Le carnet de bord des Tornados

Sur la route de l'Everest

Notre relais 4x400 mètres aura tutoyé les sommets, cette saison. Pas que sur la piste d'ailleurs... Les Tornados ont vécu une aventure intense et inoubliable en ce mois de novembre, en s'imposant un trek de quinze jours pour rejoindre le camp de base de l’Everest.

L'équipe dans son entièreté (Jonathan, Kevin et Dylan Borlée, Jonathan Sacoor, Julien Watrin et Robin Vanderbemden) s'est envolée vers le Népal pour y signer un team-building hors du commun sous forme de long trek dans les montagnes de la région de l’Himalaya.

Les Tornados ne sont pas, pour autant, partis dans l’inconnu. Guidés par Lucie Cincinatis, exploratrice dans la région de l’Himalaya, qui organise le voyage en collaboration avec une agence locale, Himalayan Hikers, gérée par une famille de sherpas qui connaît la région par cœur, nos athlètes étaient parfaitement encadrés.

Immersion au sein de cet incroyable défi, entre mal des montagnes (avec un point culminant à plus de 5500 m d’altitude), mais aussi fameux défi sportif (130 kilomètres avec un dénivelé positif total de plus de 3000 m) saupoudré de team-building à la sauce Jacques Borlée. Sans oublier également un but humanitaire pour donner du sens à ce voyage...

Jour 1: les Tornados à Katmandou

Tout le monde est arrivé sain et sauf à Katmandou. Malgré les visages tirés par une nuit passée dans l'avion. Presque sans sommeil.

Boostés par l'envie de découvrir la capitale du Népal, nous sommes partis en visite. Presque au péril de nos vies.

Les taxis népalais n'ont rien à voir avec ceux de Bruxelles. Dans une circulation bordélique et une pollution constante, le nôtre a slalomé dans les ruelles de la ville pour atteindre le temple des singes. Une colline remplie de singes qui n’appréciaient visiblement pas nos sprinteurs. Plusieurs ont été surpris par les sauts des animaux.

La journée de visite a été conclue par un passage par un crématorium en plein air, une tradition népalaise, et un détour par la partie tibétaine de la ville.

Jour 2 : Au cœur de SOS villages d'enfants

La journée de tourisme de vendredi et le jet-lag ont bien entamé les organismes. Les membres de l'expédition se sont levés avec difficulté malgré une longue nuit de sommeil.

Les esprits étaient déjà en partie tournés vers les montagnes mais les Tornados ont réservé une partie de leur énergie pour SOS Villages d'enfants.

Une association qui compte énormément pour leur coach Jacques Borlée et pour laquelle ils ont déjà participé à plusieurs activités.

Au Népal, l'action de l'organisation est énorme. Dix villages ont été créés dans le pays. Nous en avons visité le plus ancien et ses 16 maisons en périphérie de la capitale. Malgré une population qui parvient à vivre longtemps, le taux de mortalité avant cinq ans reste de 39%. Grâce à SOS villages d'enfants, plus de 650 enfants ont été sortis de la rue. Une action nécessaire et uniquement financée par les pays européens.

Atelier moulage d'argile

Au total, 25.000 jeunes sont gérés au quotidien par les différents programmes. Nous avons pu visiter deux familles basées hors villages. Deux moments poignants.

La première visite a donné lieu à un bel échange entre Jonathan Borlée et un jeune enfant qui lui a tiré le portrait au crayon. Durant la seconde, on a vu un Jonathan Sacoor très attentif à l'histoire d'une mère qui a pu ouvrir un commerce et nourrir sa fille grâce à l'organisation.

De retour au village, les Borlée, Julien Watrin, Robin Vanderbemden et Jonathan Sacoor sont retombés en enfance le temps d'un atelier de moulage d'argile. Vanderbemben à créé un magnifique cochon visiblement trop nourri tandis que Watrin a moulé un visage au réalisme bluffant. La création de Saccor, un cygne, a été récupérée par une jeune fille du village.

Après en tour en balançoire népalaise pour Jonathan Borlée et Sacoor (qui nous a gratifiés d'une sortie en vol-plané), nous avons partagé un repas typiquement népalais au cœur des maisons du village d'enfants. Au menu : beaucoup de riz, des légumes et même des frites molles.

