Arthur De Greef, le bad boy apaisé

Le 3e meilleur joueur belge à l'ATP nous a ouvert les portes de son univers pendant 48 heures. Déterminé à voler de ses propres ailes vers le Top 100, il a évoqué sans ambages les conditions de vie d'un joueur pro avec son lot de travail, de plaisir, de solitude mais aussi d'insultes et de doute...

À 26 ans, cet Ucclois court toujours derrière l'objectif ultime de sa carrière de sportif : entrer dans le Top 100 ATP. En juin 2017, l'actuel 3e meilleur joueur belge avait réussi une percée à la 113e place avant de redescendre à cause d'un jeu sur courant alternatif. Le talent ne lui manque pas.

"Les gens ont gardé l'image de moi du Arthur de 16-17 ans où je n'étais pas toujours sérieux ou celle de mes 18 à 20 ans où je passais du temps en soirée"

Le travail n'a pas toujours été sa priorité absolue, mais, à l'aube de ses plus belles années sur le circuit, Arthur De Greef fait tout pour se donner les moyens de ses ambitions. "Les gens ont gardé l'image de moi du Arthur de 16-17 ans où je n'étais pas toujours sérieux ou celle de mes 18 à 20 ans où je passais du temps en soirée", commence le 183e joueur mondial. Il en souffre. "J'ai changé. Je ne suis plus 'celui qui ne fait que sortir' comme j'entends encore. A 18-20 ans, je n'étais pas aussi pro. J'ai fait mes conneries. Aujourd'hui, je ne ressens plus ce besoin. Cette vie ne m'intéresse plus."

"J'ai fait mes conneries. Aujourd'hui, je ne ressens plus ce besoin"

Le tennis figure au sommet de ses priorités. Depuis trois mois, il s'est adjoint les services d'un ancien Top 30 mondial, Kristof Vliegen. Avant le cut de Roland-Garros, il joue à Montréal, à Lille, à Alicante et à Murcie en espérant être tête de série pour les qualifs à la Porte d'Auteuil.

Il est prêt à tous les sacrifices pour le Top 100.

Rigueur et humour: les maîtres-mots

Quand il est en Belgique, Arthur De Greef partage son temps entre la salle de sport du David Lloyd, le club de tennis d'Uccle Sport et son nouvel appartement à Uccle où il vient d'emménager avec sa petite amie Chloé. Les trois points sont si rapprochés qu'il ne s'épuise plus en trajets incessants vers le centre de tennis-étude de Mons. Entre deux tournois, il passe environ six jours dans sa capitale. "Tous les jours, je passe 2 heures au fitness (vélo, tapis, stretching,…) dans une optique de prévention des blessures."

Il enchaîne avec un bloc de deux heures avec sa raquette à Uccle Sport. Cette charge quotidienne est un mal nécessaire pour entretenir un corps qu'il sollicite non stop de janvier à novembre. Sur un mois, il joue en moyenne deux tournois avec deux semaines d'entraînement. "Je passe 20 semaines par an en Belgique."

Avant de s'envoler au Canada vendredi passé, il a accueilli un collègue particulier, le Néerlandais Tallon Griekspoor, un jeune de 22 ans qui est le protégé de Kristof Vliegen depuis cinq ans déjà. La venue de l'Amstellodamois est une bénédiction pour le Bruxellois qui manque d'adversaires à son niveau quand il est en Belgique. "Avec lui, je peux faire des points car nous avons le même niveau. Quand il n'est pas là, on fait des entraînements avec le panier : 20 secondes gauche-droite,..."

Kristof Vliegen est devenu un pilier central dans la vie d'Arthur De Greef. C'est lui qui s'occupe des réservations du terrain à Uccle Sport. Le programme est concocté à deux. Arthur De Greef fait partie de ces joueurs qui gardent un regard sur ce qui se passe autour du terrain.

