LES FOUS
DU GUIDON

Immersion au Cap pour le Dark Fest,
une compétition de Slopestyle Moutainbike
où se sont retrouvés les meilleurs riders
au monde, dont le Belge Nico Vink (35 ans)

NICO VINK

Belge, 35 ans
Un des meilleurs riders au monde

"Nico est un mec sympa à la technique
pure, le voir commettre une erreur
est un fait rare"
, disent ses proches

Des Zèbres. Des townships. Des vignes. Les paysages défilent devant nos yeux à la vitesse des vieilles voitures vitres ouvertes et musique traditionnelle sud-africaine à fond.

Stellenbosch s’est parée de blanc. C’est l’été dans l’hémisphère sud et le soleil darde de rayons exponentiellement plus puissants qu’en Europe. La ville encore marquée par son passé colonial baigne dans une teinte qui ferait rêver les meilleurs photographes.

Le rendez-vous est donné en plein milieu des vignes, dans un domaine privatisé pour l’occasion. Petits moteurs s’abstenir. La pente est raide et la route dégradée comme un visage adolescent.

Les Riders sont tous logés sur les hauteurs de la réserve naturelle de Simonsberg. Un lieu protégé où vivent quelques privilégiés qui partagent le domaine avec des babouins et d’autres animaux sauvages plus discret.

Les copains avant la compétition

Les créatures rencontrées sur le site sont d’une autre espèce. Mi-homme, mi-oiseau. Bien collée aux pédales de leur vélo, une trentaine de riders parmi les meilleurs au monde réunis autour de Sam Reynolds, figure de proue du Slopestyle Mountainbike et organisateur de l’événement, a mangé des bosses parmi les plus folles au monde durant une semaine.

Le Dark Fest s’inscrit dans le cadre des Fest Series, une tournée mondiale organisée par une bande de copains. Si on y décerne des prix après chaque épreuve, le Belge Nico Vink en a d’ailleurs remporté un, c’est plus pour la forme que la compétition.

"Un des jumps les plus complexes au monde"
Nico Vink

“Ce n’est pas toujours simple à comprendre”, avoue le Belge. “Le sport est souvent synonyme de compétition mais ici il n’y en a pas. On ride ensemble, on se corrige et on fait des photos et des vidéos complètement folles.”

En mode ouvrier

Pour Nico Vink, le Dark Fest a débuté une vingtaine de jours avant l’arrivée des autres athlètes. Le Belge fait partie du cercle fermé des très proches amis de Sam Reynolds. Aux côtés de l’Anglais et de Clemens Kaudela, une autre référence en la matière, ils ont construit le tracé de leurs propres mains.

Fabriquer des lines est devenu une spécialité du Belge. Un kif même. “Je me verrais bien faire davantage cela à l’avenir. Je vieillis et j’adore cette partie du boulot. Cela permet une autre forme de créativité que sur le vélo.”

Le Belge s’est donné à fond pour rendre le circuit historique. Tous les riders sont formels : “C’est l’un des, si pas le, plus complexe du monde.” En même temps, ils n’ont pas traversé plusieurs continents pour du bas de gamme.

Douze obstacles dont deux jumps inimaginables sont au programme. Sam Reynolds se souviendra toute sa vie du dernier jump de la ligne qu’il a lui-même construite à coup de pelle et de pelleteuse. L’Anglais s’est explosé le poignet en testant la première version de l’obstacle.
L’organisateur s’est cassé le poignet sur sa bosse

“Littéralement, hein ! Mon poignet était fracassé et j’ai des plaques et des vis pour le réparer”, nous dit-il plâtre en l’air pour faire circuler le sang. “Je suis dégoûté à un point… Vous ne pouvez même pas imaginer.”

La hauteur du jump a été réduite suite à cette mésaventure. Il n’en reste pas moins terrifiant. Certains n’ont pas osé le prendre de la semaine. Nico Vink, pourtant à la base de la création, en était presque terrifié.