L'appel de la montagne

La fin d'après-midi a été mise sous le sous le signe de la préparation. Les sacs ont été distribués aussi vite que les questions ont fusé. "Et ça on peut prendre ? Et les médicaments ? " Le stress est palpable chez tout le monde sauf les athètes qui restent extrêmement détendus.

Le réveil est programmé pour quatre heures dimanche matin. L'avion se posera à sept heures à Lukla, l'un des aéroports les plus dangereux au monde, au cœur de la montagne. Le trek pourra ensuite démarrer.

Jour 3: les joies de la montagne et de l'avion

"C'est votre wake up-call." 3h56. C'est une blague ? Pas vraiment. Si l'avenir est à ceux qui se lèvent tôt, là c'est un peu trop. Surtout vu le début de journée chargé en sensations fortes. Les 18 membres de l'expédition ont pris la direction de l'aéroport pour attraper un vol vers Lukla et les montagnes de l'Himalaya.

La réputation de notre destination n'a rien de rassurant: l'aéroport le plus dangereux au monde. Un lieu qui compte ses morts chaque années. Pas de quoi rassurer le plus grand des voyageurs. On commence à se faire à l'organisation en dilettante du Népal mais nous n'en avons pas mené large quand un membre du personnel a décidé de nous séparer du reste du groupe. "Et mes copains alors ?" On s'est finalement retrouvé au beau milieu d'un groupe de Polonais bien bruyants. Jusqu'au décollage.

D'un coup, lorsque le minuscule avion qui peut au mieux contenir une quinzaine de personnes à commencé à accélérer, ils se sont tus. Pour observer le paysage à couper le souffle qu'offrent les 25 minutes de balade pour atteindre les 2.800 mètres d'altitude mais aussi à cause des secousses et du stress qu'elles ont généré. L'approche de la piste d'atterrissage donne envie de se coller à son siège. Elle est courte et pentue, bref dangereuse.

Le look et les chaussures de Dylan

Le groupe est arrivé entier et amusé de l'expérience. Deux cafés plus tard (histoire de réveiller les jambes et les esprits), nous avons enfin commencé le trek. Une journée calme pour commencer avec plus ou moins huit kilomètres et un dénivelé négatif pour rejoindre Phakding à 2.650 mètres.

Sous le soleil, nous avons dû faire tomber le pantalon et le troquer avec un short. Dylan Borlée n'a pas eu ce problème, il a juste défait les fermetures éclairs de son pantalon pour en faire tomber les pans sur ses chevilles. Un nouveau look. Ce n'était pas la journée du cadet des Borlée. Lors de la pause lunch dans un décor magnifique, il a décidé de renoncer pour l'instant à ses chaussures de randonnée. Trop serrées au niveau des tibias elles lui étaient devenues douloureuses.

Les membres du relais 4x400 ont déjà annoncé la couleur dans les premières côtes: ils ont de bonnes jambes et comptent mettre du rythme malgré les nombreux arrêts photo d'un Julien Watrin sous le charme de la région mais au téléphone presque plein. Côté couleurs, justement, Robin Vanderbemben a déjà peinturluré son cou en rouge soleil. La crème SPF 30 ne suffit visiblement pas sous le soleil de l'Himalaya.

Jour 4: les Tornados plus rapides que les mules

Retour sur la soirée de dimanche avant de parler de lundi. Le soir, il fait froid. Surtout sans chauffage dans les logements. Et personne ne s'y attendait. L'arrivée dans la salle commune du refuge a été une scène digne d'un vaudeville. 

Chaque personne revenue de sa chambre a débarqué avec une énorme grimace et un nombre incalculable de couches en balançant un "pouaaaaah ça caille." De quoi lier tout le monde dans le côté ridicule de la situation. 

Tous craignaient la nuit dans des chambres aux températures frôlant le gel. Les débats ont été lancés: comment contrer le gel. Un des membres du groupe a utilisé ses expériences de grand froid pour nous conseiller: "tout nu et avec une bouillotte dans le sac de couchage fermé le plus possible." Merci, la nuit a été longue et douce pour tout le monde. 

C'était bien nécessaire. La journée était l'une des plus compliquée en terme de distance et de dénivelé. Une dizaine de kilomètres et près de 1.000 mètres à gravir pour atteindre les 3.400 mètres et le village complètement fou de Namche. On y trouve des saunas, des cafés et même un cinéma. La grimpette a été costaude. Surtout à cause du rythme imposé par les Tornados sur les pentes raides. Les sprinteurs ont imposé un pas qui a même choqué les sherpas qui n'ont cessé de leur répéter d'y aller doucement. 

