Thierry Henry
De Wenger à Martinez: chronique d'une vie

Par Bertrand Boulenger et Jonathan Lange
10 Octobre 2017

Deuxième épisode de notre série Histoires de Diables. Jusqu'au Mondial en Russie, tous les quinze jours, la DH vous raconte la belge histoire d'une star de notre équipe nationale. Après Romelu Lukaku, deuxième épisode avec Thierry Henry.

De Monaco aux Diables rouges en passant par Arsenal, le FC Barcelone et Skysports,
Thierry Henry promène un vécu hors du commun.
Retour sur le parcours d'un amoureux du jeu qui a tout gagné, ce qui profite à la Belgique

"À 17 ans, j'ai vu qu'il était différent"

31 août 1994. Arsène Wenger débute ce qui sera sa dernière saison à l'AS Monaco. Il décide de lancer dans le grand bain un certain Thierry Henry, qui vient de fêter ses 17 ans. "Il avait des qualités techniques exceptionnelles, une bonne compréhension du jeu et c'était un super athlète. Avec sa vitesse et sa puissance, il était effrayant. Il avait tout. À 17 ans, je l'ai titularisé pour la première fois et j'ai vu qu'il était différent", détaille Arsène Wenger.

Les deux hommes vont prendre des chemins différents en 1995, pour mieux se retrouver outre-Manche en 1999. "Quand il est venu à Arsenal, à 21 ans, il est rapidement devenu la superstar qu'il méritait d'être." Depuis le départ d'Henry, Arsène Wenger n'a plus réussi à mener les Gunners au titre de champion. Une situation inconfortable qui a mis le technicien sur la sellette au printemps 2017 avant que le club ne décide de prolonger l'Alsacien. "En tant que supporter d’Arsenal et que joueur qui a eu Arsène comme coach et qui a beaucoup d’admiration pour lui, je suis content de le voir rester au club. Mais le temps dira si c’était la bonne décision" admet l'attaquant français.

Entre le 12 et le 14...
son cœur balance !

Excepté quelques tâtonnements à ses débuts à Monaco (numéro 28) et à la Juventus (numéro 6), Thierry Henry n'a porté que deux numéros dans sa carrière. Le 14 en club et le 12 en équipe de France. Hormis lors de sa pige de deux mois à Arsenal en 2012 où il a dû se contenter du 12 car le 14 était déjà pris par Theo Walcott. Il a porté le numéro 12 en l'honneur de Marco Van Basten, pour lequel il vouait une admiration sans borne. Le Néerlandais, au départ remplaçant, portait ce numéro lors de l'Euro 1988. "Mon idole était Marco Van Basten. Il était pour moi le joueur ultime, juste parfait. Exactement ce qu'un avant-centre doit être !" Une ferveur qu'il partage avec Kobe Bryant.

Thierry Henry et Kobe Bryant, unis par leur admiration pour Marco Van Basten

Thierry Henry a trouvé avec l'ex-avant-centre du Milan AC une formidable source d'inspiration pour son jeu. "J'adorais Van Basten parce qu'il pouvait jouer attaquant ou derrière l'attaquant. Plus que ses buts, j'admirais ses déplacements, sa vision et sa compréhension du jeu, ses remises."

A son arrivée à Arsenal en 1999, il décide de porter le numéro d'un autre célèbre triple ballon d'or néerlandais. Le 14 prendra d'ailleurs tout son sens lorsque Thierry Henry signera au Barça, si important dans la carrière de Johan Cruyff. L'attaquant français ne manquera pas de lui rendre hommage après sa disparition. "On se souviendra de lui comme d'une légende qui a transformé le jeu sur de nombreux aspects."

"J'ai appris à détester Tottenham"

"Au fil de mes huit ans à Arsenal, quelque chose est entré en moi. J'ai appris la culture de ce club que j'ignorais. J'ai appris à détester Tottenham."

Une aversion qui a plutôt bien réussi à Thierry Henry puisqu'il n'a jamais perdu face aux Spurs. Les Gunners présentent un bilan de 10 victoires et 8 partages face à leurs voisins londoniens entre 1999 et 2007. L'attaquant français a marqué 5 fois lors de ces confrontations. Le 16 novembre 2002, il inscrit l'un de ses plus beaux buts lors de la victoire 3-0 d'Arsenal à Highbury. Sa célébration, où il glisse sur ses tibias, sera immortalisée par une statue de bronze devant l'Emirates Stadium.

Décalage côté gauche, contrôle puis frappe enroulée du pied droit dans le petit filet opposé. C'est la marque déposée de l'attaquant français.

Le 9 janvier 2012, il inscrit son 227e et avant dernier but pour les Gunners en Cup face à Leeds. Et quoi de mieux pour fêter son retour pour une pige de deux mois sous le maillot d'Arsenal qu'inscrire un grand classique.

Revivez ce but dans la vidéo ci-dessous, après 1'40":

"J'ai pensé qu'il devrait la frapper fort de l'intérieur du pied mais il l'a mise tranquillement ! J'ai cru qu'il était un peu trop excentré à gauche mais il possède toujours cette finition spéciale. C'est la finition Thierry Henry", analysait Arsène Wenger après le match.

