Une semaine pour
devenir un Belgian Lion

C'est parti pour 3 jours de stress... dans la bonne humeur

Lundi 18 février, 9 heures du matin. Nous sommes à six jours de la rencontre entre la Belgique et l'Islande, dernier acte de la phase de pré-qualifications pour l'Euro 2021. Douze jeunes joueurs, tous âgés de moins de 23 ans, arrivent au compte-gouttes, valise à la main, au Versluysdôme d'Ostende. Le sélectionneur Dario Gjergja les a convoqués pour un stage de trois jours. Au terme de celui-ci, mercredi soir, il annoncera quatre noms. Ces quatre joueurs rejoindront huit cadres de l'équipe nationale pour former le groupe qui affrontera l'Islande dimanche à Mons.

"En 2006, un jeune de 20 ans qui s'appelle Sam Van Rossom a reçu sa première sélection. Il a profité de la blessure de plusieurs joueurs cadres pour saisir sa chance alors qu'il n'était pas forcément attendu. Depuis, il n'a plus jamais quitté l'équipe nationale... Je vous souhaite de vivre la même chose..."
Avant le premier entraînement, Jacques Stas (manager sportif) a donné le ton de l'enjeu de ce stage en faisant référence au parcours de Sam Van Rossom

Les 12 joueurs : Simon Buysse (21 ans/Alost), Noë Botuli (18 ans/Ostende), Thomas Akyazili (22 ans/Anvers), Niels Foerts (21 ans/Brussels), Tito Casero (21 ans/Alost), Sander Van Caeneghem (23 ans/Mons-Hainaut), Vrenz Bleijenbergh (18 ans/Anvers), Seppe D’Espallier (19 ans/Louvain), Thomas Van Ounsem (20 ans/Bourg-en-Bresse), Servaas Buysschaert (19 ans/Ostende), Tim Lambrecht (21 ans/Ostende) et Haris Bratanovic (17 ans/Barcelone).

"Ce stage, c'est une grande première"

Jacques Stas, manager sportif des Lions

"Organiser un tel stage, c'est une grande première. Jamais, nous n’avions pu ouvrir quatre places à des jeunes pour qu’ils intègrent directement la sélection. C’est aussi quelque chose qui a pu être mis en place grâce à des circonstances favorables puisque nous sommes déjà qualifiés. De ce fait plusieurs joueurs cadres ont reçu l'autorisation de rester avec leur club."

Vue sur mer, sieste avant tout

Après un premier entraînement déjà intensif, les douze élus découvrent leur lieu de vie pour les trois prochains jours. Hôtel 4 étoiles sur la digue à quelques hectomètres de la salle d'entraînement, vue imprenable sur la mer et la plage, sauna, salle de fitness... Il y a pire comme conditions. "C'est vraiment sympa de pouvoir se retrouver dans ce genre d'endroit", sourit Tito Casero-Ortiz qui déballe sa valise remplie de vêtements de sport et de chaussures... quatre paires ! "Oui, il me faut bien ça (rires). Trois paires pour le sport et une paire pour le reste de la journée. Pour les vêtements, j'ai pris assez au cas où je reste jusqu'à la fin de la semaine (sourire)."

Les joueurs ont à peine le temps de vider leurs sacs que l'heure du rassemblement pour le dîner sonne déjà. Et avec Dario Gjergja, 13 heures, c'est 13 heures ! Au menu : le repas indispensable du sportif préparé spécialement par le chef du restaurant de l'hôtel... des pâtes, des légumes, du poulet et encore un peu de pâtes... "Il faut prendre des forces pour ces trois jours", confie Tim Lambrecht.

Après chaque repas, pas question de se promener sur la plage ou sur la digue. C'est sieste pour tout le monde ! Ou presque tout le monde... Pendant que ses coéquipiers rechargent leurs batteries, Simon Buysse sort ses bouquins d'université pour étudier. "Je fais des études de marketing à l'université de Courtrai", raconte le meneur d'Alost qui s'est retiré dans le hall de l'hôtel pour ne pas déranger son camarade de chambre. "Mais je n'ai pas le temps d'aller en cours donc je reçois les livres et je dois étudier par moi-même. Je vais à l'université uniquement pour passer les examens."

"Je suis obligé de commander un autre café"

Le staff, lui, n'a pas besoin de sieste mais plutôt d'un petit remontant caféiné. Dario Gjergja, également coach du BC Ostende, emmène le kiné, le préparateur physique et la team manager dans un petit bistrot ostendais qu'il connaît très bien. "C'est l'occasion de faire un peu le point avec le staff en-dehors des entraînements et puis aussi de se détendre et de simplement discuter", glisse Dario Gjergja qui a convié sa fille à venir prendre le dessert.

De réputation râleur voire colérique lorsqu'il coache son équipe, Dario Gjergja est un autre homme hors des parquets. Souriant, blagueur, détendu... sauf quand son préparateur physique paye l'addition dans son dos. "Tu as osé faire ça ?", lance le coach. "Tu viens de l'autre bout de la Belgique et tu payes dans un café de chez moi ? Je suis obligé de commander un autre café alors. On ne doit pas partir là-dessus... (rires)."

