La belge histoire
d'amour du Tour (1/3)

Première partie
Le Tour avant Eddy Merckx
1947 > 1968

Depuis 1947, et l’étape Lille-Bruxelles, la Belgique a accueilli 75 fois une ligne d’arrivée d’une étape du Tour de France sur son sol. Ce sont ces belges histoires d'arrivées dans notre royaume que nous vous contons dans cette série à l'aide des précieux écrits des envoyés spéciaux de Les Sports puis de la DH-Les Sports sur les routes de la Grande Boucle.

Une histoire que nous avons divisée en 3 parties: avant, pendant et après l'arrivée du messie du cyclisme belge, Eddy Merckx, dans le peloton du Tour.

Voici la première partie

Le Tour avant Eddy Merckx
(de 1947 à 1968)

Le Tour de France s’installe en Belgique et la Belgique lui fait la fête. Depuis que la célèbre Grande Boucle a décidé de franchir, régulièrement, les frontières de l’Hexagone, en réalité depuis la reprise, en 1947, c’est à notre pays qu’elle a rendu le plus souvent visite. Pendant toute une période, les années sans passage du Tour en Belgique étaient rarissimes. Et depuis l’an 2000, le peloton de la Grande Boucle a repris goût : sur les 19 Tours du XXIe siècle, la caravane passe pour la 10e fois sur les routes de notre plat pays.

Depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale et le retour du Tour, en 1947, et ses premières infidélités à la France, 75 lignes d’arrivée ont été tracées sur le sol belge, dont 13 en région bruxelloise. Ce week-end, deux nouvelles viendront s’ajouter à la belge histoire de la Grande Boucle…


1947

2e ÉTAPE > Lille - Bruxelles (182 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. René Vietto (FRA)
2. Raymond Impanis (BEL)
3. Prosper Depredomme (BEL)
MAILLOT JAUNE
René Vietto (FRA)

Le Roi René, premier héros du Tour chez nous

Le premier vainqueur d’une étape du Tour s’achevant en Belgique, René Vietto, n’est pas un coureur banal. Son succès non plus, puisqu’il l’a acquis au terme d’une échappée en solitaire de 130 km. C’est bien simple: il a parcouru seul en tête tout l’itinéraire tracé en territoire belge ! Le succès qu’il fête au bois de la Cambre où est jugée cette première arrivée belge lance idéalement un Tour qui ne manquera pas de rebondissements, la décision finale ne tombant, d’ailleurs, que dans la toute dernière étape.

René Vietto est un homme du Sud. Un coureur attachant dont on rappelle volontiers le sacrifice de 1934. Cette année-là, il n’a encore que 20 ans à peine, il sauve, à deux reprises, le leader de l’équipe de France, Antonin Magne. L’écrivain français Louis Nucera a raconté l’épisode dans le livre qu’il a intitulé Le Roi René. “René Vietto passe en tête au sommet du col de Puymorens (…) Dans la descente, Antonin Magne tombe et casse sa roue avant. Alors Vietto s’arrête, desserre ses papillons et, dans un élan que la postérité a chanté, il offre sa roue à son chef de file. Des sanglots dans la voix, il a le temps de lancer : Vas-y Tonin ! Vietto, plus tard, a souvent regretté son geste, lançant même sur un ton de défi : “Antonin Magne ? Si je ne lui avais pas donné ma roue, il y serait encore aujourd’hui dans le Puymorens.”

Ce premier sacrifice, qui a ému la France entière, est doublé, le lendemain, par un second. En effet, l’histoire bégaye parfois. Dans le col des Ares, Vietto, qui pourrait aisément se lancer à la poursuite de l’Italien Vignoli, échappé, se retourne. Il ne voit plus Magne qui, peu auparavant, était avec lui. Son leader, c’est sûr, a eu un ennui mécanique. Vietto, sans hésiter, freine, puis repart dans le sens inverse de la course. Il retrouve Magne, assis au bord de la route, attendant un hypothétique dépannage. Vietto lui donne sa bicyclette, le maillot jaune s’envole à nouveau. Comme la veille, le jeune René perd plusieurs minutes et recule au classement général. Longtemps après, il prétendra que sans ces deux sacrifices, il aurait pu gagner le Tour cette année-là.

Il en est toujours convaincu, treize ans plus tard, quand il s’impose à Bruxelles. Il a attaqué très tôt et à Valenciennes, au km 57, il compte déjà deux minutes d’avance sur le premier peloton. Disputée sous la chaleur, cette étape fait des ravages. Au pointage effectué à Mons (km 113), Vietto est toujours seul. Il devance Impanis et Kübler de 2.15, le peloton est à plus de cinq minutes. On croit que le Français est parti bien trop tôt, qu’il va coincer avant l’arrivée. Il souffre mais ses adversaires ne sont pas plus fringants. Au passage de Rebecq-Rognon, Impanis, désormais accompagné de son compatriote Depredomme, est revenu à soixante secondes du leader du jour. Mais Vietto résiste et, sous les ovations d’une foule compacte, il triomphe à Bruxelles. Après l’arrivée, vaincu par l’émotion, il s’écroule en larmes. Il a réussi un joli numéro : plus de 130 km seul en tête avec, au bout, une victoire qui lui offre, aussi et pour plusieurs jours, le maillot jaune.
Mais le destin le poursuivra jusqu’au bout et, comme en 1934, il n’achèvera la course qu’en cinquième position…


1948

19e ÉTAPE Metz - Liège (249 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Gino Bartali (ITA)
2. Jean Robic (FRA)
3. Brik Schotte (BEL)
MAILLOT JAUNE
Gino Bartali (ITA)

Succès du maillot jaune, bonne affaire pour Schotte

C’est en toute fin d’épreuve, à l’occasion de la 19e étape, que le Tour rend pour la première fois visite à Liège. Un accueil particulièrement enthousiaste est fait aux rescapés de la course. Ils ne sont plus que 44 sur les 120 partants à s’élancer dans l’étape ardennaise qui mène le peloton de Metz à Liège, via le Grand-Duché du Luxembourg. Sauf accident, Gino Bartali, le campionnissimo italien, ne peut plus laisser échapper un second triomphe dans la Grande Boucle. Mais on espère, néanmoins, une belle bagarre, d’autant que l’itinéraire emprunte plusieurs côtes célèbres, qui font d’ailleurs l’objet d’un classement particulier. Mais ni l’ascension de Martelange ni celles, ensuite, de Chauveheid, puis de Stavelot ne font la différence. Tout au plus relève-t-on que Jean Robic, le vainqueur de l’année précédente, affiche une belle forme, puisqu’il franchit en tête deux des trois difficultés.

C’est encore le cas dans l’ascension de Mont Theux où, enfin, des accélérations sérieuses se sont produites. Le Français Giguet a montré la voie mais il a rapidement été rejoint, puis dépassé par les grosses pointures que sont Robic, Bartali, Schotte, Ockers et Neri. Cette fois, la bagarre est lancée, d’autant que si le maillot jaune de Bartali ne peut plus être remis en question, la place de dauphin de l’Italien n’est pas encore attribuée de manière définitive. Au matin de l’étape, elle revenait au Français Lapébie, mais celui-ci n’est plus guère fringant, alors que Brik Schotte, le Belge, au contraire, se sent encore capable d’un exploit.

Devant une foule à ce point compacte que certains estiment que la régularité de la course en souffre, les hommes de tête accentuent leur avance dans la côte des Forges. La descente sur Liège s’effectue à tombeau ouvert. Sur le quai des Ardennes, où est jugée l’arrivée, Bartali, impérial, règle au sprint Robic, Schotte, Ockers et Neri, dans l’ordre. Mais Schotte a réussi une excellente opération en prenant plus de trois minutes à Lapébie qu’il devance, désormais, au classement général. Les positions ne changeront plus jusqu’à Paris…


1949

2e ÉTAPE Reims - Bruxelles (273 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Roger Lambrecht (BEL)
2. Jacques Marinelli (FRA)
3. Lucien Teisseire (FRA)
CLASSEMENT GÉNÉRAL
Roger Lambrecht (BEL)

Enfin une victoire belge... en Belgique !

Roger Lambrecht est un héros! Il est le tout premier coureur belge à s’imposer dans une étape du Tour s’achevant en Belgique et l’histoire apprendra qu’ils ne seront pas si nombreux dans ce cas. Pas facile d’être prophète dans son pays! Lambrecht fait mieux encore. Quand il gagne à Bruxelles, sur la piste du stade du Heysel, il réussit un fameux coup double: non content de gagner l’étape, il endosse, aussi, ce précieux maillot jaune, objet de toutes les convoitises. Le public bruxellois ne s’y trompe pas et il fait un véritable triomphe à Lambrecht lorsque celui-ci accomplit son tour d’honneur. Après les résultats en demi-teinte des deux années précédentes, il faut dire que la foule ne s’attendait pas à vivre une journée aussi exaltante.

Lorsque le peloton pénètre en Belgique, à Heer-Agimont, en provenance de Reims, l’Italien Ausenda joue les éclaireurs. Comme il l’a promis, Léon Jomaux, deuxième la veille au terme de la première étape du Tour, est particulièrement actif. Au sommet de la Citadelle de Namur, Ausenda a été rejoint par Caput et Brûlé, Jomaux suit à moins d’une minute en compagnie de Marinelli, le Parisien, Pino Cerami –Italien à cette époque – passe seul à 1.45 alors que le peloton, étiré, accuse trois minutes de retard. Leuze, Eghezée, Wavre sont avalés à folle allure par les coureurs. Jomaux, Caput et Marinelli sont désormais pris en chasse par Lambrecht, Ockers, Teisseire et Lauredi. Les Belges se montrent et sont, visiblement, désireux d’enfin obtenir un succès sur leur terrain. Après la côte d’Overijse, le Français Marinelli demeure en présence du tandem Ockers-Lambrecht. Mais le petit Stan est victime de crampes dans l’avenue de Tervueren, et il est distancé. Roger Lambrecht, particulièrement frais, dispose, au sprint, de son rival français.

