La grande histoire de la Coupe du Monde (5/8)
1994 > 1998
De l'Auriverde, des Bleus
et des Diables rouges de colère

1994
Brésil

1994
ÉTATS-UNIS > BRÉSIL
MAUDIT BAGGIO, BÉNI ROMARIO
Avec Paul Van Himst sur le banc, les Diables réalisèrent un premier tour marqué du sceau de l’irrégularité, entre une victoire face aux Pays-Bas avec un super Preud’homme et un camouflet contre l’Arabie Saoudite du funambule Al-Owairan. Mais l’Allemagne, tenante du titre, et M. Röthlisberger représentèrent pour eux une marche trop élevée en huitièmes de finale.
Si la Suède et la Bulgarie ont fait souffler un vent frais sur un Mondial écrasé de chaleur, le génial buteur brésilien Romario sauva de l’ennui une compétition triste et fermée, à l’image de sa finale sans goal, jouée aux tirs au but (0-0, 3 t.a.b. à 2).
Dans cet exercice Roberto Baggio, l’autre grand esthète, propulsa son tir au but dans les nuages. La Seleção se hissa à nouveau sur le toit du monde, 24 ans après Pelé et ses équipiers.
Quelques autres joueurs de classe avaient émergé, comme le Roumain George Hagi ou le Bulgare Hristo Stoitchkov, qui hissa son équipe dans le dernier carré pour la seule fois de son histoire, après une victoire historique contre l’Allemagne (2-1). Maradona fut, lui, chassé de la compétition après un contrôle antidopage positif. En inscrivant un but à 42 ans, le Camerounais Roger Milla établit un nouveau record…
> Albert Roger Mooh Miller, qui fera carrière sous le nom de… Roger Milla, a marqué ce Mondial, au propre comme au figuré. La Russie passe six buts aux Camerounaismais le vieux Lion sauve l’honneur en marquant son 5e but pour sa troisième Coupe du Monde. À 42 ans et 39 jours, il détient le record du plus vieux buteur de la compétition. Il n'est plus le plus vieux joueur depuis que le Colombien Mondragon a joué en 2014…
> Lors de cette phase finale, différentes couleurs furent utilisées pour les maillots des arbitres, à la place du traditionnel maillot noir.
> Ce fut la dernière Coupe du Monde où les équipes classées troisièmes lors des poules pouvaient encore se qualifier pour les huitièmes de finale.
> Succès populaire pour cette compétition américaine : avec une moyenne de 68.994 spectateurs pour la World Cup, les Américains ne sont pas près de perdre ce record.
> Lors du match contre les USA, le gardien italien, Gianluca Pagliuca, est exclu: c’est la première fois dans l’histoire du Mondial qu’un dernier rempart reçoit un carton rouge.
> Gabriel Batistuta est le seul joueur ayant réussi un triplé dans deux éditions successives. Triple buteur face à la Grèce le 21 juin 1994, il récidiva quatre ans plus tard, jour pour jour !
LE SAVIEZ-VOUS ? 🤔
— Coupe du Monde 🏆 (@fifaworldcup_fr) 23 mai 2018
Le Russe Oleg Salenko a marqué 5 buts dans un seul match de Coupe du Monde. Seul quintuplé de l’histoire !
Ça s’est passé en 1994 lors de la victoire 6-1 face au Cameroun. 🇷🇺 #WednesdayWisdom pic.twitter.com/gkihosi6yv
> L’attaquant russe Oleg Salenko devint le premier joueur à inscrire 5 buts au cours d’un même match de Coupe du Monde contre le Cameroun.
Tous les résultats de la World Cup 1994 ici
FINALE
Los Angeles, Rose Bowl
Brésil - Italie (tab: 3-2) 0-0
BRÉSIL Taffarel, Jorginho (22e Cafú), Aldair, Marcio Santos, Branco, Mazinho, Mauro Silva, Dunga, Zinho (106e Viola), Bebeto, Romário.
