Retour sur cinq Belgique-Pays-Bas mémorables

Ce mardi soir, les Diables reçoivent les Pays-Bas au stade Roi Baudouin pour un derby qui rappellera de bons souvenirs à leurs supporters de tous les âges. Seuls les très jeunes ont oublié celui qui a lancé la génération actuelle, le 15 août 2012, au contraire de Guillaume Gillet et d'Axel Witsel, qui nous parlent du match qu'ils ont disputé il y a six ans.

Nous avons également sélectionné trois duels des plats pays des années 90, ainsi que le barrage retour de 1985 qui avait envoyé les Diables au Mondial 1986. Georges Grün, Michel De Wolf, Lorenzo Staelens ou encore Branko Strupar reviennent sur ces épisodes qui ont marqué l'histoire de notre football et de la rivalité avec nos voisins du nord.

Georges Grün expédie les Diables au Mexique

Toutes les belles histoires connaissent un début qui peut être anodin ou, au contraire, triomphal. La merveilleuse épopée des Diables Rouges à la Coupe du Monde 1986 au Mexique, avec au final une quatrième place assez inattendue, a connu, elle, ses origines un soir glacial de novembre 1985 à Rotterdam.

Deuxièmes de leur groupe de qualification derrière la Pologne mais devant l'Albanie et la Grèce, les Diables doivent passer par une double confrontation contre les Pays-Bas pour décrocher leur ticket pour le mondial. Victorieux des Néerlandais 1-0 lors du match aller grâce à un but de Franky Vercauteren dans une partie disputée pendant 85 minutes en supériorité numérique suite à l'exclusion de Wim Kieft pour avoir poussé le Petit Prince du Parc Astrid au visage, les Diables se déplacent le 20 novembre au Kuip, un chaudron chauffé à blanc et complètement acquis à la cause oranje. Et c'est sur la pelouse de Feyenoord que le jeune Georges Grün, 23 ans, allait écrire un des plus beaux moments du football belge.

"Ce soir-là, les Néerlandais ont rapidement fait 1 et 2-0 après la mi-temps. On savait qu'il fallait inscrire un but pour se qualifier. Progressivement, nous avons sorti la tête de l'eau, au point de galvauder quelques belles occasions. A vingt minutes du terme de la rencontre, Léo Beenhakker, l'entraîneur des Pays-Bas, a décidé de faire reculer Ruud Gullit de l'entrejeu dans la ligne arrière. Implicitement, il nous confirmait que son équipe allait essayer de préserver le résultat, tout en nous laissant faire le jeu."

Et c'est à cinq minutes de la fin des débats que l'actuel consultant allait libérer, d'un coup de tête rageur, tout un pays et offrir la qualification à la Belgique.

"Quand j'ai vu Eric Gerets entamer un déboulé sur le flanc droit, j'ai tout de suite cherché à anticiper la réaction de Van Loen et Spelbos, les deux joueurs qui devaient m'empêcher d'exploiter mon jeu de tête, explique l'ancien défenseur. Là où ils sont restés statiques, j'ai veillé à plonger entre eux deux pour frapper de toutes mes forces dans ce ballon. J’ai fait cette reprise de la tête le plus fort possible, sans réfléchir. J’avais même peut-être les yeux fermés. Je voulais laisser Van Breukelen sans réaction. Sur le coup, je n'ai pas réalisé les conséquences exactes de mon but. Ce n'est que quelques jours plus tard, sous la pression des médias et des supporters, que j'ai compris que mon coup de tête avait transporté de bonheur tout un pays..."

Une fin heureuse qui est née d'une petite histoire d'espionnage et d'un choix effectué par Léo Beenhakker, le sélectionneur néerlandais. Le score étant de 0-0 à la mi-temps, Guy Thys, le sélectionneur belge, se méfiait de la montée d’un certain John Van Loen, un géant (1m95) de 20 ans qui avait déjà inscrit 12 buts en championnat. En passant devant le vestiaire local, il a vu Van de Korput sous la douche. "Cela signifie que Van Loen va monter", s'est dit Guy Thys. "Je fais monter Grün pour le neutraliser."