Quelle revanche pour cet homme qui, dans le Tour de 1948, faisait partie de l’équipe internationale aux côtés de coureurs suisses, italiens et… polonais. Depuis l’exode de 1940, ce Flandrien vivait en Bretagne, où il retournera d’ailleurs après sa carrière. Il avait remporté une étape chronométrée du Tour 48, ce qui lui a valu, un an plus tard, d’être intégré dans l’équipe nationale belge.

Roger Lambrecht ne profite de son beau maillot jaune que pendant vingt-quatre heures. Le lendemain, entre Bruxelles et Roubaix, les Belges sont à nouveau à l’offensive. Norbert Callens s’impose et ravit la première place à son équipier. Peu importe à Lambrecht. Son Tour est réussi. Il termine encore deuxième de l’étape de Nîmes et achève l’épreuve en 11e position au classement final. Mais son succès à Bruxelles demeure inoubliable !


1950

2e ÉTAPE Metz - Liège (241 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Adolfo Leoni (ITA)
2. Fiorenzo Magni (ITA)
3. Louison Bobet (FRA)
MAILLOT JAUNE
Jean Goldschmit (LUX)

Le Grand Fusil tire un coup pour rien

Si le vainqueur du jour s’appelle Adolpho Leoni, son animateur est Raphaël Geminiani, dit le Grand Fusil. Le premier est italien, le second, comme son nom ne l’indique pas, est… un Auvergnat, né à Clermont-Ferrand, à l’ombre du célèbre Puy de Dôme. Le coureur est attachant, l’homme aussi. Nous l’avons connu bien plus tard, alors qu’il était devenu directeur sportif, puis consultant de télévision. Jamais avare de bons mots ni de déclarations à l’emporte-pièce, il parlait toujours de cyclisme avec un enthousiasme communicatif.

Le grand Gem n’a jamais gagné le Tour et c’est, sans doute, le seul vrai regret qu’il nourrit. Il lui a toujours manqué un petit quelque chose pour s’imposer. Quatrième du classement final en 1950, il est deuxième, l’année suivante, décrochant, au passage, le Grand Prix de la Montagne. Sept ans après, l’année où le Tour est parti depuis l’Atomium, à Bruxelles, il finit encore troisième. Il a, ensuite, dirigé les destinées de Jacques Anquetil, de Roger Rivière, de Rudi Altig. Il a même été, à la fin de la carrière de celui-ci, le directeur sportif éphémère d’Eddy Merckx. Et il occupait encore ces fonctions quand Jean-Luc Vandenbroucke faisait les beaux jours de la formation La Redoute.

Ce jour-là, entre Metz et Liège, Gemiani court comme cela lui est arrivé quelques fois dans sa carrière. Sans franchement réfléchir, donnant le meilleur de lui-même, luttant seul contre tout un peloton. Il s’est échappé peu après le départ de Metz. Quand le peloton pénètre sur le territoire luxembourgeois, le coureur de l’équipe de France compte 2.30 d’avance. La pluie se met à tomber, mais il en faut davantage pour refroidir son ardeur. Le parcours, pourtant musclé, du Grand-Duché lui permet même de creuser l’écart et quand il pointe au contrôle de ravitaillement de Malmedy, en Belgique, il devance désormais le groupe de plus de six minutes. Alors qu’il pleut toujours, Geminiani commence à peiner. Quand surviennent les difficultés empruntées à Liège-Bastogne-Liège, il n’a plus le coup de pédale aussi efficace du début. Robic, l’ancien vainqueur, amorce, le premier, la poursuite. Dans un premier temps, seul le talentueux Stan Ockers résiste au Breton. A deux, ils reviennent sur Geminiani qu’ils distancent dans la côte de Mont-Theux. Ockers, à cause d’une mécanique défaillante – on l’apprend plus tard –, doit laisser partir Robic. Mais après la côte des Forges, le Français est, à son tour, rejoint par un petit peloton, au sein duquel on retrouve le maillot jaune, le Luxembourgeois Goldschmit, mais encore Lambrecht, Schotte, le Suisse Kübler (la photo, futur vainqueur de ce Tour 1950) et, surtout, les Italiens Bartali et Magni. Une bonne vingtaine de coureurs composent ce premier peloton et la victoire se joue au sprint. Les Belges, bien représentés, commettent une erreur, favorisant ainsi le triomphe des Italiens : Adolpho Leoni devance son leader Fiorenzo Magni.

Leoni n’est pas un inconnu. S’il n’a jamais que cette seule étape du Tour de France à son palmarès –il n’a, c’est vrai, couru qu’à une seule reprise la Grande Boucle–, ce très bon routier sprinter en a fêté pas moins de dix-sept sur le Giro, de 1938 à 1951, dont 4 en 1940, et il compte, aussi, un Milan-Sanremo à son joli palmarès.
Quant aux Belges, parce qu’ils ont mal manœuvré entre eux, ils se classent 5e, 6e, 7e et 8e de l’étape liégeoise !


1951

2e ÉTAPE Reims - Gand (228 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Jean Bim Diederich (LUX)
2. Stan Ockers (BEL)
3. Marcel De Mulder (BEL)
MAILLOT JAUNE
Jean Bim Diederich (LUX)

L’étonnant doublé du petit Diederich

Le Mur de Grammont et la Citadelle de Namur, tels sont les terrains de chasse d’un curieux petit champion, haut comme trois pommes et débordant d’énergie: Jean Diederich, dit Bim. Il est luxembourgeois – à l’époque, le Grand-Duché aligne une équipe nationale complète au départ du Tour – et grimpeur. Deux années de suite, en 1951 et en 1952, il remporte l’étape belge de la Grande Boucle. Un doublé étonnant qui compte beaucoup pour lui.

1951 : la deuxième manche du Tour conduit le peloton de Reims à Gand. Elle est particulièrement animée et face à une foule considérable, comme toujours sur le territoire belge, les coureurs attaquent tant et plus. Germain Derijcke franchit le premier la frontière. Il devance le duo Gauthier-Van Steenkiste de près de deux minutes, un troisième membre de l’équipe nationale, Isidore De Rijcke, suit une cinquantaine de secondes plus tard. Mais à Mons, les choses prennent une tournure dramatique pour le leader qui chute. A l’arrière, Ruiz et Diederich sont, à leur tour, sortis du peloton. Poursuites et regroupements se succèdent. Ce sont finalement Germain Derijcke, Van Steenkiste, Ruiz et Diederich qui entament le final. Or c’est là qu’on retrouve le Mur de Grammont, ultime juge de paix de l’étape.

Derijcke, décidément malchanceux, chute sur la place de Grammont. Dans le Mur, Bim Diederich place une accélération et distance ses compagnons. Trois kilomètres plus loin, il compte 40 secondes d’avance sur ceux qu’il vient de lâcher. Le grimpeur luxembourgeois révèle alors ses capacités de rouleur. Seul pendant plus de quarante kilomètres, il résiste. Derrière lui, pourtant, quelques favoris ont lancé la poursuite. Tous échouent, même Stan Ockers, le favori de la foule, qui au prix d’une incroyable poursuite réussit cependant à décrocher la
deuxième place à deux bonnes minutes du petit Luxembourgeois.
Celui-ci réalise une toute bonne opération : non content de gagner l’étape, il s’installe pour quelques jours en tête du classement général. Et sa belle échappée a, aussi, permis à son équipe de prendre la tête à l’inter-nations, un classement par pays très convoité à l’époque.
“Ce Mur, raconte-t-il aux journalistes venus l’interroger après l’arrivée, m’a porté chance. J’avais senti que ma forme était revenue à l’occasion du Tour de Suisse. J’en ai profité. Cette côte n’est pourtant pas facile, mais je l’ai bien grimpée.”

A quelques mètres de lui, Nicolas Frantz apprécie en connaisseur. Le directeur technique des Luxembourgeois n’a-t-il pas, lui-même, triomphé à deux reprises dans le Tour, en 1927 et en 1928, dominant à ce point l’épreuve qu’on avait parlé de Tour de Frantz au lieu de Tour de France.

“Ce maillot, nous allons le défendre le plus longtemps possible”, affirme Frantz. Bim, effectivement, le conservera jusqu’au matin de la 5e étape, mais il continuera à s’accrocher, terminant 12e du classement final établi à Paris, et remporté par Hugo Koblet devant Raphaël Géminiani (la photo).


1952

5e ÉTAPE Roubaix - Namur (197 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Jean Bim Diederich (LUX)
2. Fausto Coppi (ITA)
3. Robert Vanderstockt (BEL)
MAILLOT JAUNE
Nello Lauredi (FRA)

Bim devance Coppi à la Citadelle

Il y a quelques années, invité à l’occasion d’un Grand Prix de Wallonie, Bim Diederich était revenu sur les lieux de son exploit du Tour de France 1952. Non sans émotion, le petit Luxembourgeois a retrouvé cette Citadelle de Namur où il s’était imposé devant le prestigieux Fausto Coppi.

