Ses boudins sont une... tuerie !

De la finance à la charcuterie : Frédéric Baivy (Les papilles ravies) raconte comment il a changé radicalement de vie professionnelle à l'automne 2015.

Frédéric Baivy aura 60 ans l'automne prochain. Au même moment, il fêtera le troisième anniversaire de son changement radical de vie professionnelle. D'une expérience négative, il a réussi à prendre un nouvel envol. Et il dit être aujourd'hui un homme beaucoup plus épanoui que dans son boulot précédent, même si le seuil de rentabilité n'est pas encore atteint.

"J'ai passé toute ma vie professionnelle ou presque à gérer des portefeuilles pour les clients d’une société boursière. Un jour, j'ai été viré. Déjà à l'époque, j'avais rebondi et je m'étais tourné vers quelque chose de différent: le bûcheronnage. L'appel de la nature en quelque sorte. Quelque temps plus tard, la société pour laquelle je travaillais m'a rappelé et j'ai recommencé dans la finance" raconte le Namurois qui fabrique aujourd'hui des pâtés, boudins, saucissons et autres cochonailles artisanales sous l'étiquette Les Papilles ravies.

En 2015, lorsqu'il reçoit à nouveau son C4, brutalement, une grosse dépression l'attend au tournant. "La cinquantaine bien sonnée, je n'allais pas retrouver un job de salarié – j'aurais coûté trop cher à n'importe quelle boîte - et je ne voulais absolument pas aller au chômage. Je me suis dit que je pouvais encore avoir des projets. Alors je me suis lancé comme indépendant. Parallèlement, j'avais suivi des cours du soir de boucher charcutier traiteur où mes recettes ne recevaient que des éloges. J'ai même gagné quelques prix à l'école."

La spécialité de Frédéric Baivy, c'est le gibier. Il fabrique ainsi du saucisson sec au sanglier, du pâté au marcassin et dattes, du boudin au cerf, du civet de bicheaux abricots, du navarin, des tajines... Des plats d'apparence traditionnels revisités où il allie volontiers le sucré et le salé ; où il fait appel aux producteurs locaux, comme lui. « Pour mes rillettes de canard, je me fournis à la ferme de la Sauvenière à Hemptinne », souligne ce bon vivant qui avait déjà suivi une formation en oenologie il y a 20 ans, dans sa quête du goût. « La base, je l'ai apprise à l'école, mais je développe mes propres recettes, celles qui me plaisent. »

Le goût des bonnes choses est arrivé très tôt dans sa vie

« Enfant, ma maman m’invitait aux fourneaux pour préparer avec elle les nombreux dîners festifs organisés à la maison. La table était dressée avec de la belle vaisselle. Quant à mon papa, que de moments complices nous avons passé ensemble dans la nature, à la cueillette des champignons de prairie ou à la chasse. Déjà à l'époque, je humais avec délice l’odeur des sous-bois. »

L'évocation d'autres odeurs font encore sourire Frédéric Baivy : « celle des confitures planant en juin, juillet, août dans la cuisine de ma mère, le fumet de ses civets mijotés au vin rouge l’automne arrivant, la peau croustillante du poulet du dimanche. Il faisait vraiment bon vivre à la maison… J’étais comblé par cette éducation aux sens et cet art de recevoir. Je reste aujourd’hui un chercheur insatiable du beau et du bon », confie celui qui a vécu en Flandre, mais est retourné à Namur dans la maison familiale après le décès de ses parents.

Dans cet intérieur boisé et confortable trônent en belle place des photos de chasse, gravures, coussins et autres objets évoquant le gibier. "Je suis un chasseur. C’est de famille : je tire depuis l’enfance ou presque. Quand je ramenais un lièvre ou un lapin, pas de souci. Mais quand j’avais la chance de ramener un sanglier ou un chevreuil, j’avais un peu de mal à le découper. Ce n'était pas très joli, pas net et c'est ça qui m'a motivé à m'inscrire à 54 ans au Cefor de Villers leBouillet. Je voulais apprendre à découper le gibier dans les règles de l'art. Une fois que c'était acquis, je ne devais pas continuer. Mais comme je m'amusais et que je m'entendais bien avec les professeurs, j'ai continué jusqu'à obtenir l'accès à la profession".

Si sa cuisine moderne installée à la maison respecte les normes Afsca, Frédéric Baivy n'utilise pas des hachoirs et mélangeurs à tout va. Sa marque de fabrique, c'est de malaxer à la main et de laisser de la mâche - des morceaux donc - à ses productions. Parallèlement, il se laisse inspirer par les saisons et intègre à ses boudins blancs des champignons en automne, des poireaux en hiver, de l'ail des ours au printemps, des tomates séchées en été...

Il ne regrette pas un instant son ancienne vie

Aujourd'hui, cela fait un peu plus de deux ans que Frédéric Baivy s'est lancé dans l'entreprise Les papilles ravies. Il rayonne en faisant déguster ses terrines et salaisons dans des marchés gourmands. « Il faut dire que j'étais aussi un peu comédien dans le temps, je fais un peu mon show sur les marchés ! Ca me change de la cuisine où je travaille seul. Mon chien me tient compagnie, mais il faut avouer qu'il n'a pas beaucoup de conversation », rigole-t-il.

Ses produits faits maison, on les retrouve via les relais Paysans Artisans que sur le marché de Noël d'Upignac ou d'autres événements où le charcutier adore tailler une bavette avec le client. « Rien ne me fait plus plaisir que lorsqu'on me dit que mes boudins sont une tuerie. Mon travail n'a jamais été autant valorisé que depuis que je suis dans l'alimentaire », se réjouit-il.

Frédéric Baivy ne regrette pas un instant son ancienne vie. Il se délecte de son statut d'indépendant qui lui permet de « faire la sieste à 11h30 si j'en ai envie, mais de travailler sans aucun problème jusqu'à 22h30 s'il le faut. »

Il ressent tout de même la pression comptable. "Je ne suis pas encore en société. La première année, je l'ai augmenté de 100% le chiffre d'affaires, l'année dernière la progression n'était plus aussi forte (50%) et j'espère arriver à doubler mon chiffre d'affaires au bout de la troisième année d'activité : il me reste neuf mois. Je n'ai pas encore assez de rentrées pour assurer mon train de vie: mon banquier n'est pas encore tout à fait content", plaisante-t-il.

"Sinon tout va bien. Je ne peux que recommander aux personnes qui ont envie de changer de vie, d'oser réaliser leurs rêves, de sauter le pas, rien de meilleur ne pourrait leur arriver".

LE CHIFFRE

Le Belge consomme quelques 10,9 kg de charcuterie par an. Dont 49% sont du salami ! Chaque habitant du royaume dépense environ 128 euros annuellement pour goûter à ces mets.