Lors de notre premier jour avec lui, nous avons été fasciné par la rigueur du Bruxellois. Qu'il connaisse son métier coule de source. Qu'il se soucie autant de chaque détail révèle toute sa détermination à durer longtemps sur le circuit. Avant de venir au club, il s'est échauffé à son appartement sur son tapis de yoga durant 45 minutes à l'aide d'un engin de torture, un rouleau avec des piques. Arrivé au bord du terrain 4, il a sorti un attirail discret : son élastique et sa serviette. Il ne perturbait pas un couple de personnes âgées qui jouaient à quelques mètres des deux pros. Dès les premiers échanges, l'intensité et la régularité des frappes contrastaient avec les échanges sur les 3 autres terrains du grand hangar où la température moyenne était fraîche. Arthur ne semblait pas satisfait de son jeu.

Le lendemain, le trio se retrouve autour d'un café serré dans le club-house désert d'Uccle Sport à 9h30. Le soleil pointe le bout de son nez alors que le bruit des hockeyeurs en stage ne troublait pas la quiétude d'Arthur De Greef qui se nourrissait des conseils de son entraîneur Kristof Vliegen. Ce matin, Arthur est tracassé par un doigt de sa main gauche. "Mets de la vaseline pour éviter que ta peau ne craquèle", lui suggère Fly qui voyage constamment entre l'humour et le sérieux dans son discours. Un discours qui passe très bien avec le Bruxellois. À 9h58, Tallon Griekspoor, Kristof Vliegen et Arthur De Greef prennent la direction du terrain 1, juste à côté de quatre autres personnes âgées qui s'amusaient à voir l'agitation médiatique sur le terrain d'à côté. Le visage d'Arthur entre alors dans une phase de concentration. Il observe scrupuleusement ses rituels à commencer par la pose de sa casquette. Il trottine, il s'étire avec l'élastique.

Pendant 20 minutes, il s'échauffe sous l’œil attentif de Fly qui semble excité par une balle qui roule vers la ligne de fond. "Arthur, Arthuuur", crie-t-il avec un large sourire. Les deux hommes, compétiteurs de tous les instants, s'affrontent dans un sport qui n'est pas encore olympique : le lancer de balle à la main derrière le filet avec comme cochonnet la ligne de fond de court. "Il gagne tout le temps", nous prévient Kristof Vliegen. Mais, ce jour-là, sous le regard de la caméra, l'entraîneur jubile car une de ses trois balles s'est posée à quelques centimètres de la ligne.

Après cet intermède, Arthur De Greef commence des échanges interminables, gauche, droite avec Tallon Griekspoor. De véritables machines. Durant deux heures, les deux hommes produisent le spectacle dont ils sont les héros. Avant d'enchaîner avec le fitness l'après-midi, le Bruxellois a pris une demi-heure pour engloutir un plat de pâtes.

Entraînement au club d'Uccle Sport

Entraînement au club d'Uccle Sport

Echauffement de 45 minutes

Echauffement de 45 minutes

Jamais sans son élastique

Jamais sans son élastique

Etirements sur sa serviette qui vient de... l'Ethias Trophy

Etirements sur sa serviette qui vient de... l'Ethias Trophy

Arthur commence toujours pas la pose de sa casquette

Arthur commence toujours pas la pose de sa casquette

La concentration durant l'échauffement

La concentration durant l'échauffement

"Moi, j'aime la solitude"

Arthur De Greef a passé l'âge où on compte le nombre de fois qu'on a pris l'avion. Il ignore également les heures passées dans les grands halls d'aéroports ou d'hôtels. "Avant, j'adorais voyager. Là, je commence à en avoir marre. On se lasse de cette vie. Quand tu joues en France, tu loges dans un Ibis ou un Mercure qui sont de bonne qualité. En Amérique du Sud, l'ATP loge les joueurs dans des palaces 5 étoiles. En Grand Chelem, tu as le choix."

Comme il finance lui-même son année, il garde un œil sur tout ce qui sort de son compte en banque. "Je paie, donc je contrôle. C'est moi qui m'occupe des réservations."

Il a ses trucs et astuces pour éviter de payer les prix forts. "J'essaye de réserver le plus possible à l'avance, mais tout dépend souvent de mes résultats au tournoi qui précède. Si je parviens à entrer dans le Top 140, mon programme changera aussi avec des tournois ATP et non plus Challengers. Je connais un pilote Easy Jet qui m'aide. Chez Brussels Airlines aussi, j'ai une entrée. Sinon, je surfe sur le net."

