les plus importantes pour nous. Un : le football. Deux : le… football ! Et trois : la famille. Quand tu te maries avec un camionneur, tu sais que ton mari peut partir toute la semaine et que tu seras seule avec les enfants. Avec Roberto, ce sera pareil. Il ne compte pas ses heures…”
Un tel contexte familial a fait naître, très tôt, de hautes ambitions. “Quand il avait sept ou huit ans, il nous l’avait dit : je ferai carrière dans le foot", se souvient Andreu. "Je l’ai cru tout de suite."
Devenu coach pour... éviter le service militaire
Ce n'est pas un hasard si Roberto Martinez est devenu entraîneur professionnel à seulement 33 ans: très jeune, son intérêt pour le football a dépassé le simple fait d'aller taper dans le ballon.
"Quand mon père jouait encore, on discutait beaucoup des choix de ses entraîneurs", raconte-t-il. "On débattait aussi beaucoup du contenu des matches que nous regardions à la télévision. Dans ces moments-là, la maison aurait pu brûler: nous étions absorbés! Il me disait de quelle façon il voulait que le Barça joue, je lui donnais mon opinion sur la tactique Saragosse... Cela m'a beaucoup aidé à comprendre le jeu."
Plus le temps passait, plus il se montrait curieux. "Quand j'étais frustré par l'un de mes résultats, je me relaxais en... regardant d'autres matches. J'étais fasciné de voir comment les joueurs et les entraîneurs réglaient les problèmes de jeu."
“En 94-95, nous avions à Balaguer un entraîneur qui était un peu trop court tactiquement”, s’amuse Andreu. “Du coup, Roberto a été l'un des joueurs à prendre les choses en main. Il voyait très clair. Il aimait déjà la mise en place tactique…”
Sa première mission d'entraîneur, il l'endosse au CF Balaguer, pour coacher des jeunes. Sa première motivation: éviter le service militaire, qui pouvait être remplacé par une mission à utilité sociale. “Roberto était alors un joueur emblématique du club, il revenait de Saragosse et tout le monde l’admirait”, nous confie Isaac Solanes, joueur actuel de l'équipe première Balaguer, redescendue depuis en D4. “Il s’occupait des jeunes entre huit et dix ans. Il n’était pas obsédé par le résultat, mais on gagnait quand même la plupart de nos matches. Il était très précis dans les exercices qu’il mettait en place, il ne prenait rien à la légère. Mais il nous laissait toujours nous exprimer sur le terrain.”
L'apprenti entraîneur découvre déjà certaines facettes moins agréables du métier. "J'ai vite constaté que certains parents étaient très... intrusifs", explique Martinez. "Leur passion dépassait parfois celle des enfants et tout le monde avait son opinion sur ce qu'il fallait faire pour l'équipe. Je suis resté ouvert mais j'ai dû instaurer un code de conduite, non pas pour les joueurs mais pour leurs parents! Chez de tels jeunes, on n'aligne pas une équipe pour gagner, mais pour assurer le meilleur développement possible de chacun. A cet âge-là, les jeunes sont très intuitifs et ils adorent voir qu'ils progressent grâce au coach. En Espagne, on insiste d'ailleurs beaucoup sur le talent brut, on le laisse s'exprimer. Sinon, on va former des joueurs tous identiques. C'est ce qui fait la différence entre l'Espagne et l'Angleterre..."
Avec son équipe, Roberto Martinez rencontre une première fois un joueur Barcelonais qui deviendra un très grand entraîneur: Pep Guardiola. A la vue du cliché de ce souvenir, il ne peut s'empêcher de sourire...
"Roberto est l’une des rares personnes en qui j’ai une confiance aveugle", nous a confié Jordi Cruyff dans une interview à la DH. "Joueur, il était déjà en train de remplir des carnets de note avec les différents exercices. Il a toujours fait ça. Les gens regardent un match de football en fixant le ballon. Pas lui. Il a une vue d’ensemble, il analysait les mouvements sans ballon. Il a toujours gardé un esprit ouvert à différentes tactiques, différents systèmes, tout en gardant sa philosophie."
Une philosophie à l'accent barcelonais. Et le fils du mythique n°14 est sans aucun doute la personne la mieux placée de la planète foot pour évoquer les influences de son ami. "Roberto est un amoureux du beau jeu qui s’inspire de gars comme Guardiola ou mon père. D'ailleurs, Roberto a le même vocabulaire foot. Quand il utilise des mots-clés qui définissent sa philosophie, j'entends ceux de mon père ! Chacun sa personnalité, mais ils sont proches dans leur approche offensive et dominante. Pour eux, le football est un moyen d’expression.”
Pour des Catalans, natifs ou d'adoption, il ne pourrait en être autrement...