"Le chirurgien veut
que je sois son
deuxième miracle"

Armand Marchant s’est lancé dans
une course contre la montre pour
aller skier aux Jeux Olympiques
d’hiver à Pyeongchang

« Armand, je vais te faire une confession… Lorsqu’en février tu disais pouvoir viser les Jeux Olympiques de Pyeongchang 12 mois plus tard, je n’y ai pas cru une seconde. »

Armand Marchant nous sourit. Pas parce que notre manque de confiance en ses qualités l’énerve, mais parce qu’il sait qu’il est en avance par rapport à ce que les médecins avaient prévu. « Je dirais qu’on a quelques semaines d’avance », avoue-t-il.

Quelques heures avant de se mettre sous les parasols du centre d’entraînement de Rio Maior pour se confier à la DH, le Thimistérien-Clermontois s’est entraîné comme un fou. Durant quatre fois dix minutes, le skieur de 19 ans se met en beast mode. Rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Les bras fonctionnent à merveille. Les jambes aussi. Une facilité qui étonne vu les énormes cicatrices qui bardent son genou gauche. Mais même dans des exercices d’équilibre ou de puissance, il s’accroche, pousse et semble être au-dessus des autres skieurs présents.

Argile, esthétique et opérations

C’est toutefois avec un emballage en plastique autour du genou qu’on le retrouve avant le lunch. « Ne t’inquiète pas, c’est de l’argile, ça empêche le gonflement après une séance. » Le skieur a désormais ses petites habitudes pour s’occuper de son genou. « J’ai dû mettre en place des rituels, des gestes pour ne plus me blesser. Mon genou s’améliore esthétiquement de jour en jour. »

Il aura fallu deux opérations et plusieurs heures sur le billard pour transformer ce qui ressemblait à un bout de viande en un genou solide. « J’étais soulagé de me faire opérer car j’ai pu me dire que j’allais avancer. Trois médecins étaient là pour la première opération. Je me doutais donc que ce n’était pas rien. Ma mère me l’a seulement avoué il y a peu mais le chirurgien l’avait prise à part pour lui expliquer à quel point c’était grave. »

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Personne n’osait lui dire que son avenir était fait de nuages noirs mais il n’a pas baissé les bras. « Je me suis logiquement posé des questions sur ma carrière mais je refusais d’abandonner. Je ne voulais pas qu’on dise qu’Armand Marchant avait du potentiel mais qu’il a abandonné après une grosse blessure. Puis, si on m’avait dit à un moment qu’on ne croyait pas en mon retour, j’aurais bossé pour prouver le contraire. »

Cinq semaines à Cap-Breton ont affûté un mental déjà forgé dans l’acier. « Je me suis fait pote avec un gars qui avait eu un accident de voiture et qui était bien plus mal que moi. Cela ne l’empêchait pas d’avoir le sourire en permanence. Alors à côté de ça, mon genou ce n’était rien. Je n’osais pas me plaindre. J’avais juste envie de lui dire, ‘c’est qu’une égratignure, parlons plutôt de toi.’ »

« Je suis passé de 78 à 67 kilos. »

Armand Marchant

Il y avait pourtant de quoi tirer la tête. Il n’arrivait pas à descendre l’escalier ou s’asseoir normalement. « Rester dans mon lit était une corvée, c’est clair. J’avais également du mal à manger après les anesthésies et la morphine. Je suis passé de 78 à 67 kilos. »

En avril, il a été opéré une seconde fois afin de retirer les quelques adhérences qui l’empêchaient de plier son genou. « J’avais beau bosser dessus, je ne pouvais pas plier plus que ça. J’étais bloqué à 90°. L’opération a été une libération car j’ai pu refaire du vélo. De là, j’ai pu recommencer les exercices. Je me sens encore à la ramasse mais j’adore le fait que je me vois évoluer au quotidien. J’ai toujours envie de faire avancer les choses plus rapidement mais j’arrive à me dire muy tranquillo. Je sais que je dois empiler les bonnes assiettes les unes après les autres. »

L’attitude du skieur se résume par « toujours en vouloir plus. » Où certains auraient déjà baissé les bras, il n’a jamais pensé à abandonner. Chaque jour, il fait 5 heures de musculation ou de travail avec les kinés pour améliorer son état de santé. S’il sent son niveau physique gravir les échelons à coup d’entraînement, ce sont surtout les mots de son chirurgien qui lui ont fait comprendre qu’il pourrait retrouver son niveau.

