Le petit
devenu
GRAND

"Je suis content d’être là où je suis. Mon trajet n’a pas été linéaire mais fait encore actuellement ma force."

Dries Mertens ne critiquera jamais ceux qui l’ont laissé de côté au fil des années. Il voit son passé comme une arme que ceux qui ont toujours tout reçu sans le moindre effort n’auront jamais dans leur escarcelle.

Depuis sept ans, il s’est imposé au PSV Eindhoven, à Naples et chez les Diables Rouges. Une épopée qu’il n’aurait jamais pu vivre sans des années à ramer et à entendre ses parents, ses équipiers, ses coaches et les dirigeants de ses clubs lui rabâcher la même ritournelle: "Tu es trop petit pour devenir pro."

Des septuplés chez les jeunes

Le Stade Louvaniste. Les plus beaux souvenirs de Dries Mertens datent certainement de sa période chez les jeunes de la cité estudiantine. Insouciant, Mertens y jouait avec Denis Odoi. Pour le plaisir.

Si la Manche et plus de 2000 kilomètres les séparent, les Louvanistes restent des amis proches. Ils ont tout vécu ensemble. De Louvain aux Diables Rouges en passant par Anderlecht. "C’est quand on s’est retrouvé chez les Diables qu’on a tiqué. Il était sur l’aile gauche et moi au back droit lors d’un match entre nous. Il m’a dit ‘mec, tu te rends compte, qui aurait pensé ça ?’ Pas nous en tout cas. Au fond de moi, même tout gamin, je me disais que Dries réaliserait de grandes choses."

Odoi a cinq ans. Mertens six. "Et il était déjà là star." Petit, vif et incroyablement doué, il éclaboussait le Brabant flamand de sa classe. "C’était dingue à quel point sa technique lui permettait de compenser sa légèreté et son physique de petit gamin frêle."

Une cinquantaine de buts

Son équipier ne se souvient plus du nombre de buts que Mertens claquait à chaque match. Lui-même a du mal à fouiller dans sa mémoire pour trouver des images claires de cette époque. "J’avais mis une cinquantaine de buts certaines saisons", se souvient-il. "Et même des septuplés à certains matches ! (rires) C’est la période la plus prolifique de ma vie en terme de buts."

Anderlecht à l’époque des muscles

Anderlecht ne tarde pas, via son scout Johnny Peeters, à le repérer et à lui mettre la main dessus. Il a 11 ans et impressionne déjà ses coaches. Eddy Vandaele, son formateur à l’époque, voit débarquer le joueur dans son groupe et tombe des nues.

Affectueusement surnommé Drieske pour sa gentillesse autant que pour sa taille nettement inférieure à celle des autres préados qui composent le groupe, il devient l’un des préférés de son formateur.

Le petit qui va vite

"Plusieurs choses mon sauté aux yeux à notre première rencontre", explique le Bruxellois. "Il était tout petit mais possédait une vivacité qui lui permettait de contourner son problème de puissance."

Vandaele ne cache pas qu’il adore son ket. "Il avait tout le temps le sourire, s’entendait bien avec tous les gars du groupe et était parfaitement bien éduqué. Bravo à son père, car Dries était impeccable et montrait toujours une envie de bien faire."

Denis Odoi l’a rejoint un an après son arrivée à Neerpede. Papa Mertens s’occupait de faire la navette entre Louvain et Anderlecht pour les amener à l’école et au club. "Il était très présent pour nous", se souvient Odoi. "C’était pratique car nous fréquentions la même école."

Une dérogation

Mertens ne grandit pas et n’arrive plus à soutenir la comparaison avec ses équipiers. Anderlecht lui propose de prendre des hormones de croissance. Il refuse et reçoit une dérogation pour jouer avec les gamins d’un an de moins que lui. "Il a pu composer avec sa technique là où les plus âgés utilisaient davantage leur physique", lance Vandaele. "En jouant avec les gamins de son âge, il aurait perdu confiance en ses qualités alors qu’il avait tout pour prendre des risques et oser."

À 16 ans, son monde change. Il ne reçoit plus de dérogation et se frotte à des baraques de 185 centimètres alors qu’il tarde à grandir. "Il a dû apprendre à éviter les duels. Chose qu’il continue à faire à la perfection. Il ne jouait pas à chaque fois mais tu voyais qu’il pouvait faire la différence à certains moments."

Anderlecht le juge toutefois trop court pour aller plus loin. En 2003, il est prié de quitter leur club malgré un rapport positif de Vandaele. "Je croyais en lui mais d’autres le disaient trop court pour la D1", soupire l’ancien coach.

