Kristof Vliegen
"Sur le plan mental
j’ai touché le fond !"

"Fly" s’est arrêté de voler !

Quand cette information tombe dans le domaine publique, le 13 juillet 2011, le monde du tennis belge réalise qu’il s’agit de la fin d’une histoire commencée 10 ans plus tôt. A 29 ans et des poussières, lâché par un corps au bord de l’agonie, Kristof Vliegen se voit donc, forcé et contraint par la faculté, de renoncer à sa passion de toujours : le tennis de compétition.

Une page du tennis belge se ferme avec le départ à la retraite d’un joueur atypique doublé d’un homme au caractère bien trempé, à la parole vorace, au tempérament de feu mais aussi, et hélas, aux pulsions parfois négatives, pour ne pas écrire dévastatrices pour ses plus hautes ambitions. S’il avait pu bénéficier, à l’époque, de ce zeste de maturité dont il manquait tant, oui Kristof Vliegen aurait sans doute pu grimper encore plus haut dans cette hiérarchie mondiale oùil s’est quand même arrêté au 30e échelon ! Pas mal pour un joueur tellement imprévisible dans sa manière de jouer et de vivre...

"A l'époque, on n’accordait pas beaucoup d’attention à la prévention..."

Quand vous portez un regard sur votre carrière, quel est votre plus grand regret ?

« Essentiellement de n’avoir pas eu la maturité qu’il convenait de posséder quand je pratiquais mon meilleur tennis. En fait, vers mes 24 ou 25 ans, la qualité de mon jeu était celle d’un joueur du top 30 ou voire mieux encore, mais dans ma tête, j’étais toujours un gamin dont les réactions, parfois, n’étaient pas à la hauteur du jeu que je pouvais pratiquer. Il y a en effet eu trop de moments dans ma carrière où je me suis battu avec moi-même pendant ou après mes matches. Si j’avais eu, à ce moment-là, la maturité qui est la mienne aujourd’hui, peut-être que je serais encore sur le circuit comme... joueur ! »

Vous avez aussi été sujet aux blessures ?

« J’en ai eu une, et elle m’a coûté ma carrière ! Elle s’est située au niveau de l’épaule, conséquence d’une usure chronique et d’une arthrose précoce. Il faut savoir qu’à mon époque, nous les joueurs, on n’accordait pas beaucoup d’attention à la prévention. Je suis convaincu que cette lacune a accéléré le processus de ma blessure. »

Vous n’aviez pas envisagé une opération ?

« Forcément, oui. J’avais mal à l’épaule et au coude et, dans un premier temps, on s’est focalisé sur ces deux endroits pour entamer la guérison. Mais, en fait, c’est tout mon corps qui était au bord de la rupture car j’avais nombre de fibres qui étaient, si pas encore déchirées, très distendues. J’ai alors fait un break de plus de 6 mois avec la volonté de revenir aussi fort qu’avant. »

Pourquoi, alors, avoir tout arrêté en une fois ?

« C’était pas mon choix d’arrêter, mais celui des médecins et de me mon staff. Je n’ai pas de honte à l’avouer aujourd’hui : ce sont plus les autres que moi qui ont pris cette décision très difficile... »

Et vous, comment l’avez-vous vécue ?

« Dans les tous premiers temps, pas trop mal. C’est comme si on venait de m’enlever un poids énorme pesant sur mes épaules, car cela faisait quasiment deux ans que j’étais à l’arrêt. Au début, cela a donc été. Mais après... »

Oui, et après ?

« Il faut réaliser que quand vous êtes joueur pro, que pendant 10 ans vous gagnez de l’argent, vous n’arrêtez pas de voyager et de vivre dans de beaux hôtels, vous n’imaginez pas qu’après 35 ans vous allez encore devoir travailler. Je n’étais donc pas préparé à cette situation. Forcément, les six premiers mois qui ont suivi cet arrêt, je vivais sans vivre. Ce n’est pas que j’allais de bar en bar du matin au soir, mais je n’avais aucun but. »

Vous déprimiez ?

« Oui. J’ai le souvenir d’un jour où je suis dans mon fauteuil seul à la maison, et moi qui venais de lire pas mal de livres qui évoquaient la carrière de grands sportifs, ceux-ci faisaient allusion au fameux "trou noir" dans lequel ils avaient plongé après leur carrière. C’est à ce moment que je me suis demandé si je n’étais pas, moi, à mon tour, plongé dans ce trou noir. Or se poser la question, c’est y répondre. En clair cela signifiait que j’étais en train de toucher le fond ! »

Vous étiez encore intéressé par le tennis ?

« Non. Pendant deux ans je me suis refusé l’idée de regarder du tennis à la télé ou de me rendre dans un club. Cela me faisait trop mal. »

Et comment avez-vous renoué avec votre passion ?

