"Moi, back droit ?"

De Virton au Paris Saint-Germain. D'offensif à défensif. D'anonyme à superstar. Le parcours de Thomas Meunier ne ressemble à aucun autre. Formé comme attaquant, le Bastognard a vu sa carrière avancer à vitesse grand V le jour où, à Bruges, il a reculé de deux crans, sur une idée de Georges Leekens mise en pratique par Juan Carlos Garrido.

D'abord réticent à évoluer au poste d'arrière droit, le Belge s'y est par la suite accommodé à merveille pour devenir, aujourd'hui, l'un des meilleurs joueurs du monde à son poste.

Retour sur la reconversion du Diable Rouge, l'attaquant devenu défenseur.

La perle de Virton

Dans le petit monde du football de la province du Luxembourg, on ne parle que de lui. "Vous avez vu le geste qu'il vient encore de faire? C'est exceptionnel..." Nous sommes en 2010 et un attaquant fait sensation à Virton, à quelques kilomètres seulement de la frontière française.

Ce joueur, c'est Thomas Meunier, l'attaquant du club gaumais, qui enfile les perles comme il respire. Ses buts (15 en 44 rencontres) sont nombreux et font rapidement le tour de la toile dans la région. Solos dans la défense adverse, coup du sombrero, petit pont et même coup du foulard, le buteur originaire de Saint-Ode met un point d'honneur à soigner le style lors de chacune de ses réalisations.

Forcément, cela attise les convoitises. Les recruteurs se massent le long des terrains de Division 3 pour apercevoir l'attaquant de 18 ans. L'Olympique de Marseille vient même aux nouvelles mais c'est finalement le Club de Bruges et son directeur sportif Luc Devroe (remercié dans la foulée) qui coiffent le Standard (où Meunier a été formé en partie) et Anderlecht qui parviennent à mettre la main sur lui. Nous sommes le 19 janvier 2011.

Meunier, l'attaquant

Pour tout un chacun, débarquer de la province du Luxembourg à Bruges, l'un des plus grands clubs belges, nécessite un temps d'adaptation. Pas pour Thomas Meunier, comme le prouve son premier match chez les Blauw en Zwart, le 31 juillet 2011.

Entré au jeu à la 70e minute, dix petites minutes lui suffisent pour inscrire son premier but, d'une frappe déviée. "C'est le plus beau jour de ma vie", clame le Brugeois à l'interview d'après-match. "J'ose espérer que ça continuera par la suite..."

La suite, c'est une première saison en D1 réussie, jalonnée par cinq buts, six assists et par un temps de jeu qui avoisine les 55% sous Cristoph Daum. 

La saison suivante, Georges Leekens quitte les Diables et débarque à la surprise générale dans la Venise du Nord. Il n'y restera que six mois. Assez pour transformer Thomas Meunier.

Un soir à Funchal

La saison 2012-2013, c'est comme ailier droit que Thomas Meunier la commence. Avec une réussite insolente. Après quatre matches de championnat, le Bastognard a déjà inscrit quatre buts.

Mais une inflammation au niveau de la cheville le coupe net dans son élan. Alors qu'il est sur la touche, Meunier ne peut que constater que Lestienne, Bacca ou encore Refaelov cartonnent dans la division offensive des Blauw en Zwart.

Reconquérir sa place est compliqué et c'est à ce moment que naît une idée dans la tête de Georges Leekens. "Avec sa qualité de passe, son physique et sa technique, je me suis dit que le poste d'arrière droit était taillé pour lui", se souvient Long Couteau, réputé pour avoir replacé des joueurs comme Guillaume Gillet, Sandy Martens ou Brecht Capon plus bas sur son échiquier.

"Thomas est un garçon intelligent. On avait une très bonne relation. Je lui ai demandé : veux-tu être un bon joueur à l'échelle nationale comme attaquant ou un très bon joueur à l'échelle international comme back droit? Il m'a d'abord regardé un peu bizarrement l'air de dire : moi, back droit? Il était surpris. Puis il a commencé à accepter cette réalité." Au moment où Georges Leekens a été limogé par Bruges et remplacé par Juan Carlos Garrido.

Le coach espagnol, charmé par cette idée au vu des qualités de Meunier, décide de la mettre en pratique sur la pelouse du Maritimo Funchal, en Europa League, pour laisser souffler plusieurs joueurs. Et il titularise le Belge pour la première fois, au poste d'arrière droit, le 6 décembre 2012.

"Pour une première, cela ne s'est plutôt mal passé", sourit Meunier après le match, malgré l'élimination brugeoise. "Il y a juste le 2-1 où j'arrive un peu tard. Si on me demandait d’encore évoluer à cette place? Je répondrais oui mais je ne pense pas que mon avenir se situe à ce poste. Mon jeu est plus basé sur les courses vers l’avant. D’un autre côté, en tant que back droit, tu as tout le jeu devant toi et savoir s’infiltrer est un plus..."

