Poupou, l'éternel adoré

Entré dans la légende de son vivant, Raymond Poulidor a traversé les époques en conservant une popularité quasiment inégalée. Retour sur la vie d’un surdoué malchanceux, devenu le chouchou du public français.

La naissance d’un champion

Raymond Poulidor voit le jour en 1936 à Masbaraud-Mérignat, un tout petit village de la Creuse. Fils de métayers, le champion français tire de ses origines très modestes son humilité et sa disponibilité, à la source de son inaltérable popularité. Mais également une certaine pingrerie qui lui cause bien des torts auprès de ses équipiers ou dans les courses où la victoire se monnaye.

Suivant la trace de deux de ses frères aînés, Poupou débute le cyclisme à l’âge de 16 ans en dépit des réticences de sa mère. Malgré un talent indéniable, le Français ne passe professionnel qu’à la fin 1959, après avoir été mobilisé en Algérie.

"J’ai découvert Raymond Poulidor grâce à un courrier de Bernard Gauthier (NdlR : quadruple vainqueur de Bordeaux-Paris), mon poulain qui commençait à vieillir. Il m’indiquait de contacter ce jeune espoir de suite afin de le prendre sous contrat", révèle Antonin Magne, le premier directeur sportif de Poupou.

Sous la houlette du double vainqueur du Tour de France, Raymond Poulidor réussit ses débuts parmi les cadors avant de se révéler véritablement en 1961. Vainqueur de Milan-Sanremo et du Championnat de France, le coureur Mercier-BP-Hutchinson termine sa deuxième saison complète à la deuxième place du Super Prestige Pernod, sorte d’ancêtre du classement UCI, juste devant un certain Rik Van Looy.

"Quand il a gagné Milan-San Remo, c'était presque un inconnu pour moi, puisqu'il était tout juste passé professionnel. Je me souviens que j'avais dû sprinter pour la deuxième place et j'ai terminé à 80 mètres derrière lui", détaille l’Empereur d’Herentals au journal l’Equipe. Avec quelques victoires prestigieuses en poche, Raymond Poulidor peut s’engager sur la voie qui mène au Tour de France et à la notoriété.

Un pays scindé en deux

La passion qui entoure le sport atteint souvent son paroxysme lorsque celui-ci génère des rivalités épiques. Et le duel qui oppose Raymond Poulidor à Jacques Anquetil est entré dans la légende au même titre que ceux qui confrontent plus tard Mohamed Ali et Joe Frazier, Ayrton Senna et Alain Prost ou Roger Federer et Rafael Nadal.

Poupou fait ses débuts sur le Tour de France en 1962, avec la main gauche plâtrée à cause d’une chute survenue huit jours avant le grand départ de Nancy et qui lui occasionne une fracture de l’auriculaire. Malgré ce premier coup du sort, Raymond Poulidor remporte la 19e étape à Aix-les-Bains et termine la Grande Boucle à la troisième place, à un peu plus de dix minutes de Jacques Anquetil, vainqueur pour la troisième fois à Paris.

Après un deuxième essai infructueux en 1963, le coureur Mercier-BP-Hutchinson pousse Maître Jacques dans ses derniers retranchements en 1964. Bien aidé par les erreurs stratégiques et la malchance tenace qui colle à la peau de son adversaire, le Normand finit par s’imposer. Et cette 51e édition du Tour de France entre dans la légende grâce au duel homérique que se livrent les deux champions sur les pentes surchauffés du Puy de Dôme, le 12 juillet. Dès lors, la France se coupe en deux avec d’un côté les supporters d’Anquetil, le vainqueur au sang-froid, et de l’autre ceux, beaucoup plus nombreux, de Poulidor, le perdant magnifique.

Après une Grande Boucle 1966 où le Normand piège son rival historique en favorisant la victoire finale de son équipier Lucien Aimar, la tension entre les deux hommes atteint des sommets lors des Championnats du Monde organisés au Nürburgring. Les deux Français, pourtant en position de l’emporter, refusent de collaborer et font finalement le jeu de l’Allemand Rudi Altig.

Le départ à la retraite, fin 1969, du quintuple vainqueur du Tour de France met un terme à la plus féroce rivalité de l’histoire du sport français. "Autant nous nous sommes détestés comme coureurs, autant nous nous sommes appréciés comme hommes. Nous avons perdu dix années d’amitié. Nous avions les mêmes idées, nous étions faits dans le même moule", reconnaissait volontiers Raymond Poulidor.

Le champion normand met toutefois un point d’honneur à avoir le dernier mot. "Écoute, mon cher Raymond, tu vas encore finir deuxième", souffle Jacques Anquetil à son éternel rival, peu avant d’être vaincu, en 1987, par un cancer de l’estomac.