ITALIE Pagliuca, Mussi (34e Apolloni), F. Baresi, Maldini, Benarrivo, Berti, D. Baggio (95e Evani), Albertini, Donadoni, R.Baggio, Massaro.
TIRS AU BUT Baresi (0-0), Marcio Santos (0-0), Albertini (0-1), Romário (1-1), Evani (1-2), Branco (2-2), Massaro (2-2), Dunga (3-2), Baggio (3-2)
AUX DIABLES LE MONDIAL
Un surhomme et un arbitre véreux
Une victoire probante contre le Maroc et un véritable exploit face aux Pays-Bas, chaque fois au Citrus Bowl d’Orlando avaient d’ores et déjà qualifié les Diables Rouges pour les huitièmes de finale de la World Cup. Ils ne devaient plus grappiller qu’un petit point, à Washington, contre l’Arabie Saoudite, pour être assurés de la première place. Une première place qui était triplement importante : elle permettait de continuer de jouer à Orlando – donc de rester à Daytona, où les Diables avaient établi leurs quartiers – et de rencontrer l’Eire ou le Mexique plutôt que, très probablement, l’Allemagne. Enfin, cette dernière perspective ne laissait que deux jours de repos aux Belges entre les deux rencontres. Mais Saeed Al Owairan s’érigea en bourreau des Diables, lors du troisième match de groupe, perdu 1-0 par la Belgique. Parti du rond central, le Saoudien passa en revue, sans aucune difficulté, cinq joueurs belges qui se contentèrent de le regarder, avant de fusiller Preud’homme. Le Saoudien avait signé un raid solitaire et inscrit un des plus beaux buts de l’histoire de la compétition. Cette fois, MPh n’avait rien pu faire !
Le gardien liégeois allait connaître une riche année 1994, marquée par deux récompenses suprêmes pour un gardien de but : le prix Yachine récompensant le meilleur keeper de la World Cup et le titre de Gardien de l’Année.
“Sur le plan individuel, je les mets sur le même pied que mes Souliers d’Or”, confie le nouveau manager du Standard, qui défendait les filets malinois à l’époque avant de filer vers Benfica. “C’est évidemment très valorisant, mais un prix individuel ne remplacera jamais la liesse qui fait suite à une victoire collective.”
Contre les Pays-Bas, Michel Preud’homme, au premier tour, était même devenu… surhomme ! “J’ai peut-être fait la différence sur ce match-là mais je pense avoir également livré de bons matches face au Maroc et à l’Allemagne, que nous n’aurions pas dû affronter si rapidement dans le tournoi.”
Ce 2 juillet 1994-là, dans la moiteur du Soldier Field de Chicago, les commentaires des Diables Rouges exhalaient un très désagréable goût de fiel. Éliminés par les Allemands en huitième de finale, les joueurs belges ne se révélèrent pas mauvais perdants : ils ne comprenaient pas, tout simplement, pourquoi l’arbitre – un Suisse allemand – n’avait pas pénalisé d’un coup de réparation et d’une expulsion du coupable une faute caractérisée d’Helmer sur Weber dans la surface de réparation allemande. On disputait la 69e minute du match et la Mannschaft menait alors par trois buts à un…
“La faute était flagrante. Si j’étais membre de la Fifa, ce monsieur n’arbitrerait plus aucune rencontre dans ce tournoi !” avait clamé Paul Van Himst, avec la sérénité de l’honnête homme sûr de sa bonne foi..