Petit à petit, le Bastognard parvient à se convaincre lui-même qu'il peut évoluer dans cette position. "C'était le facteur le plus important dans sa reconversion: il devait croire qu'il était capable d'être performant à ce poste", reprend Georges Leekens. "Il a commis quelques erreurs de positionnement, au début, et c'est normal. Comme il a un tempérament offensif, il devait un peu se canaliser. Mais c'est un garçon intelligent qui a très vite appris."

À aimer cette position. "J'ai le jeu devant moi et j'ai plus de temps pour faire mes choix", souligne Meunier. "Je peux aussi apporter offensivement dans ce rôle."

Thomas, l'arrière droit

Semaine après semaine, Thomas Meunier s'habitude à son nouveau poste. Mais c'est d'abord à l'entraînement qu'il fait ses gammes, peaufinant avec Garrido son positionnement, ses courses, ses appels et ses centres.

Les playoffs 1 du printemps 2013 marquent un tournant. Les prestations en dents de scie de Tom Högli ne plaisent pas au coach brugeois, qui décide de lancer Meunier dans le bain, à sa nouvelle position. Avec succès puisque, durant les neuf derniers matches de la saison, le défenseur apparaît à la fois solide et offensif, alors que Bruges termine le championnat à la troisième position mais avec le statut de meilleure équipe des PO1.

La saison suivante (2013-14) est celle de la confirmation. Les prestations de Meunier (malgré un own goal qui offre le titre à Anderlecht en fin de saison) à l'arrière droit sont régulières et convaincantes, au point que Marc Wilmots lui offre une première convocation en novembre 2013.

"Cela a été une surprise", ne cache-t-il pas au moment de rencontrer la presse avec un training noir-jaune-rouge, pour la première fois. "Il y a eu un petit coup du destin avec la blessure de Gillet. Van den Borre fait un bon retour à Anderlecht mais c'est sans doute encore un peu tôt pour lui. Il y avait donc une solution pour moi. Même si je n'espérais rien, pour ne pas être déçu en cas de non-sélection. Être repris, c'est magnifique."

Et cela prouve que ses progrès au poste de back droit ne sont pas passés inaperçus. "Je suis de plus en plus à l'aise à ce poste, je le constate même à l'entraînement. J'ai de plus en plus de facilités, d'automatismes. Ma progression est assez bonne."

Elle ne lui permettra toutefois pas d'intégrer la liste des 23 Diables retenus par Marc Wilmos pour le Mondial 2014 (Van den Borre et Alderweireld lui sont préférés). Déçu, Thomas Meunier n'est pas du genre à lâcher et ses performances en club lui permettent de réintégrer la sélection un an plus tard, alors qu'il est en pleine bourre avec Bruges.

Un club qu'il incarne au quotidien et dont il devient l'un des leaders, lors de cette fameuse saison 2015-2016 qui le mène, pour la première fois de sa jeune carrière, au titre de champion de Belgique, grâce à des performances offensives (6 buts, 6 assists) et défensives de haut vol.

"C'est un sentiment exceptionnel", réagit Thomas Meunier dès le coup de sifflet final. "C'est le fruit d'un travail de longue haleine." Dont le sien, assurément.

L'envol du Diable

Logiquement sélectionné parmi les 23 Diables présents à l'Euro 2016, Thomas Meunier y preste à un niveau international en tant que latéral droit. Et réussit son tournoi, malgré une élimination précoce et frustrante face au Pays de Galles. Après laquelle il s'engage avec le Paris Saint-Germain et entre définitivement dans la cour des grands.

"Je suis très honoré d'avoir été choisi par le Paris Saint-Germain pour venir étoffer un effectif composé de nombreux grands joueurs", indique Meunier après sa signature. Malgré les réticences de certains, Meunier s'intègre rapidement dans le noyau parisien, où il gagne sa place devant Serge Aurier avant d'être mis en concurrence avec le monument Dani Alves cette saison. Avec une constante depuis maintenant deux saisons : des performances réussies à chaque fois qu'Unai Emery a fait appel à lui.

"Honnêtement, je ne suis pas surpris qu'il réalise une telle carrière", termine Georges Leekens. "C'est un garçon avec de la personnalité, qui a les pieds sur terre et qui comprend le football. Aujourd'hui, il fait partie des meilleurs joueurs du monde à son poste." Ce qui rend Long Couteau très fier. "Quand je le vois jouer, cela me fait chaud au coeur. Mais il faut bien se rendre compte que s'il en est là aujourd'hui, c'est surtout grâce à lui et à son travail au quotidien. Car un tel repositionnement, il faut le digérer."

Et aujourd'hui, on peut l'écrire sans risque de se tromper: Thomas Meunier l'a très bien fait..