Le Mur de Berlin tombe, les coureurs de l'Est s'échappent

Il y a 30 ans, la chute du Mur a provoqué une révolution dans le monde du cyclisme.

Il y a trente ans, le 9 novembre 1989, l'effondrement du communisme allait permettre de réunir les meilleurs coureurs amateurs et professionnels dans les mêmes courses. Plus rien ne serait jamais comme avant !

Sans le savoir, Mikhaïl Gorbatchev a réussi ce que plus de trois décennies d'efforts des dirigeants du cyclisme n'avaient pu produire : réunir dans un même peloton les meilleurs coureurs d'où qu'ils soient originaires.

La politique de libéralisation économique, culturelle et politique du dernier dirigeant de l'URSS a notamment provoqué, il y a trente ans, la chute du Mur de Berlin, le 9 novembre 1989. La perestroïka et la glasnost de Gorbatchev accentuèrent l'effondrement des régimes communistes en Europe de l'Est et l'implosion de l'URSS.

Grâce à cela, à la charnière de ces années 1980-1990, un fort vent venant de l'Est a soufflé sur les pelotons. Au point qu'en 2019, 60 des 482 coureurs du World Tour, soit un sur huit, sont nés sur le territoire de ce qui était autrefois le bloc de l'Est.

Aujourd'hui, Primoz Roglic, Peter Sagan, Michal Kwiatkowski, Alexey Lutsenko, John Degenkolb, Zdenek Stybar, Tadej Pogacar, André Greipel, Matej Mohoric, Tony Martin, Rafal Majka, Pavel Sivakov, Ilnur Zakarin, Petr Vakoc ou Roman Kreuziger, pour ne citer que ceux-là, peuvent évidemment courir en toute liberté contre les meilleurs coureurs de leur génération, mais ce ne fut pas le cas de leurs aînés.

A l'époque de Rik Van Steenbergen, de Rik Van Looy, d'Eddy Merckx, de Freddy Maertens ou de Claudy Criquielion, tous ces coureurs précités n'auraient jamais pu devenir professionnels et seraient restés toute leur carrière des amateurs d'état déguisés derrière le Rideau de fer.

La situation était particulière en cyclisme et différente de celle de la plupart des autres sports. En football, les clubs de l'Est participaient aux Coupes d'Europe et les équipes nationales aux grands tournois. Depuis les années septante certains joueurs de l'Est étaient autorisés à évoluer dans des clubs occidentaux pour "service rendu". Troisièmes de la Coupe du monde 74, les Polonais Lubanski et Lato avaient par exemple été transférés à Lokeren, le gardien Tomaszewski au Beerschot.

Il en allait de même en basket ou en volley… En athlétisme et natation, les meilleurs athlètes et nageurs de l'Est se frottaient à leurs homologues occidentaux, amateurs comme eux, dans les grands rendez-vous qu'ils soient olympiques, mondiaux ou européens.

Autrefois, le Slovène Primoz Roglic, actuel n°1 mondial, n'aurait jamais pu devenir coureur professionnel. (Belga Image)

Autrefois, le Slovène Primoz Roglic, actuel n°1 mondial, n'aurait jamais pu devenir coureur professionnel. (Belga Image)

Autrefois, le Slovène Primoz Roglic, actuel n°1 mondial, n'aurait jamais pu devenir coureur professionnel. (Belga Image)

Sans la chute du Mur de Berlin et la fin du communisme, jamais le grand public n'aurait découvert les wheelings de Peter Sagan. (Belga)

Sans la chute du Mur de Berlin et la fin du communisme, jamais le grand public n'aurait découvert les wheelings de Peter Sagan. (Belga)

Sans la chute du Mur de Berlin et la fin du communisme, jamais le grand public n'aurait découvert les wheelings de Peter Sagan. (Belga)

Le Paris-Nice open de 1974

Mais pas en cyclisme. Depuis 1965, sous la pression du Comité international olympique, l'UCI était divisée en deux. D'un côté, la FIAC (Fédération Internationale Amateur de Cyclisme), qui siégeait à Rome, était dominée par les pays du bloc de l'Est et dont les membres, amateurs, donc non-rémunérés, participaient à des courses exclusives ainsi qu'aux Jeux olympiques. De l'autre, la FICP (la Fédération Internationale de Cyclisme Professionnel), établie à Luxembourg, laquelle comptait évidemment beaucoup moins de membres et quatre fois moins de fédérations nationales recensées. L’UCI, coquille vide, avait son siège à Genève.