"On ne m'a jamais volé mes affaires durant mes voyages"
Arthur De Greef

Dès le samedi soir qui précède le tournoi, sa nuit d'hôtel est payée par l'organisation jusqu'au lendemain de sa défaite.

Cette vie dans les airs apporte son lot de désagréments. "Quand je prends un charter, je dois mettre mes bagages en soute avec un risque de casse. De toute façon, je fais toujours recorder mes raquettes en arrivant. Personne ne m'a jamais volé un bagage. En revanche, il arrive que mon sac n'arrive pas à destination. Je me souviens d'un tournoi où j'ai attendu 4 ou 5 jours mon sac de tennis. J'avais dû acheter mes vêtements dans des boutiques à la va vite. Et des joueurs m'avaient prêté leurs raquettes."

Le voyage renvoie à l'évasion et aux vacances pour le commun des mortels. Pour un joueur de tennis pro, il rime surtout avec la solitude. "Moi, j'aime cette solitude. À 12 ans, j'ai dû choisir entre le tennis et le hockey. J'étais meilleur avec un stick, mais je n'aimais pas dépendre des performances de l'équipe", reconnaît cet ancien joueur du Léopold.

"Au tennis, je suis le seul maître de mon sort"

"Je dois trouver les solutions. Entre les matches, tu te retrouves avec toi-même ce qui t'oblige à mieux te connaître. Pour éviter de trop cogiter, je me suis mis à lire. Je dévore les livre à longueur d'année. Pour le moment, je lis un bouquin de Laurent Gounelle sur le développement personnel. Je suis à fond dans le bien-être. Je lis aussi sur les investissements boursiers et immobiliers."


Les grigris d'Arthur

Son sac de sport ressemble à celui de bien d'autres de ses collègues : raquettes, serre-poignets,
casquettes, produits énergétiques, élastiques pour la musculation des bras, crème solaire,
une deuxième paire de chaussures. Il a néanmoins une double touche personnelle.
"J'ai un piment porte bonheur. Mon papa l'avait acheté
à Naples lors d'un de mes premiers tournois.
J'avais atteint la finale avec lui. Il se baladait
dans la ville pendant mes matches.
Il me l'avait ramené en le mettant dans mon sac."

Arthur De Greef a également un bout de papier.
"Un jour, ma copine avait mis un petit mot
d'encouragement dans mon sac. Je l'ai gardé."
En revanche, on ne trouve pas de trace d'objets
électroniques
. "Non, je préfère un livre."

Menace sur son outil de travail
Babolat ne fabrique plus son modèle de raquette.
"Ils ne la font
plus à part pour Nadal et deux autres joueurs. J'ai gardé
un stock de 6 raquettes et 5 neuves. Idéalement,
je devrais changer tous les six mois.
Pour le moment, je repousse ce problème,
mais arrivera un jour où je devrai prendre une décision.
C'est un gros souci. J'ai besoin de 4 raquettes en permanence."

Les secrets de l'alimentation et des soins

Une vie de sportif pro passe obligatoirement par une hygiène de vie irréprochable. L'alimentation joue un rôle central. Lors de ses jeunes années, Arthur De Greef était plutôt adepte du régime pizza. "Ma copine m'a fait changer. Je suis passé au régime bio. Depuis que je mange sainement, je sens que j'ai plus d'énergie sur le terrain. Je ressens moins de courbatures. Je mange local et surtout des légumes, du poisson, des fruits, des fruits secs, des œufs, des compléments de protéines végétales,... Je mange deux fois par mois une viande rouge."

Sur la table de petit-déjeuner, le menu est copieux. "Oui", sourit-il. "Je prends des flocons d'avoine, du pain au sarrasin, deux fruits, des amandes, des noix, des œufs et du thon."