Rien à y faire, il a fallu s'accrocher, prendre "leur roue", quitte à ne pas être au top en fin de journée. Sans en avoir l'air, près de 800 mètres à cette altitude, ça cogne un peu. Le trajet a été plus bucolique que la veille. Après des débuts dans les bouchons, on a presque uniquement croisé des yacks et des mules. Elles avaient du mal à suivre les Tornados au point de s'arrêter en pleine côte. Les porteurs continuent de nous impressionner. Nous en avons croisé un avec un matelas sur la tête et dépassé un qui portait une porte.

Jour 5 : plein la vue et premiers malades

Pour beaucoup, dont tous les Tornados sauf Jonathan Borlée, dormir à 3.600 mètres était une première. La nuit à été agitée et moins reposante que les précédentes. On portait tous le poids de la longue journée de marche.

Premiers malades

Certains ont débarqué au petit-déjeuner avec le teint blême. La nuit a été rude pour eux et ils ont d'ailleurs commencé à ingurgiter les médicaments contre le mal des montagnes. Robin Vanderbemben était le plus mal en point du groupe. Le Liégeois a rendu en se réveillant et n'a pas su manger avant le soir. Courageux, il a su grimper les 500 mètres de dénivelé du jour avec le sourire et en déconnant sur les images avec son binôme Julien Watrin. Une preuve que les sportifs sont une race à part.

Robin nous en parlait justement la veille en expliquant qu'être à bloc est juste un état normal pour les sportifs de haut niveau. Moins pour un quidam, même entraîné. Il aurait été triste de ne pas profiter de la journée. Bluffante. Chaque virage est synonyme de nouveau paysage. Nous avons même pour la première fois eu une vue dégagée sur l'Everest. De quoi se sentir ridiculement petits et humbles face à la nature. Jonathan Sacoor l'a bien compris, ramassant au passage les détritus laissés par des touristes irrespectueux.

Le Yeti et le bébé yack

Officiellement, la journée avait pour but de nous acclimater à une altitude de 3.800 mètres mais elle s'est vite transformée en séance photo. Autant garder des souvenirs. Jonathan Borlée se souviendra aussi de ce qui aurait pu être un carambolage avec un bébé yack évité de justesse. C'est également son frère et lui qui ont croisé un groupe de néerlandophones parties sur le même trek que nous. Curieuses de leur présence dans les montagnes, elles ont posé quelques questions avant de réclamer une photo.

Nous sommes arrivés, au mental pour certains, jusqu'à Khumjung. La bourgade isolée (un choix des Bhouddistes) nous a réservé quelques surprises dont l'utilisation d'excréments de yack, qui sèchent sur les murs en pierre, pour chauffer les refuges. Nous avons également pu observer, dans le monastère local, le scalp du Yeti. True story, enfin, selon la légende locale.

Jour 6: Premier abandon et arrivée à 4.000 mètres

La journée a débuté avec un abandon. L'organisatrice de l'expédition a été prise de migraines et n'a pas eu la force de quitter le dernier refuge. Elle nous a laissés entre les mains expertes de notre sherpa. Un Népalais du genre à se promener en tongs quand il gèle dehors.

On s'attendait à une étape tranquille. Les responsables ont évoqué une montée d'un peu moins de 400 mètres. Ils avaient certainement omis de décrire le côté cassant de l'étape et la longue descente qui nous attendait alors que nous approchions des 4.000 mètres. À quelques encablures d'un palier important pour notre acclimatation, nous sommes presque redescendus au niveau de la loge précédente.

Et cela ne pouvait signifier qu'une chose: une sacrée montée (encore une) de près de 500 mètres de dénivelé positif en à peine deux kilomètres sur un terrain cassant et sans vue à couper le souffle.

On ne va pas se mentir, c'est dur. L'effort en soi n'a rien d'incroyable mais l'altitude pèse sur notre rythme et nous force à adopter un pas lent et cadencé. On commence à choper la technique car à chaque accélération, le cœur s'emballe.

Nous sommes nombreux à traîner un mal de crâne récurrent qui s'en va et revient. Les athlètes sont encore en pleine forme mais connaissent chacun des moments de grosse fatigue ou de maux de tête. Le rythme reste rapide vu notre arrivée trente minutes avant les prédictions du planning.