L’arbitre se nommait Kürt Röthlisberger. Il avait commis, pour le moins, une erreur d’appréciation… pour laquelle il allait effectivement être évincé de l’épreuve et qu’il reconnut par la suite, trop tard, hélas ! Un Suisse que l’Uefa a suspendu à vie, trois ans plus tard, après qu’il fut convaincu de tentative de corruption : Röthlisberger avait proposé à Erich Vogel, le manager des Grasshopper Zurich, d’acheter pour 2,5 millions de francs belges (nous étions en 1997…) la magnanimité de son ami, le Bélarusse Vadim Zhuk, désigné pour diriger le match de Ligue des Champions Grasshopper – Auxerre…
LA SÉLECTION BELGE
22 JOUEURS
1. Michel Preud’homme (VK Malines)
2. Dirk Medved (Club Bruges KV)
3. Vital Borkelmans (Club Bruges KV)
4. Philippe Albert (SC Anderlecht)
5. Rudi Smidts (Antwerp FC)
6. Lorenzo Staelens (Club Bruges KV)
7. Franky Van der Elst (Club Bruges KV)
8. Luc Nilis (SC Anderlecht)
9. Marc Degryse (SC Anderlecht)
10. Enzo Scifo (AS Monaco-Fra)
11. Alex Czerniatynski (VK Malines)
12. Filip De Wilde (SC Anderlecht)
13. Georges Grün (Parma AC-Ita)
14. Michel De Wolf (SC Anderlecht)
15. Marc Emmers (SC Anderlecht)
16. Danny Boffin (SC Anderlecht)
17. Josib Weber (SV Cercle Bruges puis SC Anderlecht*)
18. Marc Wilmots (Standard de Liège)
19. Eric Van Meir (Charleroi SC)
20. Dany Verlinden (Club Brugge KV)
21. Stephan Van Der Heyden (Club Bruges KV)
22. Pascal Renier (Club Bruges KV)
Sélectionneur : Paul Van Himst
*Josip Weber a – fédéralement - changé de club d’appartenance lors du dernier match contre l’Allemagne, disputé le 2 juillet !



Michel Preud'homme : “Nous étions partis pour aller loin”
Au pays de l’Oncle Sam, les prestations de MPh ne furent pas sans rappeler celles de Lev Yachine
La tragique soirée bolognaise est encore dans toutes les mémoires et plus particulièrement dans celle de Michel Preud’homme lorsque les Diables s’attèlent à valider leur ticket pour les States.
La phase de qualification débute par une victoire aux allures de minimum syndical face aux Chypriotes (1-0) avant un envol pour une destination inédite : les Iles Féroé que la FIFA et l’UEFA viennent à peine d’intégrer dans leur giron.
Jusque-là contrainte de demander l’hospitalité à un pays voisin, en l’occurrence la Suède, pour recevoir ses adversaires, la fédération féroïenne est parvenue à faire sortir de terre, un terrain, une tribune et des vestiaires au confort sommaire pour accueillir la Belgique. Michel Preud’homme se souvient parfaitement de cette expédition dans l’inconnu: "Nous avons atterri, logé et joué dans des îles à chaque fois différentes ! Il faisait jour toute la nuit et le rideau de notre chambre était trop peu épais que pour occulter la lumière. Quelle aventure !"
Un succès au petit trot (0-3) suivi de deux autres, beaucoup plus significatifs et importants face au Rassemblement des Tchèques et des Slovaques (appellation avant la scission définitive du pays) et contre la Roumanie laissent croire à une voie royale d’autant que les Gallois s’inclinent également à Bruxelles. Un 10/10 et même un 12/12 après une victoire à Nicosie qui ne garantissent encore rien du tout car des revers à Cardiff et à Bucarest vont obliger les Diables à resserrer les rangs pour grappiller dans la douleur le point nécessaire au Parc Astrid face au RTS. Un rendez-vous que Preud’homme a manqué en raison d’une blessure mais MPh est là et bien là au Citrus Bowl d’Orlando pour affronter le Maroc dans un premier temps : "Tu crevais de chaud (sic). Quarante degrés au soleil et cent pour cent d’humidité. En plus, pour ne pas me brûler aux coudes, j’étais obligé de me protéger en conséquence. Et je ne vous dis pas ce que je pouvais transpirer comme litres d’eau à l’entraînement ! Vous imaginez aussi ce que cela pouvait être pour les joueurs de champ."
Un contexte torride qui incommode forcément moins les Lions de l’Atlas et après une tête astucieuse de Degryse sur un centre de Nilis, le Miche sort le grand jeu devant Chaouch pour préserver les trois points.