"Jusqu'à 18 ans, je mangeais des pizzas Dr. Oetker"

Les aliments dits plaisirs font partie de son équilibre. Son petit écart se nomme vin rouge. "Après une défaite au premier tour, je me permets un steak frites avec un verre de vin car je sais que je ne joue pas avant au moins six jours. Le soir, je bois parfois un verre de vin, toujours un Bordeaux."

Pendant les deux jours d'entraînement, Arthur De Greef a multiplié les moments de précaution. Ce qui semble anodin pour nous peut se transformer en angoisse pour un tel athlète. Ainsi, quand le gérant du bar nous demandait un coup de main pour porter un énorme frigo, Arthur De Greef évitait de se risquer à un effort inapproprié alors qu'il n'était pas encore échauffé. "Je prends 1h30 de mon temps chaque jour pour mes soins. Je gère seul toute cette partie. De la qualité des soins dépend mon niveau de performance le lendemain. Je veux connaître une longue carrière. Par conséquent, je m'y plie avec plaisir. En fin de journée, la séance de stretching est parfois pénible. Je la fais chez moi en me vidant la tête."

S'il n'est pas adepte des massages en dehors des tournois, il passe volontiers dans les bains de glace. "L'alternance de chaud et de froid est idéale. Je passe beaucoup de temps sur le rouleau. Après un match, je ne m'étire pas trop car mes fibres sont déjà soumises à un rude effort."

Il soigne chaque détail de son alimentation.

Les dessous de l'envie

La vie d'artiste de la balle semble
paradisiaque pour les fans.
De l'intérieur, elle se transforme
en jungle où chacun tire l'autre vers le bas.
Arthur De Greef n'est plus le plus fort mentalement.
S'il n'est pas encore arrivé dans le Top 100,
c'est parce qu'il galère à enchaîner les gros mois.
Sa motivation lui joue encore des tours.
"Aller chercher tous les jours l'envie
n'est pas aisé. Il m'arrive d'aller à l'entraînement
avec des pieds de plomb.
Jusqu'à la fin janvier, je n'avais pas
une envie élevée. J'ai eu une bonne discussion
avec ma famille et ma copine. Tous m'ont rappelé
la chance que j'avais d'avoir une telle vie.
Je ne me vois pas derrière un bureau toute la journée.
Si des aspects sont pénibles, il suffit de voir le
bon côté de la situation. À
ce moment, je m'isole,
me promène et me remets en question."

Quand la période sombre s'éternise, il emploie la méthode lourde.
"Je vais à la maison de mon papa à Alicante durant 5 jours tout seul."

"Une saison, c'est 70.000 euros"

L'argent, un sujet trivial, mais il reste le nerf de la guerre. Arthur De Greef n'a jamais dû s'inquiéter du financement de sa carrière. L'Ucclois a toujours pu se focaliser sur son art sans imaginer le pire pour ses proches. "Je suis un grand privilégié. J'ai obtenu une aide de la fédération durant toute ma carrière. De mes 12 à 24 ans, la fédé a payé mes entraîneurs et mes frais de voyage. Eux, ils gagnaient mon nom et mon image. Si j'avais suivi une voie privée, j'aurais dû dénicher plus ou moins 70.000 euros pour financer une année. L'argent, il ne faut pas y penser. Il amène une pression négative. Depuis 3 ans, je me gère tout seul c'est-à-dire que je paie tout. Mon papa ne m'aide plus. Telle était ma volonté. Si en fin d'année, je suis en négatif de 25.000 euros, j'aurai un problème. C'est ma première année où je n'ai plus rien de la fédé. Tout dépend de mes résultats. La Coupe Davis m'aide. Une qualif en Grand Chelem aussi. Etre dans le Top 150 me suffit pour entrer dans mes frais. A 18 ans, j'ai encore obtenu des bourses jusqu'à 24 ans. Même si les montants étaient de moins en moins élevés, je n'avais pas à me plaindre. En Belgique, nous sommes aidés."