Un pays scindé en deuxLa passion qui entoure le sport atteint souvent son paroxysme lorsque celui-ci génère des rivalités épiques. Et le duel qui oppose Raymond Poulidor à Jacques Anquetil est entré dans la légende au même titre que ceux qui confrontent plus tard Mohamed Ali et Joe Frazier, Ayrton Senna et Alain Prost ou Roger Federer et Rafael Nadal.  Poupou fait ses débuts sur le Tour de France en 1962, avec la main gauche plâtrée à cause d’une chute survenue huit jours avant le grand départ de Nancy et qui lui occasionne une fracture de l’auriculaire. Malgré ce premier coup du sort, Raymond Poulidor remporte la 19e étape à Aix-les-Bains et termine la Grande Boucle à la troisième place, à un peu plus de dix minutes de Jacques Anquetil, vainqueur pour la troisième fois à Paris.  Après un deuxième essai infructueux en 1963, le coureur Mercier-BP-Hutchinson pousse Maître Jacques dans ses derniers retranchements en 1964. Bien aidé par les erreurs stratégiques et la malchance tenace qui colle à la peau de son adversaire, le Normand finit par s’imposer. Et cette 51e édition du Tour de France entre dans la légende grâce au duel homérique que se livrent les deux champions sur les pentes surchauffées du Puy de Dôme, le 12 juillet. Dès lors, la France se coupe en deux avec d’un côté les supporters d’Anquetil, le vainqueur au sang-froid, et de l’autre ceux, beaucoup plus nombreux, de Poulidor, le perdant magnifique.Après une Grande Boucle 1966 lors de laquelle le Normand piège son rival historique en favorisant la victoire finale de son équipier Lucien Aimar, la tension entre les deux hommes atteint des sommets lors des Championnats du Monde organisés au Nürburgring. Les deux Français, pourtant en position de l’emporter, refusent de collaborer et font finalement le jeu de l’Allemand Rudi Altig.  Le départ à la retraite, fin 1969, d’Anquetil, premier quintuple vainqueur du Tour de France met un terme à la plus féroce rivalité de l’histoire du sport français. Mais le Normand met tout de même un point d’honneur à avoir encore le dernier mot. « Écoute, mon cher Raymond, tu vas encore finir deuxième », souffle Jacques Anquetil à son éternel rival, peu avant d’être vaincu, en 1987, par un cancer de l’estomac.

La rivalité entre Poulidor et Anquetil a atteint des sommets lors de la 20e étape du Tour 1964 qui arrivait au sommet du Puy-de-Dôme. (BELGA)

La rivalité entre Poulidor et Anquetil a atteint des sommets lors de la 20e étape du Tour 1964 qui arrivait au sommet du Puy-de-Dôme. (BELGA)

Anquetil et Poulidor réalise le traditionnel tour d'honneur du Parc des Princes, bouquet à la main, pour clôturer le Tour de France 1964. Mais c'est bien le Normand qui a remporté le maillot jaune. (AFP)

Anquetil et Poulidor réalisent le traditionnel tour d'honneur du Parc des Princes, bouquet à la main, pour clôturer le Tour de France 1964. Mais c'est bien le Normand qui a remporté le maillot jaune. (AFP)

Anquetil et Poulidor réalisent le traditionnel tour d'honneur du Parc des Princes, bouquet à la main, pour clôturer le Tour de France 1964. Mais c'est bien le Normand qui a remporté le maillot jaune. (AFP)

Après avoir subi la loi de Jacques Anquetil, Raymond Poulidor a dû se mesurer à de nombreuses reprises à l'ogre Eddy Merckx. (BELGA)

Après avoir subi la loi de Jacques Anquetil, Raymond Poulidor a dû se mesurer à de nombreuses reprises à l'ogre Eddy Merckx. (BELGA)

Après avoir subi la loi de Jacques Anquetil, Raymond Poulidor a dû se mesurer à de nombreuses reprises à l'ogre Eddy Merckx. (BELGA)

Malgré leur rivalité, Raymond et Eddy ont cultivé une profonde amitié. (AFP)

Malgré leur rivalité, Raymond et Eddy ont cultivé une profonde amitié. (AFP)

Malgré leur rivalité, Raymond et Eddy ont cultivé une profonde amitié. (AFP)

D’un monstre sacré à l’autre

Victime d’un nouveau coup du sort, Poupou laisse passer son ultime chance, en 1968, de remporter enfin le Tour de France. Car le cyclisme vient de basculer sous le règne tyrannique d’Eddy Merckx. Comme tant d’autres, Raymond Poulidor fait les frais de l’appétit insatiable de l’Ogre de Tervuren et termine sur le podium des Tours de France 1969, 1972 et 1974, remportés par le plus grand champion cycliste de l’histoire. Il se contente également de la médaille d’argent lors des championnats du monde 1974 à Montréal, en étant le seul à pouvoir tenir la roue du Cannibale.