L’étape avait été un peu folle, Luxembourgeois, Belges et… Italiens se livrant une belle bagarre sous la canicule. Avant de franchir la frontière déjà, le Luxembourgeois Bintz, profitant d’un passage à niveau fermé, s’est dégagé. Il est rejoint par son équipier Diederich, qui ne craint pas les longues échappées, et le Français Vivier. Le Belge Robert Vanderstockt, qui a promis le maillot jaune à ses supporters, se lance à leur poursuite, flanqué d’un régional français, Rotta, qui n’assure pas le moindre relais. Les villes défilent et les écarts se creusent. Au passage à Mons, le trio de tête compte plus de quatre minutes et demie sur le duo Vanderstockt- Rotta alors que le peloton, accablé par la chaleur, passe avec un retard dépassant le quart d’heure.

Après Binche, Vivier est victime d’une crevaison et il laisse ainsi seuls les deux équipiers luxembourgeois, mais après Morlanwelz, Bintz, trop fatigué, décroche à son tour. Bim Diederich est seul et il lui reste encore 70 kilomètres à parcourir et de nombreuses côtes à escalader. Le petit bonhomme poursuit sa route. Il continue même à creuser les écarts sur ses plus proches poursuivants. Vanderstockt sait qu’il ne le rejoindra plus mais il songe au maillot jaune, car le peloton, avec le leader Lauredi, est très loin encore. Tout s’accélère quand, dans la côte de Falisolle, Fausto Coppi en personne se dresse sur les pédales et passe à l’attaque. Derrière lui, c’est la débandade. A leur tour, Bartali et Magni, les autres ténors de la prestigieuse équipe d’Italie, se dégagent. Les Belges Ockers et Close réagissent. Devant, Diederich fait de la résistance. Son avance fond mais il ne s’écroule pas et lorsqu’il aborde la toute dernière ascension, la Citadelle de Namur, il sait qu’il a course gagnée, et il savoure pleinement l’instant.

Cinq minutes après son arrivée triomphale, survient Fausto Coppi qui, déjà, témoigne une condition exceptionnelle. Le Campionissimo a donné un coup de semonce.

Quant au malheureux Vanderstockt, il échoue dans sa quête du maillot jaune pour une petite seconde…


1953

2e ÉTAPE Metz - Liège (227 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Fritz Schaer (SUI)
2. Wout Wagtmans (P-B)
3. Gino Bartali (ITA)
MAILLOT JAUNE
Fritz Schaer (SUI)

Fritz Schaer inaugure l’année du cinquantenaire

Les deux premières étapes du Tour 1953 livrent un verdict identique. Tant à Metz qu’à Liège, Fritz Schaer se classe premier et Wout Wagtmans termine deuxième. Deux sprints massifs ? Pas du tout. A Metz, ils sont arrivés à quatre et le peloton des favoris a accusé plus de neuf minutes de retard. A Liège, ils sont à… deux : Schaer et Wagtmans. Évidemment les deux hommes, l’un Suisse, l’autre Hollandais, s’installent en tête du classement général et avec les bonifications, ils se sont même assuré une belle avance sur les favoris du Tour. A Paris, trois semaines plus tard, Wagtmans est cinquième du classement final et son vainqueur de Metz et de Liège suit à la sixième place.

Comment est-il possible que les Koblet, Bartali, Magni, Bobet ou Robic ainsi que les Belges autorisent que les mêmes coureurs, déjà grands triomphateurs la veille, échappent, une nouvelle fois, à leur vigilance? Il est certes tôt pour s’inquiéter outre mesure et ni Schaer ni Wagtmans ne sont des vainqueurs potentiels de l’épreuve. Il n’empêche que, leur classement final en témoigne, les ténors ont joué avec le feu.
L’étape a pris forme peu après le passage de la frontière entre le Grand-Duché et la Belgique. Hassenforder et Desbats, deux Français appartenant à des équipes régionales, se dégagent en compagnie des héros de Metz. Bartali s’inquiète et fait rouler les siens, mais le quatuor obtient plus de 3 minutes d’avance au passage de Vielsalm. En route vers Francorchamps, les deux coureurs français sont distancés. Schaer et Wagtmans se retrouvent à deux. Derrière, on se méfie désormais, et l’écart se réduit.

Dans l’ascension du Moulin du Ruy, Koblet et Bartali entament l’opération grignotage. Mais même les côtes de Mont-Theux et des Forges ne parviennent pas à faire plier le duo hollando-suisse, décidément étonnant. Alors qu’un seul coureur belge, Alex Close, réussit à accrocher le petit peloton des favoris qui file vers Liège, Fritz Schaer règle, comme la veille, le sort de Wagtmans au sprint et renforce, bien entendu, son maillot jaune. Bartali, en tête d’un groupe comprenant, aussi, Koblet, Magni, Robic, Bobet, Van Est et Alex Close, termine à 1.47 du tandem vainqueur. Deux sur deux pour Schaer, ce qui ne constitue cependant pas une énorme surprise.

Le Suisse, qui a sans doute vécu dans l’ombre de Kübler et de Koblet, est également un authentique champion. Il a aussi gagné des étapes au Giro et dans son tour national où il s’est emparé du Grand Prix de la Montagne. Il entre dans l’histoire de la Grande Boucle en étant le premier à inaugurer le palmarès du classement par points !


1954

1re ÉTAPE Amsterdam-Brasschaat (216 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Wout Wagtmans (P-B)
2. Gilbert Bauvin (FRA)
3. Stan Ockers (BEL)
MAILLOT JAUNE
Wout Wagtmans (P-B)

Wagtmans s’offre la tunique jaune

Pour la première fois de son histoire, le Tour ne part pas de France, mais de l’étranger. Cet honneur revient à la ville hollandaise d’Amsterdam (la photo) mais, presque obligatoirement, la Belgique en profite également. La manche initiale mène ainsi d’Amsterdam à Brasschaat, la riche banlieue anversoise. Sur un parcours dénué de la moindre difficulté et devant leur public, les coureurs hollandais veulent se mettre en valeur. Et ils y parviennent grâce à Wout Wagtmans.

L’homme n’est évidemment pas un inconnu. Solide rouleur, il finit généralement bien ses courses. L’année précédente, seul Schaer l’a devancé lors des deux premières étapes, mais il a gagné, à deux reprises, plus tard dans le Tour. Cette fois, il s’impose dès le début. L’étape est animée et sous l’impulsion, entre autres, du Suisse Koblet, une vingtaine de coureurs se retrouvent nettement détachés du peloton après le passage à La Haye. Dans ce groupe, on retrouve quelques favoris comme Bobet, Robic, Koblet et Ockers, mais l’autre leader helvétique, Kübler, a été piégé. Il concède plus de neuf minutes à l’arrivée.

Wout Wagtmans n’a pas loupé ce bon coup. Peu après la frontière hollando-belge, il tente même de se dégager seul, mais il est rapidement rejoint. Un rien plus tard, son équipier Van Est tente, à son tour, sa chance en compagnie du Belge Desmet. En vain. Wagtmans patiente et, intelligemment, devance le sprint final. Il place un terrible démarrage et résiste jusqu’au bout au retour du groupe au sein duquel Bauvin et Ockers occupent les premières places.

Évidemment, le Hollandais endosse, aussi, le premier maillot jaune, performance qu’il rééditera en 1955 et en 1956. Les chroniqueurs de l’époque soulignent que l’année avant, il s’est classé 5e à Paris. Et puis, n’a-t-il pas le dossard numéro 20, celui que portait Romain Maes, en 1935, lorsqu’il triompha dans le Tour en gagnant dès la première étape et en demeurant en tête de la course jusqu’au bout ? Enfin, n’a-t-il pas devancé Koblet, Kübler et Coppi dans un Tour de Romandie deux ans plus tôt ? Le Hollandais ne sera pourtant pas le premier coureur de son pays à s’imposer dans la Grande Boucle. Bobet, qui le menace dès le lendemain, lui interdira de nourrir le moindre rêve…


1955

3e ÉTAPE Roubaix - Namur (210 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Louison Bobet (FRA)
2. Richard Van Genechten (BEL)
3. Bruno Monti (ITA)
MAILLOT JAUNE
Wout Wagtmans (P-B)

Louison Bobet égale le record de Thys

Annie Cordy heureuse d'embrasser le vainqueur namurois du jour, Louison Bobet. (AFP)

Annie Cordy heureuse d'embrasser le vainqueur namurois du jour, Louison Bobet. (AFP)

La Citadelle de Namur constitue, une nouvelle fois, l’apothéose d’une superbe finale. Au terme de l’ascension de la route merveilleuse, un sprint, épique, oppose le Belge Richard Van Genechten au grand favori du Tour, Louison Bobet. Ce dernier l’emporte d’un souffle, témoignant ainsi une forme qui va lui permettre de conquérir, trois semaines plus tard, un troisième succès final. Le Breton, félicité par Annie Cordy, se place ainsi aux côtés de l’autre recordman des victoires, Philippe Thys, auteur du triplé trente-cinq ans plus tôt…

Il faut reconnaître que Bobet n’a pas volé ce succès à Namur. Il a pratiquement fait toute l’étape en tête, de bout en bout. La manche est à ce point animée qu’à la Citadelle, au moment de faire le bilan, on se rend compte que certains ont déjà perdu la course. A partir du 23e classé, le retard est de dix minutes, la moitié des coureurs a perdu vingt minutes, certains, plus de 35 et les derniers sont à près d’une heure du vainqueur du jour. Comment en est-on arrivé là ?