Le nouveau défi est la météo. La grisaille s'est emparée du ciel népalais et tout le monde est perdu sur la question de l'équipement.

Suer signifie avoir froid. Ne pas assez se couvrir, c'est connaître un même résultat. L'équilibre est mince et compliqué à trouver car personne ne souhaite tomber malade. Les premiers flocons nous poussent déjà à réfléchir à demain. Nous atteindrons presque les 4.500 mètres et ça va cailler.

Jour 7: le repos après la crève

Images à l'appui.La soirée de mercredi a été une véritable galère pour moi. J'ai cru avoir le mal des montagnes. Nauséeux et sans appétit, j'ai été rassuré sur mon état par notre guide. Il a mesuré ma saturation, dont les résultats étaient bons, avant de conclure que j'avais dû prendre froid à cause des trop nombreux moments de break de la longue marche de la veille. 

La nuit m'a miraculeusement sorti d'un état grippal qui aurait été sérieusement pénible pour la suite. La journée était idéale pour ne pas être à 100%. Pas trop de dénivelé (un peu moins de 500 mètres de D+) et seulement deux grosses heures de marche. L'estomac quasi-vide, j'ai décidé de rester avec Jonathan Sacoor, qui ne veut pas risquer une migraine, et Robin Vanderbemben, qui a connu les mêmes soucis que moi en début de semaine et qui souffre encore des sinus. 

Les jumeaux Borlée ont également vécu une nuit difficile, alors que Julien Watrin commence à avoir des maux de tête. Dylan Borlée n'a, lui, pas trop de soucis mis à part sa respiration un peu plus difficile. Cette cinquième journée de trek a certainement été la plus belle. Nous avons marché entourés par les montagnes.

Des vues incroyables à 360 degrés qui ont été aidées par une brume se dissipant progressivement pour laisser le soleil éclairer le paysage. Nous avons dépassé les 4.400 mètres d'altitude. Un peu plus de 1.000 de notre plus haut point. Et chaque jour ressemble de plus en plus à un défi en terme de gestion du froid, du sommeil et de l'altitude.

Jour 8: ça commence à ressembler à Koh Lanta

Le retour du trek a été le plus dur depuis le départ. Tous les participants se sont effondrés sur les banquettes de notre lodge de Gokyo. Les causes ? D'abord une nuit difficile. Nos athlètes n'ont pas dormi plus de deux heures et se sont réveillés avec un sacré mal de tête. Puis, une nouvelle étape qui a commencé fort avec une grosse montée pour se mettre en jambes.

Le petit-déjeuner a été endeuillé d'un deuxième abandon. Touché par le mal de l'altitude, un des participants a été rapatrié à l'aéroport de Lukla avant 8 heures du matin et est déjà à Katmandou pour se reposer.

Chaque jour est plus difficile que le précédent. En plus de la fatigue, l'altitude joue un rôle de plus en plus fort sur les organismes. Chaque pas est calculé et une accélération signifie un essoufflement quasi immédiat.

Nous sommes tous d'accord sur une chose: c'est plus compliqué qu'on le pensait. La vue des trois lacs de Gokyo a soulagé les esprits des quelques difficultés. Trois étendues d'eau cristalline entourées de sommets blancs. À couper le souffle. Et encore plus quand l'oxygène se raréfie.

Nous n'avons pas su échapper à l'appel du glacier. Notre guide nous a accompagnés à quelques encablures de Gokyo pour voir un glacier de plus de 30 kilomètres de long. Une beauté de la nature en constante évolution. On entendait même la glace se briser.Les deux jours à venir ont de quoi faire peur: une montée au sommet de Gokyo Ri, une montagne culminant à plus de 5.300 mètres avant de grimper le Cho La Pass, un col entre deux montagnes. Il faudra de l'énergie et un peu de chance.

Jour 9: Gokyo Ri, nous moins

C'était la journée test. Celle de la montée du Gokyo Ri, un sommet à 5.350 mètres d'altitude. Une sorte de garde gris veillant sur Gokyo et ses trois lacs.

Mais certainement pas sur les âmes de ceux qui tentent de le gravir. Une large partie du groupe, dont les six athlètes et leur coach Jacques Borlée, a décidé de tenter le coup dès 5h30 ce matin. Lampe frontale vissée sur le front, nous avons bravé la nuit et une montagne pas des plus comodes. Les premières foulées ont été difficiles pour Jacques Borlée qui a confié avoir cru ne jamais arriver à bout de ce beau bébé qui nous forçait à prendre 600 mètres de dénivelé positif en seulement un peu plus de 1.500 mètres. Soit une pente moyenne frôlant les 40%. Il l'a toutefois fait.