« Il m’a dit être impressionné par ce que je faisais. Il était certain de me revoir un jour sur des skis. Il m’a dit que je pouvais être son second miracle. Le premier s’est déroulé quelques années avant. Il avait opéré Janica Kostelic (NdlR : qui est passée sur le billard quatre fois en 2003 pour son genou droit) et elle a décroché un titre olympique par la suite. »

Son discours est plein d’espoir. Il a d’ailleurs une date en tête : septembre. « Je suis capable de courir doucement de faire des exercices mais le gap est énorme entre cela et faire du ski à haut niveau. Après, je ne me concentre que là-dessus je refuse de voir plus loin que ça. Mes sensations feront le reste. Bien sûr j’ai les Jeux Olympiques de Pyeongchang dans un coin de ma tête mais je dois avant tout redevenir skieur pro. »

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La recette pour continuer de rêver est de travailler plus que jamais. « Et tout sur la jambe gauche enoubliant un peu la droite. J’ai même des semelles spécifiques pour que j’évite de compenser dans la vie de tous les jours. Je dois retrouver cet équilibre avant de retourner sur mes skis. Je me dis parfois que si j’avais pu avoir une saison normale, j’aurais logiquement eu ma place aux Jeux Olympiques. Mais j’y crois encore. Je suis devenu plus pro et je me dis que j’ai la capacité si j’évolue comme prévu. »

Paroles
de coaches

Raphaël Burtin :« Pas de non-dit au sujet de la douleur »

Le coach d'Armand Marchant, Raphaël Burtin, nous explique comment il a vécu la blessure et la rééducation de son poulain.

« Quand tu es face aux radios de son genou, tu te demandes vraiment s'il va revenir. Les chirurgiens ne se sont pas avancés car il était très amoché. Heureusement, la donne a changé avec sa seconde opération. Le chirurgien s'est montré très positif. Il était épaté.

Je ne lui ai jamais demandé s'il avait eu peur à un moment donné. Dans sa tête, penser que c'était fini, c'était se fermer des portes. Il est parvenu à rester positif. D'après lui, tout allait bien se passer.

« Pas peur de retourner sur les skis »

Raphaël Burtin

On doit maintenant tout faire pour équilibrer les jambes droite et gauche. Sinon, il compensera à chaque fois qu'il sera sur des skis.

Je ne pense pas qu'il aura peur lorsqu'il se retrouvera à nouveau sur la piste. Il a assez de force mentale pour passer au-dessus. Il doit affronter ce qui l'attend et le fera sans peur. Réatteindre le niveau ne sera pas un souci. Il a beaucoup skié depuis qu'il a 10 ans et possède une vraie base. Je veux surtout qu'il n'ait pas de douleur, pas de séquelle.

Vais-je laisser aller jusqu'au bout si une douleur existe encore ? Il faudra qu'il n'y ait pas de non-dit, qu'il me donne son ressenti. Nerveusement, il était à bout après sa blessure. Il n'en parlait pas car il n'est pas du genre à se plaindre mais peut-être est-il allé un peu trop loin...

Je préfère ne pas trop penser à Pyeongchang car pour faire une bonne course aux JO, tu ne peux pas les avoir comme seul objectif. Il faut prendre les étapes l'une après l'autre. Il faudra engranger de la confiance dès les premières courses. Le but est d'abord de reskier. Les JO sont, eux, une toile de fond extrêmement motivante. »

Damien Vandeberg : « Qu'il soit régulier dans ses rituels »

Engagé par le COIB pour s'occuper de la préparation physique des skieurs, Damien Vandeberg travaille principalement sur le genou d'Armand Marchant.

« Nous travaillons progressivement à son retour. Nous analysons petit à petit ce qui est bon pour lui, ce qui peut lui permettre de revenir plus vite. J'essaie de mettre en place une série de choses qu'il n'aurait pas faites s'il n'avait pas eu sa blessure. Comme ses exercices de pleine conscience, par exemple. Je veux qu'il mette en place des petits rituels avec son psy et qu'il soit régulier dans sa pratique.

Dans ce cas-ci, nous travaillons beaucoup avec des exercices visuels pour bien travailler sur les contrastes. Tous les matins, il doit bosser avec simplement une corde et trois boules et se concentrer en se demandant comment il voit les autres billes. Ce sont des stimuli visuels.

À côté de cela, on reprogramme sa gestuelle motrice. Nous en sommes au stade de la course après avoir passé beaucoup de temps sur le stepping. Vu à quel point c'était difficile au début, je suis surpris par son évolution. Quatre mois ont passé depuis la première opération et je n'espérais pas autant. D'après le docteur, il est un mois à l'avance.

Son plus gros problème est qu'il est un boulimique de travail. Je dois le freiner pour gérer sa fatigue. Il doit comprendre qu'il n'est pas encore rétabli. Il a l'air libéré dans ses mouvements mais il y a encore du travail. »