Entre les amateurs et les pros, il n'y avait pas de rencontres, sauf totalement exceptionnelles, à l'image de ce Paris-Nice 1974, organisé sous la formule “open” à laquelle ne répondirent favorablement que les Polonais. À Orléans, au terme de la 2e étape, seul Eddy Merckx parvint à devancer Ryszard Szurkowski, le champion du monde amateurs en titre, qui sera encore 2e à Nice derrière Rik Van Linden. Mais le pédalier de l'histoire était en marche. Petit à petit, d'autres courses, le Tour du Luxembourg, le Dauphiné, le Midi-Libre, le Circuit de la Sarthe et même la Vuelta, en 1985 et 1986, adoptèrent par moments cette formule d'ouverture des épreuves pros aux amateurs. En fait des amateurs d'état, des pros déguisés, de l'amateurisme marron.

En 1974, Paris-Nice s'ouvre aux coureurs amateurs et à Orléans, il faut qu'Eddy Merckx s'emploie pour devancer le champion du monde des « purs », le Polonais  Ryszard Szurkowski, une « légende » derrière le Rideau de fer. (D.R.)

En 1974, Paris-Nice s'ouvre aux coureurs amateurs et à Orléans, il faut qu'Eddy Merckx s'emploie pour devancer le champion du monde des « purs », le Polonais  Ryszard Szurkowski, une « légende » derrière le Rideau de fer. (D.R.)

En 1974, Paris-Nice s'ouvre aux coureurs amateurs et à Orléans, il faut qu'Eddy Merckx s'emploie pour devancer le champion du monde des « purs », le Polonais  Ryszard Szurkowski, une « légende » derrière le Rideau de fer. (D.R.)

Au début des années quatre-vingt, la mondialisation du cyclisme devint progressivement un fait, mais d'abord auprès des pays anglo-saxons avec l'émergence de coureurs américains, irlandais, britanniques, canadiens, australiens, de scandinaves ou de sud-américains.

Il restait toutefois à faire se confronter tous les meilleurs coureurs du monde dans les mêmes courses car la frontière qui séparait les cyclismes amateurs et pros était aussi étanche que celle du Rideau de fer. Ce n'est qu'en 1989 qu'elle va se fissurer, puis s'effondrer.

Au départ de la Course de la Paix 1961, les deux grandes vedettes du cyclisme amateurs de l'époque, le champion olympique soviétique Victor Kapitanov, et le double champion du monde allemand de l'Est Gustav-Adolf Schür. La bonne entente n'est que de façade… (D.R.)

Au départ de la Course de la Paix 1961, les deux grandes vedettes du cyclisme amateurs de l'époque, le champion olympique soviétique Victor Kapitanov, et le double champion du monde allemand de l'Est Gustav-Adolf Schür. La bonne entente n'est que de façade… (D.R.)

Au départ de la Course de la Paix 1961, les deux grandes vedettes du cyclisme amateurs de l'époque, le champion olympique soviétique Victor Kapitanov, et le double champion du monde allemand de l'Est Gustav-Adolf Schür. La bonne entente n'est que de façade… (D.R.)

Sergei Soukhoroutchenkov, ici avec le maillot jaune du Tour de l'Avenir, était surnommé le "Hinault soviétique". Il passa professionnel trop tard pour découvrir le Tour et s'opposer au "Blaireau". (D.R.)

Sergei Soukhoroutchenkov, ici avec le maillot jaune du Tour de l'Avenir, était surnommé le "Hinault soviétique". Il passa professionnel trop tard pour découvrir le Tour et s'opposer au "Blaireau". (D.R.)

Sergei Soukhoroutchenkov, ici avec le maillot jaune du Tour de l'Avenir, était surnommé le "Hinault soviétique". Il passa professionnel trop tard pour découvrir le Tour et s'opposer au "Blaireau". (D.R.)

La photo publicitaire de l'équipe Alfa Lum dans laquelle les Soviétiques devinrent pour la première fois professionnels, début 1989. (D.R.)

La photo publicitaire de l'équipe Alfa Lum dans laquelle les Soviétiques devinrent pour la première fois professionnels, début 1989. (D.R.)