Le courage des athlètes 

Kévin Borlée en a bavé. Bien plus que tous les autres. Dès les débuts de la côte, il a dû se résoudre à s'asseoir. Une méthode qu'il a répétée à l'envi, se couchant même parfois. "Au moins, j'avais une belle vue durant mes pauses", nous a-t-il lancé dans la descente. Car, contrairement aux conseils de notre guide, il est allé au bout de l'effort. Au mental. Il est redescendu non sans difficulté et s'est effondré sur la table du petit-déjeuner. La deuxième partie de journée a été un véritable calvaire pour lui. Il a fait au mieux pour atteindre le refuge. Robin Vanderbemben a aussi mordu sur sa chique.

Malade ce matin, le Liégeois n'aurait pas dû se joindre à l'expédition mais a été convaincu par le mots de son ami Julien Watrin: "Tu seras mieux dehors que quatre heures dans ton lit." S'il n'était pas à son top au sommet, Vanderbemben a réussi à monter en ne buvant rien sauf quelques lampées de boisson isotonic. Si nos deux athlètes ont encore une fois montré des capacités folles, c'est certainement Olivier, notre vétéran de l'aventure, qui a fermé quelques becs montant avec le sourire, en rythme et toujours avec une anecdote à raconter.

Les yeux sur l'Everest 

Toute l'équipe était dans ses petits souliers au retour de la promenade sur le Gokyo Ri. Au point de réclamer une pause rallongée pour recouvrir nos forces. Nous en avons pris plein les cuisses mais aussi plein les yeux. L'Everest se dressait non loin de nous et d'autres sommets à plus de 8.000 mètres pointaient le bout de leur nez. Des géants aux crânes blancs qui protègent la région en fatigant chaque touriste voulant les atteindre. 

La seconde partie de journée (l'ascension n'avait pas rassasié nos guides) a été plus difficile. Marcher sur un glacier recouvert de rochers procure un sentiment spécial mais la traversée a été longue et fastidieuse, surtout pour nos organismes meurtris. Pas de repos pour les braves. Nous recommencerons de bonne heure ce dimanche avec l'étape la plus longue du périple. En espérant que les membres du groupe ne connaissent pas une nouvelle nuit sans sommeil.

Jour 10: Chola pass(e) pour tout le monde

Que ce fut dur. Mais dur. Pour atteindre notre objectif, il a fallu traverser le paysage. Passer de l'autre côté de la montagne et donc de la carte de la région.

L'étape numéro 8 de notre périple était la plus dure et la plus longue. Plus de six heures de marche pour franchir le Chola pass et arriver à Dzongla pour une nouvelle nuit aux alentours de 4.800 mètres.

Tous en seul morceau. Un petit miracle

Dès les premiers mètres, peu après six heures du matin, plusieurs randonneurs ont lâché le troupeau. Lessivés et sans énergie, ils ont progressé à leur rythme pour tout de même franchir tous les obstacles.

Une longue côte qui nous a fait grimper jusqu'à 5.100 mètres, d'abord. Le Chola Pass, ensuite. Ce passage entre deux montagnes a été un massacre pour nos cuisses et nos têtes. Devant ce mur de pierre, tous n'ont eu qu'une seule pensée: "Ne peut-on pas sauter au-dessus, le contourner ou prendre un hélicoptère ?"

Nous n'en étions pas à ce point-là, mais la motivation n'était clairement pas au rendez-vous au moment de franchir ce col à 5.380 mètres. Même Jonathan Sacoor, le plus calme de nos athlètes a souffert dans ce mur pour lequel il fallait s'agripper à une corde pour trouver son chemin à travers les pierres.

Migraines et grand froid

Dans la côte, Jonathan Borlée souffre de grosses migraines et Kévin Borlée n'a jamais su se réchauffer. Il a dû pousser des râles pour respirer dans la montée. Encore un peu malade de la veille, Julien Watrin s'est économisé alors que Robin Vanderbemben semblait être le seul à ne pas galérer.

Il s'est carrément éclaté sur la descente qui a suivi. Une pente pourtant dangereuse car couverte de neige et de verglas.

