Les années PSG de Thomas Meunier

Lucarne, remontada et fin de contrat

128 matchs, 13 buts, 21 passes décisives, trois titres de champion de France, deux Coupes de France et deux Coupes de la Ligue. Après quatre années au Paris SG, Thomas Meunier va quitter la capitale française où il s’est affirmé en tant que joueur et est devenu deux fois papa.

Retour sur ses quatre saisons pleines d’émotion contradictoires pour celui qui avait débarqué sur la pointe des pieds et s’en va sans être allé au bout de l’aventure. Laissant l’histoire un peu inachevée.

Chapitre I

"Quand je suis arrivé, j’étais un total inconnu"

1er juillet 2016. Les mines sont déconfites dans les entrailles du stade Pierre Mauroy de Villeneuve d’Ascq. Rares sont les Diables à s’arrêter en zone mixte après cette terrible désillusion en quart de finale de l’Euro contre les Gallois (3-1).

- "Bonsoir Thomas, tu as deux minutes ?"

Le défenseur en prend près d’une dizaine pour parler. De sa déception mais aussi de son avenir. Sans langue de bois. Trois jours avant la rencontre, Meunier avait profité du jour de repos pour aller discuter avec le Paris SG. "Mais cela ne m’a pas perturbé dans l’approche de la rencontre. J’aurais pu y aller ce matin, cela aurait été la même chose. Franchement, c’est comme les gens qui disent qu’ils se sentent plus lourd après avoir mangé une banane", évacue-t-il avant de nous avouer qu’il ne s’est pas encore décidé en listant les clubs intéressés : "le Paris SG, Naples, Torino, Sunderland et West Ham" puis en étalant son questionnement : "Vais-je déjà le plus haut possible sans avoir les garanties de forcément jouer tous les matchs ou est-ce que j’opte pour une étape intermédiaire avec plus de temps de jeu pour ensuite aller plus haut ?"

Le week-end fait son œuvre. Le dimanche 3 juillet, sa signature pour quatre ans contre 7 millions d’euros est annoncée. Pourquoi ce choix ? Outre le projet forcément attrayant et le contrat à 260 000 euros par mois, le discours d’Unai Emery se veut rassurant.

Fraîchement arrivé à Paris, l’ancien entraîneur de Séville a dessiné un plan de jeu ambitieux qui nécessite une participation offensive de ses latéraux. Et Meunier, qu’il suivait déjà de près en Andalousie, colle parfaitement à sa vision du poste où le technicien cherchait une doublure à Serge Aurier, l’un des meilleurs latéraux de la planète à l’époque, ce que Gregory Van der Wiel ne représentait plus.

Le défenseur part en vacances l’esprit libéré. Conscient de sa destinée. Il plonge dans son nouvel environnement à Los Angeles le 23 juillet où le Paris SG dispute l’International Champions Cup. Dès le lendemain, il apparaît 20 minutes sur le terrain face à l’Inter Milan où Aurier, avec un doublé, donne le ton.

Le Diable lui répond trois jours plus tard. Marquant lui aussi deux buts face au Real Madrid après avoir remplacé Thiago Silva. Idéal pour se faire adopter. Son opération séduction avec les suiveurs du PSG débute dans cette zone mixte de l’Ohio Stadium. Son discours rafraîchissant, ses bons mots et sa franchise plaisent d’emblée. Son humour fait mouche. "Je ne savais même pas que j’étais capable de marquer de cette façon du pied gauche. Je ne sais même pas à quand remonte mon dernier but du gauche", lance-t-il, hilare.

Le ton est plus sérieux lors de sa présentation officielle quelques jours plus tard quand il est question d’offre "que je ne pouvais pas refuser" et "de nouveau monde" dont il doit apprendre les codes. Qu’il va maîtriser très vite.

"Quand on regarde de l’extérieur, on se dit que le PSG, ce sont des vedettes, on ne sait pas trop comment ça fonctionne. Mais en fait, ce sont des gars super simples et super ouverts. Même le coach est dans le même délire", explique-t-il à la mi-aôut, conscient de sa situation : "Je ne suis pas venu ici en ayant à l’esprit que j’allais être titulaire. Je suis là pour m’améliorer. Si je joue, tant mieux, sinon, je prendrai mon mal en patience."

Meunier ne doit finalement pas attendre bien longtemps : le 28 août, Aurier se blesse. Le défenseur grappille du temps de jeu. Et saisit sa chance, à l’image de ce déplacement en Ligue des Champions à Bâle où après avoir servi Blaise Matuidi sur l’ouverture du score, il offre aux siens une victoire et le billet pour les huitièmes qui va avec d’une merveille de reprise de volée pour son premier but parisien en match officiel.

"J’étais obligé de la tenter, sinon j’aurais regardé l’action. C’était tout ou rien, soit ça va dans la tribune, soit dans le but."