"Je n’avais que deux minutes pour m’échauffer, se souvient l'ancien Anderlechtois. Je suis monté à la 47e. Alors qu’il faisait moins 7 degrés. Et même si je mesurais dix centimètres en moins que Van Loen j'ai gagné de nombreux duels aériens."

Dont celui dont toute la Belgique se souvient, mais aussi les Pays-Bas d'après une histoire racontée par Georges Grün en guise de conclusion : "Je suis un passionné de pêche. Je vais parfois en Zélande. Quand je dois donner mon nom, les gens me lancent : Jij bent die smeerlap van 1985 ! (NdlR : tu es le salopard de 1985)".

Le Technique

Pays-Bas - Belgique: 2-1 (20/11/1985)

Stade : Kuip (Rotterdam), qualifications Mondial 1986

Pays-Bas: Van Breukelen, Wijnstekers, Spelbos, Van de Korput (46e Van Loen), Van Tiggelen, Valke, Rijkaard, Gullit, Tahamata (80e Silooy), Houtman, De Wit. Sélectionneur: Léo Beenhakker

Belgique: Pfaff, Gerets, Broos, Van der Elst (75e Veyt), De Wolf, Vercauteren, Ven der Eslt (47e Grün), Clijsters, Desmet, Ceulemans, Vandereycken. Sélectionneur: Guy Thys

Les buts : 60e Houtman (1-0), 71e De Wit (2-0), 85e Grün (2-1).

"Ah, qu'elles étaient bonnes, ces frites!"

Michel De Wolf explique comment, à Orlando, les Diables ont contré le régime du diététicien.

“Tu as le bonjour de ma grand-mère"

Il est des vengeances anodines délectables.

Quand il a revu le Marocain Nacer Abdellah, qui évoluait alors au SV Waregem, Michel De Wolf s’est gentiment fait plaisir, au lendemain de la victoire contre les Pays-Bas: “Nacer avait affirmé que battre les Belges ne posait aucun problème dans la mesure où je courais aussi vite que ma grand-mère. J’ai tenu à me rappeler à son bon souvenir.”

Lutin facétieux, le défenseur de Clabecq était coutumier de ces traits d’esprit. En évoquant ce Belgique - Hollande d’Orlando, il n’a pas manqué de dévoiler un petit secret jusqu’alors bien gardé.

Victorieuse du Maroc, la Belgique avait été qualifiée par le quotidien l’"Equipe", de “meilleure formation européenne du moment”. Elle ne l’était peut-être pas mais elle véhiculait de belles valeurs: “Nous nous sentions bien entre nous. L’ambiance était excellente dans le groupe.  Une des preuves est que personne n’a dévoilé un de nos petits secrets. Pour la première fois, le staff avait emmené en Amérique un diététicien. Son régime, la chaleur - on jouait à 12h30 sous 40 à 45 ° - et l’humidité nous avaient fait fondre. Avant le Mondial, je pesais 72 kg. A mon retour, j’en accusais 64. Le soir, après le repas à l’hôtel, on avait encore faim. On sortait par petits groupes - pas toujours les mêmes - pour aller nous enfiler un gros paquet de frites et un poulet bien gras.”

Cette grave offense à la diététique n’avait pas affecté les Diables contre les Pays-Bas qui constituaient leur cauchemar depuis 1905: “Les Hollandais évoluaient en 4-4-2. Paul Van Himst, notre entraîneur, avait opté pour une défense à cinq. Nos adversaires se sont cassé les crocs sur elle".

Le coach avait aussi eu le nez creux en remplaçant Nilis et Boffin par Emmers et Albert. “Albert a inscrit l’unique but de notre victoire, à une petite demi-heure de la fin. Degrijse avait délivré un coup de coin. Dans le rectangle, Grün, de la tête, avait dévié le ballon légèrement sur sa droite. En position de tir, Philippe a fait mouche d’instinct, en tirant du pied gauche. Il ne m’avait pas étonné. Je le constatais à l’entraînement: Philippe était le défenseur qui ne manquait jamais une occasion quand il se retrouvait en pointe”.