La photo publicitaire de l'équipe Alfa Lum dans laquelle les Soviétiques devinrent pour la première fois professionnels, début 1989. (D.R.)

Le rouleau compresseur soviétique

En janvier 1989, moins d'un an avant la chute symbolique du Mur de Berlin, les Soviétiques avaient déjà franchi le Rubicon. Véritables rouleaux compresseurs des compétitions amateurs depuis plusieurs décennies, les coureurs de l'URSS devenaient professionnels près de quarante ans après leur arrivée dans les pelotons amateurs.

Ils avaient débuté dans les épreuves internationales sur route à partir des Jeux olympiques de 1952. Jusqu'à la dissolution de l'URSS en 1991, les coureurs au maillot rouge frappés d'un marteau et d'une faucille vont marquer le cyclisme chez les amateurs. Quand, dans de rares occasions, ils évoluent à l'Ouest, les coureurs sont encadrés et surveillés de près par leurs dirigeants, par des interprètes, souvent des “commissaires du peuple”, représentants du parti communiste et de l'état.

Des champions, un esprit d'équipe, une discipline de fer vont marquer la période. Viktor Kapitonov médaillé d'or sur route aux Jeux olympiques de 1960 à Rome, est d'abord un des piliers de cette équipe nationale.

Deux ans plus tôt, le coureur de République démocratique allemande Gustave Adolf Schür, son grand rival, est devenu le premier champion du monde des amateurs en provenance d'une nation de l'est de l'Europe.

De 1969 à 1988, Kapitonov sera l'entraîneur de cette sélection d'URSS. Ses méthodes et tactiques sont contestées, il est craint, haï souvent par ses coureurs, mais il bénéfice d'un prestige important auprès des dirigeants communistes. Kapitonov s'appuie sur des champions d'exception et sur un réservoir de plusieurs centaines de milliers de licenciés. Pour lui, une carrière de coureur ne peut durer, au plus haut niveau, que trois ou quatre ans.

Individuellement ou par équipe, la sélection nationale masculine de cyclisme sur route soviétique va conquérir cinq titres de champions olympiques, sept de champions du monde. Dans la Course de la Paix, ses coureurs conquièrent 106 étapes, 9 victoires individuelles et 20 par équipes. Ce qui est pour les dirigeants aussi important, voire plus, que le reste.

Créée en 1948, la Course de la Paix, le Tour de France des amateurs, fut organisée par les quotidiens des partis communistes polonais, tchèque et allemand de l'est et courue de manière alternante entre Varsovie, Prague et Berlin souvent sur une quinzaine de jours. Sa 40e édition en 1987 sera le point culminant d'une course, dont le départ avait traditionnellement lieu le 8 mai, jour de la fin de la Deuxième Guerre mondiale, et qui tombera en désuétude au fil des ans avec la chute du Mur et perdra tout le symbolisme de propagande qui était le sien dans les années “fastes” du communisme.

Au Tour de l'Avenir, l'autre grande course à étapes amateurs de l'époque, les coureurs de l'URSS enlèvent 2 victoires individuelles, 4 par équipes et ils gagnent 39 étapes.

Notre but, c’était d’être meilleurs que les Allemands de l’Est, les Polonais et les Tchécoslovaques”, confiera ensuite Sergei Soukhoroutchenkov, une de stars russes.

Mais les représentants des nations satellites entendent bien, quand c'est possible, rendre au "grand frère", à l'ours soviétique, la monnaie de sa pièce.

En 1956, le Polonais Stanislaw Krolak enlève la Course de la Paix et devient un héros national dans son pays sous la botte de l'URSS. Idem pour le Tchèque Vlastimil Moravec qui, en 1972, quelques années après le Printemps de Prague, remporte la course pour deux secondes d'avance sur le Soviétique Nejlubin.

Alfa Lum et l'Armada rossa

Le 1er janvier 1989, l'équipe Alfa Lum lance dans le grand bain quinze coureurs, sous pavillon de la République de Saint-Marin et une structure italo-soviétique. Parmi ces pionniers, on retrouve Uslamine, Poulnikov, Yaroshenko, Konychev, Ugrumov, Tchmil, Zdanov, Ivanov, Umaras, Klimov… ainsi que Soukhoroutchenkov, surnommé dix ans plus tôt, le Bernard Hinault des amateurs.