“Je n’ose pas pour le moment”, a-t-il avoué en milieu de semaine. “Je ne suis plus un jeune loup qui ose se lancer sur une bosse sans réfléchir. Je prends mon temps, j’analyse et puis je me lance.”

Après quelques passages derrière un autre rider pour caler sa vitesse, preuve que l’entraide a pris le pas sur la compétition, il y est parvenu. Il lance son poing vers ses potes pour un gros check à l’atterrissage. Il lance ensuite un “wahou” entre soulagement et kick d’adrénaline.

“C’est du plaisir mais clairement j’avais peur. C’est souvent le cas quand on est en haut d’une bosse. La peur fait partie du job. Il faut juste être assez confiant en ses qualités et forcer son esprit à prendre le dessus. C’est un combat constant.”

À 65km/h au décollage

La consigne est toutefois claire : en Slopestyle, le danger est trop important pour s’aventurer quand on n’est pas dans un bon jour. Tu ne le sens pas, tu n’y vas pas. “C’est beaucoup de feeling et d’expérience”, explique Makken, un rider Norvégien. “J’y vais à pas de bébé car un coup de vent peut te mettre vraiment mal et t’envoyer valdinguer.”

"Je me suis cassé deux fois la cheville et le dos"
Nico Vink

Ils arrivent au pied des bosses à plus de 65 km/h. Avec pour seules protections : un casque, des genouillères et un plastron. Et encore, la dernière n’est pas une généralité.

Chaque erreur peut signifier une blessure grave, une paralysie ou la mort. Ils s’en foutent et se marrent en comptant leurs factures. “Deux fois la cheville, deux fois le dos, l'épaule, etc.” Ça fait peur et pourtant Nico Vink n’est pas le pire. Pour certains, l’inventaire de leurs blessures graves est long comme une liste de course.

Ils sont en mille morceaux mais veulent continuer. Sam Reynolds était à peine sorti de l’hôpital qu’il pensait déjà à son retour qui devrait avoir lieu en Belgique cet été.

Des chutes de 5 mètres

Adolf Silva, la pépite du circuit, est déjà amoché alors qu’il a à peine plus de 20 ans. “Lui, il est complètement fou”, dit Nico Vink. Pas une surprise quand le surnom de Barcelonais n’est autre qu’El Loco.

Il est le seul à avoir osé le double back flip sur le dernier jump. Un trick monstrueux dont tous les riders présents ont parlé. Après l’avoir plaqué avec classe le vendredi, il a retenté le coup le samedi, seule journée ouverte au public. Il s’est crashé en toute beauté.

“On serait tous cassés avec une telle chute mais il doit être fait en élastique”, se marre Vink oubliant presque le dos lacéré et endolori du jeune espagnol. “On vole à facilement 5 mètres au-dessus du sol donc une erreur fait très mal.”

"Ta perception du temps change"

La passion pousse les gars à toujours s’améliorer, à toujours jumper plus haut en prenant un maximum de risques. Pour eux, l’adrénaline est ce qu’est l’essence au 4x4 qui les remonte en haut de la piste. “La sensation en l’air est exceptionnelle”, nous disent-ils. “Le temps n’est plus le même. Ta perception change.” Ils ont presque même assez d’air-time pour profiter des montagnes qui leur font face.

Le Dark Fest a un côté shooting photo grandeur nature. Toute l’équipe de Monster, partenaire principal de l’événement, est sur place pour saisir les meilleurs instants de la semaine. Les photographes et vidéastes sont drillés et connaissent les riders par cœur. Ces derniers annoncent même via talkie-walkie le trick qu’ils comptent rentrer.

Si ce n’est pas assez spectaculaire, ils effacent et mettent les images à la poubelle. “Nico n’a pas rentré un assez gros trick donc ne vous tracassez pas”, entend-on à la radio d’un des 4x4 remontant les riders et leur monture. Nico Vink entend tout et se marre juste de la remarque en haussant les épaules.