"Un attaquant peut aussi faire des passes"

"A un moment, tout le monde a vu que je n'étais pas un attaquant de surface, que je n'avais pas un bon timing et que je n'étais pas bon de la tête. J'ai commencé à sortir plus souvent de la surface, à m'excentrer un peu sur la gauche et à montrer, comme Nicolas Anelka ou Patrick Kluivert, qu'un attaquant pouvait aussi faire des passes."

Les statistiques de l'international français parlent d'elles mêmes. Il a signé 25 passes décisives en club. Durant la saison 2002/2003 de Premier League, en plus de marquer 24 buts, il a délivré la bagatelle de 20 passes décisives. Un record absolu sur une seule saison de championnat d'Angleterre.

Thierry Henry pouvait aussi être l'auteur de passes très originales, de différentes formes. La première catégorie, dont il était coutumier, était la passe masquée par une feinte de frappe.




Le seconde, beaucoup plus rare, était la passe du pied droit droit vers Zidane, avec le pied gauche comme relais. Peut-être pas intentionnel mais totalement imparable.

Les Bleus dans le cœur
et des bleus à l'âme

Champion d'Europe des moins de 18 ans en 1996 puis membre actif des moins de 20 ans en 1997, Titi Henry fait logiquement ses débuts avec l'équipe de France A le 11 octobre 1997 face à l'Afrique du Sud. Son aventure en équipe nationale va être couronnée de succès puisqu'il va devenir le meilleur buteur de l'histoire des Bleus avec 51 buts en 123 sélections. Champion du monde 1998 et d'Europe 2000, il va participer à 4 coupes du monde, en prenant part à 17 matches de phase finale.

Pourtant, la carrière de Thierry Henry en bleu ne va pas toujours être rose. Il fait le voyage en Corée du Sud en 2002 et Afrique du Sud en 2010, véritables fiascos des Bleus. La sélection française va d'ailleurs valider son billet pour le premier mondial africain en sortant l'Irlande en match de barrage. Lors du match retour les Bleus doivent leur salut à un but de William Gallas suite à une main volontaire de Thierry Henry. "On peut éventuellement me reprocher mon explosion après le but. Je n'aurais pas dû faire ça. Mais franchement, c'était incontrôlable."

Un mea culpa qui n'aura que peu d'effet sur l'opinion publique française. Les critiques qui suivent cette qualification honteuse vont durablement toucher l'attaquant. "J'ai entendu certaines personnes donner des leçons sur ce plan-là, alors que j'ai dit que j'étais désolé, sur le terrain et en dehors."

Au boulot

"C'est un très bon ami, on se connaît depuis 17 ou 18 ans. Depuis qu'il est venu jouer pour Arsenal." C'est ainsi que Sharleen Spiteri, chanteuse de Texas expliquait pourquoi Thierry Henry apparaît dans le clip du titre Let's work it out. L'attaquant français y joue le chauffeur de luxe pour l’Écossaise.

En 2002, Thierry Henry avait même dédicacé un de ses buts à Sharleen Spiteri qui venait de donner naissance à la petite Misty Kid Heath.

L'attaquant français a bien évidemment des amis dans le monde du sport. Tony Parker fait partie des proches de l'ex-Gunner. "On a la même vision sur le sport, sur la vie, on s'est toujours bien entendus. Chez lui, je me sens comme chez moi et inversement. On aura plus de temps pour se voir après la fin de nos carrières. Et nos fils grandiront ensemble, ça, c'est sûr", confiait le meneur fin 2014. La carrière du joueur des San Antonio Spurs étant plus près de la fin que du début, les deux amis vont bientôt pouvoir se divertir ensemble.

Fin 2014, dès la fin de sa carrière, Titi signe un contrat de 30 millions € pour devenir consultant exclusif de Sky Sports pendant six ans. Il devient alors expert de la Premier League aux côtés de Gray Neville, Jamie Redknapp et Jamie Carragher. "C'est une étape logique. Cela me donne l'opportunité de rester proche du jeu et du terrain." Après des débuts compliqués, l'attaquant français trouve peu à peu ses marques. Même si la probabilité d'entamer une seconde reconversion en tant qu'entraîneur est souvent évoquée, même au sein de sa propre chaîne.

Un Bleu chez les Diables

Thierry Henry semble parti pour suivre l'exemple de ses camardes, champions du monde en 1998, reconvertis au poste d'entraîneur. Et à l'instar de Zinedine Zidane il a décidé d'apprendre le métier sans brûler les étapes. "Zizou est passé par où il fallait passer. Il a été ambassadeur du Real, il a été entraîneur des jeunes, il a pris la réserve et il a aussi été assistant. Donc, il a pris un chemin tout à fait normal."

C'est en tant que T3 de Roberto Martinez que le meilleur buteur de l'histoire des Bleus va tenter d'acquérir les compétences de coach.

Origi: "Un intellectuel du football"

Un rôle que Thierry Henry assume d'autant plus qu'il semblerait bien qu'il ait lui-même proposé ses services à la fédération belge. Grâce à l'humilité affichée et au respect qu'il inspire aux Diables. Tous sous le charme.

"C'est un intellectuel du football, il essaye de nous transmettre ses détails", note Divock Origi. "Il m'a aidé à m'améliorer au niveau des mouvements à adopter sur le terrain car les siens étaient impeccables", reconnaît Romelu Lukaku alors qu'Eden Hazard parle "d'un grand frère". Qui s'en ira peut-être dans quelques mois écrire un nouveau chapitre de sa belle histoire.