Après l'Allemand de l'Est Gustav-Adolf Schur, dans les années cinquante-soixante, le Polonais Richard Szurkowski, dans les années septante, “Soukho” est le grand champion de la décennie suivante dans la catégorie des amateurs, les “purs”.

Quand Sergei Soukhoroutchenkov passe professionnel, il est cependant trop tard. Le leader charismatique du groupe au maillot rouge et blanc a bientôt 33 ans. Il a tout gagné chez les amateurs, l'or aux Jeux de Moscou, ce qui lui vaut de devenir capitaine de l'Armée rouge, ainsi que deux fois la Course de la Paix, le Tour de l'Avenir et le Tour des Régions italiennes, les plus grandes épreuves à étapes du calendrier de la catégorie.

En 1981, l'entraîneur Kapitonov interdit tous les coureurs de l'équipe nationale de porter à l'avenir le maillot de la sélection car ils n'ont gagné ni le Tour de l'Avenir ni la Course de la Paix, où “Soukho” s'est pourtant classé 2e à chaque fois. Tous, sauf le leader soviétique, renoncent au cyclisme.

Après le boycott par l'URSS des Jeux de Los Angeles en 1984, ou il rêvait légitimement du doublé, Soukhoroutchenkov, frustré, met cependant sa carrière en roue libre, ne sortant plus trop de son pays. Il arrête fin 1986 après avoir pourtant couru contre sa volonté la Vuelta (70e) et c'est de cette retraite qu'on le sort, deux ans plus tard, pour rendre plus médiatique l'équipe Alfa Lum, bien vite surnommée l' Armada rossa (l'Armée rouge)…

Soukhoroutchenkov participe à nouveau au Tour d'Espagne (69e) puis à celui d'Italie (54e), un mois plus tard. En Italie, “Soukho” a le mal du pays, il change donc d'équipe début 1990, pour retourner en URSS chez Lada et puis se retire définitivement. Jamais, le “Hinault soviétique”, de deux ans le cadet du Breton, ne disputera le Tour de France.

Aujourd'hui, après le décès de sa seconde épouse, cet ancien héros de l'URSS, père de sept enfants, vit dans la banlieue de Saint-Pétersbourg ou il tire le diable par la queue, sans le sou, multipliant les petits boulots.

Il fuit à l'Ouest pour courir le Tour

En fait, le patron italien d'Alfa Lum, une firme spécialisée dans la construction de fenêtres et vérandas en aluminium, a offert un million de dollars à la fédération soviétique pour créer cette équipe, en échange de l’installation d’usines en URSS. Le constructeur de cycles Ernesto Colnago, qui équipe depuis vingt ans l’équipe nationale soviétique, se joint à l'opération.

Jusqu'alors, seuls des isolés étaient devenus pros comme l'Allemand Dieter Wiedemann. En 1964, ce grand espoir allemand de l'Est quitte sa famille, laquelle le paiera très cher, son pays et passe à l'Ouest au prix d'une histoire rocambolesque en échappant aux agents de la Stasi, la terrible police politique de RDA.

Moins de trois ans après la construction du Mur de Berlin, Wiedemann s'évade. Non par opposition politique mais par amour pour Sylvia, une jeune fille vivant en Bavière, à l'Ouest, qui deviendra et restera sa femme pendant plus de cinquante ans, par avidité de liberté et pour courir le… Tour de France.

Le transfuge devient coureur professionnel en 1965 dans la formation Torpedo et réalise son rêve en prenant part à la Grande Boucle deux ans plus tard. À Paris, il se classe 52e du classement général.

Je ne dirais pas que cela justifiait en soi que je fasse défection, mais aucun autre coureur de RDA ne saura jamais ce que ça fait d’arriver dans Paris” , témoignera-t-il dans le livre qui a été consacré à sa vie.

L'aventure de Wiedemann, qui n'a jamais été vraiment accepté par ses nouveaux coéquipiers de l'Ouest, ne se prolongera que quelques saisons avant qu'il ne devienne, à 26 ans, tourneur.

Je n’ai jamais voulu aller rechercher mon dossier dans les archives de la Stasi quand tout a été déclassifié après la réunification", témoignait-il dans l'Equipe, il y a peu. "Je ne voulais surtout pas lire les témoignages de mes copains, qu’on leur avait certainement soutirés. Je préférais vivre dans l’ignorance pour continuer à vivre heureux.