"Au niveau du sponsoring, nous ne sommes pas gâtés en Belgique"

La Belgique reste toutefois un pays pauvre en matière de sponsoring. Les grandes entreprises sont frileuses à l'heure de délier les cordons de la bourse pour aider le monde sportif. "Nous ne sommes pas gâtés. Au Brésil, beaucoup de sociétés aident les joueurs de tennis. Aux USA aussi. En Belgique, je suis toujours à la recherche de sponsor. J'ai le soutien d'Innerme (produits énergétiques), Belfius (argent), Mizuno (vêtements), Luxilon (cordage),… Je cherche à mettre un sponsor sur mes manches. Troisième meilleur joueur belge, je suis vu dans les médias. Mon agent Cindy Vincent (Hopiness) travaille sur le dossier, mais la culture sportive n'est pas encore une évidence en Belgique."

La galaxie De Greef

Lors de tous les discours, les sportifs n'oublient jamais de remercier les travailleurs de l'ombre. La galaxie De Greef a mis en place un système qui a favorisé le développement d'un des leurs.

Ses parents

"Mon papa est mon sponsor principal (rires). Il m'a permis de réaliser mon rêve. Il a toujours cru en moi. S'il m'avait dit il y a 15 ans que je jouerais sur le Lenglen de Roland contre Gasquet ou que je serais repris en Coupe Davis, j'aurais signé des deux mains. Il a eu le courage de m'élever loin des normes classiques. En Belgique, il n'est pas de bon ton de quitter l'école trop jeune. La voie sportive fait peur. Mon papa n'a pas eu peur. Je l'en remercie. En plus, il me sert de modèle car il a réussi sa carrière d'homme d'affaires. En junior, il a été squash d'or. Il m'a toujours poussé viser plus loin."

Il évoque tout naturellement sa maman et ses deux filles qui sont ses demi-sœurs. "Ma maman, Corinne, a joué les taxis partout en Belgique durant 10 ans. Je me souviens que je devais me changer vite dans l'auto pour ne pas perdre trop de temps. Elle a joué B-4."

Sa grand-mère Christiane Thys, la femme de Guy Thys, a été une hockeyeuse au niveau international. Aujourd'hui, ses parents habitent à un kilomètre de son nouvel appartement. Ils mangent assez facilement ensemble.

Sa petite amie

Dans sa famille, Chloé Binnemans joue le rôle central. Sa petite amie n'est pas étrangère à la réussite du Bruxellois. Elle n'est ni son coach, ni sa maman, ni son manager. "Elle est ma stabilité depuis 7 ans. Avant de la rencontrer, j'étais un jeune con qui faisait le malin. Elle était comme moi. Nous nous sommes tirés vers le haut. Elle est sortie avec une grande dis en droit et bosse dans le gros cabinet de ses rêves. Elle accepte ma vie même si elle n'est pas du tout du tennis. Pour le moment, nous n'envisageons pas d'avoir un enfant. Il faut d'abord que je me gère moi (rires). Quant à elle, elle est carriériste. Le mariage ? Nous n'en parlons pas encore."

Le trio Vliegen, Joris et Launois

L'autre pan de sa galaxie touche au tennis directement. Cet univers se résume à trois personnes : son entraîneur Kristof Vliegen, son préparateur physique Jérôme Launois et son médecin Maurice Joris. "Kristof m'apporte son expérience. Il est là pour m'aider à passer le cap du Top 100 qui est si compliqué. Une fois dedans, il est plus simple de s'y maintenir. Fly a beaucoup d'humour. Moi aussi, j'ai un humour pinçant. Le tennis est composé à 99 % de faux-culs et de marchands de tapis. Je suis content d'avoir trouvé un bon coach. On se sent bien à deux. Il est vrai et authentique."

Le docteur Joris est sa référence. "Il est le seul médecin en qui j'ai une totale confiance. Je le vois toutes les 6 semaines. Il me suit depuis que j'ai 10 ans. C'est un génie. Dès que j'ai une question médicale, je lui en parle. Je suis fidèlement ses conseils."

Il reste Jérôme Launois. "Il est calé et me connais par cœur. Il bosse à Bruxelles, mais je le vois moins souvent."

