Michy Batshuayi

Du parc des Éléphants à l’envol de Batsman

Blagueur, populaire et finisseur“qui surgit de nulle part”, Michy Batshuayi présente un profil atypique parmi les Diables rouges. Depuis qu’il porte le maillot noir-jaune-rouge, il a ajouté à cette facette une efficacité rarement vue en équipe nationale.

Pour Batsman pourtant, les choses auraient pu prendre une autre tournure après son éviction de l’école des jeunes du Sporting d’Anderlecht. L’humilité et le travail faisant, il reproduit aujourd’hui sur les pelouses des plus grands stades ce qu’il réalisait jadis au parc à Berchem-Sainte-Agathe.

Retour sur une formation où se sont mêlées les blagues et les remontrances, mais surtout sur ce que lui a appris le parc : la volonté de s’imposer comme le meilleur tout en restant ce personnage attachant.

Le rêve mauve part en fumée

Né à Bruxelles de parents congolais, Michy Batshuayi use ses premières godasses dans la capitale. Attaquant comme son papa, qui a dû mettre un terme à sa carrière en raison de blessures tout en l’incitant à taper dans un ballon, il fréquente les parcs où il développe sa technique.

Devenu adolescent, il vagabonde de club en club au fil des années et gravit petit à petit les échelons. RFC Evere, RUSA Schaerbeek et FC Brussels, la progression est linéaire. Elle connaît ensuite un coup d’accélérateur quand le Sporting d’Anderlecht propose au joueur de 13 ans d’intégrer son centre de formation. Pour le jeune Batshuayi, l’opportunité est trop belle et le voilà donc membre du club dont il rêve de porter les couleurs.

Mais ce virage soudain dans la formation du jeune Michy s’avère piégeux car, s’il est déjà plein de qualités, il ne reste qu’une saison à Neerpede. Les formateurs mauves préférant se séparer d’un élément qu’ils jugent indiscipliné. Le coup est dur pour celui qui avouera plus tard auprès d’OMtv que “quelques soucis de retard” avaient poussé le club bruxellois à prendre cette décision.

Déjà à l’époque le fort caractère de l’attaquant s’exprime aux yeux de tous. “Ça a pu lui porter préjudice dans sa jeunesse”, témoigne son pote Geoffrey Mujangi Bia. “Mais quand il a su comment l’utiliser à bon escient, ça lui a servi pour faire les efforts qu’il fallait et ça l’a aidé pour arriver là où il est aujourd’hui.”

De fait, l’attaquant ne se laisse pas aller. Pour rebondir, il fréquente la NSeth Academy où il travaille sous les ordres de Seth Nkandu. L’institution se targue de mettre l’accent sur la discipline et de préparer les talents sélectionnés “pour affronter les pressions subies par des joueurs professionnels de football au niveau sportif, technique et mental”.

En parallèle à cette formation, Michy Batshuayi peaufine ses gammes au parc, et plus précisément au Pirsoul à Berchem-Sainte-Agathe. Là, il se frotte aux aînés qui allaient aussi devenir des noms bien connus de Division 1. Pelé Mboyo, Hervé Kagé, Anthony Vanden Borre ou encore Geoffrey Mujangi Bia sont les compagnons de Michy et squattent ce qu’ils appellent le “parc des Éléphants”. Pour la discipline, on repassera. Sur place seule compte la victoire. C’est alors que le Standard vient frapper à sa porte, pour le marquer au fer rouche du professionnalisme.

Une"tête brûlée" déboule au Standard

En 2008, Michy Batshuayi quitte pour la première fois sa Bruxelles natale et débarque à Liège. Sur les hauteurs de la Cité ardente, il intègre directement la toute jeune Académie Robert Louis-Dreyfus, inaugurée un an plus tôt. C’est pour le compte des U16 qu’il porte pour la première fois la tunique rouge, sans pour autant être animé d’un sentiment de revanche par rapport à son échec anderlechtois. “Techniquement au-dessus de la moyenne, ses qualités naturelles prouvaient à elles seules que le potentiel était présent”, se souvient Thierry Verjans qui a encadré celui qu’il considérait à l’époque comme “une tête brûlée”.