L’autre héros du match se nommait Preud’homme, absolument imbattable: “Ce jour-là, Michel fut phénoménal. Il a sauvé deux ballons sur la ligne, gagné un face à face avec Bergkamp, réussi un arrêt prodigieux devant Overmars et s’est blessé au visage en plongeant dans les pieds d’un adversaire.”

Michel De Wolf évoluait au libéro. “Devant moi, Albert et Grün prenaient tout de la tête. Mon match était réussi quand j’intervenais judicieusement une fois ou deux. Je devais surtout diriger le placement de mes équipiers.”

Dans ce Mondial américain-là, les Diables n’ont commis qu’une erreur: ils ont spéculé: “On avait cru battre aisément l’Arabie Saoudite. Grün, qui avait écopé de deux cartes jaunes, avait même été ménagé. Owairan nous a crucifiés. Aurai-je dû le faucher, comme on l’a prétendu? J’aurais alors été expulsé. Quand il a marqué, il restait un temps de jeu suffisant pour inscrire plusieurs buts. Hélas, nous avons loupé toutes nos occasions.”

Comme punition, les Diables avaient dû se colleter à l’Allemagne...

Le technique

25 juin 1994 (Orlando) / Belgique - Pays-Bas: 1-0

BELGIQUE: Preud'homme; Emmers (78e Medved), Grün, De Wolf, Albert, Borkelmans (61e Smidts), Scifo, Staelens, F. Van der Elst, Degryse, Weber (Entr. Paul Van Himst)

PAYS-BAS: De Goey; Valckx, R. Koeman, F. de Boer, Rijkaard, R. De Boer (46e Witschge), Wouters, Taument (64e Overmars), Bergkam, Roy (Entr. Dick Advocaat)

Arbitre: M. Massiglia (Bré)

Le but: 65e Albert (1-0)

 

"Kluivert a refusé toute réconciliation"

Lorenzo Staelens sourit. Son œil s’allume. Les préliminaires évacuées, l’ex-international qui se morfond en marge des bancs de touche, pressent qu’on va entrer dans le vif du sujet: “Vous voulez évoquer mon algarade avec Kluivert, fatale au Néerlandais, lors de notre premier match du Mondial français en 1998? Pas de problème: ce fait de jeu en apparence anodin m’a poursuivi tout au long de ma carrière et il n’est pas à mon avantage”...

L’ex-médian du Club Bruges et d’Anderlecht tient toutefois à  replacer l’incident dans son contexte: “Certains observateurs ont qualifié ce nouveau derby des pays plats de plus mauvais match de ce Mondial. C’est possible. Une certitude: les Néerlandais nous étaient largement supérieurs. Ils étaient tellement plus forts que nous que Georges Leekens, notre coach, avait, dès la 20e minute, remplacé Crasson, notre arrière droit, à qui Overmars faisait voir des étoiles. Au fil du temps, parce qu’ils ne cessaient de gaspiller les occasions qu’ils se créaient, les Néerlandais se sont énervés. Par comparaison, Nilis avait été le seul Diable à inquiéter le gardien adverse à la... 88e minute.”

Georges Leekens avait décidé que les Diables devaient subir la rencontre: “Le coach avait aligné cinq défenseurs et installé Franky Van der Elst en sentinelle devant la ligne arrière. Son leitmotiv était clair: on ne joue plus au foot, on ferme tout et surtout on ne prend pas de but. C’était une véritable révolution tactique. Les joueurs l’approuvaient-ils? Sans doute, puisqu’aucun d’eux ne l’a contestée. Il faut dire que les Pays-Bas alignaient à ce moment la meilleure équipe du monde.”

Les Néerlandais n’allaient pas achever la rencontre au complet. A une dizaine de minutes de la fin, l’arbitre italien Pierluigi Collina allait renvoyer Patrick Kluivert au vestiaire. Lorenzo Staelens décrit l’incident: “Kluivert était frustré de ne pas marquer. Je l’ai taclé dans notre rectangle. J’ai touché à la fois le ballon et le joueur. J’ai voulu lui présenter mes excuses. Je lui ai tendu la main. Il l’a repoussée en me traitant de sale Belge. Je l’ai insulté à mon tour. Il m’a frappé la poitrine. Je me suis affalé. Il a été expulsé. Quelque chose venait de se casser entre la Hollande et moi.”