Peu après la sortie de Roubaix, d’où est donné le départ, Hassenforder s’échappe et Louison Bobet, en personne, se lance à sa poursuite. Au 20e kilomètre, les deux coureurs possèdent une trentaine de secondes d’avance sur un peloton surpris par cette envolée brutale. La bagarre est bientôt générale. A Douai (km 40), douze hommes se sont regroupés. Outre les deux premiers échappés, il y a aussi des coureurs comme Robic, Jean Bobet, le frère du leader de l’équipe de France, Wagtmans, Astrua mais aussi le Belge Brankart. Une minute plus tard, un deuxième groupe est en poursuite avec à sa tête Impanis, Van Steenbergen, Geminiani; plus loin encore, figurent De Bruyne et Ockers, alors que le gros du peloton navigue déjà à plus de deux minutes et demie.

Tout au long de l’étape, les événements vont se précipiter, les écarts diminuant, puis augmentant sensiblement, les changements dans la composition des groupes étant provoqués par les défaillances et la malchance. Ainsi Brankart est-il victime de deux crevaisons et d’une chute. A chaque fois, il réussit à reprendre sa place dans le groupe de tête, mené par les frères Bobet. Mais il manquera évidemment de jus au moment d’aborder l’ascension vers la Citadelle. De Bruyne aussi, après avoir réussi à redresser une situation longtemps compromise, est définitivement battu en raison d’un ennui mécanique. A Tamines (km 183), Van Genechten, jusque-là en position délicate, a réussi l’exploit de revenir seul dans le petit commando de tête. Ils sont 14 au pied de la côte de Malonne où Bobet fait le forcing, puis 13 encore au moment d’aborder la route merveilleuse. Louison Bobet fait toute l’ascension en tête, un à un ses compagnons lâchent pied. Mais pas Van Genechten, ni l’Italien Monti, ni le Hollandais Wagtmans. Sur le circuit de l’esplanade, Van Genechten lance le sprint et le public, enthousiaste, croit qu’il va l’emporter. Mais Bobet, décidément très fort, le remonte et le devance d’une demi-roue.


1956

1re ÉTAPE Reims - Liège (223 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. André Darrigade (FRA)
2. Fritz Schaer (SUI)
3. Brian Robinson (G-B)
MAILLOT JAUNE
André Darrigade (FRA)

André Darrigade entame sa série

Sur le quai des Grosses Battes, un sprint royal oppose trois sprinters qui se sont mués, le temps d’une étape, en attaquants. André Darrigade devance ses compagnons Fritz Schaer, qui a déjà connu la victoire dans la Cité ardente, et Brian Robinson, un Britannique.

Pour Darrigade, il s’agit de la deuxième victoire dans le Tour de France – il s’imposa, à ses débuts, en 1953 – mais c’est surtout le début d’une impressionnante collection. Il n’ajoutera pas moins de vingt succès d’étape supplémentaires à son palmarès. Par contre, rarement il s’agira de victoires obtenues au terme d’une échappée très spectaculaire. Car une fois encore, cette manche menant de Reims à Liège n’est pas banale. Sans doute est-elle même le prélude d’un Tour particulier, assez décousu et qui livrera un verdict inattendu. En réalité, on le constatera plus tard, l’absence de Louison Bobet, blessé, pèsera beaucoup, la course se cherchant, en vain, un nouveau patron…

La première attaque sérieuse du jour est lancée après une quarantaine de kilomètres à peine par Lauredi. Très vite, Robinson, puis Voorting, Vlaeyen, le champion de Belgique, Darrigade et quelques autres comme Walkowiak et Barbosa se glissent dans ce qui constitue, déjà, le bon coup. Tonello réussit encore à revenir de l’arrière et quand les attaquants atteignent la frontière belge, le peloton accuse déjà plus de sept minutes de retard. A Falmignoul, à 80 km de Liège encore, Tonello, victime de son retour solitaire, et… Walkowiak, dont on reparlera plus tard dans le Tour, sont défaillants et distancés. La côte Saint-Jacques, à la sortie de Dinant, provoque une nouvelle décision importante: Schaer, Darrigade et Robinson distancent leurs quatre autres compagnons, Vlaeyen, Barbosa, Voorting et Lauredi. Au passage de Ciney, le trio des sprinters compte déjà 40 secondes d’avance. Et les écarts se creusent. Tout à l’arrière, le peloton navigue à plus de neuf minutes.

Les favoris de la course, les Gaul, Brankart, Ockers, négligent visiblement que Schaer a terminé 3e du Tour deux ans auparavant. A Strée, les trois premiers ont course gagnée. Leurs quatre anciens compagnons sont distancés de deux minutes et demie et le gros de la troupe, qui s’est décidé, enfin, à rouler à un rythme plus soutenu, compte encore huit bonnes minutes de retard. Le sprint sur le quai des Grosses Battes est aisément remporté par Darrigade. Bien entendu, le Dacquois endosse, aussi, son tout premier maillot jaune.

“Je suis très heureux d’avoir ce maillot sur les épaules, lâche-t-il, tout sourire, à Liège. C’est évidemment un poids énorme à porter, mais je pense qu’avec mon avance, je peux prétendre le garder encore quelques jours. Mon désir serait de le conserver jusqu’à Bordeaux…”
Darrigade n’obtiendra pourtant pas satisfaction à ce niveau. Avant Bordeaux, il y aura eu la fameuse étape d’Angers et l’avènement d’un certain Walkowiak. Il retrouvera le maillot, l’espace d’une journée, avant les Pyrénées, puis rentrera dans le rang.


1957

5e ÉTAPE Roubaix - Charleroi (170 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Gilbert Bauvin (FRA)
2. Fernand Picot (FRA)
3. Daan De Groot (P-B)
MAILLOT JAUNE
Jacques Anquetil (FRA)

Anquetil décroche son premier maillot à Charleroi

Un champion est né à Charleroi ! Son nom ? Jacques Anquetil. Un Normand, né à Mont-Saint-Aignan, près de Rouen, en 1934, il y a 70 ans aujourd’hui. Il est jeune, doué et sûr de lui. Quatre saisons auparavant, il a remporté le Grand Prix des Nations, l’épreuve de vérité, alors qu’il n’était âgé que de 19 ans. Les absences conjuguées de Louison Bobet, de Raphaël Geminiani et d’Antonin Rolland facilitent son intégration au sein de l’équipe de France. Même si Roger Walkowiak hérite du dossard numéro un, Anquetil, l’un des leaders, porte le numéro deux. Et à Charleroi, s’il endosse le maillot jaune, c’est… le dossard numéro trois, Gilbert Bauvin, qui s’impose.
Cette manche belge permet au jeune Normand de franchir un premier cap et, surtout, de revêtir son tout premier maillot jaune.

Les événements s’emballent rapidement. Peu après le passage de la frontière, non loin de Mouscron, le peloton a brusquement accéléré. A Courtrai, Anquetil, Bauvin et Groot se dégagent, provoquant, rapidement, une réaction du peloton. Deux hommes de l’équipe de France à l’attaque, cela mérite qu’on lance une sérieuse poursuite. Deux coureurs reviennent sur les fuyards, deux Français appartenant, cependant, à des formations régionales: Jean Bobet, le frère de Louison, et Fernand Picot. Un passage à niveau fermé, à Waregem, profite pleinement à ceux qui ont opté pour l’attaque.

Les cinq leaders augmentent leur avantage et à Soignies, soit à 55 km de l’arrivée, ceux-ci comptent plus de deux minutes d’avance sur un groupe de treize coureurs parmi lesquels Adriaenssens, Walkowiak, Voorting, De Filippis, Marcel Janssens et Planckaert, alors que le gros du peloton accuse, déjà, neuf minutes de retard. L’opération est de plus en plus intéressante pour le jeune Anquetil. Il le sait, si les choses demeurent en l’état, il dépossède son équipier René Privat du maillot jaune. Bien aidé par Bauvin, le Normand paye de sa personne et à La Louvière, les hommes de tête comptent toujours une belle avance. A La Docherie, où Walkowiak est victime d’une chute, les poursuivants ont grignoté une partie de leur passif, mais ce n’est pas le cas du peloton qui a, visiblement, abdiqué. Anquetil sera le nouveau maillot jaune, c’est certain. La victoire d’étape, quant à elle, revient à Gilbert Bauvin. Sur le circuit de la plaine des manœuvres, celui qui a perdu, un an plus tôt, le Tour de France pour une minute vingt-cinq secondes devance, sans problème, Picot et De Groot dans l’ordre. Anquetil se contente volontiers de la quatrième place. Le Normand sait qu’elle lui rapporte, déjà, le premier rang du général.

“Ne t’étonne pas de trouver le maillot jaune si lourd, lui dit André Darrigade, qui l’a pris sous sa coupe. Il t’est tombé du ciel…”
Quelques jours plus tard, à Colmar, Anquetil perd son maillot au profit de Nicolas Barone, mais après un succès à Thonon-les-Bains, où il franchit une nouvelle étape, et un passage alpestre réussi, il l’endosse définitivement.


1958

1re ÉTAPE Bruxelles - Gand (184 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. André Darrigade (FRA)
2. Jos Hoevenaars (BEL)
3. Joseph Planckaert (BEL)
MAILLOT JAUNE
André Darrigade (FRA)

La preuve par trois selon Darrigade

Pour la deuxième fois de son histoire, le Tour de France s’élance hors des frontières de l’Hexagone. Après Amsterdam, c’est à Bruxelles que revient l’honneur d’organiser ce qu’on appelle, aujourd'hui, le grand départ. L’événement coïncide avec l’Expo 58, l’exposition universelle dont l’Atomium demeure l’un des témoins les plus célèbres.