Dans leur retraite à Daytona, les Diables Rouges ne songent pas seulement à entretenir leur condition et leur cohésion. A l’initiative de Roger Vanden Stock, ils sont même conviés à découvrir les joies du golf, le temps d’une après-midi ludique : "Une initiation à un sport qui m’était totalement inconnu jusque-là. J’ai trouvé ça super amusant et depuis lors, je suis devenu un habitué des greens."
Bref, un séjour apprécié de Mph qui partageait une chambre familiale avec Wilmots et Albert : "Comme j’étais l’aîné, il était logique de m’adjuger le grand lit. Marc et Philippe ont dormi dans la pièce d’à côté (rires)."
Six jours après avoir maté tant bien que mal le Maroc, la Belgique est de retour à Orlando pour y défier cette fois l’ancestral rival batave dans une atmosphère breughelienne fleurant bon la Bud et la Coors : "Si j’avais eu deux arrêts réellement déterminants à effectuer lors du premier match, contre les Pays-Bas, j’en ai dénombré une dizaine après coup" se souvient Michel.
Avant et après le but de Philippe Albert, Rijkaard, Bergkamp et Overmars notamment vont en effet se heurter à un Preud’homme en état de grâce et servi par un peu de réussite, comme très souvent dans ces cas-là.
"L’incroyable cavale de Saïd Oiwairan aurait été purement anecdotique si nous avions été un minimum réalistes en zone de finition"
Six sur six, le sans faute et donc la première place du groupe sont dès lors envisageables, à la condition de battre l’Arabie Saoudite. Une victoire et l’assurance pour les Belges de rencontrer un adversaire à leur portée, à savoir l’Irlande, tout en ne devant pas déloger.
Ici aussi, la mémoire de MPh est inoxydable vingt-quatre ans après: "L’incroyable cavale de Saïd Oiwairan aurait été purement anecdotique si nous avions été un minimum réalistes en zone de finition. Nous avons hérité d’une kyrielle d’occasions et ce jour-là, Marc (Wilmots) a été particulièrement malheureux au moment de conclure. A juste titre ou pas, je me remémore aussi qu’il pestait du fait que Josip Weber avait eu la préséance les matchs précédents. On a tout mis devant pour réparer la casse et j’ai encore eu du boulot car tout était ouvert. Cette défaite aussi inattendue que malvenue a hélas changé la donne. Dommage parce que nous étions partis pour aller loin, tout comme quatre ans auparavant, en Italie."
Et face à la Mannschaft en huitième, la malhonnêteté avérée de l’arbitre suisse, Kurt Röthlisberger, ne fera qu’ajouter à la frustration de nos compatriotes : "Si ce penalty indiscutable de Helmer sur Josip avait été sifflé, qui sait si nous n’aurions pas pu poursuivre notre route ?"
En partance pour Benfica, Michel Preud’homme se consolera en collectionnant les distinctions individuelles. Celle récompensant le meilleur gardien du Mondial et celle le consacrant meilleur gardien FIFA. Ce dernier trophée lui fut remis à Lisbonne, des mains de la veuve de Lev Yachine.


1998
France

1998
FRANCE > FRANCE
ET 1, ET 2, ET 3-0...
Devancés dans leur groupe éliminatoire par les Pays-Bas, les Diables durent passer par les barrages face à l’Irlande. Dans ce double duel, Luc Nilis campa le rôle du héros.
En France, la campagne des Diables fut marquée par trois partages de l’enjeu, dont celui arraché face au Mexique dans la fournaise bordelaise mais aussi par le clash entre Leekens et Scifo.
Loin de ces considérations, la France déjoua les pièges paraguayen, italien et croate pour se hisser en finale. Zinédine Zidane réussit là où Michel Platini avait échoué : il offrit enfin une Coupe du Monde aux Bleus, en signant un doublé de la tête contre le Brésil, dominé comme jamais en finale (3-0). Le bloc d’Aimé Jacquet avait atteint l’apogée de son expression collective le jour J, après avoir souffert contre le Paraguay (1-0 au but en or), l’Italie (0-0, 4 t.a.b. à 3) et la Croatie (2-1), demi-finaliste dès sa première participation, sept ans après avoir déclaré son indépendance.