Ce nettoyage de toile d’araignée marque les esprits et le pose en alternative de plus en plus fiable à Aurier. Qu’il remplace une nouvelle fois en C1 le 23 novembre sur le terrain d’Arsenal quand l’Ivoirien se voit refuser l’entrée en Angleterre en raison d’une casserole judiciaire…

Dans ces premiers mois un peu fous où il savoure la vie parisienne "dans les beaux quartiers", Meunier concède : "Si on m’avait dit que je jouerais autant au moment de signer l’été dernier, je ne l’aurais pas cru." Lui qui était arrivé sur la pointe des pieds loin du faste des autres transfuges estivaux que sont à l’époque Hatem Ben Arfa, Grzegorz Krychowiak ou Jesé apparaît au final comme l’unique satisfaction du recrutement parisien. Et en a pleinement conscience.

En ce mois de janvier, Aurier s’en va disputer la CAN. Et Meunier voit son statut subitement évoluer. "Quand je suis arrivé, j’étais un total inconnu, un plan d’urgence. Les choses ont changé, les gens ont compris que je n’étais pas venu ici pour faire de la figuration."

Unai Emery le conforte : "Thomas travaille beaucoup, il a connu une progression importante depuis son arrivée et a gagné le respect des autres joueurs, du staff et des supporters. Il doit continuer à progresser." Et quand se présente le 14 février le huitième de finale aller de Ligue des Champions face au FC Barcelone de Lionel Messi, Luis Suarez et Neymar, Bixente Lizarazu résume la situation face à la hiérarchie au poste de la latéral droit : "Je préfère Meunier et je ne mettrais pas Aurier. C’est l’une des meilleures recrues parisiennes et il s’est bien intégré à l’équipe."

Avant cette rencontre, le Diable reçoit la DH tout en décontraction. "Emery ? Il est aussi fou que Preud’homme.  Le Barça ? Je n’ai pas peur de Messi, Neymar et Suarez."

Il le confirme sur le terrain dans ce 4-0 en forme de leçon et cette action où après un "double contact" face à Neymar, il remonte tout le terrain pour servir sur un plateau Cavani pour le quatrième but parisien. Aux anges, Nasser Al-Khelaïfi déambule dans la zone mixte du Parc des Princes en lançant à notre envoyé spécial "Toute la Belgique peut être fière de Thomas !" Qui, lui, reste mesuré. "Si la qualification est presque acquise ? Je ne dirai pas ça. Pas avec Barcelone. Cette équipe est capable de retournements de situation incroyables. On aura une pression phénoménale."

Comme s’il avait senti le coup venir, l'improbable se produire. Trois semaines plus tard, le Barça signe cette fameuse remontada. Meunier a sa part de responsabilité puisqu’il provoque maladroitement un penalty en glissant face à Neymar sur le 3-0. Pense se rattraper en éliminant en seconde période le Brésilien d’un sombrero pour offrir un ballon de but à Cavani que l’Uruguayen exploite mal. En zone mixte, les Parisiens sont livides. Meunier est l’un des premiers à s’extirper du vestiaire. L’un des seuls à s’exprimer aussi.

En trébuchant devant Neymar, Meunier commet un penalty qui coûte cher au PSG.

En trébuchant devant Neymar, Meunier commet un penalty qui coûte cher au PSG.

"On leur a donné le match, on a fait énormément d’erreurs inacceptables. On ne peut s’en prendre qu’à nous-mêmes. On a été mauvais jusqu’au bout. Tu peux te qualifier en perdant 5-1 et tu prends le but qu’il ne faut pas prendre. C’est incroyable. On se devait d’aborder le match plus professionnellement et sereinement. Nous n’avons pas été dignes."

Ce crash en mondovision sonne presque comme le point final de la saison parisienne qui s’achève à la deuxième place de Ligue 1 et qui est tout juste sauvée par les succès en Coupe de la Ligue contre le champion Monaco le 1er avril (4-1) et face à Angers le 27 mai (1-0). Deux matchs que Meunier ne joue pas, le second en raison d’un souci au cartilage osseux qu’il traîne tout le printemps et l’oblige à une petite opération.

Le soir de cette ultime rencontre de la saison, le défenseur fait quand même la pluie et le beau temps en présentant la météo sur France 2. Sans se douter qu’une pluie de millions d’euros va déferler sur Paris.

Chapitre II

Danse avec les stars et valse avec Alves

30 août 2017. Le teint hâlé, sourire en coin, Thomas Meunier fait le show en conférence de presse où il est très attendu pour commenter le mercato le plus cher de tous les temps. Ridiculisé par le Barça sur le terrain, le PSG prend sa revanche en dehors et verse 222 millions pour lever la clause libératoire de Neymar. Tout en bouclant une opération à 180 millions pour s’attacher les services de Kylian Mbappé. "Même les Diables m’ont posé des questions sur Neymar", s’amuse le défenseur qui assure avoir vécu cette frénésie "de loin".