Un Polonais en jaune au pied du Mur

D'autres coureurs de l'Est sont passés pros avant la chute du Mur, comme le Tchèque Milan Jurco, les Yougoslaves, Primoz Cerin et Jure Pavlic, ainsi que les Polonais Cseslaw Lang et Lech Piasecki.

Ce dernier deviendra le premier coureur d'un pays de l'Est à revêtir le maillot jaune du Tour de France, en 1987. Et ou croyez-vous que cela se passait ? Au pied du... Mur de Berlin d' où la Grande Boucle partait cette année-là. Du côté occidental, bien sûr.

Dans le même temps où les Soviétiques franchissent le pas du professionnalisme, une équipe polonaise, Exbud, voit également le jour, elle ne survivra pas à cette premier saison.

Nous sommes pros, mais on nous paie toujours comme des amateurs”, disait alors Soukhoroutchenkov, car il n'a pas sa langue en poche. Lui et ses équipiers d'Alfa Lum touchaient dans leur pays un salaire double de la moyenne, ainsi que 500 dollars payés en Italie. Quant aux prix qu'ils ont gagnés durant ces deux premières saisons chez les pros, les coureurs en perçoivent 45%, le reste allant dans les caisses de la Fédération soviétique de cyclisme.

Les épouses des six coureurs mariés ont été interdites d'accompagner leurs maris, qui obtiendront toutefois quatre jours libres pour retourner dans un hôtel de Moscou et pas ailleurs après Milan-Sanremo.

Ce n'est qu'en fin de saison que les femmes pourront venir en Italie pour un séjour d'agrément.

Parmi leurs obligations, les coureurs doivent aussi assister à des réunions du parti communiste italien.

Au siège du Comité olympique à Moscou, on m’avait fait comprendre que si je ne signais pas pour Alfa Lum, le projet risquait de capoter et moi de me retrouver deux ans militaire, je ne sais où, à couper du bois… a expliqué en 2018 Dimitri Konyshev à L’Equipe.

Il est le plus jeune de l'équipe et l'un des meilleurs d'un groupe (il se classe 2e du Mondial gagné par Greg LeMond à Chambéry) qui gagne neuf courses lors de sa première année. Comme la 17e étape de la Vuelta enlevée par Ivan Ivanov, 2e du général. Un mois plus tard, Poulnikov finit 11e du Giro et Ugrumov 16e.

Mais la rivalité entre les coureurs apparaît, il n'y a guère d'unité mais des brouilles. Il faut s'acclimater au cyclisme professionnel, ses us et coutumes, ses combines, les départs plus lents, les fin endiablées. Il faut aussi savoir parfois se préserver.

“On ne savait pas s’économiser ou abandonner, car avec Kapitonov, on devait finir toutes les courses si on ne voulait pas se faire virer”, explique un des coureurs.

Après avoir fui la RDA par amour d'une jeune Allemande de l'Ouest et du Tour, Dieter Wiedemann passa professionnel dans l'équipe Torpedo. L'expérience, qui le mena sur les routes de la Grande Boucle en 1987, ne fut pas une réussite… (D.R.)

Après avoir fui la RDA par amour d'une jeune Allemande de l'Ouest et du Tour, Dieter Wiedemann passa professionnel dans l'équipe Torpedo. L'expérience, qui le mena sur les routes de la Grande Boucle en 1987, ne fut pas une réussite… (D.R.)

Après avoir fui la RDA par amour d'une jeune Allemande de l'Ouest et du Tour, Dieter Wiedemann passa professionnel dans l'équipe Torpedo. L'expérience, qui le mena sur les routes de la Grande Boucle en 1987, ne fut pas une réussite… (D.R.)