Pour un “petit comique un peu foufou, bon vivant et blagueur”, comme le qualifie Geoffrey Mujungi Bia, difficile cependant de mettre de côté des traits de sa personnalité qui font aussi son charme auprès de son entourage. “Ses plaisanteries étaient ennuyeuses au sein d’un centre de formation qui met l’accent sur la rigueur et la discipline”, se remémore Verjans, devenu aujourd’hui directeur sportif de l’Académie RLD. “Mais ce n’était jamais méchant, ni vicieux. Il voulait simplement se mettre en évidence et faire rire son monde.”

S’il y a parfois débat sur son attitude, Batshuayi fait en revanche l’unanimité sportivement parlant. Au Sart Tilman, où est sis le centre de formation du Standard, l’adolescent fait régulièrement parler la poudre et affiche au grand jour ce qui allait devenir sa marque de fabrique : l’efficacité. “C’était ce qui le démarquait des autres”, pointe Thierry Verjans. “Il ne lui fallait pas 36 occasions pour mettre un but.”

En plein épanouissement, le Michy perturbateur évolue et mûrit. En témoigne cette anecdote de Thierry Verjans. “Lors d’une évaluation de son attitude, qui tournait un peu au reproche, j’affirme à la surprise de ses parents, de son agent et du directeur de l’Académie que je suis content de lui parce qu’il est passé de 0/10 lors de son arrivée à 4/10.” Si la cote reste en-dessous de la moyenne, son coach préfère souligner les progrès de son poulain, qu’il retrouvera chez les U19 un an plus tard avant de voir filer chez les A “l’un des joueurs les plus doués et avec le plus de potentiel que j’ai eus en 29 ans de carrière”.

"Batsman" dans la cour des grands

Les performances de Michy Batshuayi à l’Académie Robert Louis-Dreyfus ne passent pas inaperçues et incitent feu Dominique D’Onofrio à convoquer en équipe première un joueur qui n’était pas encore majeur. Fervent défenseur de Batshuayi quand il officiait comme directeur technique du club, le T1 liégeois offre ses premières minutes en tant que pro à l’attaquant de dix-sept ans, qui monte au jeu lors d’une défaite à La Gantoise le 20 février 2011. Ses débuts à Sclessin interviendront six jours plus tard lorsqu’il remplace Aloys Nong dans les arrêts de jeu d’une victoire 3-0 contre Malines.

S’il ne sera jamais repris lors de la faste campagne des playoffs 1, qui voit le Standard échouer à un demi-point du titre face à Genk, ni lors de la finale de Coupe de Belgique remportée contre Westerlo, l’attaquant recule pour mieux sauter. Et ce n’est pas un changement de coach à la tête de l’équipe première qui contrecarrera ses plans. Sur le banc, José Riga succède à Dominique D’Onofrio, qui ferme le chapitre Standard sur un doublé historique manqué de peu.

“Dès les premiers entraînements, j’avais été frappé par sa personnalité et son potentiel. Ses qualités m’avaient convaincu pour le prendre dans le noyau A et le conserver”, appuie José Riga. “On pouvait voir directement qu’il avait de nombreux atouts, il était très à l’aise des deux pieds, obnubilé par le but et costaud.” Après plusieurs montées au jeu lors du premier tour de la saison 2011-2012, c’est aux yeux de l’Europe entière que Batshuayi révèle au grand jour sa technique des deux pieds, sa capacité à prendre le profondeur ou encore son jeu dos au but. Majeur depuis deux mois, il est titularisé pour la première fois lors d’un déplacement à Copenhague en phase de poules de l’Europa League. Unique buteur de la rencontre, il offre la victoire au Standard et enchaînera ensuite avec quinze présences dans le onze de départ de Riga. En 33 rencontres, il termine sa première année professionnelle avec neuf buts.

Le manque de confiance de Ron Jans, successeur de José Riga dans le dugout liégeois, au début de l’exercice 2012-2013 ne l’alarme pas. Il profite d’ailleurs de ses premières sélections avec les Diablotins, à dix-huit ans, pour se ressourcer. En deux matches avec l’équipe de Johan Walem, il marque trois fois. Une fois Jans mis de côté par le Standard, Batshuayi retrouve ses galons de titulaire et monte en puissance avec Mircea Rednic. Sous la houlette du Roumain, il inscrit douze buts.