Pourtant, il se retrouve parmi les premiers concernés par la campagne de recrutement parisien : Serge Aurier expédié à Tottenham, Dani Alves a signé très tôt durant l’été à la fois pour apporter son leadership et son caractère mais aussi pour convaicre Neymar de le rejoindre et accessoirement sécuriser le couloir droit de la défense.

Face au plus beau palmarès de l’histoire des joueurs de club, Meunier préfère positiver. "Si tout va bien, on pourrait jouer jusqu’à 70 matchs cette saison donc je sais que j’aurais du temps de jeu. L’année dernière, je pensais jouer 5 matchs vu la présence de Serge Aurier mais finalement, j’en ai disputé 35. Le staff me connaît, si j’arrive à bien me montrer lors des petits matchs, je serai peut-être titularisé lors des gros. Et puis, je pourrais également jouer en même temps que Dani car il est très polyvalent."

Vu la nouvelle donne, Chelsea se renseigne. Mais Meunier ne donne pas suite et répète au cœur de l’automne où il ne joue que quand Alves souffle (soit jamais en Ligue des Champions) que "chacun aura du temps de jeu pour se montrer."

"Je suis conscient que ce ne sera pas tout le temps à mon avantage comme l’an dernier", avoue-t-il. "Je peux m’inspirer de Dani pour progresser. Je prends mon mal en patience car pour l’instant, je ne suis pas un choix prioritaire mais je ferai tout pour compliquer au maximum les choix."

La concurrence est saine, par une fraîche soirée hivernale à Strasbourg en décembre, Meunier offre même une passe décisive à Alves aligné à gauche. Mais la situation commence à être pesante. Elle devient même oppressante après l’élimination en huitièmes de finale de la Ligue des Champions contre le Real Madrid (3-1, 1-2) quand le Brésilien étale ses limites.

Un début de spleen guette le Diable qui ne cache plus ses états d’âme : "Le problème, cette saison, c’est que je sens que je n’ai pas toujours été récompensé de mes prestations. Mais je suis en concurrence avec Alves. Il a travaillé toute sa carrière pour acquérir un statut de privilégié." Ni ses interrogations quand il se lâche en mars "J’ai été patient, à chaque fois, on m’a donné un petit morceau de viande pour caler ma faim. Mais j’avoue que j’attends beaucoup plus. Je n’ai plus 18 ans et je suis à un âge où j’ai besoin de jouer et de m’affirmer dans une équipe. Si c’est au PSG, c’est magnifique, si c’est autre part, voilà."

Pour la première fois, le défenseur à la cote en hausse, en témoigne la prise d’informations de la Juventus, évoque la possibilité d’un départ. Lui qui se retrouve dans le viseur des ultras parisiens après avoir liké un tifo de l’OM sur les réseaux sociaux se voit même sifflé. Mais tout bascule le 8 mai. Ce soir-là, au Stade de France, Dani Alves est victime d’une entorse du genou droit avec désinsertion du ligament antérieur lors de la finale de Coupe remportée contre les Herbiers.

Une blessure qui, ajoutée à l’arrivée annoncée de Thomas Tuchel qui voulait attirer Meunier à Dortmund, influe sur le discours du défenseur : "Mon envie, c’est de rester à Paris le plus longtemps possible. On ne part pas d’un club comme Paris aussi facilement. J’aimerais avoir du temps de jeu, du crédit et que le club me montre qu’il croit en moi pour être vraiment le numéro un. À 26 ans, je suis le futur du club à ce poste et avec un minimum de confiance, je suis sur que je peux faire de belles choses." À condition d’en avoir l’occasion.

Chapitre III

Inachevé

Thomas Tuchel est un homme pressé. Soucieux de pouvoir poser le plus vite possible les bases de son système à Paris. En ce mois d’août, l’Allemand est contrarié. Qui aligner sur la droite de la défense ? Dani Alves est à l’infirmerie pour de longs mois. Et Thomas Meunier, après avoir pris une nouvelle dimension lors de la Coupe du Monde, ne revient que le 6 alors que la saison parisienne débute le 12.

Le technicien obtient l’arrivée du polyvalent Thilo Kehrer, acheté 37 millions d’euros à Schalke et chipé sous le nez du FC Barcelone tout en offrant du temps de jeu au jeune Colin Dagba. Mais même dans ce contexte aux apparences compliquées, Meunier s’illustre individuellement. En octobre, le sujet de sa prolongation de contrat est évoqué. Lui botte un peu en touche, s’amuse de ses trois buts déjà marqués - "mon instinct de buteur ne me quittera jamais" - et les agrémente de quatre passes décisives. Tout en affichant ses ambitions alors que le retour de Dani Alves se précise : "Je ne veux plus être considéré comme un second choix quand il reviendra en novembre." 