La première étape, partie du Heysel en direction de Gand, effectue bien des boucles et détours, histoire d’offrir le spectacle de la course à un maximum de Belges. La course, ainsi, se dirige d’abord vers Louvain où Adriaenssens et Groussard essayent, en vain, de se dégager. Sur les pavés, humides et donc glissants, de Malines, quelques coureurs chutent, dont le dossard numéro un, Jacques Anquetil. Les choses sérieuses commencent quand six coureurs se dégagent : Luyten, Favero, Pommer, d’abord, Darrigade, Hoevenaars et Joseph Planckaert, ensuite. De nouveaux regroupements en nouvelles attaques, pratiquement les mêmes hommes se retrouvent à l’avant.

Mais cette fois, ils ne sont plus que quatre : Darrigade, de l’équipe de France, les deux Belges Hoevenaars et Planckaert et le régional de la formation Centre-Midi, Pierre Polo. Malgré les réactions multiples autant que désordonnées du peloton, les quatre hommes demeurent hors d’atteinte et arrivent dans les faubourgs de Gand. A cet instant, le pauvre Polo est victime d’une crevaison qui le prive de ses chances. Encadré par Hoevenaars et Planckaert, Darrigade ne ménage toujours pas sa peine, même s’il laisse, logiquement, le plus gros du travail aux deux équipiers belges. Sur le circuit de la Watersportbaan, le Français, déjà vainqueur les deux années précédentes de la première étape du Tour, devine l’occasion de réaliser la passe de trois. A trois cents mètres de la ligne d’arrivée, Darrigade lance le sprint. Sa puissance fait la différence, ni Hoevenaars ni Planckaert, qui lâche même prise, ne sont capables de revenir à hauteur de son pédalier. “Jamais deux sans trois”, a glissé, le matin, non sans malice, le Dacquois. Le résultat lui donne raison.

Comme à Liège en 1956 et à Granville en 1957, André Darrigade remporte la première manche du Tour, à Gand. Une fois encore, il revêt le maillot jaune mais évite, cette fois, d’envisager jusqu’à
quand il va tenter de le garder. Il a raison. Vingt-quatre heures plus tard, au terme de la deuxième étape disputée partiellement en territoire belge qui s’achève à Dunkerque, Jos Hoevenaars prend sa revanche. En figurant dans le peloton qui termine avec plus d’une minute trente d’avance, le Belge endosse, à son tour, le maillot jaune.

Darrigade n’est pas déçu. Il sait qu’il gagnera d’autres étapes. Pour lui, ce Tour s’achève pourtant de manière dramatique. A l’arrivée sur le vélodrome du Parc des Princes, il percute, de la tête, le secrétaire général du vélodrome, Constant Wouters. Les deux hommes chutent. Darrigade s’en tire miraculeusement avec des points de suture et de terribles maux de tête. Constant Wouters, hospitalisé, décède onze jours plus tard…


1959

2e ÉTAPE Metz - Namur (240 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Vito Favero (ITA)
2. Jean Gainche (FRA)
3. Michel Dejouhannet (FRA)
MAILLOT JAUNE
André Darrigade (FRA)

Vito Favero suite et, déjà, fin...

Au terme du Tour de France de l’année précédente, Vito Favero, on l’aurait presque oublié, s’est classé deuxième du classement final établi à Paris, à trois minutes dix secondes à peine de Charly Gaul. Deux jours avant l’arrivée dans la capitale française, l’Italien était encore revêtu du maillot jaune, et ce fut la superbe performance de Gaul dans la manche chronométrée de Dijon qui mit un terme à ses espoirs les plus fous.

Favero n’est donc plus un inconnu quand il se permet de régler, au sprint, le sort de dix-neuf coureurs sur l’esplanade de la Citadelle de Namur. Il connaît d’ailleurs les lieux, puisqu’il s’était classé deuxième lors d’une étape du Tour d’Europe pour indépendants, s’achevant, aussi, dans la cité namuroise. Originaire de la région de Trévise, Favero est l’un des atouts de la Squadra, dirigée par l’ancien champion Alfredo Binda, l’autre leader étant le rouleur Ercole Baldini. Dans la montée de la Citadelle, où le peloton, jusque-là trop passif, s’est, enfin, animé, Favero grimpe en force, figurant parmi les meilleurs qui se dégagent sur la route merveilleuse. A ses côtés, on retrouve des coureurs aussi prestigieux que Bahamontes, Gaul et trois des quatre ténors de l’équipe de France, Bobet, Anquetil et Rivière. Mais au sprint et malgré, aussi, la présence du rapide Richard Van
Genechten, l’Italien s’impose très nettement.

L’étape s’achevant en Belgique n’a pourtant pas provoqué l’habituelle bagarre générale, et l’on se dit que le Tour de France 1959 est parti sur des bases différentes que les éditions précédentes. Certes, sur leur terrain, les coureurs belges tentent, avec l’aide de quelques régionaux, d’animer la journée. La première action, lancée par Fred De Bruyne, n’est qu’un feu de paille. Du côté d’Arlon, Hoevenaars s’échappe brièvement en compagnie de Gauthier et de Stablinski, puis il remet cela un rien plus loin avec quatre autres coureurs. En vain. Camille Buysse assure le relais avec Fabri; là encore, l’essai échoue peu avant Dinant. Et finalement, le peloton est quasi complet quand il pénètre à Namur où, évidemment, tout s’accélère. Dans les premiers lacets de l’ascension finale, à part Van Genechten, plus aucun coureur de l’équipe belge ne figure en tête. L’échec est, une fois encore, très net. Après le Luxembourgeois Diederich et le Français Bobet, voici l’Italien Favero qui s’impose à Namur. Les journalistes nationaux constatent, non sans amertume, que les coureurs belges ne sont décidément pas prophètes dans leur pays.

La preuve, en treize ans, souligne-t-on dans La Dernière Heure, depuis que le Tour connaît des arrivées sur le territoire national, un seul coureur belge a réussi à remporter l’une de ces étapes,
et encore s’agissait-il de Roger Lambrecht, plus breton que belge !


1960

1re ÉTAPE A Lille - Bruxelles (108 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Julien Schepens (BEL)
2. Joseph Hoevenaars (BEL)
3. Gastone Nencini (ITA)
MAILLOT JAUNE
Julien Schepens (BEL)

1re ÉTAPE B CLM Bruxelles – Bruxelles (27,8 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Roger Rivière (FRA)
2. Gastone Nencini (ITA)
3. Henri Anglade (FRA) et Willy Trepp (SUI)
MAILLOT JAUNE
Gastone Nencini (ITA)

Trois maillots jaunes à Bruxelles

Vainqueur de la première demi-étape du jour, Julien Schepens a, bien entendu, hérité du maillot jaune et il le revêt pour disputer la manche chronométrée de l’après-midi. Mais Federico Bahamontes, qui affiche les mêmes couleurs, le matin, en raison de sa victoire de l’année précédente, ne peut se résoudre à abandonner son précieux bien. Et sans se préoccuper du résultat de la demi-étape, il prend, lui aussi, le départ de cette deuxième demi-étape avec le maillot jaune sur les épaules. L’Espagnol, parti parmi les premiers, ne réalise qu’un temps très quelconque. Il n’est pas en forme, il le sait et il abandonne d’ailleurs, dès le lendemain. Il a simplement voulu se promener pendant quelques kilomètres en plus avec la tunique jaune sur les épaules. Quant à Schepens, il n’est vraiment pas un spécialiste de l’effort solitaire et il termine parmi les tout derniers, 120e sur 126 ! Ainsi, un troisième maillot jaune, au cours de la même journée, est désigné : Gastone Nencini, que seul le spécialiste Roger Rivière devance dans les rues de Bruxelles.

La capitale est, cette année, le haut lieu du Tour. Elle hérite de l’arrivée d’une course en ligne, jugée sur la piste du stade du Heysel, d’une manche chronométrée qui se déroule, partiellement, dans la banlieue et d’un départ, le lendemain, donné de la Grand-Place. Grâce à Julien Schepens, les Belges mettent, enfin, un terme à de longues années d’échec. Depuis que le Tour arrive en Belgique, il n’est que le deuxième de l’équipe nationale à s’imposer.

Puissant routier-sprinter, Schepens, vainqueur de trois titres nationaux avant de passer professionnel, ne connaît qu’une carrière relativement brève et, à son palmarès, son succès de Bruxelles occupe, assurément, une place de choix. Il ne profite pas très longtemps de son beau maillot jaune. Moins de trente kilomètres à peine, parcourus contre la montre en solitaire, ce qui vaut cependant au Flandrien un joli succès de foule. Si l’Italien Nencini le dépossède du maillot, c’est Rivière qui s’impose. Recordman du monde de l’Heure – il est le premier à avoir franchi la barre des 47 km –, le Français connaît un destin tragique. En triomphant à Bruxelles, il s’installe dans la peau de l’un des grands favoris du Tour.