Chutes dans la neige

On a été témoin de plusieurs chutes, dont la mienne devant un Jonathan Borlée mort de rire qui a trébuché peu après.

Mal équipés, nous avons pris de gros risques à ne pas chausser de crampons. On nous avait parlé de 60 mètres à franchir sur la neige. Faites fois dix et vous aurez peut-être (une partie de) la réalité.

La suite a été plus calme. Mis à part un mur de gros rochers à dévaler, le reste de la journée a été tranquille. Voire même fastidieuse. Avec la fatigue nous avons traîné les pieds et notre spleen, profitant d'un décor digne des scènes hivernales du Seigneur des Anneaux. Nous avons même pris le temps de nous poser sur un gros rocher pour admirer les montagnes qui se dressaient devant nous. Quitte à passer la journée dans le dur, autant profiter du cadre.

Jour 11: petit guide du randonneur

Journée calme pour des Tornados encore une fois privés d'un bon sommeil. Ils ont marché en traînant un peu les pieds. La route avait ses attraits mais elle était longue et légèrement lassante. La journée d'hier a laissé des traces et elles n'ont pas encore été effacées. La nuit était censée nous aider mais elle fut l'une des plus difficiles. Les chambres étaient froides et humides. Des conditions arrivées à un paroxysme négatif ce dimanche soir. Elles nous permettent d'ailleurs de tirer les leçons pour survivre dans les lodges qui nous accueillent depuis notre départ.

Leçon 1 : Aime le yack... et ses excréments 

Les Yacks sont nos amis. Quand ils ne passent pas à deux doigts de nous empaler sur des chemins escarpés, ils sont des êtres à chérir. Pas pour leur gros pelage qui réchauffe mais pour leurs excréments. Les lodges utilisent les matières fécales de ces grosses vaches des montagnes pour chauffer la pièce commune. Les Népalais les écrasent sur les murs de pierre et les laissent sécher au soleil. Il n'est pas rare de voir le tenancier de l'établissement mettre des excréments dans le poêle central avant de retourner en cuisine. Délicieux. Le chauffage est une clé: il n'y en a pas dans les chambres et elles ne sont pas isolées. Le thermomètre affichait des températures frôlant le zéro le soir dans les chambres. Aller uriner durant la nuit est un combat de tous les instants.

Leçon 2: Apprends à faire des squats

Les toilettes sont une autre de nos préoccupations. Au plus on monte, nous sommes à 4. 950 mètres ce soir, au plus cela devient basique. Les toilettes turques sont les plus classiques dans les refuges. Mais avec deux toilettes pour tout un couloir, l'état laisse souvent à désirer. Il faut donc trouver un équilibre parfait en position squat pour être le plus loin possible du sol. Avec des quadriceps bien usés, c'est du sport.

Leçon 3: Aies des bases de géométrie

Pour bien dormir en montagne et se lever avec un mal de tête atténué (c'est déjà ça vu qu'on a tous une barre qui nous colle au front), il faut dormir à 45 degrés. Sortez les équerres et calculez la position optimale. On a tenté de dormir en partie assis et à part avoir mal à la nuque et glisser vers le fond du lit, les résultats n'ont pas été probants. On dit que pour aller au sommet de l'Everest, il faut dormir à 90 degrés. On plaint les alpinistes.

Leçon 4: Connais tes voisins

Les murs entre les chambres sont en carton. La mauvaise isolation est thermique mais également sonore. Si un voisin ronfle à trois chambres, il faut sortir les bouchons pour espérer dormir. En se retournant face au mur, on a parfois l'impression d'arriver dans la chambre d'à côté.

Leçon 5: Apprends à apprécier ton odeur

Les douches sont rudimentaires. Dans certains refuges, elles consistent en un seau d'eau chaude percé déposé sur le plafond. De quoi rêver d'une douche italienne toute la nuit.  Et même quand elles sont plus ou moins correctes, la file est longue et il est déconseillé de se laver une fois le soleil couché.  À une certaine altitude, même à midi, sortir de la douche sans se sécher ultra-rapidement, c'est la pneumonie assurée. On commence donc à retrouver notre nature sauvage et l'odeur qui va avec. Pas sûr que le compagnon de chambre appréciera.