Pour les Néerlandais, Lorenzo Staelens était devenu l’ennemi public numéro un: “A la TV, ils ont dépêché un spécialiste pour tenter de lire mes propos sur mes lèvres. Dans les derbys suivants, j’ai toujours été visé. Kluivert ne m’a plus jamais adressé la parole. Mais quand, dans un autre match, Van der Sar s’est laissé tomber et que son adversaire a été expulsé, les commentateurs ont qualifié la simulation du gardien de geste professionnel".

Quelque temps après, la TV hollandaise a cherché à réunir Kluivert et Staelens: “J’étais d’accord. Patrick a refusé”.

Kluivert est bien rancunier...

Le technique

Belgique - Pays-Bas: 0-0 (19/6/1998)

BELGIQUE: De Wilde; Crasson (22e Deflandre), Staelens, Verstraeten, Borkelmans, Boffin, Clement, F. Van der Elst, Wilmots, Oliveira (59e E. Mpenza), Nilis (Entr. Georges Leekens)

PAYS-BAS: Van der Sar; Stam, Numan, F. de Boer, Cocu, Winter, R. de Boer (79e Jonk), Seedorf (66e Zenden), Overmars, Kluivert, Haeselbaink (65e Bergkamp) (entr. Guus Hiddink)

Arbitre: Pierluigi Collina (Ita)

Exclusion: 80e Kluivert

 

"Le but de l'année et le maillot de Bergkamp"

Septembre 1999. L'équipe nationale est en crise, après une série de défaites. Cette année-là, la Grèce (1-0), la Bulgarie (0-1), l'Égypte (0-1), la Roumanie (1-0) et la Finlande (3-4) prennent le dessus sur nos Diables. Cette dernière défaite - à Bruges - coûte la tête de Georges Leekens. Robert Waseige, son successeur, ne reçoit pas un cadeau comme premier match: un déplacement aux Pays-Bas, demi-finaliste de la Coupe du Monde 1998.

Le match se joue au Kuip de Feyenoord Rotterdam, le stade le plus chaud des Pays-Bas. Le Genkois Branko Strupar, meilleur buteur du championnat précédent avec 22 buts, figure pour la première fois au coup d'envoi, aux côtés d'Emile Mpenza. "Moi, je ne savais pas qu'il s'agissait d'un match d'une grande importance", dit Strupar (48 ans), Croate de naissance. "C'est Lorenzo Staelens, notre capitaine, qui me l'a expliqué. J'ai vite compris que les Pays-Bas contre la Belgique, c'est comme la Croatie contre la Serbie."

Strupar n'en croit pas ses yeux quand il voit les noms des adversaires. "Vous voulez que je vous cite l'équipe? Van der Sar, Reiziger, Stam, Frank De Boer, Van Bronckhorst, Davids, Zenden, Ronald De Boer, Cocu, Bergkamp et Kluivert. Mes deux adversaires directs - Stam et Frank De Boer - évoluaient à Manchester United et Barcelone !"

Mais le début du match est pour les Belges. Et la vedette du jour est Strupar. À la 9e minute, Verheyen centre, Emile prolonge du talon, et de l'extérieur du rectangle, Strupar dépose le ballon du plat du pied dans le coin opposé. "C'était vraiment là que je voulais placer le ballon. J'étais hors de moi tellement j'étais heureux. Le but a d'ailleurs été élu comme but de l'année."

Bis repetita à la 30e minute. Le centre d'Emile n'est pas millimétré, il est trop en retrait pour Strupar. "Je ne sais pas comment j'ai fait mon coup, mais je suis parvenu à placer le ballon de la tête dans ce même coin droit. Via le poteau et Van der Sar, le cuir est allé au fond. C'était 0-2. Cette fois, je ne savais pas ce que je devais faire pour fêter. J'ai fait semblant de voler sur le terrain, avec mon maillot tiré au-dessus de ma tête."