Par un pied de nez du destin, c'est le Polonais Lech Piasecki, à droite avec son compatriote et équipier Czeslaw Lang, qui s'empara du maillot jaune du Tour de France  lors du Grand Départ de Berlin, en 1987. (Belga Image)

Par un pied de nez du destin, c'est le Polonais Lech Piasecki, à droite avec son compatriote et équipier Czeslaw Lang, qui s'empara du maillot jaune du Tour de France  lors du Grand Départ de Berlin, en 1987. (Belga Image)

Par un pied de nez du destin, c'est le Polonais Lech Piasecki, à droite avec son compatriote et équipier Czeslaw Lang, qui s'empara du maillot jaune du Tour de France  lors du Grand Départ de Berlin, en 1987. (Belga Image)

Deux ans avant la chute du Mur de Berlin, les coureurs du Tour, ici les Espagnols de Teka, n'imaginent pas que bientôt de nombreux coureurs de l'Est pourront les rejoindre chez les professionnels. (Belga Image)

Deux ans avant la chute du Mur de Berlin, les coureurs du Tour, ici les Espagnols de Teka, n'imaginent pas que bientôt de nombreux coureurs de l'Est pourront les rejoindre chez les professionnels. (Belga Image)

Deux ans avant la chute du Mur de Berlin, les coureurs du Tour, ici les Espagnols de Teka, n'imaginent pas que bientôt de nombreux coureurs de l'Est pourront les rejoindre chez les professionnels. (Belga Image)

De la première vague des coureurs de l'Est passés chez les pros avec la fin du communisme, Andrei Tchmil est sans doute celui qui a réussi la plus belle carrière. Tour à tour Soviétique, Russe, Moldave, Ukrainien et Belge, Tchmil a remporté de nombreuses classiques comme le Tour des Flandres en 2000. (Belga)

De la première vague des coureurs de l'Est passés chez les pros avec la fin du communisme, Andrei Tchmil est sans doute celui qui a réussi la plus belle carrière. Tour à tour Soviétique, Russe, Moldave, Ukrainien et Belge, Tchmil a remporté de nombreuses classiques comme le Tour des Flandres en 2000. (Belga)

De la première vague des coureurs de l'Est passés chez les pros avec la fin du communisme, Andrei Tchmil est sans doute celui qui a réussi la plus belle carrière. Tour à tour Soviétique, Russe, Moldave, Ukrainien et Belge, Tchmil a remporté de nombreuses classiques comme le Tour des Flandres en 2000. (Belga)

Deux ans avant la chute du Mur, l'exceptionnelle équipe de RDA au départ de la Course de la Paix  1987, à Berlin. Dans moins de trois ans, Olaf Ludwig Uwe Raab, Mario Kummer, Thomas Barth, Uwe Ampler, Jens Heppner et Jan Schur, le remplaçant, seront pros. (D.R.)

Deux ans avant la chute du Mur, l'exceptionnelle équipe de RDA au départ de la Course de la Paix  1987, à Berlin. Dans moins de trois ans, Olaf Ludwig Uwe Raab, Mario Kummer, Thomas Barth, Uwe Ampler, Jens Heppner et Jan Schur, le remplaçant, seront pros. (D.R.)

Deux ans avant la chute du Mur, l'exceptionnelle équipe de RDA au départ de la Course de la Paix  1987, à Berlin. Dans moins de trois ans, Olaf Ludwig Uwe Raab, Mario Kummer, Thomas Barth, Uwe Ampler, Jens Heppner et Jan Schur, le remplaçant, seront pros. (D.R.)

À Séoul, Olaf Ludwig enlève la médaille d'or des Jeux de 1988 en devançant son futur compatriote, l'Allemand de l'Ouest Bernd Gröne. (Reporters)

À Séoul, Olaf Ludwig enlève la médaille d'or des Jeux de 1988 en devançant son futur compatriote, l'Allemand de l'Ouest Bernd Gröne. (Reporters)

À Séoul, Olaf Ludwig enlève la médaille d'or des Jeux de 1988 en devançant son futur compatriote, l'Allemand de l'Ouest Bernd Gröne. (Reporters)

La formidable réussite d'Andrei Tchmil

L'année suivante, alors qu'un certain Djamolidine Abdoujaparov a rejoint l'équipe, Konychev devient le premier coureur soviétique à enlever une étape du Tour de France, à Pau.

Il signe un contrat avec l'équipe TVM, les meilleurs coureurs partent dans des formations étrangères. Tchmil est parti chez SEFB puis GB-MG, Poulnikov et Abdoujaparov s'engagent avec Carrera, Ugrumov et Ivanov partent chez Seur.

De tous, c’est finalement Andrei Tchmil qui réalisera la plus belle carrière avec à la clé des succès à Paris-Roubaix, Paris-Tours, Milan-Sanremo et au Tour des Flandres…

À son arrivée chez Alfa Lum, le futur citoyen belge était pourtant considéré comme l'un des moins forts du groupe qui vit, entre les courses, surveillé de près dans un hôtel de Rimini.