Compte tenu de l’absence d’Anquetil, il hérite de la confiance de l’équipe de France. Au fil du Tour, il devient le dernier rival de Gastone Nencini, mais la 14e étape lui est fatale. Dans le petit col du Perjuret, il loupe un virage, passe au-dessus du parapet, et tombe lourdement plusieurs mètres plus bas. Il a deux vertèbres fracturées, la moelle épinière est atteinte. Roger Rivière ne remontera plus jamais sur un vélo. La carrière et la vie d’un champion sont brisées…


1961

3e ÉTAPE Roubaix - Charleroi (197,5 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Emile Daems (BEL)
2. Frans Aerenhouts (BEL)
3. Michel Van Aerde (BEL)
MAILLOT JAUNE
Jacques Anquetil (FRA)

Et un, et deux, et trois !

Emile Daems. (BELGA)

Emile Daems. (BELGA)

La première fois que le Tour s’était arrêté dans la ville carolorégienne, l’équipe de France avait tout gagné : l’étape était revenue à Gilbert Bauvin alors que Jacques Anquetil s’était emparé du maillot jaune. Le premier maillot du Normand, et cela lui avait porté chance.

Anquetil est, déjà, en jaune, cette fois, lorsqu’il arrive à Charleroi, mais s’il appartient au premier peloton, ce n’est pas l’un de ses équipiers qui s’impose. Bien au contraire : les Belges ont raflé les trois premières places. Et de un : Emile Daems! Et de deux: Frans Aerenhouts! Et de trois : Michel Van Aerde ! Un véritable triomphe qui comble d’aise la bonne ville de Charleroi. A l’Hôtel de l’Europe, où l’équipe nationale belge a pris ses quartiers, c’est la fête. Commentaire et interview de l’un des envoyés spéciaux de La Dernière Heure. “Pas facile d’entrer à l’Hôtel de l’Europe. Une foule compacte bouche l’entrée. Il faut montrer patte blanche. Un agent compréhensif nous permet d’accéder au premier où se débarbouillent les coureurs (…) Emile Daems, frais comme une rose, heureux comme un roi, s’amène. Très entouré, interviewé, fleuri, Milleke nous dit : 'En bas de la côte d’Assaut, j’ai reconnu Zacharie Lejeune qui m’a crié : 'Vas-y Emile, tu gagnes.' Vous connaissez la suite. J’ai pu me faufiler en tête et passer la ligne d’arrivée en vainqueur facile. Je ne suis pas fatigué du tout et, sans prétention aucune, j’espère faire honneur à ces messieurs de la Ligue qui m’ont fait confiance. Je n’ai que 23 ans, je suis jeune marié, j’ai un petit gosse, il faut que je pense à eux. Ce Tour est pour moi une expérience que je souhaite mener à bien.

A une époque où les routiers belges écument les classiques, Emile Daems réussit à se forger un joli palmarès. Un an avant son succès dans le Tour, il a remporté le Tour de Lombardie, la difficile classique italienne. Il triomphe aussi, en 1962, dans l’autre grande course de la Botte, Milan-Sanremo.

Et un an plus tard, il accroche Paris-Roubaix à son actif. Dans le Tour, qu’il dispute pour la toute première fois, il sera encore plus productif lors de l’édition suivante, s’imposant à trois reprises, à
Saint-Malo, à Aix-en-Provence et à Briançon, cette ultime victoire étant obtenue après les escalades du col du Restefond, de Vars et de l’Izoard. Pour quelqu’un qui n’affectionne pas franchement la montagne, ce n’est pas si mal...

Né à Genval, mais Bruxellois d’adoption, Emile Daems est le seul coureur wallon à avoir remporté une étape du Tour s’achevant en Wallonie !


1962

1re ETAPE Nancy - Spa (253 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Rudi Altig (ALL)
2. André Darrigade (FRA)
3. Rik Van Looy (BEL)
MAILLOT JAUNE
Rudi Altig (ALL)

2e ÉTAPE A Spa – Herentals (147 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. André Darrigade (FRA)
2. Frans Melckenbeeck (BEL)
3. Willy Vannitsen (BEL)
MAILLOT JAUNE
André Darrigade (FRA)

2e ÉTAPE B clm par équipes Herentals – Herentals (23 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Faema - Flandria (BEL)
2. VC XIIe - Gitane - Leroux (FRA)
3. ACBB - St. Raphaël - Helyett (FRA)
MAILLOT JAUNE
André Darrigade (FRA)

L’Empereur battu sur ses terres

Rik Van Looy fait ses débuts dans le Tour de France en 1962, un rien tardivement peut-être, jugent les journalistes à l’époque. Le champion du monde a, c’est vrai, déjà disputé cinq fois le Giro, dont un qu’il a terminé à la 4e place du classement final; et il se classe troisième dans l’une de ses deux Vueltas. L’arrivée de celui qu’on surnomme l’Empereur d’Herentals sur la Grande Boucle ne passe pas inaperçue. Van Looy, c’est un bagarreur, un seigneur qui ne conçoit la course cycliste que via l’offensive. Il aborde chaque étape comme s’il s’agissait d’une classique, domaine où, on le sait, il excelle depuis plusieurs saisons déjà. Pourtant, en deux jours, il connaît deux cruelles désillusions.

A Spa, il est battu par Altig, alors qu’il a dominé, largement, l’étape, faisant exploser le peloton. Et, surtout, chez lui, à Herentals, il a commis – c’est un comble ! – une erreur de parcours, laissant la victoire à Darrigade.

Avec son maillot arc-en-ciel sur les épaules, le néophyte Van Looy entend bien secouer ce peloton dans l’étape menant de Nancy à Spa. Une étape de plaine, dit-on, mais on se trompe. En additionnant les différentes altitudes du parcours, on arrive à 1.520 mètres d’ascension, ce qui place cette manche initiale du Tour 62 à la cinquième place parmi les plus pentues, juste derrière les deux étapes des Alpes et les deux pyrénéennes. Van Looy n’est pas ce qu’on peut appeler un grimpeur, mais peu lui importe. Il profite d’une descente pavée, sinueuse et dangereuse, à la sortie de Wiltz, à 85 km du but, pour provoquer une première bataille. Même ses équipiers sont surpris par son action. Il y a des coureurs partout. Le temps de s’organiser, et on se rend compte qu’un cinquième du peloton seulement a résisté à l’action du champion du monde.

Pour Van Looy, ce n’est pas encore suffisant. Dans la côte de la Grande Vecquée, il accélère à nouveau. Le petit peloton de tête perd plusieurs unités, dont Vannitsen, un candidat sérieux en cas de sprint, mais aussi l’ancien vainqueur Charly Gaul, moins à l’aise sur la côte ardennaise que dans les cols alpins. En vue de Spa, ils ne sont plus qu’une vingtaine en tête. Gaul est à près de deux minutes, Bahamontes et le débutant Poulidor, à huit et près d’un tiers du peloton accuse plus de vingt minutes de retard ! Van Looy a fait mal. Ses équipiers lui préparent le sprint, mais à trois mètres de la ligne, Rik II laisse l’initiative à Darrigade. C’est une erreur. Le Français l’embarque vers les barricades, Van Looy est enfermé et un troisième larron, le solide Rudi Altig, s’adjuge la victoire. L’Allemand endosse évidemment le maillot jaune que détenait, au départ, son équipier Anquetil.
Le lendemain, entre Spa et Herentals, l’étape est très animée également, mais comme elle est courte et dépourvue de grosses difficultés, un peloton encore imposant fonce dans les rues de la cité de l’Empereur. Or c’est là que Rik, peu avant le sprint, se trompe. Le sprint lui échappe. Il ne termine que 4e, alors que Darrigade, avec lequel il a un compte à régler depuis la veille, s’impose et revêt, à son tour, le maillot jaune.

Les supporters de Rik Van Looy se consolent quelque peu, l’après-midi, lorsque l’équipe de leur favori s’impose dans la manche chronométrée. Mais ce n’est qu’une mince consolation…

Jacques Anquetil en 1962.

Jacques Anquetil en 1962.


1963

2e ÉTAPE A Reims - Jambes (185,5 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Rik Van Looy (BEL)
2. André Darrigade (FRA)
3. Frans Melckenbeeck (BEL)
MAILLOT JAUNE
Eddy Pauwels (BEL)

2e ÉTAPE B clm par équipes Jambes – Jambes (21,6 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Pelfort - Sauvage - Lejeune (FRA)
2. Faema - Flandria (BEL)
3. Peugeot - BP (FRA)
MAILLOT JAUNE
Eddy Pauwels (BEL)

Rik Van Looy, roi de Jambes 100%

“Ce n’était plus du délire. C’était une explosion ! Jamais nous n’avons entendu une ovation comme celle qui salua la victoire de Rik Van Looy à Jambes. Sauf, peut-être, quand Rik Van Steenbergen fut champion du monde à Waregem, en 1957.

La foule, qui avait suivi – par le micro – les péripéties des vingt derniers kilomètres de course, saluait son champion. Elle criait sa joie à celui qui, cent fois, avait mérité de vaincre et dont le succès, pourtant, avait été mis en péril. Rik Van Looy avait tout fait dans cette demi-étape Reims-Jambes. Il avait harcelé le peloton dès les premiers kilomètres. Il l’avait secoué. Il avait obligé Anquetil à répondre. Il avait démarré sous le nez de Bahamontes. Il avait étalé une classe si insolente qu’elle devenait inquiétante. Comme la veille, les maillots bleus de GBC-Libertas n’avaient pas cessé de se relayer au premier rang du peloton…

Et cependant…

Et cependant, à trois kilomètres de Jambes, quand une trentaine d’hommes rejoignirent Rik Van Looy, échappé depuis une vingtaine de kilomètres, tout cela aurait pu avoir un résultat mineur. On aurait pu couronner à Jambes un anonyme du peloton, un sprinter quelconque, quelqu’un dont on n’aurait parlé que dans les cinq cents derniers mètres. Dieu soit loué. Le meilleur homme de la course a gagné l’étape.