Chloé, le centre de son univers

Chloé, le centre de son univers

Guy Thys, son illustre grand-père

Guy Thys, son illustre grand-père

Chloé Binnemans

Chloé Binnemans

Kristof Vliegen, son entraîneur depuis 3 mois

Kristof Vliegen, son entraîneur depuis 3 mois

Ses rares et fidèles amis du tennis

Dans les discussions avec son coach, le sujet tennis revient par vagues inexorablement. Le circuit international, la destination de vacances de l'un ou l'autre, le dernier tweet borderline et le tennis belge, autant de thèmes abordés avec passion. Le centre tennis-étude de Mons occupera toujours une place particulière dans son cœur.

Même s'il s'en est détaché, il n'oublie pas les excellents souvenirs. "J'ai eu beaucoup de chance car j'y ai vécu à une époque dorée. Je passais mon temps sur et en dehors des terrains avec Goffin, Gigounon, Folie, Darcis, Reuter, Cagnina. Nous nous sommes tous tirés vers le haut. À l'entraînement, nous ne nous sentions jamais seul."

"Pourquoi le centre n'appelle pas les Rochus, Malisse et autres anciennes stars belges?"
Arthur De Greef sur le centre de Ghlin

Depuis que David Goffin a percé au plus haut niveau, le centre de Ghlin donne l'impression de se chercher un nouveau souffle. "La période n'est pas bonne. Il n'y a pas un super bon joueur prêt à sortir. Pour cela, il faut revoir la structure et la sélection des entraîneurs. En Belgique, nous avons des Malisse, Rochus, Vliegen et j'en passe qui possèdent une expérience de dingue. Ils sont où ? Personne ne les appelle pour intégrer le centre de formation. Regardez la France !"

L'amitié n'était pas un vain mot en évoquant ses camarades de chambre. La vie d'un sportif pro est telle qu'il ne peut compter que sur peu de véritables amis. "Quand tu gagnes un match, tu vois des gens revenir dans ta vie. Les vrais sont présents toute l'année. Je ne suis pas du genre à me taire. Les gens sentent vite si je les aime ou pas. Mes amis regardent mes matches en livestreaming. En réalité, j'en ai 4 ou 5 qui sont issus de milieux très différents : un employé dans une boîte d'optimisation fiscale, un kiné, un mec du tennis reconverti comme entrepreneur, un autre qui bosse dans le management sportif. Quand tu parcours la terre, tu te coupes du monde. Moi, je refuse de commettre cette erreur. J'ai vu trop de stars se retrouver seules à la fin de leur carrière. Le tennis occupe moins de la moitié d'une vie. Le tennis, c'est juste un sport."

Qui dit amis, dit sorties. Là aussi, Arthur De Greef a réussi à s'adapter pour garder l'équilibre. "Il faut trouver le bon moment. Je sors prendre un verre de vin le soir avec des potes de temps en temps. Je rentre à 22h alors qu'eux ils continuent en boîte. Cela se planifie. Je ne ressens pas de manque car j'ai eu le temps de vivre mes conneries quand j'avais 18 ans. Je bois deux verres de vin au maximum sinon le lendemain je ne suis plus bon à rien."

Arthur De Greef vu par Kristof Vliegen

Kristof Vliegen avait noué des premiers contacts avec Arthur De Greef en septembre 2018, mais le Bruxellois voulait être confronté à sa solitude jusqu'à la fin de saison. Dès janvier, le binôme a démarré une nouvelle collaboration. Les deux sont fort différents, mais ils ont le même rapport au travail et à l'humour. Pour Fly, l'aventure est intéressante.

"J'apprends encore le métier. Nous sommes encore en phase de prise de contact. Nous nous découvrons. Je suis tous les jours avec lui. Je le suis 15 semaines par an à l'étranger. Il a aussi besoin d'être seul. Moi, j'ai beaucoup appris sur moi lorsque je voyageais seul. J'avais déjà reçu des informations de son ancien coach, Olivier Rochus, mais je suis parti d'une feuille blanche. Je ne suis pas son ami. Je veux qu'il réalise quelque chose avec moi. Le tout, c'est de savoir ce que sera ce quelque chose. Si nous réalisons un pas vers l'avant, nous aurons gagné", commente celui qui a fini sa carrière de joueur il y a huit ans déjà.

