Ryan Giggs a dit d’Adnan Januzaj qu’il était « talentueux », la Gazzetta dello Sport l’a considéré, en 2014, comme le joueur de moins de 21 ans le plus prometteur d’Europe.
Adnan Januzaj s’est un peu perdu en chemin mais revient à plein régime avec la Real Sociedad. Une nouvelle étape dans sa carrière qui confirme tout ce qui a été dit à son sujet lors de ses jeunes années à Molenbeek et à Anderlecht.
Plongée dans le passé d’un vrai ket de Bruxelles.
L’histoire d’Abedin, lisez Din, a déterminé celle de son fils Adnan. Arrivé en Belgique en direct depuis l’Albanie, le paternel Januzaj s’installe à Bruxelles et y fait sa vie.
Il enchaîne les jobs avant de s’installer au garage Opel Mabille à deux pas de la chaussée de Gand à Molenbeek. « Il lavait les voitures neuves avant que les clients viennent les chercher », lance Marc Baele, du garage devenu Boden. « Il bossait bien. Mais il ne pensait qu’à une chose : son gamin. »
C’est dans la commune bruxelloise la plus tristement célèbre du monde que la famille s’installe. Une ville qui sera le premier témoin de son talent.
Relation fusionnelle
Le premier… après Abedin. Quand on parle du fils Januzaj, le paternel n’est jamais bien loin. Passionné (voire dingue) de football, Din pousse son fils à tâter du ballon. D’abord dans le parc Josaphat de Schaerbeek, puis sur les pelouses proches de la basilique de Koekelberg.
La relation père-fils est extrêmement puissante, fusionnelle presque. Le père fait tout pour ne rien louper de l’évolution footballistique de son gamin. « C’était au point de refuser qu’Adnan prenne part à un tournoi international si Abedin ne pouvait s’y rendre avec lui », poursuit-on chez son ancien employeur. « Il ne pouvait pas loger en famille d’accueil. Son père devait être avec lui. »
Chaque entraînement est épié par Din qui ne se cache jamais d’un commentaire ou d’une remontrance. « Il était très sévère », lance Didier De Broyer, son premier formateur. Le père ne laisse rien passer. Son fils n’a pas le droit à l’erreur. « Son père le faisait travailler d’arrache-pied », poursuit De Broyer.
« Il trouvait toujours quelque chose à redire. Il ne voyait que le négatif et nous devions dire à Adnan qu’il n’avait pas mal
joué. »
Son père ne lui laisse pas une seconde de répit. Le travail est une valeur qui coule dans les veines des Januzaj.
« Quand il n’y avait pas entraînement, son père l’emmenait au parc pour aller travailler. Sa technique, principalement. C’est de là que vient son toucher de balle. Son père le poussait énormément. »
Une relation presque abusive vue de l’extérieur. Une vision rapidement estompée par les précisions données par ceux qui connaissaient vraiment le père et son fils lorsqu’ils vivaient encore en Belgique. « Din a tout donné pour son fils », explique De Broyer. Merveille Gobelet, son ancien équipier, corrobore. « Son parcours, Adnan le doit aussi à son papa, qui a toujours été derrière lui. Il savait qu’un jour, son fils évoluerait chez les pros. »
La proximité géographique conduit Adnan Januzaj au stade Edmond Machtens, le temple du football molenbeekois. Il y arrive dès son plus jeune âge et fait déjà fureur.
Joseph Renders a, alors que le gamin n’est encore qu’en diablotins, demandé à Jean-Paul Pira, coordinateur du RWDM de venir expressément le voir à l’oeuvre. Un choc. « C’était un petit blondinet, calme, un enfant comme les autres. Il ne se prenait pas pour une vedette. »
Il arrive en préminimes avec l’étiquette de superstar et est rapidement surclassé. « Il était pourtant fluet et pas très explosif. Mais lorsqu’il montait sur le terrain, il faisait étalage de toute sa technique, sa vivacité, sa vision de jeu et sa qualité de frappe. »
Bien installé au numéro 9, il claque, dribble, plante des banderilles et fait trembler tous ceux qui croisent sa route. « Je me rappelle d’un match gagné 22-0 avec 16 ou 17 buts d’Adnan », sourit Pira. « On a vite compris que le petit était un joueur fantastique. »
Il en dégoûte même les parents des adversaires. Au point que certains étaient tout proches de croiser le fer et d’en venir aux mains. Merveille Gobelet se souvient d’un tournoi à Bouillon que Januzaj avait survolé. « Une dispute a éclaté car les parents ne comprenaient pas qu’un joueur aussi doué évolue avec nous. »
Son passage au Machtens marque un énorme tournant dans sa vie. Didier De Broyer, l’un des hommes les plus importants dans son cheminement change le cours de sa carrière en le repositionnant derrière l’attaquant de pointe. « Je me souviens encore de la réaction d’Abedin. Il était furieux. Il ne comprenait pas ce que je faisais. »
Des années plus tard, pourtant, De Broyer est l’une des premières personnes au courant du passage d’Adnan dans les rangs de Manchester United. « Une reconnaissance », explique le coach. « Abedin m’a finalement fait confiance et m’a laissé faire. Selon moi, Adnan est un joueur qui a besoin de toucher le ballon et faire face au jeu. Il était formidable à voir jouer. »
Ses équipiers résument le jeu avec Januzaj: récupérer le ballon, lui donner. Simple et efficace. « Il enchaînait les petits ponts et avait un don pour mettre le cuir dans le dos de la défense », poursuit De Broyer.
Januzaj ne vit qu’à travers le football. Pas de temps libre avec les copains ou devant la PlayStation, s’entraîner est la seule chose qui le préoccupe. « Il ne voyait pas grand monde en dehors des pelouses », explique un ancien équipier.
On se souvient de lui comme d’un gamin simple, sans histoire. « Il est toujours resté les pieds sur terre », lance Pira. De Broyer confirme. « Tu n’entendais jamais un commentaire négatif à son égard. C’était un chouette gamin qui dormait presque avec son ballon, comme l’affirmait son père. »
Durant ses jeunes années molenbeekoises, Januzaj vit pour et à travers le cuir. « Même en mangeant, Adnan jonglait sous la table », rit encore De Broyer.
Il a neuf ans quand le grand voisin anderlechtois lui propose de rejoindre ses rangs. Le gamin est tenté de franchir le pas mais De Broyer le convainc de rester une année de plus.
« Adnan était venu me trouver pour me dire qu’Anderlecht le voulait. J’ai conseillé à son père de nous le laisser un an de plus pour qu’il puisse progresser sans pression. Il m’a fait confiance. »
Un an plus tard, De Broyer met fin à sa carrière de coach.
« Abedin m’a dit qu’Adnan serait peut-être resté si j’avais continué. »