Meunier a pris du galon, en Russie. Notamment en éliminant le Brésil de Neymar et en marquant lors de la petite finale.

Meunier a pris du galon, en Russie. Notamment en éliminant le Brésil de Neymar et en marquant lors de la petite finale.

Meunier a pris du galon, en Russie. Notamment en éliminant le Brésil de Neymar et en marquant lors de la petite finale.

Mais le défenseur perd son sourire lors de la préparation du match retour de Ligue des Champions face à Liverpool.

Ce 28 novembre, Meunier n’est pas au Parc des Princes mais auprès des siens après le décès de son grand-père. Battu à l’aller, le PSG prend une éclatante revanche et trouve ce fameux match référence après lequel il courrait depuis l’arrivée de Tuchel qui a aligné Kehrer à droite face aux Reds.

Même excusés, les absents ont toujours tort. Meunier va devoir cravacher lui qui est victime en février d’une commotion cérébrale au plus mauvais moment. Cette blessure l’empêche de disputer le huitième aller de Ligue des Champions à Old Trafford que le PSG remporte en faisant forte impression (0-2) mais pas d’effectuer son retour lors de la débâcle lors de la seconde manche face à des Red Devils A’ (1-3) dans un épisode qui clôt quasiment la saison parisienne forcément ratée avec comme seul trophée le championnat de France et une belle claque en finale de la Coupe de France contre Rennes (défaite aux tirs au but).

La remise en question est générale. Elle n’épargne aucun étage du club. Mais au final, seul le directeur sportif Antero Henrique finit par s’en aller pour laisser place au grand retour de Leonardo qui a posé les bases de l’ère QSI. Meunier vit cette séquence sereinement. Parce qu’il se sent en position de force à un an de la fin de son contrat. "Le club et les dirigeants le savent, j’aimerais terminer mon contrat au PSG, voire le prolonger", précise-t-il.

"Si cela se concrétise, ce sera parfait. Si ce n’est pas le cas, on verra quelles sont les opportunités qui s’offrent à moi. Dans les rumeurs, je suis cité un peu partout". Et notamment à Manchester United ou l’Atletico Madrid. À chaque fois que le sujet de sa prolongation s’invite, Meunier manie son arme favorite, l’humour : "Je ne pense pas que le club ferait énormément d’argent sur moi. Je suis défenseur et j’ai joué un match sur trois. Je vais sur mes 28 ans, j’ai dit aux dirigeants que j’étais prêt à rester et ils n’ont pas dit vouloir me vendre. Après, s’ils le font plus tard, nous trouverons une solution. Il y a eu des coups de fil depuis janvier. Une dizaine de clubs sont intéressés et tous font partie du top 5 de leur championnat."

Au final, le défenseur ne bouge pas. Même si Leonardo ne prend pas contact avec son entourage, ce qui laisse augurer de ses intentions.

Cette quatrième saison débute dans la douleur. Dans un système baroque jamais travaillé à l’entraînement, le Diable connaît une première titularisation très compliquée à Rennes le 18 août. Paris s’y noie, lui aussi. Au moment où l’hymne de la Ligue des Champions s’apprête à retentir à nouveau au Parc un mois plus tard, Meunier se retrouve dégradé. Les absences de Kehrer et Dagba ne lui garantisse pas de débuter face au Real, Tuchel aligne même lors de la mise en place le gaucher Abdou Diallo sur la droite de la défense. Avant de finalement lancer l’Ardennais qui parachève le succès parisien après avoir facilement pris la mesure d’un Eden Hazard hors de forme.

Le défenseur s’apprête à vivre ses retrouvailles avec Bruges dans la peau d’un titulaire. Sourit au moment d’évoquer la collaboration avec Thomas Tuchel "qui crie de moins en moins donc cela veut dire que je m’améliore" mais concède aussi être touché par cette concurrence ou ce manque de reconnaissance. Au choix. "C’est un peu la même histoire qui revient avec moi", déplore-t-il alors que les négociations autour de sa prolongation s’enlisent.

À Téléfoot en décembre, il lance : "Mes représentants ont rencontré la direction mais c’est difficile de trouver le bon accord. Cela va durer un petit moment, cela fait plus de deux ans et demi que le club me dit qu’il veut me prolonger. On rentre dans une phase décisive. Ils feront le nécessaire s’ils jugent mon cas important".

Ce qui n’a visiblement pas été le cas. Et sans le savoir, le 4 mars dernier, Meunier dispute à Lyon son 128e et dernier match avec le Paris SG. La fin d’une époque qui a bouleversé sa carrière. Mais qui laisse l’histoire inachevée.

Avant d'en débuter une nouvelle du côté de Dortmund...