Standard champion:
dix ans déjà

Le 20 avril 2008, les Liégeois remportaient un nouveau titre national, après 25 ans d'attente. Dix ans plus tard, personne n'a oublié cette incroyable semaine décisive

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20 avril 2008. A Liège, tout le monde, ou presque, se souvient de ce qu'il faisait ce jour-là. La plupart était soit au stade Maurice Dufrasne, soit devant son écran de télévision, en train de regarder le Standard battre Anderlecht (2-0) pour coiffer les lauriers nationaux, vingt-cinq après le dernier sacre. Cette soirée-là est assurément entrée dans l'histoire de la ville de Liège, avec une joie populaire rarement aussi intense, qui a envahi l'ensemble des rues de la Cité Ardente. La nuit avait été longue, festive et mémorable.

Dix ans après, personne n'a oublié ces jours de pression, cette délivrance et cette joie. A commencer par les principaux acteurs qui reviennent sur les détails de la semaine de préparation et ce sommet face au Sporting bruxellois. Avec des souvenirs toujours aussi intacts même si, à l'époque, personne n'avait encore de téléphone portable pour immortaliser ces moments.

La semaine de préparation

Comment les futurs champions se sont préparés

Le Standard entame une semaine importante avec déjà l'assurance de participer à une Coupe d'Europe la saison suivante grâce au nul décroché sur la pelouse de Lokeren (0-0). Mais cette récompense ne suffit pas à un groupe qui compte sept points d'avance sur Anderlecht à quatre journées du terme de la compétition et ne pense qu'à une seule chose : le titre national. "Je me souviens très bien de cette semaine de préparation. Nous n'étions pas particulièrement stressés, bien au contraire tout le monde rigolait. Pour nous, il était impossible de prendre une raclée contre Anderlecht avec l'équipe que nous avions. Il fallait simplement se battre et ne pas trembler dans la dernière ligne droite. Terminer le boulot, c'est tout ce qu'il nous restait à faire", explique Igor De Camargo.

Défaite en Coupe de Belgique

Mais avant de penser au choc dominical, le Standard doit disputer, en milieu de semaine, une demi-finale de Coupe de Belgique à La Gantoise. Pour l'occasion, Michel Preud'homme fait tourner son groupe car il veut que tout le monde soit frais face au Sporting. "Le coach m'avait aligné à la pointe de l'attaque car, si mes souvenirs sont bons, Igor De Camargo était malade. Nous étions vraiment passés à côté de notre sujet", analyse Vito Villano. Les Liégeois s'inclinent lourdement (4-0) et rentrent immédiatement à l'Académie Robert Louis-Dreyfus. "A posteriori, je dirais que ce revers nous a encore plus motivés car nous étions certains de ne pas pouvoir perdre deux rencontres consécutives", reprend l'attaquant belgo-brésilien.

Pourtant, la soirée se déroule dans une ambiance un petit peu plus tendue. Les cadres secouent immédiatement l'ensemble du vestiaire. "Il y a eu une gueulante dans notre centre d'entraînement. Nous avions la rage car nous ne pouvions pas montrer une telle image du club, surtout si près de notre but final", explique Vito Villano. "Il y avait les joueurs et le staff. Plusieurs joueurs ont pris la parole et je me souviens essentiellement du discours de Marouane Fellaini. Il a parlé avec son coeur, on sentait que ça venait des tripes. C'était important que tout ça sorte avant d'aller dormir car personne n'avait envie d'aller dormir avec un tel sentiment de déception dans le ventre."

Le jour du match

Les Liégeois ont senti l'incroyable engouement du public en se rendant à Sclessin

Les joueurs ont passé la nuit à l'hôtel de l'Académie Robert Louis-Dreyfus pour préparer au mieux cette rencontre. Pour certains, le sommeil a été difficile à trouver. "Oui, il y avait un petit peu de nervosité mais la confiance était bien présente. Je n'ai senti personne douter. Nous savions que même si nous perdions contre Anderlecht, il y aurait encore d'autres possibilités pour empocher le titre. Finalement, nous avions notre sort en main mais tout le monde avait cet esprit de vainqueur qui laissait sous-entendre que tout serait décidé face aux Bruxellois", dit Marcos.

