Quand les Neymar étaient sans-le-sou

Le joueur le plus cher de la planète n'a pas toujours vécu dans l'opulence. Reportage dans sa ville natale, Mogi das Cruzes, où son père tentait tant bien que mal de joindre les deux bouts, dans un appartement à 150 euros par mois.
Par Benoît Delhauteur, au Brésil

Mogi das Cruzes, à une heure de Saõ Paulo.
Là où tout a commencé pour Neymar Junior

40 millions d'euros de prime à la signature. 30 millions d'euros de salaire annuel net. Les Neymar vont bien, merci pour eux. Au début de l'histoire, ils formaient pourtant une famille brésilienne comme les autres, qui peinait à boucler les fins de mois...
Quelle était la vie du jeune Neymar, avant qu'il ne se mette à briller sur les terrains? En 2014, pendant le Mondial, nous nous sommes rendus dans la ville où il a vécu les cinq premières années de sa vie, à Mogi das Cruzes. Située à une heure de route de São Paulo, Mogi est triste et quelconque.
Le quartier populaire du Rodeio n'est pas moins terne: peu de commerces et des rues cabossées qui se ressemblent toutes. La plupart des habitations sont des condominios, des complexes d’appartement protégés par des grillages pour éviter les vols. "A l’époque où les Neymar vivaient ici, il y a 20 ans, le quartier était nettement plus pauvre. A la place de tous ces bâtiments, en face, il n'y avait que de la terre rouge...", nous explique un éboueur de passage.
La petite famille habitait dans la residencia Safira, située au 593 rue Ezelino da Cunho Gloria. Enfin, résidence, c’est vite dit... Les appartements ont des airs de cages à poule.
"Vous n’êtes pas le premier journaliste à venir ici", grommèle la concierge, une dame bien ronde d’une soixantaine d’années. "Seuls les plus vieux d'entre nous ont vu le petit Neymar. Il avait toujours un ballon dans les pattes."
"Il a commencé à jouer là, sur ce terrain", indique du doigt Atilio Suarti. "C’était un petit garçon mignon, avec ses petites boucles, très actif. Dans sa chambre, il y avait tellement de petits ballons de foot que c’était difficile de voir le sol..."

Si Neymarzinho - comme on l’appelait dans le quartier - manquait de place chez lui, ce n'était pas seulement à cause des ballons. Nous avons pu voir à quoi ressemblait l’appartement où il vivait. C’est difficile de faire plus petit. Le salon est minuscule. La lumière y entre à peine, par une unique fenêtre. La cuisine ressemble à un couloir et les deux chambres sont tout aussi exigües. Le loyer aujourd'hui: 150 euros par mois. À Mogi das Cruzes, le salaire moyen est de 400 euros.

Le salon des Neymar à l'époque:
un 20 mètres carrés, sombre et lugubre

Le père, footballeur raté

Ce logement étriqué, Neymar Senior était bien forcé de s'en accomoder. Rêvant de devenir pro, il a changé de ville et de job au gré de ses petits contrats de joueurs. Jusqu'à ce qu'il trouve de l'embauche à l'União Mogi FC. Les maigres primes ne suffisaient pas pour améliorer le niveau de vie de la famille et il devait trimer dans une usine. S'imaginait-il que 20 ans plus tard, son seul boulot serait de négocier des primes à sept zéros?
"Neymar Senior était très populaire dans le quartier", explique Don, en train de faire griller une saucisse dans son aubette. "Je dois dire qu'il ne donnait pas l’impression de le pousser à jouer au foot. Neymarzinho aimait le ballon, point. Mais ce qui était clair, c'est qu'il était un papa très protecteur avec son fils."
Il le fut dès les premier jours. Quelques jours le 5 février 1992, date de naissance du prodige, le paternel se rend à la commune pour déclarer son enfant, qui devait s'appeler Matheus da Silva Santos. Il change d'avis au dernier moment: il se prénommera Neymar. Comme son père.

L'accident, le bébé sous le siège et la Miséricorde

Un an plus tard, la famille vit un drame, qui aurait pu mettre un terme au conte de fées avant même qu'il ne débute. Dans les rues de Mogi das Cruzes, griller les feux rouges fait partie des habitudes quotidiennes: on a pu le constater avec effroi. Ce jour-là, le véhicule de Senior est violemment percuté par un autre automobiliste. "La voiture était bien amochée", raconte-t-il dans une biographie. "Ma jambe gauche est montée sur ma jambe droite, tou était en vrac. Mais le pire, c'était de ne pas voir Junior. Je l’ai cherché partout du regard, en vain. On ne l’entendait pas. J'ai pensé qu'il avait été projeté en dehors de la voiture. Nous l’avons finalement retrouvé... en-dessous du siège."
Junior est un miraculé: hormis une égratignure à la tête, il n'a absolument rien.
Le père, lui, est dans un sale état. Il souffre d'une dislocation du bassin et doit suivre une revalidation d’un an à l’hôpital Santa Maria de Misercordia, à Mogi das Cruzes.
Là même où Neymar Junior avait vu le jour, le 5 février 1992. La clinique, devant laquelle se dressent de grands palmiers, a davantage des airs de vieille administration communale. On y rencontre le Docteur Benedito Kleine, qui a participé à l’accouchement de Neymar Junior. " Je me souviens très bien de ce jour-là. Il y avait aussi une certaine effeverscence dans l'hôpital parce qu'en tant que joueur de l'Uniaõ, Neymar Senior était une célébrité locale. Les parents étaient évidemment très heureux... comme tous les parents. Je ne m'en rendais pas compte à l'époque, mais j’ai été l’un des premiers à toucher les pieds de Neymar Junior."
Des pieds qui valent aujourd'hui 222 millions d'euros.