Jour 12: la gloire et la douleur

On l'a fait. L'objectif des deux semaines de randonnée est atteint. Le groupe est parvenu à rejoindre le camp de base de l'Everest. Un moment euphorique. De la joie partagée. Si le lieu est déserté à cette époque de l'année, il n'en reste pas moins symbolique. C'est là que les alpinistes sont basés et font des allers-retours vers les autres camps pour s'acclimater avant de tenter de gravir la plus haute montagne au monde. C'est pour cette symbolique et cette prise de conscience qu'on n'est rien face à ces géants de plus de 8.000 mètres et aux fous qui risquent leur vie dessus que Jacques Borlée a tenu à venir au Népal pour faire ce trek. 

Il a failli le regretter. La montée vers Gorak Shep, où nous logeons à 5.150 mètres a été très compliquée pour lui. Malade ces derniers jours, il était encore faible en matinée. Il est arrivé après tout le monde avec le visage tiré et a fini une bouteille de Coca et un gel énergétique avant de reprendre la route. Un chemin difficile qui l'a fait arriver auprès de nous pour encore prendre une gorgée de boisson sucrée et une partie de notre barre de céréales. Il nous a ensuite confié "ne jamais avoir autant souffert de (sa) vie."

Un peu plus loin sur le chemin, notre Sherpa nous a confié qu'il ne voulait pas le laisser monter jusqu'au camp de base. Qu'il devait se reposer quelques heures avant de faire le bilan. Sauf qu'on ne dit pas à Jacques Borlée qu'il doit s'arrêter. Il nous a rapidement affirmé qu'il irait au bout. Ce qu'il a fait sous les applaudissements du reste du groupe lorsqu'il est arrivé au niveau du gros rocher marquant le camp de base et ses 5. 364 mètres. 

Tout le groupe y est parvenu au terme d'une longue promenade éreintante au long d'un glacier. Des montagnes sublimes à perte de vue et même l'Everest qui a pointé le bout de son nez. Nous n'avons jamais été aussi proches de lui. Le chemin en sens inverse a été dur. Comme un retour de vacances, quand le trajet semble traîner et les souvenirs de vacances laissent place au retour au boulot. Il y avait certainement aussi un peu de relâchement vu le but atteint. 

Les cuisses vont pourtant encore souffrir durant quelques jours. Demain, les Tornados et les derniers motivés iront affronter le Kala Pattar, un monstre de 5.550 mètres. Le point le plus haut du trek. Nous descendrons ensuite vers 3.800 mètres d'altitude pour dormir. De quoi faire plaisir à nos têtes mais certainement pas à nos cuisses.

Jour 13: un sauvetage et un sommet

On a failli vivre une drôle d'aventure. Mardi soir, l'une des participantes a eu de gros soucis à cause de l'altitude. Elle était à une saturation extrêmement basse et n'a pas trop tardé à parler de son mal-être à notre guide.

Il a, heureusement, parfaitement réagi en lui faisant respirer de l'oxygène avant de la forcer à descendre de plus de 500 mètres d'altitude pour soulager son corps alors qu'il faisait déjà nuit noire. Deux Sherpas l'ont prise en charge. L'un d'eux l'a même portée sur son dos durant près de cinq heures. Ils ont dû la convaincre de ne pas rester à près de 5.200 mètres. "Sa vie était en danger si elle ne descendait pas", a expliqué notre guide principal qu'elle a remercié au final. Elle a été rapatriée à Katmandou et devrait sortir rapidement de l'hôpital. Une situation anxiogène qui en a fait paniquer plus d'un et qui a engendré quelques mauvaises nuits.

Pas idéal quand le réveil est fixé à quatre heures du matin pour gravir le Kala Pattar et ses 5.600 mètres. Un défi pour des ventres vides et des jambes fatiguées. Seules huit personnes du groupe sont arrivées au bout. Dont Jonathan Sacoor, qui a même piqué un sprint sur la fin, Julien Watrin, Dylan Borlée et Robin Vanderbemben. Ce dernier s'est pourtant levé malade et a rendu son repas de la veille. Jonathan Borlée est, lui, resté au lit. Il est en petite forme depuis plusieurs jours et a préféré assurer le coup pour résister à la fin du séjour. Il n'est d'ailleurs pas encore à 100% remis. Son jumeau, Kevin, a réalisé une bonne partie de l'ascension avant de faire demi-tour. Ses mains et pieds étaient gelés. Il a toutefois pu admirer la vue qu'offre le Kala Pattar sur le Mont Everest. Un paysage incroyable avec un lever de soleil éclairant le toit du monde auréolé d'un nuage. Un moment magique. Certainement le plus beau du voyage.