En colo avec les copains

Il sait qu’il aura son moment, son cliché qui déclenchera les cris de riders. Les “It’s sick man”, “Nice bro” ou “Craaaaazy homie !” inondent la pièce à chaque fois qu’une vidéo ou une photo mérite une place sur Instagram. Le Belge est comme un poisson dans l’eau dans ce monde qui mêle folie et esthétisme.

Comme les autres, son rituel de fin de matinée se répète au fil des jours. Avant la sieste (les riders débutent à 7 heures et reprennent en soirée), ils matent les photos et vidéos des autres.

Descente GoPro fixée au casque, SloMo ultra-précis, image prise en contre-plongée pour donner une impression encore plus aérienne, peu importe le moyen tant que c’est cool et gravé dans le marbre numérique. Ils prennent plaisir à se regarder et à montrer leurs images aux autres. Un ego-trip partagé.

Durant sept jours les riders revivent leurs années en colonie de vacances. La maison mise à disposition par l’organisation ressemble aux villas des teen movies américains louées par des terminales pour faire la fête.

La musique bat son plein. Entre tubes trap et vieux classiques pop et rock des 80s, il n’y a pas un moment de calme sur les hauteurs de Stellenbosch. La fatigue s’accumule pour les riders qui nous confient avoir du mal à se reposer avec le bruit ambiant.

Tatouage dans le salon et bières à la cuisine

Ça gueule, ça chante, ça se fait tatouer en plein milieu du salon (true story) et surtout, ça fait la fête tous les soirs. Ils se sont offert deux sorties en ville mais chez eux, chaque soir fait l’événement. Au programme : gros restaurant de viande, soirée barbecue, après-midi pizza. Ils partagent tout : leurs connaissances, leur viande mais également la diarrhée qui a frappé la majeure partie des athlètes en fin de semaine.

Les bouteilles d’eau et les canettes de Monster s’accumulent dans les frigos et les poubelles. Des habitudes auxquelles on doit ajouter l’alcool. Prohibé dans beaucoup de sports, il est monnaie courante dans le monde de l’extrême. Le Slopestyle Mountainbike ne fait pas figure d’exception.

Les bières arrivent par palettes et certains n’hésitent pas à abuser de la bibine. Même entre deux runs ou de grand matin.

“Nous n’avons pas besoin d’une hygiène de vie aussi poussée que celle d’un cycliste sur route ou d’un marathonien”, explique Nico Vink. “Nous travaillons surtout notre souplesse et notre condition de base. Nous restons des sportifs et nous devons nous soigner pour être au niveau.”

Les riders présents en Afrique du Sud sont tous professionnels et vivent de leur sport. Pour certains, il a fallu le temps que ça se mette en place grâce au sponsoring plus que via le prize-money. D’autres prenaient de l’argent dans des disciplines annexes, gardant le Slopestyle comme passion.

“Après, nous savons que nous ne sommes pas éternels. Le sport est risqué et la carrière peut très vite prendre un tournant improbable”, résume Nico Vink. “À mon âge, on pense déjà à la suite. J’ai des projets en tête, notamment dans la construction ou dans le management. Je souhaite rester dans le milieu du vélo de descente. La passion est trop forte pour m’en aller.”

Rendez-vous en
Belgique cet été

Les Fest Series passeront par la Belgique cet été. Du 15 au 21 juillet, un plateau de riders chevronnés sera présent à Malmedy pour y faire étalage de son talent. Nico Vink sera le chef d’orchestre de l’événement qu’il espère grandiose et sous le signe de la découverte. “Le Loose Fest existait par le passé et j’ai décidé de le relancer”, nous confie-t-il. “Le principe reste le même : des grosses bosses et beaucoup de fun. La seule différence est qu’on donne la possibilité au public de découvrir le sport dans un bike parc adapté à tous les niveaux.”
Les précédentes éditions n’ont pas été une réussite à cause d’une météo capricieuse mais Vink compte bien faire de 2019 un grand cru belge.