Un autre prodige soviétique, Viatcheslav Ekimov, s’est engagé avec Panasonic quelques mois plus tôt, car Alfa Lum n'a plus l'exclusivité sur le passage chez les pros des coureurs soviétiques qui deviennent officiellement russes le 25 décembre 1991 avec la fin de l'Union des républiques socialistes soviétiques.

Les temps changent à la vitesse grand V. Douze mois après les débutants d'Alfa Lum, recordman du monde de l'heure amateurs, triple champion du monde de poursuite, Ekimov a signé un contrat annuel de plus de 400.000 euros par an. Installé à Drongen, dans la banlieue de Gand, dans une famille belgo-russe, celui que l'on surnomme Slava (la gloire dans la langue de Tolstoï) ne réussira pas la carrière qu'on attendait de lui, notamment au Tour, ou malgré quinze participations, il ne se classe pas mieux que 18e en 1995. Il est toutefois double champion olympique du chrono et vainqueur du Championnat de Zurich.

Les Allemands franchissent le Mur

Chez Panasonic, Ekimov est l'équipier d'Olaf Ludwig. Comme Soukhoroutchenkov, l'Allemand de l'Est est une légende du cyclisme amateur.

Ces principaux succès en tant qu'amateur furent la médaille d'or des Jeux de Séoul en 1988, deux victoires sur la Course de la Paix (1982 et 1986), dont il détient le record de succès d'étapes (38) ainsi que le Tour de l'Avenir 1983.

Au moment où le Mur de Berlin s'écroule, Ludwig pensait mettre un terme à sa carrière car il a déjà plus de 30 ans. C'est l'ouverture qui lui permet in extremis de signer chez Panasonic. Le contrat n'est signé avec Peter Post que fin janvier.

“On nous prend pour des bêtes curieuses, des Martiens qui tomberaient du ciel”, dit-il lors de la présentation de sa nouvelle équipe. “Un de mes vœux, c'est que certaines de nos méthodes d'entraînement soient désormais considérées à l'Ouest comme novatrices. Sur ce plan, nous avions de l'avance quoi qu'en pensent certains qui ne voyaient dans notre réussite que des questions de préparation biologique !”

Son salaire est six fois inférieur à celui de son jeune partenaire soviétique Ekimov et pourtant Ludwig va bien réussir sa carrière professionnelle longue de sept saisons. Durant lesquelles il enlève 52 courses dont treize la première année. Celui qui est alors encore Allemand de l'Est (la réunification se fera le 3 octobre 1990) gagne directement ses deux premières courses chez les pros, les deux premières étapes de la Ruta del Sol. Il deviendra aussi à Besançon, le 8 juillet, dix jours avant le succès de Konychev à Pau, le premier vainqueur d'une étape du Tour venant d'un pays du bloc soviétique alors en pleine décomposition.

Sur les Champs Elysées, Olaf Ludwig porte le maillot vert et, deux ans plus tard, il gagnera la Coupe du Monde après avoir inscrit l'Amstel Gold Race à son palmarès et conquis dans les classiques plusieurs des quinze top 10 qui orneront son tableau de chasse quand il prendra sa retraite fin 1996.

Les enfants de la Perestroïka

En cette année 1990, il y a trente-et-un professionnels venus du bloc communiste en pleine désagrégation dont de nombreux coureurs est-allemands.

Les coureurs qui deux ans plus tôt écrasaient la Course de la Paix ont sauté sur l'occasion à commencer par Ludwig. Mais ses équipiers de cette mémorable 40e édition de la Course de la Paix, durant laquelle ils ont quasi tout gagné, Uwe Ampler, Uwe Raab, Thomas Barth, Mario Kummer et même le réserviste Jan Schur, sont de l'aventure.

Ampler est catalogué comme un possible prétendant au Tour de France. N'a-t-il pas gagné trois fois la Course de la Paix, entre 1987 et 1989, le Mondial amateur 1986 et est devenu champion olympique du contre-la-montre par équipes à Séoul. Contrairement à Ludwig, de quatre ans son aîné, Ampler ne confirmera pas.