"Je discute beaucoup avec lui. À table, il ne me parle pas de ses livres sur l'alimentation car je n'y connais rien. Nous discutons de tennis, du circuit, un peu de foot, de nos vies privées,... Parfois, on reste à table sans dire un mot. Il faut le sentir. L'entraîneur doit sentir le bon équilibre. Moi, je reste moi-même."

Des insultes au quotidien: "Un jour, un drame se produira"

Pendant les deux jours passés à ses côtés, nous avons remarqué qu'Arthur De Greef n'était pas scotché à son smartphone. Il passe peu de temps au téléphone. Il ne scrolle pas à longueur de repas. Néanmoins, il l'a pris sur notre demande lorsque nous avons évoqué le dossier des matches truqués et des paris sportifs. Son visage se crispe, mais il sourit tout de suite. Le 183e joueur mondial n'est pas épargné par la haine des réseaux sociaux. On recense à longueur de journée de multiples insultes à l'encontre des joueurs. Chaque jour, Arthur De Greef reçoit plus de 10 messages haineux. Des parieurs qui ont perdu de l'argent à cause d'une victoire ou d'une défaite principalement...

"Je leur accorde zéro place"
Arthur De Greef sur les insultes des parieurs

"Je m'en fous. J'ouvre les messages le soir pour en rire avec mon coach. J'en ris. Je ne leur ai jamais répondu de ma vie. Si le mec a perdu du fric, il a la haine", narre-t-il en nous tendant son téléphone. Le flot de messages est impressionnant. Le vocabulaire est ordurier. Un petit florilège situe le niveau.

"Enc***"

"J'espère que tu finiras en siège roulant"

"Je vais tuer ta mère"

 "Il y avait deux p**** sur le terrain"

"Tu es un joueur ITF"

"Si je te rencontre, je te tue"

"J'espère que tu seras disqualifié"

"Ta mère suce des b****"

"Fils de p***"

...

La situation est préoccupante. Tous les joueurs sont soumis au même tarif. "Je ne transfère pas. Cela ne sert à rien. Si tu dois faire un screenshot de chaque message et l'envoyer à la Tennis Integrity Unit, tu ne fais plus que ça. Je le signale sur Insta comme indésirable."

Un jour, un message l'a néanmoins touché. "Un mec avait rajouté ma copine et commenté toutes ses photos. Un jour, il y aura vraiment un souci. La sécurité sur les tournois n'est pas dingue. Si tu te renseignes, tu peux facilement avoir des informations. Si un fou perd une grosse somme, il pourrait être capable de faits graves."

S'il n'a jamais été approché pour perdre un match, il n'a jamais ouvert un compte de paris sportifs. "Je ne parie pas. Je me rends une fois par an au casino de Melbourne parce qu'il est exceptionnel. Il faudrait modifier la loi sur les sites de paris sportifs. Le tennis est aberrant car l'ATP est sponsorisée par un site de betting, mais nous, les joueurs, nous ne pouvons pas en avoir dans nos sponsors persos. Si un joueur en dehors du Top 200 pouvait avoir un tel sponsor, il gagnerait 2000 ou 3000 euros, soit une grosse somme à ce niveau."

Son rapport à la presse

Les joueurs de tennis belges ne sont pas
des grands adeptes des médias qu'ils fuient volontiers.
Arthur De Greef, qui ne nous a jamais refusé une interview,
a déjà connu de nombreuses expériences... pas toujours positives.
L'épisode de son clash avec la fédération au sujet de la répartition
des primes en Coupe Davis avait fait les choux gras
d'une certaine presse. "Moi, je n'ai pas de souci avec la presse.
Sur la Coupe Davis, j'ai lu des trucs à la limite. Tout le monde
a cru que j'étais le méchant. Je n'ai rien fait de mal.
Le système a changé après cet épisode.
Les médias sont d'abord une obligation au niveau du circuit.
Tout dépend du journaliste. Certains sont plus chiants que d'autres.
Comme partout. En général, une interview est plutôt une situation de win win."