Les heures défilent mais l'attente est longue. Mais à l'intérieur de la ville, l'effervescence est déjà immense. Les ponts de l'autoroute sont décorés avec des messages directement destinés aux joueurs d'Anderlecht. "Bienvenue en Enfer", peut-on notamment lire. Le ton est donné et les joueurs sentent que quelque chose d'historique se prépare. Ceux qui l'ignoraient changent d'avis lorsque le car arrive aux abords du stade. "Il y avait des milliers de personnes. Incroyable, il n'y a pas d'autre mot pour décrire les scènes que nous avons observées. En voyant tout cela, Dante, Momo Sarr et moi-même avons commencé à crier dans le car pour dire qu'il fallait le faire pour les supporters, qu'il était temps de terminer le boulot", confesse Igor De Camargo.

Bruges est accroché...

Quarante-cinq minutes avant le coup d'envoi, une première bonne nouvelle arrive jusqu'à Sclessin : Bruges vient d'être accroché sur la pelouse de La Gantoise (0-0). Les Blauw en Zwart n'ont donc plus aucune chance de s'emparer de la première place si le Standard s'impose face à Anderlecht. "Nous étions en train de nous préparer lorsque, tout d'un coup, le public s'est mis à crier comme si nous avions marqué un but. Nous nous demandions ce qui venait de se passer et Manu (Ferrera) est revenu en nous disant simplement que désormais, tout dépendait uniquement de nous", raconte Momo Sarr. "Il fallait voir le regard des joueurs : nous étions persuadés que nous allions gagner ce match. Il n'y avait même plus besoin de parler ou de nous motiver."

Pour ce match, Michel Preud'homme aligne sa meilleure équipe possible avec, notamment, Sarr en défense centrale. "Je m'étais blessé quelques jours plus tôt et théoriquement, ma saison était terminée. Je suis allé voir Michel qui m'a dit que je devais absolument jouer contre Anderlecht, même si je ne tenais que septante minutes. Il disait que si j'étais à 20 % de mes possibilités, ma seule présence était déjà importante. Je me suis testé avant le coup d'envoi et j'ai décidé que j'étais apte à jouer", dit le défenseur sénégalais.

Le message de Zidane

Le coup d'envoi est programmé dans quelques minutes. Les joueurs se préparent dans le vestiaire lorsque Lucien D'Onofrio leur présente l'homme qui s'apprête à remettre le Soulier d'Or à Steven Defour : Zinedine Zidane. "Il était dans le couloir qui menait au terrain mais il a fait un petit détour par notre vestiaire", raconte Igor De Camargo. "Nous nous sommes tous levés pour lui serrer la main. C'était un rêve pour tout le monde de jouer avec lui et là, nous avions la chance de l'avoir en face de nous. Quand il est parti, Vito (Villano) et moi continuions à en parler mais ceux qui allaient jouer se sont vite remis dans leur bulle", témoigne Yanis Papassarantis, 19e homme ce soir-là.

Momo Sarr confirme : "Cela nous a fait beaucoup de bien car il nous a encouragés. Il disait qu'il ne fallait pas se louper à un moment aussi important. J'étais heureux de l'avoir vu, un mec sympa avec une humilité exceptionnelle. Je me souviens de son message principal : 'C'est pour ça qu'on joue au foot. Si vous rentrez avec l'envie, vous allez être champions'. Un vrai truc de malade mais je me suis vite reconcentré quand même."

Le match

Mbokani fait plier Anderlecht et rêver toute une ville

ll ne reste plus une seule place de libre dans le stade Maurice Dufrasne. Tout le monde veut être présent pour ce match historique. L'ambiance est exceptionnelle. Il apparaît rapidement que le Standard est supérieur à Anderlecht. Davy Schollen repoussait les premières tentatives de Milan Jovanovic et Dieumerci Mbokani, alignés à la pointe d'un 4-4-2, mais tout basculait en seconde période. L'attaquant congolais plante deux buts en vingt minutes (tête plongeante et lob) et offre un nouveau titre aux Liégeois, après vingt-cinq longues années d'attente. "Je n'oublierai jamais cette saison, je pense même que c'est le meilleur moment de ma carrière. Marquer deux buts pour le Standard face à Anderlecht, c'est quand même inoubliable. Et ce n'était pas plus spécial au vu de mon passé au Sporting", dit Mbokani.