Ce n'est que le début d'une soirée folle. Les Pays-Bas reviennent à la marque et mènent même 3-2 à la mi-temps. Mais Goor et Wilmots font à nouveau basculer le match (3-4). Kluivert (il marquera trois fois, ce soir-là) donnera l'avantage aux Hollandais (5-4). Mais Emile Mpenza aura le dernier mot (5-5). Robert Waseige a réussi son premier défi.

Timidement, Strupar se dirige vers Dennis Bergkamp. "Je ne suis pas honteux de le dire: c'était mon idole. J'adorais son style de jeu. Je lui ai demandé son maillot. Il a accepté, mais il ne m'a pas parlé. Il y avait trop d'électricité dans l'air, il y avait eu trop de fautes. La rencontre n'avait rien d'un match amical. L'arbitre avait dû donner neuf cartes jaunes et une rouge, à Wilmots. Le maillot de Bergkamp, je l'ai encore toujours à la maison."

Strupar se souvient également de la nuit après le match. "Comme toujours, j'ai rejoué le match dans mon lit, en pensant aux plus belles actions. Mais cette fois-là, je n'ai pas fermé un oeil. C'était le plus beau match de ma carrière en équipe nationale."

  • Le Technique

    Pays-Bas - Belgique: 5-5 (04/09/1999)

    Les buts : 9e Strupar (0-1), 30e Strupar (0-2) , 37e Davids (1-2), 43e Davids (2-2),45e Kluivert (3-2), 50e Goor (3-3), 52e Wilmots (3-4), 59e Kluivert (4-4), 70e Kluivert (5-4), 77eE. Mpenza (5-5).

    Pays-Bas : Van der Sar, Reiziger, Stam (62e Konterman), Frank De Boer, Van Bronckhorst, Davids, Zenden, Ronald De Boer, Cocu, Bergkamp et Kluivert (79e Van Hooijdonk). Coach : Hiddink.

    Belgique : Van de Walle (41e Herpoel), Deflandre (80e Hoefkens), Peeters, Staelens, Van Kerckhoven (73e Hendrikx), Verheyen (90e Brogno),Vanderhaeghe, Wilmots, Goor, E. Mpenza (82e Walem), Strupar. Coach : Waseige.

    Cartes jaunes : Davids, Cocu, Van Bronkhorst, Zenden, Verheyen, Staelens, Deflandre, Vanderhaeghe, Wilmots.

    Carte rouge : Wilmots (rouge directe).

    Arbitre : Meier (Sui)

  • "Le moment-charnière de la génération dorée"

    Le 15 août 2012, les Diables avaient enfilé leur tenue de gala pour un succès 4-2 contre nos voisins néerlandais. Bien plus qu'un succès de prestige.

    C'était le dernier match à domicile contre les Pays-Bas. Et le premier sur le territoire du nouveau sélectionneur, Marc Wilmots. C'était le 15 août 2012, au stade Roi Baudouin. Une date qui restera dans l'histoire du football belge. "C'était le moment-charnière de la génération dorée", abonde Guillaume Gillet, arrière droit titulaire ce soir-là. "Même si c'était amical, ce match avait lancé l'équipe vers la Coupe du Monde au Brésil. Cette victoire nous avait même permis de renouer avec le public après tant d'années difficiles."

    Inspirée, la fédération avait lancé un plan marketing la semaine avant le derby des plats pays. "Les supporters étaient invités à repeindre la Belgique en rouge. Le jour du match, sur le trajet entre l'hôtel et le stade, on s'était rendu compte de l'impact. Les gens avaient vraiment joué le jeu. Tout était rouge. Ça avait donné un gros coup de boost à l'équipe, même si on était déjà bien motivé", se souvient Gillet.

    C'était il y a 6 ans, une éternité. A l'époque, les Néerlandais nous snobaient encore, footbalistiquement parlant. Dries Mertens, alors joueur du PSV, l'avait confié à la presse avant le match : "Les Pays-Bas se foutent de nous ! Mes équipiers n'arrêtent pas de se marrer en minimisant le match, style : "C'est quand encore votre truc à Bruxelles ?" Ils se pensent beaucoup plus forts."