Pendant ce temps, les joueurs émergent de leur sieste et se préparent à retourner à l'entraînement pour la séance de l'après-midi. Ils commencent à réaliser l'immense opportunité qui se présente à eux cette semaine...

"Je n'ai pas encore peur pour ma place"

Dès le lundi après-midi, un certain Jean Salumu s'invite aux entraînements avec les jeunes. Le MVP (NdlR : meilleur joueur) de la saison 2018-2019 qui évolue désormais à Varese (Italie) est convoqué pour le match de dimanche mais il est arrivé en Belgique un peu à l'avance. "Comme j'étais déjà là, le coach Gjergja m'a autorisé à venir m'entraîner avec les jeunes", raconte l'ailier des Lions.

En les côtoyant, l'ancien joueur d'Ostende a pu déjà déceler les talents. "Certains sont plus matures que d'autres comme par exemple Tito (Casero-Ortiz), Tim (Lambrecht), Simon (Buysse) ou Thomas (Akyazili). Niels (Foerts) et Noë (Botuli) sont aussi très bons et puis il y a Vrenz (Bleijenbergh) qui a un talent incroyable. Chacun d'entre eux pourrait amener quelque chose à l'équipe nationale. En m'entraînant, je me suis dit "wow", je vais devoir me donner. Ils m'ont énormément surpris. Peut-être qu'ils me remplaceront dans quelques années mais pour le moment, je n'ai pas peur pour ma place (rires)".

Mercredi, jour de match et d'annonce

Ce soir, les jeunes Lions clôturent leur stage en se mesurant au BC Ostende, septuple champion de Belgique en titre. Après la rencontre amicale, le staff annoncera les quatre joueurs retenus pour la suite de l'aventure... La tension monte.

Pour souffler une dernière fois et décompresser, plusieurs joueurs sortent enfin du cadre hôtel - salle de basket. Une petite promenade sur le sable fin de la plage ostendaise. De quoi faire le plein d'air frais. "Je ne vais pas traîner trop dehors parce que je commence à avoir mal au ventre", lance alors Haris Bratanovic, le plus jeune joueur du groupe mais aussi le plus grand : 17 ans pour 2,09m.

Nous n'avons pas l'habitude de jouer ensemble

Le joueur parti tenter sa chance à Barcelone dresse le bilan avec ses copains Vrenz Bleijenbergh et Noë Botuli. "Ce serait évidement génial de pouvoir faire partie du groupe mais si ce n'est pas le cas, ce n'est pas si grave. Ce camp aura tout de même été une superbe expérience pour nous tous. Rien que faire partie des 12 jeunes sélectionnés, ça donne vraiment de la confiance."

"Ces trois jours ont été vraiment très intéressants parce que nous sommes tous jeunes mais nous n'avons pas forcément l'habitude de jouer ensemble puisqu'il y a plusieurs générations réunies", constate de son côté Vrenz Bleijenbergh (18 ans). "Il y a jusqu'à six ans de différence entre Haris (Bratanovic) et Sander (Van Caeneghem). C'est chouette parce que nous serons peut-être amenés à jouer tous ensemble plus tard en équipe nationale."

"Moi je ne connaissais pas personnellement la plupart des joueurs ici et maintenant ce sont devenus des amis", ajoute Noë Botuli qui a déjà tapé dans l’œil de Dario Gjergja puisqu'il a été transféré à Gistel Ostende (D2) l'été dernier, juste avant d'être appelé en équipe nationale pour un match de préparation en Estonie. "C'était dur au début parce que j'étais le seul jeune nouveau mais les plus anciens m'ont aidé à m'intégrer. Cette fois-ci, c'est différent parce que quatre joueurs seront appelés d'un coup. C'est sûr qu'il y a de la concurrence entre nous mais je n'ai pas de stress particulier. Si je suis pris, je serais très fier. Sinon, ça sera une petite déception mais pas un gros échec, il y aura d'autres occasions."

"Laissez-moi un short L, les gars !"

15h50, les joueurs doivent quitter l'hôtel pour 16 heures. Nous frappons à la porte de la chambre de Sander Van Caeneghem et Servaas Buyschaert. Les deux sont encore couchés sur leur lit avec une chambre en bordel complet... "Quelle heure est-il ?", nous demande Sander. "Bon, on a 10 minutes pour tout ranger avant le check-out, ça va le faire !" Effectivement, dix minutes plus tard, Servaas et Sander arrivent à la réception de l'hôtel, valise à la main et sourire gêné aux lèvres... "Je voulais signaler que Sander a cassé la lunette des toilettes", balance son camarade de chambre à la réceptionniste dans un fou rire général.