Rik Van Looy a obtenu la juste récompense de ses efforts insensés. Rik Van Looy a gagné à Jambes et Eddy Pauwels l’a accompagné sur le podium. L’un habillé de jaune, l’autre revêtu de vert, les deux coureurs belges ont complaisamment posé pour les photographes et répondu de bonne grâce aux acclamations.”

Le compte rendu, enthousiaste, de Jacques Lecoq, rédacteur en chef du journal Les Sports, se poursuit, de la même manière, sur plusieurs colonnes encore. Ce jour-là, les Belges ont comblé leurs supporters. Pourtant, cette première victoire de Van Looy dans le Tour est mise en doute par André Darrigade. Entre les deux sprinters, le courant ne passe pas vraiment. Ils se ressemblent sans doute trop, ils sont, comme le souligne encore Jacques Lecoq, inconciliables. Le Français est surpris de voir Van Looy brusquement surgir de l’arrière, le dépasser et... s’imposer. “Personnellement, je n’ai rien vu, mais Jacques Anquetil est venu me dire, après coup, que Rik avait été poussé vers l’avant pas un équipier !”

Van Looy est furieux. “Qu’est-ce qu’Anquetil à affaire dans cette histoire ? Peut-être ne voit-il pas d’un bon œil que je me suis octroyé une minute de bonification. A un certain moment, j’ai été déséquilibré et je me suis retenu à Aerenhouts, mon équipier. J’ai pris appui de la main sur son épaule. Mais je puis vous assurer que jamais, a u grand jamais, je n’ai été poussé.”

Peu importe au public de Jambes qui ignore cette ombre jetée sur la victoire de son favori…


1964

3e ÉTAPE A Amiens - Forest (196,5 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Bernard Vandekerkhove (BEL)
2. Jean Stablinski (FRA)
3. Gilbert Desmet (BEL)
MAILLOT JAUNE
Bernard Vandekerkhove (BEL)

3e ÉTAPE B clm par équipes Forest – Forest (21,3 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Kas - Kaskol (ESP)
2. Pelfort - Sauvage - Lejeune (FRA)
3. Wiel's - Groene Leeuw (BEL)
MAILLOT JAUNE
Bernard Vandekerkhove (BEL)

Vandekerkhove venge son leader

Même si elle est remportée par un coureur belge, Edouard Sels, la première étape du Tour de France
64, qui mène de Rennes à Lisieux, est dramatique pour la Belgique. A 4 km du but, pris dans une chute collective, Rik Van Looy tombe lourdement. Il n’a pas de fracture mais la tête a heurté le bitume, et il souffre d’une commotion. Il repart le lendemain et termine la deuxième manche, mais la nuit suivante, de forts maux de tête l’obligent à abandonner. Il ne repart pas d’Amiens, le jour où le Tour pénètre en Belgique. Ses supporters sont terriblement déçus. Et pourtant, quelques heures plus tard, à Forest, ils font la fête.

Bernard Vandekerkhove, un équipier de l’Empereur, s’impose au sprint devant ses compagnons d’échappée, Stablinski, Gilbert Desmet I et Anastasi. Le grand routier de l’équipe Solo-Superia fait même coup double, puisqu’il endosse le maillot jaune que détenait, depuis deux jours, un autre de ses équipiers, Sels.

Très vite d’ailleurs et un peu gêné sans doute, Vandekerkhove s’excuse : “Je n’ai pas couru contre Sels. J’ai seulement cherché à contrer Gilbert Desmet.” Mais vous avez quand même pris des relais, lui réplique-ton, alors qu’en tant qu’équipier du maillot jaune, vous auriez dû montrer plus de réserve. “Oui, je suis passé quelques fois, mais mes relais étaient très courts et nullement appuyés. Quand je menais vingt mètres en coupant légèrement, Gilbert Desmet emmenait cinq cents mètres à fond et c’est ce qui explique que j’étais tellement frais à l’arrivée.”

C’est sûr, Desmet est déçu, car il se voyait en jaune. Bon finisseur, il a cependant trop payé de sa personne.
Car si Vandekerkhove a assuré, mollement, quelques relais, Stablinski, en tant qu’équipier du favori de la course, Jacques Anquetil, n’en a pris aucun. “J’ai pratiquement assuré tout le boulot dans les derniers kilomètres”, explique Desmet. “Et au moment du sprint, ma chaîne a sauté et je me suis retrouvé sur un développement trop important pour la côte d’arrivée.” A Forest, l’équipe Solo de Rik Van Looy hérite, ainsi, du prix La tête et les jambes. Le jury a décidé de l’attribuer aux équipiers de l’Empereur qui ne se sont pas démoralisés après l’abandon de leur patron et capitaine de route…


1965

1re ÉTAPE A Cologne - Liège (149 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Rik Van Looy (BEL)
2. Georges Vandenberghe (BEL)
3. Edward Sels (BEL)
MAILLOT JAUNE
Rik Van Looy (BEL)

1re ÉTAPE B clm par équipes Liège – Liège (22,5 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Ford-France - Gitane (FRA)
2. Peugeot - BP - Michelin (FRA)
3. Solo - Superia (BEL)
MAILLOT JAUNE
Rik Van Looy (BEL)

Carton plein pour Rik à Liège

Après Leoni, Schaer et Darrigade, que seul Bartali a précédé au palmarès des arrivées du Tour de France dans la Cité ardente, c’est encore un sprinter qui s’impose. Et pas n’importe lequel ! Celui que tous les spectateurs massés à la plaine de Droixhe souhaitent le plus voir triompher : Rik Van Looy ! Au terme de cette toute première étape de la Grande Boucle, en provenance de Cologne, l’Empereur a véritablement fait le plein. Le plein de bravos et d’applaudissements, le plein au niveau sportif car, outre son succès, il décroche, bien entendu, le maillot jaune.

C’est donc un sprint quasi massif qui clôture cette manche initiale du Tour de France 1965. Certes, Van Looy est rapide, mais lorsqu’on relève les noms de ceux qui terminent dans son sillage, on s’incline devant la réussite du leader de la formation Solo-Superia. Il précède ainsi, dans l’ordre, le petit Georges Vandenberghe, le grand Edouard Sels, champion de Belgique, et l’un de ses équipiers, le Hollandais De Roo, Vandekerkhove, un autre membre de sa garde rouge, Benoni Beheyt, son ancien rival de Renaix, l’Italien Motta, etc. Un sprint vraiment royal. Il est curieux de retrouver deux de ses équipiers, non loin de lui, sur la photo d’arrivée. En réalité, chacun a sprinté pour soi.
D’ailleurs, Van Looy explique : “Personne ne m’a emmené le sprint. A cent mètres, j’étais encore enfermé. De Roo et Motta étaient en tête, avec d’autres coureurs à leurs côtés, si bien que la
route était barrée sur toute la largeur. Je désespérais quand, à cinquante mètres de la ligne, j’ai vu un trou sur la gauche. J’y ai plongé sans l’ombre d’une hésitation pour déborder tout le monde dans les tout derniers mètres.”

Tout sourire, Rik Van Looy effectue alors un tour d’honneur avec son précieux maillot jaune. Sa victoire d’étape lui rapporte au passage une bonification d’une minute. Or ce petit viatique
est très utile car, dans l’après-midi, Liège hérite d’une seconde demi-étape, disputée par équipes et contre la montre.

Le temps s’est brusquement dégradé et les conditions climatiques sont très changeantes. Certaines équipes effectuent leur parcours sous la pluie, d’autres, par temps sec; les Solo-Superia du maillot jaune affrontent un vent tourbillonnant. Finalement, Van Looy, qui a souffert dans cet exercice qu’il n’affectionne guère, termine troisième avec les siens, à six secondes des coureurs de l’équipe Ford-France qui s’imposent, malgré l’absence de leur leader, Jacques Anquetil.
Au classement général, où les temps réalisés sont reportés, quasi toute la formation française, Lucien Aimar et Den Hartog en tête, se retrouve ainsi dans la foulée de Van Looy.

“Pourtant, ce maillot jaune, je ne le défendrai pas à tout prix”, glisse encore l’Empereur. “Je ne vais pas courir après tout ce qui bouge, mais je garderai seulement à l’œil ceux qui visent la victoire finale, Poulidor, Janssen, Adorni et quelques autres encore…”


1966

2e ÉTAPE Charleville - Tournai (198 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Guido Reybrouck (BEL)
2. Janssen (P-B)
3. Sels (BEL)
MAILLOT JAUNE
Rudi Altig (ALL)

3e ÉTAPE A Tournai clm par équipes (20,8 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Televizier (P-B)
2. Smiths (BEL)
3. Pelfort-Sauvage (FRA)
MAILLOT JAUNE
Rudi Altig (ALL)

Guido Reybrouck ressuscite à Tournai

Les photos de l’arrivée sont claires : c’est très nettement que Guido Reybrouck devance Jan Janssen et Edouard Sels alors que le reste du petit peloton qui a déboulé à folle allure dans les rues de la cité des Cinq Clochers est nettement décollé. Le succès du petit sprinter de Bruges relève du miracle. Trois semaines avant le départ du Tour, sa participation est sérieusement remise en question. Guido souffre de maux d’estomac et des intestins. La veille de la première étape, au matin, il demande à son directeur sportif, Guillaume Driessens, de le remplacer in extremis au sein de sa formation Smiths. “Je n’ai pas dormi de la nuit à cause de coliques. Je ne me sens pas capable d’aborder une épreuve comme le Tour.” Driessens refuse : “Il est trop tard ! Qu’est-ce que tu crois ? Ce n’est plus possible. Les douleurs vont disparaître en course. Tu es simplement trop nerveux.”