Mais le meilleur est à venir pour le jeune homme qui garde en lui l’esprit de compétition hérité des parcs bruxellois. “Aux petits exercices à l’entraînement, il voulait toujours gagner et être le meilleur”, se rappelle Julien De Sart qui avait connu l’attaquant à l’Académie et qui allait évoluer plus tard avec lui en équipe A. “Quand il ratait une frappe, il râlait parce qu’il était très exigeant avec lui-même et très mauvais perdant.”

S’installe sur le banc liégeois Guy Luzon. Avec Michy Batshuayi et Imoh Ezekiel, l’Israélien hérite d’un duo d’attaque qui terrorise le royaume entier et qui fait du Standard le favori pour le titre en 2013-2014. Les deux compères s’entendent à merveille et signent 38 buts et 20 assists à eux deux, dont 23 pions et 8 passes décisives pour le seul Batshuayi. Annoncé de retour à Anderlecht lors du mercato hivernal, il connaît un deuxième tour compliqué, qui voit aussi le Standard s’effondrer et manquer son onzième titre.

C’est sous les grondements de Sclessin et avec un Soulier d’Ébène, récompensant le meilleur joueur d’origine africaine, en poche que l’attaquant quitte le volcan rouche pour rejoindre une autre terre de football à Marseille. Entre-temps présélectionné pour la Coupe du monde 2014, il rate de peu l’avion pour le Brésil. Comme sa mise à l’écart à Neerpede, il se servira de cette déception pour rebondir.

Diablement efficace

Arrivé dans la cité phocéenne contre sept millions d’euros durant l'été 2014, Batshuayi s’intègre rapidement, notamment au contact de Benjamin Mendy qui a le même agent que lui, mais doit composer avec la concurrence d’André-Pierre Gignac. Plus expérimenté, Dédé a les faveurs de Marcelo Bielsa qui octroie des bouts de matches et six titularisations à celui qui devient petit à petit la coqueluche du Vélodrome. Avec dix buts en 28 apparitions, ce rôle de joker lui convient. Il le remplit dès sa première avec les Diables le 28 mars 2015. Monté au jeu lors d’une rencontre qualificative pour l’Euro 2016 face à Chypre, il ne faut que trois minutes au néo-baptisé Batsman pour marquer son premier but chez les A. Ce sobriquet, Michy avouera l’apprécier dans les colonnes de Onze Mondial, pour “sa discrétion dans l’ombre, le mec qui surgit de nulle part”. Une caractéristique qu’il se fait un plaisir d’exercer aussi sur les réseaux sociaux où il devient l’auteur de quelques punchlines bien senties.

Gignac parti au Mexique la saison suivante, Batshuayi est récompensé de sa patience et de son humble travail en étant propulsé attaquant numéro 1 des Olympiens. Pour sa deuxième et dernière saison sur la Canebière, il prend à bras-le-corps le slogan “Droit au but” de son club, marquant 23 fois pour une équipe qui ne tourne pas rond. Il n’en faut pas plus pour que les pointures européennes lui fassent les yeux doux. Fan d’Arsenal, il signe pourtant à Chelsea en juillet 2016 pour quarante millions.

À Londres aussi, il doit s’effacer face à l’indéboulonnable Diego Costa mais il ronge son frein et répond aux attentes en trouvant le chemin des filets toutes les 78 minutes où il est utilisé, dont le but qui sacre les Blues en Premier League.

Toujours en manque de temps de jeu la saison suivante, après l’onéreuse arrivée d’Álvaro Morata, il signe à Dortmund, dont il est fan et où il continue de faire parler son efficacité avec neuf buts en quatorze matches. Stoppé en plein élan par une blessure à la cheville en fin de saison, il rebondit une nouvelle fois et embarque pour la Russie au prix d’un gros travail de récupération.

Une revalidation éclair comme un symbole de la carrière déjà bien remplie de Michy Batshuayi, pour qui derrière chaque période faste se cache un contretemps préalable qui a poussé l’attaquant à redoubler d’efforts et à prendre sur lui pour arriver à ses fins. Et ce n’est pas son prêt, pour le moment compliqué, à Valence, qui fait douter ses connaissances. “Il peut devenir le meilleur attaquant belge du moment et des prochaines années”, conclut son ancien équipier Julien De Sart.