Mais le Français parvient parfois à ramener Eddy Merckx à la raison, comme lors de Paris-Nice 1972. "Il m’avait battu dans le Col d’Eze, ce qui m’avait surpris même si j’avais des circonstances atténuantes. Il n’empêche, il avait largement dépassé la trentaine et avait encore de l’enthousiasme pour son métier", témoigne l’Ogre de Tervuren dans les colonnes du quotidien l’Equipe.

Alors que le cyclisme s’apprête à se soumettre durablement à Bernard Hinault, Raymond Poulidor tire sa révérence, nanti d’un palmarès riche de 189 victoires dont la Flèche wallonne 1963 et le Tour d’Espagne 1964. Preuve que le surnom d’éternel second donné au Français est sans fondement.

L’éternelle popularité

Après quatorze participations au Tour de France en tant que coureur, Raymond Poulidor continue de prendre part à la grand-messe de juillet. Comme consultant radio ou télévision ou comme agent de communication pour plusieurs marques. Dont une banque qui permet à Poupou de porter enfin le maillot jaune qu’il n’a jamais eu l’occasion de revêtir sur sa bicyclette. En 2019, il participe ainsi à son 57e Tour de France. Pour expliquer cette incroyable fidélité à la Grande Boucle, Raymond Poulidor reprend une célèbre formule d’Antoine Blondin : "Le Tour de France est une maladie dont on ne guérit jamais."

Chaque mois de juillet est l’occasion pour le champion français de constater que sa popularité traverse les époques. "Je vais au devant du public et il me le rend bien. Je ne sais pas si c’est de la prétention mais le jour où je me promènerai dans la rue et où on ne se retournera plus à mon passage, je serai malheureux. Je serai triste de ne plus avoir cette relation fraternelle avec le public", assure Raymond Poulidor.

Le passage de témoin

A la fin des années 80, Raymond Poulidor participe avec sa famille à un séjour all inclusive, réservé aux stars de la Petite Reine, en Martinique. A cette occasion, sa fille Corinne, qui s’était "pourtant jurée de ne pas épouser un cycliste", tombe sous le charme du Néerlandais Adrie Van der Poel, vainqueur du Tour des Flandres en 1986. Le couple donne deux petits-enfants à Poupou : David, en 1992, et Mathieu, en 1995. Le cadet, dont la ressemblance physique avec le vainqueur de la Vuelta 1964 est assez frappante, fait rapidement la fierté de son grand-père.

Raymond Poulidor fait parfois le long déplacement jusqu’en Belgique pour voir Mathieu Van der Poel dominer outrageusement la concurrence dans les labourés. "Ce qu’il fait est énorme, aussi bien en cyclo-cross que sur la route. Cela surprend tout le monde. Je crois qu’il est plus fort que le papy et plus fort que le papa. C’est peu dire ! Il grimpe bien, il va vite au sprint et il n’a peur de rien. C’est un futur très grand", prédit Poupou à l’occasion d’une rencontre avec son petit-fils en marge du Tour de France 2014.

La saison 2019 de Mathieu Van der Poel donne entièrement raison à son illustre grand-père. Le champion du monde de cyclo-cross prévoit de participer en 2020 à Milan-San Remo et à la Vuelta, deux courses qui figurent au palmarès de Raymond Poulidor.

Poulidor n'a jamais endossé le maillot jaune lors de sa carrière mais a eu l'occasion de le porter plus que n'importe qui en tant qu'ambassadeur sur la Grande Boucle. (AFP)

Poulidor n'a jamais endossé le maillot jaune lors de sa carrière mais a eu l'occasion de le porter plus que n'importe qui en tant qu'ambassadeur sur la Grande Boucle. (AFP)

Poulidor n'a jamais endossé le maillot jaune lors de sa carrière mais a eu l'occasion de le porter plus que n'importe qui en tant qu'ambassadeur sur la Grande Boucle. (AFP)

Poulidor est invité à monter sur le podium du Tour par le maillot jaune, Peter Sagan, à Limoges en 2016 (BELGA)).

Poulidor est invité à monter sur le podium du Tour par le maillot jaune, Peter Sagan, à Limoges en 2016 (BELGA).

Poulidor est invité à monter sur le podium du Tour par le maillot jaune, Peter Sagan, à Limoges en 2016 (BELGA).

Raymond Poulidor et son petit-fils, Mathieu van der Poel, sur le podium de la Coupe du monde de cyclo-cross à Lignières-en-Berry (BELGA).

Raymond Poulidor et son petit-fils, Mathieu van der Poel, sur le podium de la Coupe du monde de cyclo-cross à Lignières-en-Berry (BELGA).

Raymond Poulidor et son petit-fils, Mathieu van der Poel, sur le podium de la Coupe du monde de cyclo-cross à Lignières-en-Berry (BELGA).