Frank De Bleeckere fait durer le plaisir avec trois minutes de temps additionnel. "Pourtant, nous lui avons souvent demandé de siffler la fin du match", rigole Igor De Camargo. Michel Preud'homme en profite pour offrir une standing-ovation à Dieumerci Mbokani et Steven Defour, remplacés dans les dernières secondes. Au coup de sifflet final, c'est la folie. "Tout le monde courait partout, personne ne savait où aller", sourit Marcos. Michel Preud'homme est rapidement rejoint par ses proches, les supporters parviennent à monter sur la pelouse. "C'est vrai que je ne me souviens plus de ce que j'ai fait. Je pense avoir serré le coach dans mes bras mais je n'en suis même pas certain à cent pour cent", continue l'attaquant belgo-brésilien. "Nous sautions tous l'un sur l'autre. Un truc de fou. On se moquait de nous partout en Belgique. Tout le monde disait que nous allions devoir attendre cinquante ans pour gagner un nouveau titre mais nous avons fait taire tout le monde. Personne ne croyait en nous mais aujourd'hui, tout le monde se souvient de ce qu'il faisait le 20 avril. Moi en tout cas, on m'en parle encore partout où je vais."

La fête

Des supporters en folie, des joueurs aux anges: tout était réuni pour que cette nuit soit mémorable

La ville de Liège est souvent réputée pour son sens de la fête et ce titre ne changera pas cette réputation. Une véritable folie gagne les rues de la Cité Ardente et des dizaines de milliers de supporters attendent les joueurs dans le centre. Avec un seul mot d'ordre : fêter. De nombreuses sociétés ont même autorisé leurs employés à ne pas venir travailler le lendemain matin, bien conscientes que personne ne serait présent. "C'était de la folie", se souvient Oguchi Onyewu. "Je savais que la grosse majorité de la ville aimait le Standard mais là, je n'avais jamais vu autant de gens heureux en même temps. C'était une première dans ma vie. Liège est bien plus petite que Bruxelles mais pendant deux ans, nous étions la capitale de l'Europe, en fait. Ce titre nous a permis de nous faire connaître partout dans le continent. On a mis le Standard sur la carte. On était un peu comme les Lakers, qui dominaient la NBA à la même époque."

Les joueurs défilent sur un bus. "Les supporters courraient juste à côté du bus, tout près des roues. J'avais une petite caméra et j'ai encore les images chez moi. Je garde cela pour moi, je n'oublierai jamais ces scènes de joie et j'ai encore tout montré récemment à mon fils de cinq ans", raconte Marcos.

Par la suite, les joueurs se rendent dans le Carré et dans une boîte de nuit. Avec un seul objectif : décompresser. "Je pense être resté jusqu'à sept heures du matin", grimace Igor De Camargo. "En fait, nous avons fait la fête pendant deux ou trois jours", coupe Marcos. "Avec Jovanovic et Dante, nous étions tout le temps ensemble et dans les trois ou quatre jours qui ont suivi ce match, nous étions en train de faire la fête à la maison, en ville ou au restaurant. Tous nos efforts étaient récompensés. Je ne pense pas qu'un joueur pourra vous dire qu'il ne s'est pas amusé pendant cette fameuse semaine."

"Mais les supporters ont encore fait la fête pendant plus longtemps que nous. Mais il faut les comprendre : 25 ans sans titre, c'est quand même quelque chose", sourit Dieumerci Mbokani. "Moi, je ne bois pas par conviction mais certains ont abusé. Qui. Ah ça, je ne vous le dirai pas", sourit Momo Sarr. "Mais je les comprenais."

"Sarr vous a dit qu'il n'avait pas bu ? Alors, je ne dirai rien", éclate de rire Oguchi Onyewu. Défilé devant des dizaines de milliers de supporters, réception à l'hôtel de ville: rien n'était trop beau pour les champions.

Ce Standard avait marqué l'histoire, tout était permis. Car dix ans plus tard, personne n'a oublié.