> Hospitalisé quelques heures avant la finale, Ronaldo a été victime dans l’après-midi d’une crise d’épilepsie alors qu’il regardait un Grand Prix de Formule 1 à la télévision. C’est du moins ce que prétend la version officielle. D’autres personnes affirment que l’attaquant brésilien a souffert d’une crise cardiaque. Pourtant, Il Fenomeno se présenta sur le terrain, mais il rata son match…
> Le premier tournoi à 32 équipes avait accueilli pour la première fois le Japon et la Jamaïque, devenue une des coqueluches du public français.
> Lors de la Coupe du Monde 1998, joueurs iraniens et américains se sont retrouvés pour la première fois sur la même pelouse.
La Coupe du Monde ce n'est pas que du sport, c'est aussi des moments d'histoire et d'émotions. 🇮🇷🇺🇸
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> Le début de cette Coupe du Monde est endeuillé par la disparition du coprésident du comité d’organisation de la compétition (avec Michel Platini) Fernand Sastre.
> Davor Suker contribue largement au très beau Mondial de son équipe, la Croatie, demi-finaliste. Il inscrit 6 buts et finit meilleur buteur de la compétition. L’ancien attaquant du Real Madrid sera encore au Mondial 2002 et deviendra en 2012 président de la Fédération croate.
J-2⃣2⃣ avant la #CM2018 !
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22 comme le 22e Soulier d'Or de l'histoire de la Coupe du Monde. En l'occurrence : Davor Suker 🇭🇷
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> Robert Prosinecki est le premier joueur à marquer en Coupe du Monde pour deux pays différents. Buteur sous le maillot de la Yougoslavie à la World Cup 1994, face aux Emirats arabes unis, il a inscrit, à Lens, en 1998, le deuxième but de la Croatie face à la Jamaïque.
> Le Danois Ebbe Sand doit inspirer les remplaçants du monde entier. En huitième de finale, le joueur de Brondby marque le 3e but danois 16 secondes seulement après son entrée au jeu, pour sa première sélection. Il reste le buteur remplaçant le plus rapide de CM.
Who wants to play "What Happens Next"? ✋
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In 1998 Ebbe Sand made an instant impact for Denmark, but did he score or was he sent off? 🤔
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> Le match entre la Belgique et les Pays-Bas (0-0) fut une rencontre hâchée, surtout après la carte rouge reçue par Patrick Kluivert. Lorenzo Staelens l’avait traité de…violeur (l’attaquant batave avait été cité dans une sombre affaire de viol), et le Néerlandais avait réagi en repoussant le défenseur : “On peut aller loin pour gagner, certainement à un Mondial. Mais il y a des limites, et Staelens les a dépassées…”
Tous les résultats de la Coupe du Monde 1998 ici
FINALE
12 juillet 1998 - Saint-Denis, Stade de France
France - Brésil 3-0
FRANCE Barthéz, Desailly, Lizarazu, Thuram, Leboeuf, Deschamps, Djorkaeff (74e Vieira), Zidane, Karembeu (56e Boghossian), Petit, Guivarc’h (66e Dugarry).
BRÉSIL Taffarel, Cafú, Baiano, Aldair, Roberto Carlos, C.Sampaio (57e Edmundo), Leonardo (46e Denilson), Dunga, Rivaldo, Ronaldo, Bebeto.
Les buts : 27e Zidane (1-0), 45e Zidane (2-0), 90e Petit (3-0).
AUX DIABLES LE MONDIAL
SANS PERDRE… MAIS SANS GAGNER NON PLUS
Le Mondial français des Belges débuta par un derby des plats pays. Les deux voisins se neutralisèrent (0-0).