D'autres suivront, qui sont tous nés en RDA, découvrant le cyclisme dans la rigoureuse école est-allemande, comme Jens Heppner, Erik Zabel, Uwe Peschel, Andreas Klöden, Jens Voigt, Steffen Wesemann et Jan Ullrich bien sûr. “Der Jan” est encore aujourd'hui le seul vainqueur allemand du Tour. Pourtant, s'il était né quinze ans plus tôt, il n'aurait jamais enlevé le maillot jaune.

Il a près de 16 ans quand le Mur de Berlin s'effondre. Jusqu'alors, Jan Ullrich a pratiqué le cyclisme au Dynamo Rostock, le club de la ville où il est né et a grandi. Il intègre en 1987 une formation des futurs athlètes de la RDA à l'école nationale des sports du Dynamo Berlin. L'école ferme après la chute du Mur.

À quelques années près, ni Erik Zabel, ni Jan Ullrich n'auraient pu disputer le Tour de France avec les succès que l'on sait. (Reporters)

À quelques années près, ni Erik Zabel, ni Jan Ullrich n'auraient pu disputer le Tour de France avec les succès que l'on sait. (Reporters)

À quelques années près, ni Erik Zabel, ni Jan Ullrich n'auraient pu disputer le Tour de France avec les succès que l'on sait. (Reporters)

Plusieurs coureurs allemands en activité sont nés avant la réunification le 3 octobre 1990. André Greipel avait sept ans quand le Mur de Berlin tomba, Tony Martin trois de moins, Simon Geschke, quatre, alors que John Degenkolb n'avait que dix mois à l'ouverture des frontières. Pour eux, la RDA est un ancien souvenir, pour leur jeune compatriote, elle ne l'est même pas.

Après Konychev, Tchmil, Ekimov, Abdoujaparov, Piasecki ou Ludwig et avant ceux de l'actuelle génération, plusieurs centaines de coureurs des anciens pays du bloc de l'Est sont devenus, une saison au moins, professionnels.

On ne peut les citer tous mais l'on conviendra qu'Evgueny Berzin, Pavel Tonkov, Denis Menchov, Evgueni Petrov, Sergei Ivanov, Serhiy Honchar, Yaroslav Popovych, Zenon Jaskula, Raimondas Rumsas, Piotr Ugrumov, Pavel Svorada, Romans Vainsteins, Jaan Kirsipuu, Janez Brajkovic ou Alexandre Vinokourov ont tous, en bien, et parfois en moins bien, écrit l'un ou l'autre chapitre du grand livre de leur sport qui, dans la nuit du 9 au 10 novembre 1989 prit un tournant historique.

Les “premières” chez les pros des coureurs de l'Est

1986 - Lech Piasecki, vainqueur d'étape au Giro

1987 - Lech Piazecki, maillot jaune au Tour

1989 - Ivan Ivanov, vainqueur d'étape à la Vuelta

1990 - Olaf Ludwig, vainqueur d'étape au Tour

1991 - Djamolidine Abdoujaparov à Gand-Wevelgem

1992 - Olaf Ludwig à l'Amstel Gold Race

1994 - Andrei Tchmil à Paris-Roubaix

1994 - Evgueny Berzin à Liège-Bastogne-Liège

1994 - Evgueny Berzin au Tour d'Italie

1994 - Vladislav Bobrik au Tour de Lombardie

1997 - Erik Zabel à Milan-Sanremo

1997 - Jan Ullrich au Tour de France

1999 - Jan Ullrich au Tour d'Espagne

1999 - Jan Ullrich au Championnat du monde clm

2000 - Andrei Tchmil au Tour des Flandres

2000 - Jan Ullrich aux Jeux olympiques

2000 - Viatcheslav aux Jeux olympiques clm

2000 - Romans Vainsteins au Championnat du monde

Andrei Tchmil a réussi quelques "premières" pour un coureur de l'Est chez les pros comme ce succès dans ce dantesque et inoubliable Paris-Roubaix 1994. (Belga)

Andrei Tchmil a réussi quelques "premières" pour un coureur de l'Est chez les pros comme ce succès dans ce dantesque et inoubliable Paris-Roubaix 1994. (Belga)

Andrei Tchmil a réussi quelques "premières" pour un coureur de l'Est chez les pros comme ce succès dans ce dantesque et inoubliable Paris-Roubaix 1994. (Belga)