Le plus froid aussi. Ce qui nous a poussés à filer vers notre refuge pour trouver un peu de réconfort un chocolat chaud à la main. La fin de la journée ? Pas vraiment, il était à peine huit heures du matin et une longue marche nous attendait. Au programme: une descente vers un refuge à Penboche à 3.900 mètres. Soit quelques 1.300 mètres plus bas que la veille. Il nous a fallu plus de six heures (en plus des trois du matin), près de 20 kilomètres, des sauts sur des rochers pour traverser une rivière, une rencontre avec un joggeur en stage d'altitude (un fou ?) et beaucoup d'abnégation pour atteindre notre objectif du jour.

Jour 14: La crève n'arrête pas (encore) Jonathan Borlée

Facile. Les guides nous ont dit que l'étape du jour était facile. Soit nous sommes dans le dur, soit ils mentent. Disons que la première option est la plus juste. Puis, ils nous avaient prévenus: les montagnes de l'Himalaya, c'est comme les danses de Michael Jackson. Une déclaration accompagnée d'une vague effectuée avec le bras. Et la route montait. Descendait. Montait. Descendait. Montait. À rendre fous des randonneurs sur la fin de leur trip et qui voient les kilomètres défiler sous leurs pieds abîmés.

Le tracé était supposé nous amener au monastère de Tengboche. Une montée qui en valait la peine sauf que le lieu de culte, magnifique de l'extérieur, était fermé pour cause de préparation de fête. Dommage. Les paysages ont poussé l'équipe à poursuivre. Sans réel objectif, la motivation baisse.

On s'est trouvé un but: un bon cappuccino une fois arrivés à Namche à 3.440 mètre d'altitude. Les cinq heures de marche n'ont pas été les plus simples pour Jonathan Borlée. Il est encore malade et a toussé toute la nuit. Son état s'améliore mais il est toujours faible et a du mal à dormir. Il s'est même effondré au lunch pour grappiller quelques minutes de sommeil. Au courage, il descend petit à petit en maintenant un fameux rythme vu son état de fatigue. 

L'arrivée à Namche est un soulagement pour tous car il signifie un jour de congé. Pas de randonnée au programme de demain. En accord avec notre guide, nous avons décidé de combiner les journées de vendredi et samedi en une seule. Il en profitera pour nous montrer des documentaires sur l'Everest. Et nous en profiterons pour boire plein de cafés, lire un peu et très certainement taper la carte.

Jonathan Borlée finalement évacué vers Katmandou de manière préventive

Un hélicoptère a rapatrié Jonathan Borlée vers Katmandou. Un retour prématuré vu qu'il reste encore un jour de marche. Malade depuis quelques jours, il s'est senti mal ce matin à Namche à 3.450 mètres d'altitude.

Les guides l'ont mis sous oxygène par sécurité mais il s'est rapidement mieux senti et plaisantait sur sa situation. Il était toutefois trop faible pour marcher vers la prochaine étape. Il a été transporté en hélicoptère jusque Katmandou. Après avoir été pris en charge à l'hôpital, Jonathan Borlée a pu rejoindre son hôtel, sans problème de santé mais exténué.

Jour 15: la promenade finale

Job done. Après une journée de repos et l'évacuation de Jonathan Borlée qui a passé une journée reposante à Katmandou ce samedi, les Tornados ont déferlé vers Lukla et son aéroport qui verra les membres de l'expédition décoller vers Katmandou dimanche matin.Une équipe réduite à 10 membres sur 19 suite à quatre abandons forcés, trois retours préventifs en hélicoptère et deux trekkers qui ont accéléré sur la fin pour rentrer plus rapidement à Bruxelles.

Pour les marcheurs restant la journée à été assez tranquille malgré 20 kilomètres à parcourir et une vilaine côte sur la fin. Les Tornados avaient retrouvé leurs sensations et leur puissance physique. Ils ont terminé à la course en battant notre guide, pourtant sept fois au sommet de l'Everest dans sa vie.

Seul Jonathan Sacoor a connu une journée plus difficile. Le plus jeune membre de la délégation est malade. Il a fini le tracé au courage et à son rythme.

Le moment est venu de repenser à la Belgique et à la bonne douche qui nous attend à Katmandou. Pour les souvenirs, ils resteront longuement gravés dans les esprits. Oubliant au passage les instants difficiles.