“Guus Hiddink m’avait surpris”, avoua Georges Leekens, le sélectionneur des Diables. “Jamais, il n’avait joué avec deux attaquants de pointe. Cette fois, il avait associé en attaque Kluivert et Hasselbaink.”
Mike Verstraeten, le solide défenseur anversois, confie : “Avec Lorenzo Staelens à mes côtés dans l’axe et Philippe Clement en pare-chocs, nous sommes parvenus à fermer la porte aux Hollandais. Ils nous étaient supérieurs sur le plan technique mais question caractère et organisation, nous n’avions rien à leur envier”.
Il faisait très chaud et même franchement étouffant, à Bordeaux, pour le deuxième match du groupe E.
Après plusieurs bouderies envers les Diables, Marc Wilmots avait réenfilé sa livrée dès la fin des éliminatoires. Face au Mexique, le Taureau de Dongelberg signa l’un de ses six doublés sous le maillot des Diables. Mais les Mexicains n’eurent besoin que de sept petites minutes pour revenir au score : “Quand on a la chance de mener 2-0 contre le Mexique, il n’est pas permis de se faire rattraper. Franky (NdlR : Van der Elst) n’a pas du tout supporté la chaleur et Gert (Verheyen) n’était pas bien dans le match…” se souvient Verstraeten.
La Belgique devait vaincre la Corée du Sud pour demeurer dans le tournoi. Un troisième partage en autant de rencontres sonna le glas de notre Coupe du Monde. Ce soir-là, Georges Leekens avait décidé de remplacer Enzo Scifo par Franky Van der Elst, un médian défensif, à la 65e minute. Cette substitution n’avait pas paru très adéquate dans la mesure où les Diables Rouges étaient tenus de s’imposer pour poursuivre leur route dans la compétition.
Ils quittèrent l’épreuve sans avoir perdu… mais sans avoir gagné non plus. “Avec le groupe qui était le nôtre et au vu de notre premier match, nous aurions dû nous qualifier”, déplore Mike Verstraeten.
LA SÉLECTION BELGE
22 JOUEURS
1. Filip De Wilde (SC Anderlecht)
2. Bertrand Crasson (SSC Napoli-Ita)
3. Lorenzo Staelens (Club Bruges KV)
4. Gordan Vidovic (Excelsior Mouscron)
5. Vital Borkelmans (Club Bruges KV)
6. Franky Van der Elst (Club Bruges KV)
7. Marc Wilmots (FC Schalke 04-All)
8. Luis Airton Oliveira Barroso (AC Fiorentina-Ita)
9. Jérôme Mbo Mpenza (Standard de Liège)
10. Luc Nilis (PSV Eindhoven-P-B)
11. Nico Van Kerckhoven (Lierse SK)
12. Philippe Vande Walle (SC Eendracht Alost)
13. Dany Verlinden (Club Bruges KV)
14. Vincenzo Scifo (SC Anderlecht)
15. Philippe Clement (RC Genk)
16. Glen De Boeck (SC Anderlecht)
17. Mike Verstraeten (FC Germinal Ekeren)
18. Gert Verheyen (Club Bruges KV)
19. Eric Van Meir (Lierse SK)
20. Emile Mpenza Lokonda (Standard de Liège)
21. Danny Boffin (FC Metz-Fra)
22. Eric Deflandre (Club Brugge KV)
Sélectionneur : Georges Leekens


Franky Van der Elst: "Ce que je changerais? La température!"
Franky Van der Elst ne conserve pas un agréable souvenir du Mondial français de 1998
Franky Van der Elst a disputé quatre Mondiaux, entre 1986 et 1998.
