Peu après avoir été ordonné, Bruno Dekrem a accepté de rendre service à l’un de ses amis prêtres qui vivait à New York et de le remplacer chaque année au mois de juillet pour qu’il puisse partir en vacances. “Au bout de trois ans, ils m’ont proposé de rester vivre à New York car ils aimaient bien mon accent et trouvaient que j’avais un bon contact avec les gens.” Etant donné qu’il avait de la famille là-bas et qu’il voulait tenter de nouvelles expériences, il a accepté, d’un commun accord avec l’évêque, de rester à Massapequa (à Long Island) pendant un an. Il y restera finalement 16 de plus ! Aujourd’hui, son accent belge est d’ailleurs teinté de sonorités américaines lorsqu’il emploie des expressions en anglais qu’il avait coutume d’utiliser là-bas.
Deux pays, deux visions de la religion
Point de vue religieux, les différences entre les Etats-Unis et la Belgique ne manquent pas, analyse le prêtre qui pourrait en dresser une longue liste. “Le président américain n’hésite pas à dire dans ses discours ‘God bless America’ (ndlr : Dieu bénit l’Amérique). Quand on éternue, les autres nous répondent très souvent ‘God bless you’. Sur le dollar est encore présente la mention ‘In God we trust’ (ndlr : nous croyons en Dieu)". Les Américains, peu importe leur place dans la société, parlent beaucoup facilement de religion qu’en Belgique. Mais ce n’est pas tout !
“A New York, j’ai vu une Eglise dynamique. Nous étions sur un boulevard où, à côté de nous, il y avait notamment des synagogues et des mosquées. Il y a une panoplie de religions qui se côtoient en harmonie. Cela crée une ouverture d’esprit incroyable. Et, étant donné qu’on est en concurrence avec les autres, on s’investit un peu plus (rires). Dans un village quand il y a un seul boulanger, il a le monopole. Mais quand il y en a plusieurs, on essaie d’être plus dynamique”.
Bien que la majorité des croyants soient protestants, le pays de l’Oncle Sam offre un terreau beaucoup plus favorable pour les religions. Ainsi, quand l’abbé Bruno est revenu en Belgique, il a été très surpris de voir l’état de l’Eglise. “J’ai été étonné de voir qu’il n’y avait plus aucun jeune dans les églises alors que le message de Dieu est toujours aussi pétillant qu’avant. J’étais parti comme missionnaire aux Etats-Unis et je suis revenu en Belgique pour être missionnaire dans mon propre diocèse”, conclut-il.
Riche de nouvelles idées piochées aux Etats-Unis, Bruno Dekrem revient finalement en 2013 dans la petite église Saints-Pierre-et-Paul d’Erpent. Il n’a alors qu’une seule idée en tête : trouver des jeunes. “Quand je suis arrivé, il y avait 16 enfants au catéchisme. Aujourd’hui, j’en ai plus de 115”. Quand on lui demande la recette de son succès, l’abbé Bruno, trop modeste, ne sait quoi dire. Mais son incroyable optimisme, sa modernité et sa fraîcheur doivent y être pour quelque chose. Il parvient en effet à intéresser les jeunes en se mêlant à eux lors de camps scout et en répondant à leurs questions de manière très pédagogique. Mais, surtout, il parle aux jeunes d’un domaine qui les intéresse : le sport.
Quand la religion et le sport font bon ménage
S’inspirant des Etats-Unis et plus particulièrement la Catholic Youth Organization (association sportive catholique), il a décidé de mettre en place une fois par an, le deuxième week-end de mars, une messe des sports où les jeunes peuvent venir avec leur ballon de football ou de basket devant l’autel.
“Je dis souvent qu’être chrétien, c’est du sport : on peut laisser Dieu au vestiaire (ce sont les athées), on peut le laisser sur les gradins où il est là sans participer (ce sont les agnostiques qui croient en quelque chose sans savoir en quoi exactement), Dieu peut être l’arbitre (il est là pour nous observer et quand on fait une faute, on reçoit un carton jaune, c’est le péché) ou alors on peut jouer avec Dieu sur le terrain et le laisser intégrer notre équipe. Dans ce dernier cas, on est ensemble sur le terrain, il nous rassemble et nous donne de la force. Dieu nous passe la balle et nous met en responsabilité”.
Les USA sont toujours dans son coeur
Pour le récompenser de tout le travail qu’il a fourni, Mgr Vancottem lui a proposé de devenir doyen de Jambes. “Comme je l’explique aux enfants du club de basket d’Erpent, avant j’étais en provinciale et maintenant je suis passé en régionale”, s’amuse-t-il.
S’il est pour l’instant toujours en Belgique, il retourne de temps en temps à New York pour voir son filleul et ses amis. “Quand je leur parle de mon église d’Erpent et que je leur dis qu’elle date du XVIIIème siècle, les Américains me disent : ‘Oh my god, mais c’est l’âge de George Washington!’”
Avec le recul, Bruno Dekrem âgé aujourd’hui de 64 ans, ne changerait absolument rien à son parcours. Pour lui être devenu prêtre sur le tard constitue un véritable atout, une expérience de vie qu’il peut mettre à profit pour faire ce qu’il aime le plus : servir Dieu et ses paroissiens.
Les prêtres en Belgique : quelques chiffres
C’est un euphémisme de dire qu’il y a de moins en moins de prêtres en Belgique. En 1960, il y avait 10.500 prêtres dans notre pays contre 3.000 seulement aujourd’hui. A titre d’exemple, en 2017, il y a eu seulement 7 ordinations !
Non seulement les nouveaux prêtres se font rares mais, en plus, ceux qui sont déjà installés vieillissent inévitablement. Une enquête du diocèse de Malines-Bruxelles en venait à la conclusion que la moyenne d’âge des prêtres de ce diocèse était en 73 ans ! 63 ans si l’on ne comptait que les prêtres actifs.
“Il n’y a pas suffisamment de vocations et d’ordinations pour remplacer les prêtres qui partent à la retraite et ceux qui meurent”, expliquait à l’époque Tommy Scholtès, porte-parole des évêques de Belgique, à la DH. “Il faut le prendre comme un défi. Mais ce n’est pas parce que les prêtres ne sont pas jeunes qu’ils font mal leur travail.”
Même si elle accueille volontiers les prêtres étrangers, l’Eglise belge risque d’être confrontée dans les années à venir à une pénurie de prêtres si la situation ne change pas rapidement.