Si le directeur sportif insiste de la sorte, c’est aussi parce qu’un an plus tôt, Reybrouck a gagné deux étapes. Un tel élément ne se remplace pas au pied levé. La suite donne raison à Driessens. Deux jours après, alors que s’achève l’étape Charleville-Tournai, Guido Reybrouck impose sa redoutable pointe de vitesse à ses compagnons d’échappée. Le tout au terme d’une étape redoutable et disputée à folle allure.

Sur les pavés de la région du Centre, une tout belle bagarre éclate. A La Louvière, un commando de choc occupe la tête. On retrouve là un champion du monde, Simpson, un maillot jaune, Rudi Altig, vainqueur la veille à Charleville, un Empereur, Rik Van Looy, et deux champions wallons bien décidés à se montrer devant leurs supporters, Vanconningsloo et Mathy. Mais à l’arrière, les favoris que sont Anquetil et Poulidor font rouler leurs équipiers et après une terrible bataille, le peloton se reforme, l’espace de quelques instants. Car un nouveau groupe se dégage, comprenant, cette fois, des coureurs comme Jan Janssen, un autre favori, Reybrouck, Sels, Den Hartog, De Pra, etc. Très vite, le maillot jaune d’Altig est mis en péril. Une chute de Poulidor modifie les données. Anquetil se porte en tête du peloton et aide Altig dans la poursuite, ce qui permet à l’Allemand de sauver son maillot jaune. “Je ne savais pas que Poulidor était tombé”, prétend Maître Jacques, “je voulais seulement me porter à l’avant pour… éviter les chutes.”

Même l’observateur neutre est sceptique. Peu importe. Poulidor est revenu dans le peloton d’Altig et d’Anquetil. Mais la bagarre a laissé des traces et plusieurs coureurs, arrivés hors des délais, ont été éliminés. Reybrouck a gagné des sprints dans les trois grands tours nationaux, il s’est, aussi, imposé à trois reprises dans Paris-Tours, la course des routiers-sprinters.


1967

5e ÉTAPE A Roubaix - Jambes (172 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Roger Pingeon (FRA)
2. Raymond Riotte (FRA)
3. Jos Van der Vleuten (P-B)
MAILLOT JAUNE
Roger Pingeon (FRA)

5e ÉTAPE B Jambes clm par équipes (17 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Belgique
2. France
3. Pays-Bas
MAILLOT JAUNE
Roger Pingeon (FRA)

Pingeon, la tête et les... Jambes

Le jeu de mots est certes facile et nous prions d’accepter nos excuses pour l’avoir, une fois encore, commis. Mais est-il possible de mieux résumer le coup de force réussi par Roger Pingeon, le mardi 4 juillet 1967, quand la première partie de la cinquième étape du Tour s’achève non loin de Namur ? Pingeon, on ne le sait pas encore, a ce jour-là jeté les bases de sa future victoire finale dans la Grande Boucle.

“S’il y a quelqu’un qui est surpris, c’est bien moi”, explique le grand Roger à l’arrivée. “Jamais, mais alors jamais, je ne me suis attendu à réussir dans ma tentative. Et ce matin, au départ de Roubaix, si on avait laissé entendre qu’à Jambes je serais détenteur du maillot jaune, j’en aurais rigolé. Pourtant, cette fois, il n’y a pas de doute à avoir. Je suis leader du Tour. Lors de l’étape de Roubaix, j’avais quelque peu souffert. Mes jambes faisaient mal à l’arrivée. En quelques mots, je n’avais pas passé l’Enfer sans difficulté. Aujourd’hui, je n’ai absolument plus rien ressenti et c’est sans aucun mal que j’ai lâché mes compagnons d’échappée. Trop peu des coureurs qui se trouvaient en ma compagnie voulaient consentir des efforts pour creuser l’écart. Alors, j’ai décidé d’y aller seul. La suite me surprend, je l’avoue une nouvelle fois. Voilà trois ans que je suis professionnel, mais c’est le premier grand jour de ma carrière…”

La joie que Roger Pingeon exprime à Jambes se comprend. Il a réussi un joli coup qui compte triple: la victoire d’étape, le maillot jaune et… le leadership au sein de l’équipe de France, l’organisation du Tour étant revenue, pour deux ans, à la formule des équipes nationales. Comment les événements du jour, essentiels dans le contexte global de l’épreuve, ont-ils pu se produire ? Comme bien souvent, l’étape belge du Tour est très animée. Peu après le départ de Roubaix déjà, les premières attaques se dessinent, le jeune Walter Godefroot étant parmi les plus prompts à se mettre en évidence. La première action sérieuse est notée à Tertre, après 50 km. Un peloton d’une quinzaine de coureurs, comprenant, entre autres, Vandekerkhove, Van Looy, Riotte, Pingeon, Van der Vleuten, Polidori et Letort, s’est dégagé. A Merbes-Sainte-Marie, ce groupe devance le peloton de deux minutes, ce qui fait de Polidori le virtuel maillot jaune.

Le Mur de Thuin constitue un tournant de l’étape. Pingeon le franchit en tête devant Vandekerkhove. Le Français affiche une belle forme et à la sortie de Marcinelle, jugeant que dans le petit groupe figurent trop de coureurs ne prenant pas des relais efficaces, il part seul. A Floreffe, Pingeon compte une minute d’avance sur le Hollandais Van der Vleuten, 1.45 sur le groupe avec Van Looy, le peloton des favoris est à plus de cinq minutes. A 10 km de Jambes, Pingeon a encore creusé les écarts. Il escalade en souplesse la montagne Sainte-Barbe, plonge ensuite vers la Meuse et triomphe à Jambes.


1968

2e ÉTAPE Arlon - Forest (210,5 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Eric De Vlaeminck (BEL)
2. Jean-Pierre Genet (FRA)
3. Georgs Pintens (BEL)
MAILLOT JAUNE
Charly Grosskost (FRA)

3e ÉTAPE A Forest clm par équipes (22 km)

CLASSEMENT ÉTAPE
1. Belgique A
2. France A
3. Espagne
MAILLOT JAUNE
Herman Vanspringel (BEL)

Le roi du cyclo-cross gagne à Forest

Un frère peut en cacher un autre. Beaucoup connaissent Roger De Vlaeminck, c’est pourtant son aîné, Eric qui, le premier, gagne une étape du Tour de France.

Roi du cyclo-cross – entre 1966 et 1973, il est sacré à sept reprises champion du monde de la spécialité chez les professionnels –, Eric De Vlaeminck est, aussi, un excellent routier. Dans ce Tour de France 1968, Eric appartient à l’équipe de Belgique B aux côtés du Wallon Ferdinand Bracke et du Gantois Walter Godefroot. Cette deuxième manche du Tour est 100 % belge, puisque le peloton part d’Arlon pour rejoindre Forest, au terme d’une randonnée, pratiquement en ligne droite, de 210 bornes. Seuls les derniers cinquante kilomètres sont, cependant, dignes d’intérêt, lorsque Herman Vanspringel, le leader de la première des deux formations belges, porte une accélération. Poulidor, grand favori de la course, est le premier à réagir, puis Bracke, Godefroot, Janssen, enfin Perez-Frances et l’Anglais d’Herstal Michael Wright suivent à leur tour le mouvement. Ce groupe, qui ne manque assurément pas d’allure, ne réussit pourtant pas à prendre le large. Un moment, Vanspringel est considéré comme le virtuel maillot jaune, mais au passage de Braine-l’Alleud, le peloton a récupéré les attaquants. L’instant d’après, de nouvelles attaques se produisent. Ce sont Houbrechts, puis Echevarria, Monteyne, enfin Eric De Vlaeminck et Jean-Pierre Genet qui, finalement, parviennent à échapper au groupe des favoris qui se neutralisent.

Les attaquants arrivent à Bruxelles. Au sommet de l’avenue du Mystère, à Forest, Houbrechts joue les équipiers modèles au profit d’Eric De Vlaeminck qui règle, proprement, le sort de ses compagnons d’échappée sur la ligne d’arrivée, tracée avenue du Globe.
Succès belge donc le samedi, succès belge, aussi, le dimanche matin, sur le circuit de Forest où l’étape est disputée par équipes contre la montre. Des bonifications récompensent les meilleurs de chaque équipe et, à ce petit jeu, Herman Vanspringel sort vainqueur.

La victoire de la formation belge lui permet de récolter 20 secondes et d’endosser le maillot jaune, au détriment de Charly Grosskost. La Belgique se met à rêver d’une possible victoire d’un coureur belge à l’arrivée à Paris. La désillusion sera cruelle…

Sous la conduite d’Herman Van Springel qui va prendre le maillot jaune, l’équipe belge enlève le chrono par équipes sur les hauteurs du Parc Duden, à Forest, en juillet 1968.

Sous la conduite d’Herman Van Springel qui va prendre le maillot jaune, l’équipe belge enlève le chrono par équipes sur les hauteurs du Parc Duden, à Forest, en juillet 1968.


À suivre...

Évocations réalisées par Joël Godaert