S'il n'en renie aucun, il n'a pas conservé le même souvenir ébloui de chacun d'eux: "Celui du Mexique, en 1986, s'impose naturellement. Pour le football belge et pour le grand public, il demeure incomparable. Sur le plan personnel, le bilan est plus mitigé. Je n'y ai pas brillé. Je n'avais rejoint les Diables qu'un peu moins de deux ans auparavant, boosté par mon transfert au Club Bruges. Au Mexique, l'altitude m'a posé de gros problèmes. Le moindre effort me laissait à bout de souffle et exigeait un trop long temps de récupération. Mais je suis content d'avoir vécu cet événement. Quatre ans plus tard, en Italie, on s'est régalé à l'exception de la première mi-temps contre la Corée du Sud, avant que Ceulemans ne monte au jeu. Puis il y eu ce but de Platt, pour nous rappeler que dans un tournoi majeur comme un Mondial, la moindre erreur peut signifier l'élimination. Une image me frappe encore. Après une victoire, nous nous étions réunis à quelques-uns dans une chambre, pour décompresser. Soudain, on frappe à la porte: c'était Guy Thys, le sélectionneur, qui s'invitait à venir boire un verre avec nous".
Aux Etats-Unis, en 1994, les Diables ont également révélé une belle image d'eux-mêmes. "Jusqu'à ce fantastique slalom du Saoudien al-Owairan qui nous a privés de la première place du groupe et qui nous a contraints, au tour suivant, à défier l'Allemagne plutôt que l'Irlande. Si nous avions affronté l'Irlande, nous n'aurions pas été floués, à Chicago, par l'arbitre suisse Röthlisberger..."
"Serais-je revenu si un autre que Georges m'avait sollicité? Peut-être pas"
Franky Van der Elst a dû se laisser convaincre de disputer le Mondial 1998 en France: "Après l'Euro 1996 en Angleterre, j'estimais que j'étais arrivé au terme de ma carrière de Diable rouge. J'avais 34 ans. J'avais demandé à Paul Van Himst de ne plus me sélectionner. Mais quand Georges Leekens a repris, de manière un peu impromptue, le flambeau que Wilfried Van Moer avait été contraint d'abandonner, après un court bail de cinq matches en neuf mois, je me suis laissé piéger. Georges m'avait téléphoné pour plaider sa cause. Le lendemain, alors que je réfléchissais toujours à mon retour j'ai pu lire, dans un quotidien néerlandophone, que ma décision était prise. Georges m'avait ainsi subtilement mis la pression. J'ai cédé, évidemment. Serais-je revenu si un autre que Georges m'avait sollicité? Peut-être pas. Je ne me suis laissé fléchir que parce que je me souvenais que nous avions oeuvré deux ans ensemble en bonne harmonie. "
Mais Franky Van der Elst ne conserve pas un souvenir extasié de ce Mondial français qui renvoya en Belgique, après le premier tour, des Diables qui n'avaient forgé que trois partages de l'enjeu en trois rencontres: "On a baigné, dès le début, dans une atmosphère étrange. Celle-ci n'était pas imputable au comportement des joueurs. Nous composions un bon groupe. Mais ce séjour en France n'a pas été géré comme il aurait dû l'être."
Georges Leekens avait été intronisé en équipe nationale en janvier 1997. La fédération l'avait arraché sans préavis, de manière bien peu délicate, à l'Excelsior Mouscron qu'à mi-championnat il avait hissé à la première place du classement.
Des résultats en dents de scie, dans la phase de qualification, avaient ménagé aux Diables un double match de barrage contre l'Irlande. A Lansdowne Road, un Nilis en verve avait forcé un partage de l'enjeu prometteur. Le même Nilis et Oliveira avaient offert aux Diables, au retour, une courte victoire qui qualifiait la Belgique pour un Mondial qui accueillait, pour la première fois, trente-deux participants. "Etre qualifié pour ce Mondial constituait déjà un beau succès."
En France, Georges Leekens avait choisi d'établir son camp de base à Monthieux, dans la très lointaine banlieue lyonnaise, alors que les Diables ne devaient pas jouer à Lyon mais deux fois à Paris et une fois à Bordeaux. La délégation allait ainsi devoir quitter son hôtel à trois reprises et les joueurs allaient devoir changer six fois de lit. "Les problèmes ont débuté dès avant le premier match, se souvient Franky Van der Elst. Pour affronter les Pays-Bas, notre premier adversaire, Georges Leekens avait décidé de se passer de Scifo, une des stars de l'équipe. Quand on prend le risque d'écarter un élément de ce calibre, on s'expose à de vives polémiques, si on ne gagne pas. C'est ce qui s'est produit. En outre, le sélectionneur avait clamé qu'on jouerait offensivement. On n'en recelait pas les moyens. On n'était tout simplement pas assez forts pour forger un meilleur résultat qu'un partage de l'enjeu."