    En conférence de presse, Marc Wilmots avait joué le jeu de nos voisins : "Les Pays-Bas sont plus forts que nous, sur papier. Même s'ils ont raté leur Euro 2012, ce sont les finalistes de la dernière Coupe du Monde."

    Bref, en 2012, les Pays-Bas pouvaient encore nous regarder de haut. Le groupe des Diables était déjà formé (12 des joueurs sélectionnés ce jour-là étaient encore présents au Mondial 2018) mais n'avait pas encore la même aura. Lukaku venait d'être prêté à WBA, De Bruyne loué au Werder de Brême et Alderweireld jouait toujours à l'Ajax. Ce 15 août 2012, Praet et Dendoncker disputaient un match de NextGen (l'ancêtre de la Youth League) avec Anderlecht. Et on ne parlait pas encore de Tielemans. "On sentait que le potentiel était là et beaucoup commençaient à partir dans les grands clubs. La machine était en route", précise Gillet.

    Courtois peut en être vu comme le symbole. Avant ce match contre les Pays-Bas, Mignolet était le titulaire indiscutable des Diables. Mais Wilmots avait installé le jeune gardien de l'Atletico Madrid pour ce premier match international de la saison. Le sélectionneur avait déclaré que le duel restait ouvert entre Courtois et Mignolet. "Mais on sentait que Thibaut allait rester en place", reconnaît Gillet. "Il fallait être aveugle pour ne pas voir ses immenses qualités. Il était prédestiné à devenir numéro 1, même si Simon n'avait jamais démérité en équipe nationale." Depuis ce 15 août 2012, Mignolet n'a d'ailleurs joué que 11 fois avec les Diables, quand Courtois n'était pas disponible.

    A 20h45, cette bande de gamins était lâchée sur la pelouse du Heysel. "On a fait un superbe match. Les premières minutes ont été difficiles, j'avais notamment souffert face à Robben, mais on avait resserré les lignes et petit à petit pris le dessus. Même quand on était mené 1-2, on savait qu'on pouvait les battre", raconte Gillet. "Le dernier quart d'heure avait été génial avec trois buts en cinq minutes. C'était de la folie dans le stade. Cela marque le moment où la Belgique et les Pays-Bas se sont croisés sur la route du succès. On montait et ils descendaient. Cette victoire a créé un formidable engouement dans le pays."

    Guillaume Gillet, grand fan du Bayern Munich et d'Arjen Robben, avait d'ailleurs gardé son maillot ce jour-là. "J'aime échanger mon maillot avec de grands joueurs et j'aurais beaucoup aimé avoir celui de Robben dans ma collection. Mais je sentais que je devais garder mon maillot à moi. Il représentait quelque chose de fort. Je l'ai confié à un membre de ma famille et je suis très content d'encore l'avoir. C'était le début de ce qu'on connaît aujourd'hui."

    Witsel: "un match un peu fou"

    En conférence de presse, ce week-end, Axel Witsel a préfacé le Belgique-Pays-Bas 2018 en se souvenant de cet épisode de 2012.

    Le Technique

    Belgique - Pays-Bas: 4-2 (15/08/2012)

    Les buts : 20e Benteke (1-0), 54e Narsingh (1-1), 55e Huntelaar (1-2), 75e Mertens (2-2), 77e R. Lukaku (3-2), 80e Vertonghen (4-2).

    Belgique : Courtois ; Gillet, Van Buyten (46e Alderweireld), Vermaelen, Vertonghen ; Defour, Witsel ; Mirallas (56e De Bruyne), E. Hazard (58e Dembélé), Chadli (66e Mertens) ; Benteke (63e R. Lukaku).

    Pays-Bas : Stekelenburg ; Van Rhijn (46e Viergever), Mathijsen, Heitinga (46e De Vrij), Willems (46e Martins Indi) ; De Jong, Van der Vaart (46e Maher) ; Robben, Sneijder, Narsingh (69e Lens); Huntelaar.

    Avertissements : /

    Arbitre : M. Atkinson (Ang)