René Peeters, encore au club et actuel T2 en U21, se souvient de lui comme "l’un des plus grands talents passés par Neerpede. Il est malheureusement venu à Anderlecht à une époque où l’on ne voulait que des grands baraqués."

Quinze ans plus tard, Mertens n’en veut absolument pas à Anderlecht. "Je ne collais pas à la philosophie de l’équipe. Je ne dirai jamais que mon trajet est de leur faute. Au contraire, ils m’ont inculqué cette volonté d’être le meilleur."

Les débuts chez les pros

Sacrifié sur l’autel de la taille, il retrouve rapidement un club. "Dries a toujours détesté perdre et fait toujours tout pour retomber sur ses pattes", résume Denis Odoi. "Il a un tel caractère de gagnant qu’il trichait même aux cartes." (rires)

Etienne De Wispelaere le fait signer à La Gantoise où il gère l’équipe réserve. Le coach est dingue du petit format éduqué à la sauce anderlechtoise. Il ose le qualifier de "futur Soulier d’Or" alors qu’il vient de prendre la porte au RSCA.

Un maillot des U16

L’entraîneur fait de lui une priorité alors que Georges Leekens, coach des Buffalos, le trouve trop court pour l’équipe fanion. En 2005, il est prêté à Alost, en D3. Et si De Wispelaere se marre encore en repensant au fait qu’il a fallu aller cherche un maillot chez les U16 pour en trouver un à sa taille, il explose dans un championnat absolument à l’opposé de ses qualités.

Les tacles et les bourrins de certaines équipes voient ce gamin leur mettre la misère à coup de dribbles et d’accélérations. "Il était éblouissant, inarrêtable", résume De Wispelaere.

La direction gantoise coupe l’herbe sous le pied de son coach. Elle ne croît pas en Dries Mertens. Trop petit à son goût, elle le pousse vers la sortie. "Le coach avait Mbark Boussoufa au même poste que moi. Je n’étais pas prêt pour une telle concurrence. Il était logique qu’il ait la préférence par rapport à moi."

Héros aux Pays-Bas

Il est prêté puis vendu à AGOVV Apeldoorn. Le petit club de Jupiler League, l’antichambre de l’élite néerlandaise, veut d’abord tester le joueur. Il prend sa voiture et avale les kilomètres jusqu’à la petite ville située à l’est d’Amsterdam. Il impressionne en test, signe pour une saison et réalise un exercice assez convaincant pour que le club le mette sous contrat.

Le coloc de Chadli

Nacer Chadli partage alors son quotidien sur le terrain. "Il a même habité chez moi quand il n’avait pas encore son appartement", sourit Dries Mertens qui partage beaucoup de choses avec le joueur de WBA : le rejet d’un grand club, le Standard pour Chadli, et leurs aptitudes techniques hors du commun.

Les Belges reçoivent les clés du jeu et sont les premiers noms mis sur la liste par le coach. Notamment par John van den Brom. Celui qui sera, quelques années plus tard, champion avec Anderlecht adore Mertens et devient une figure clé de son évolution.

Mertens est là depuis un an quand van den Brom débarque en D2 néerlandaise. Fort de son passé de formateur à l’Ajax Amsterdam, il comprend comment gérer Mertens et le met dans les meilleures conditions possible.

En deux saisons sous van den Brom, il joue 69 rencontres de championnats, distille 13 assists et claque 19 buts.

Papa van den Brom

Il a 23 ans et fait le grand pas en Eredivise. John van den Brom, persuadé de ses qualités, a même appelé l’Ajax Amsterdam, son ancien club, et Louis van Gaal, alors coach de l’AZ Alkmaar, pour vanter les mérites de son poulain.

Utrecht le signe pour moins d'un million d’euro. Tout le monde n’est pourtant pas favorable à son arrivée. Encore une fois, sa taille pose question. Le président du club tranche: Mertens viendra.

Ton du Chatinier, son coach, n’hésite pas non plus et l’aligne d’entrée de jeu. Ses stats en deux ans (31 buts et 32 assists) mettent enfin tout le monde d’accord sur son niveau.

Son Soulier d’argent, lot de consolation derrière Luis Suarez, meilleur joueur du championnat en 2011-12 le met enfin sur le devant de la scène. À sa demande John van den Brom lui remet son trophée. Tout un symbole.

Tout sauf l'Ajax

L’Ajax l’approche pour remplacer l’Uruguayen mais son président lui demande alors de signer "où il veut mais pas à l’Ajax", l’ennemi juré d’Utrecht, vu la proximité géographique. Anderlecht et Tottenham lui font du pied mais le PSV Eindhoven passe devant tout le monde en déposant 13 briques pour Kevin Strootman et Dries Mertens.

La suite, vous la connaissez: le talent de Drieske a fait oublier sa taille...