Direction la salle du BC Ostende. Le match débute à 18 heures, dans 1h30. "Tu as vu du L ? Laissez-moi un short L les gars", demande Tito Casero-Ortiz dans le vestiaire en fouillant le caddie où sont "rangés" les maillots. "Moi j'ai besoin d'une barre énergisante. Quelqu'un en aurait une pour moi ?", ajoute Thomas Akyazili alors que le stress envahit petit à petit les joueurs même s'ils ne souhaitent pas le montrer.

Les joueurs ne seront finalement que dix à disputer cette rencontre : Haris Bratanovic est tombé malade tandis que Servaas Buyschaert est blessé à la cuisse.

40 minutes pour 4 places

Au terme d'une très belle rencontre, les jeunes Lions sortent vainqueurs in extremis (71-73) de leur duel avec Ostende, l'équipe habituellement entraînée par le sélectionneur national. "J'étais sûr de gagner de toute façon", se marre Dario Gjergja. "Maintenant, place aux choses sérieuses. Il faut annoncer les quatre noms..."

Bienvenue chez les grands !

Thomas Akyazili, Tim Lambrecht, Tito Casero-Ortiz et Vrenz Bleijenbergh sont donc les quatre heureux détenteurs du ticket qui donne accès aux Belgian Lions. Les deux premiers avaient déjà été appelés par le passé mais n'avaient quasiment pas joué. Pour les deux autres, c'est une grande première. Après une journée "off" pour se reposer et réaliser, le quatuor débarque à Mons vendredi matin pour rejoindre les huit autres joueurs de l'équipe nationale.

Les 12 Belgian Lions : Khalid Boukichou (Pristina, Kosovo), Ismael Bako (Anvers), Kevin Tumba (Murcie, Espagne), Jean Salumu (Varese, Italie), Loïc Schwartz (Ostende), Vincent Kesteloot (Ostende), Hans Vanwijn (Anvers), Alex Libert (Charleroi), Thomas Akyazili (Anvers ), Tito Casero (Alost), Tim Lambrecht (BC Ostende), Vrenz Bleijenbergh (Anvers ).

Une fois installés à l'hôtel qui leur servira de camp de base jusqu'à dimanche, les joueurs prennent une navette pour rallier la Mons.Arena et leur première séance d'entraînement tous ensemble.

Jour-J : Belgique-Islande

Dimanche 24 février. Le grand jour est arrivé. Et les quatre jeunes sont déjà assurés de monter au jeu. "Je vais leur donner une chance de se montrer", assure le coach Dario Gjergja avant le coup d'envoi. "Si on a fait un camp de trois jours à Ostende, ce n’est pas pour rien. Nous avons choisi quatre joueurs non pas uniquement sur ce qu’ils montrent en club mais plutôt sur le talent qu’ils possèdent et sur les choses qu’ils ont faites durant ce stage. En tant que coach de l’équipe nationale, je me dois donc de les essayer durant ce match. Et j’espère qu’ils vont saisir l’occasion de se montrer au grand public."

Parmi ce public présent en tribunes à Mons, de nombreux fans du ballon orange de la région mais aussi quelques parents stressés. "Je suis très heureux de le voir être arrivé là parce que c'est un objectif vraiment difficile à atteindre", confie Sigredo, le papa de Tito, qui a également joué pour l'équipe nationale... de Cuba. "Je ne regrette pas qu'il ait choisi la Belgique plutôt que Cuba. Nous restons Cubains dans notre coeur parce que nous venons de là. Mais Tito est arrivé en Belgique il y a maintenant 8 ans et il a joué avec toutes les équipes d'âge ici. La Belgique, c'est notre pays d'accueil et Tito ne doit pas regretter. Il a fait le bon choix."

Premières apparitions et premières ovations

15h15. Les joueurs ont chanté la Brabançonne. Le duel peut commencer... avec un surprise dans le cinq de départ de la Belgique : Thomas Akyazili. Le jeune Anversois est même l'attraction du début de match avec 8 points dès le premier quart-temps. Tito Casero-Ortiz et Tim Lambrecht montent quant à eux sur le parquet de la Mons.Arena dès la 7e minute. Comme Akyazili, les deux jeunes n'ont pas froid aux yeux et étonnent par leur aisance.

Le plus jeune de l'équipe, Vrenz Bleijenbergh, doit attendre le dernier quart-temps pour recevoir enfin sa chance. Et 30 secondes plus tard, il plante déjà ses trois premiers points. Les Belgian Lions l'emportent finalement 90-62 ! Et les quatre jeunes sont ovationnés par le public montois.

"C'était incroyable !", admet Vrenz Bleijenbergh. "Marquer mes premiers points avec l'équipe nationale, c'est juste un sentiment indescriptible. Je n'oublierai jamais cette exceptionnelle semaine."

"Nous avons vécu une semaine difficile qui s'est terminée par ma première apparition comme starter", ajoute son ami et coéquipier à Anvers Thomas Akyazili. "J'étais très excité. Après une longue blessure, j'ai pu montrer que suis toujours là et que je m'améliore encore. Maintenant, je sais que beaucoup de meneurs n'étaient pas là et que cette place sera très difficile à conserver mais c'était déjà une superbe expérience et j'aspire à revenir en équipe nationale."