C'est surtout le comportement de Georges Leekens, entre les matches, qui a induit un malaise de plus en plus perceptible. "Georges voulait tout régler. Il s'était auto-proclamé seul maître à bord et il s'est attaché à ce que tout le monde le comprenne. Il s'était érigé en unique interlocuteur des Diables et s'est comporté en despote avec la presse. J'entends encore le responsable de la sécurité, l'ancien commissaire de Bruges Roger De Bree, siffler le début et la fin des conférences de presse. Si tu traites les médias de cette manière, tu es perdant à coup sûr. A la réflexion, je me dis que les joueurs les plus âges auraient peut-être dû intervenir, pour l'inciter à tempérer son omnipotence."
Quand il jouait, Georges Leekens s'était vu attribuer le surnom de Long Couteau, en référence à la sécheresse de ses tacles. A Lyon, on le baptisa Georgescu. "Ce surnom nous a bien fait rire, avoue Franky Van der Elst. Mais, contrairement ce qu'on a colporté, ce n'est pas un joueur qui l'a trouvé: ce doit être un journaliste."
"J'ai capitulé quand le Mexique a égalisé. J'avais 37 ans. C'est là que j'ai compris que ce n'est plus un âge pour disputer un Mondial"
Franky Van der Elst n'oubliera jamais le deuxième match des Diables, contre le Mexique, dans la canicule bordelaise: "Il faisait torride. Nous étions assommés par la chaleur. Au parc Lescure, il fallait gravir une légère pente pour regagner le vestiaire. A la mi-temps, si je n'avais pas pu m'accrocher à la rampe qui longeait le parcours, je n'y serais pas parvenu. C'est grâce au mental que j'avais résisté. Dans le vestiaire, j'ai sollicité mon remplacement. Leekens l'a différé. Wilmots, le meilleur Diable du tournoi, avait ouvert le score juste avant la mi-temps. Il avait doublé notre avantage peu après la reprise. J'ai capitulé quand le Mexique a égalisé. J'avais 37 ans. C'est là que j'ai compris que ce n'est plus un âge pour disputer un Mondial. Si je ne devais changer qu'une chose dans mon parcours avec les Diables, ce serait la température lors du match à Bordeaux: je l'aurais baissée de 15 °! 25°, cela peut aller. 40°, c'est beaucoup trop!"
Le Brabançon tord le cou à une autre légende: "Je n'ai pas eu besoin d'un baxter pour récupérer. Staelens s'en était vu apposer un, à Orlando en 1994, après le match contre les Pays-Bas: il était soudain devenu aussi blanc que le gobelet d'eau qu'il portait à sa bouche."
Au retour de Bordeaux, les Diables avaient décompressé: "Clouseau était venu nous égayer, autour d'un barbecue. Et Scifo avait repris des chansons d'Adamo. Il avait une belle voix, Enzo. Une autre fois, nous bénéficions d'un dimanche libre. Kalilou Fadiga nous avait baladés à Paris, Staelens et moi. Ce fut épique. Kalilou a roulé sur la bande du bus, il a balancé des déchets par la vitre. Il s'est fait arrêter par la police: 'Vous faites cela chez vous?' lui a demandé le gardien de l'ordre. 'Cela m'arrive tout le temps', avait répondu Fadiga. Lorenzo et moi, nous n'en menions pas large"...
De retour à Paris, les Diables ont défié la Corée du Sud. Un troisième partage de l'enjeu les renvoya au pays. "La France, en 1998, restera pour toujours mon Mondial le moins agréable", confirme Franky Van der Elst.