« Quand j’ai réalisé que j’étais dans le trou, j’ai voulu réagir, j’ai commencé à sortir davantage de la maison, j’ai ouvert puis tenu un restaurant, je suis retourné dans le club où, aux Pays-Bas, je jouais encore les interclubs. Là, après avoir conseillé un jeune joueur de l’équipe sur certains points tactiques qu’il devait mieux utiliser dans ses matches, ses parents m’ont demandé si je ne voulais pas m’en occuper lorsqu’il venait jouer des tournois en Belgique. De fil en aiguille le contact est de mieux en mieux passé, et désormais je l’accompagne, à l’étranger, sur une quinzaine de tournois par an. »

Sa marge de progression est-elle réelle ?

« Il s’agit de Tallon Griekspoor, un jeune avec du potentiel, comme vient de le prouver sa victoire sur Stan Wawrinka au tournoi de Rotterdam. Il a déjà battu d’autres très bons joueurs, il se situe aux environs de la 200e place à l’ATP et a été intégré dans l’équipe néerlandaise de Coupe Davis. Pour l’instant cela se passe très bien, car je lui apporte, avec mon expérience, ce zeste de maturité qu’il n’a pas encore, comme moi je ne l’avais pas à son âge. Je sais donc comment je peux l’aider à réagir face à des situation bien précises par lesquelles je suis passé, parfois en bien, souvent en mal... »

Et depuis le mois de juillet 2017 vous vous occupez aussi de Joris De Loore ?

« Exact. Lui aussi j’essaye de l’aider en lui montrant comment son jeu devrait évoluer. Avec sa taille et sa puissance, il doit se montrer plus agressif sur le terrain, ne pas jouer quatre mètres derrière la ligne de fond. Tant que je serai convaincu que je peux le faire évoluer, je continuerai à le coacher. Si je constate qu’on stagne dans notre collaboration, immédiatement je l’arrêterai. Je suis quelqu’un d’honnête, donc je ne resterai pas coach d’un joueur dans lequel je ne crois pas ou je ne crois plus... »

"Le monde du tennis ? Il y règne beaucoup d’individualisme !"

Avez-vous souffert du déclin de votre notoriété ?

« Pas le moins du monde. Déjà que j’ai toujours eu des rapports pas toujours cordiaux avec les médias, alors disparaître des écrans ne m’a pas vraiment peiné. En prime, je suis de nature modeste. Etaler mes résultats passés, répéter que j’ai été 30e mondial, cela n’a jamais été mon genre. Quand je me présente à quelqu’un, je luis dis mon nom et mon prénom, je n’étale pas mes faits de gloire. »

Lesquels sont-ils ?

« Tout le monde s’attend à ce que je réponde : ma victoire à Liège, face à Lleyton Hewitt, en cinquième match de Coupe Davis lors d’une confrontation Belgique-Australie. C’est vrai que ce fut un moment très particulier, avec beaucoup d’émotion, vu le contexte de cette rencontre. Mais à titre personnel, je préfère mettre en avant ma victoire face à Marat Saffin à Monte-Carlo ou celle obtenue en trois sets secs contre Richard Gasquet à Roland-Garros. »

En toute honnêteté, pensez-vous que vous auriez pu intégrer le top 20 mondial sans votre arrêt précoce ?

« Oui. Vous pouvez savoir, par exemple, qu’en 2006, quand j’étais 30e mondial, cette année-là il y a quatre matches que j’ai perdu alors que j’avais hérité de balles de match. Si ces matches-là, au lieu de les perdre, je les avais remportés, mon classement en fin d’année aurait été 19e ! Donc... »

Le monde du tennis vous manque-t-il ?

« Oui et non... Oui car c’est celui où je me suis toujours senti à l’aise. Non, car il y règne beaucoup d’individualisme. La preuve, aujourd’hui, de ce monde là, le seul avec qui je suis encore en contact, c’est Olivier Rochus. Pour tous les autres, c’est comme si je n’existais plus. Dommage... »

Le CV de Kristof Vliegen

Nationalité : Belge

Né le 22 juin 1982 à Maaseik

Taille : 1,93 m

Prise de raquette : droitier avec un revers à deux mains

Gains en tournois : 1. 964. 020 $

Palmarès

En simple

Titres : 0

Finales perdues : 2

Adelaïde 2002 (battu 7-6 6-2 par Nikolay Davydenko)

Munich 2006 (battu 6-4 6-2 par Olivier Rochus)

Meilleur classement en simple : 30e (30/10/2006)

En double

Titres : 0

Finales perdues : 2

Meilleur classementen double : 49e (11/06/2007)

Meilleurs résultats en Grand Chelem :

16e de finale à l’Open d’Australie et Wimbledon

Titres en tournois Challenger : 9