Trouver un court de tennis en gazon naturel relève d’une quête du Graal sportif. En Belgique tout du moins.
“Désolé, nous n’en avons pas”, a été la réponse des différentes associations, clubs et même privés que nous avons contactés en désespoir de cause. Il existe encore quelques terrains en herbe chez nous mais il est très compliqué de les trouver sans avoir un contact privilégié avec son propriétaire.
Une seule solution restait en lice : aller voir chez nos voisins du nord si l’herbe est plus verte chez eux. Avec le tournoi de Rosmalen (ATP et WTA) qui a débuté ce lundi, on se disait que réserver un terrain serait mission impossible.
Sur le même terrain que la 30e mondiale
“Baan 9” pour seule instruction, nous débarquons un peu paniqués dans le complexe du tournoi. Garés où nous ne le pouvions certainement pas, nous allons jeter un œil aux quatre terrains que nous a indiqué notre personne de contact.
Ana Konjuh, WTA 30 au moment de notre passage aux Pays-Bas, foule le fameux terrain 9 dont nous pourrons disposer à 18 heures. Les frappes balancées par la jeune croate de 19 ans impressionnent. “Que dira-t-elle quand nous monterons sur le court…”
Il y a une petite appréhension qui ne se dissipe pas en voyant Andrea Petkovic, ancienne demi-finaliste de Roland-Garros et ex-numéro 9 à la WTA, débarquer sur le court numéro 10.

“C’est la joueuse du circuit pour laquelle j’ai le plus de respect”, me lance Kevin, mon partenaire de tennis du jour.
En montant sur notre terrain au terme d’une série de coups droits canons balancés par Konjuh, nous allons directement toucher un mot à Andrea Petkovic pour la prévenir de notre manque de talent et pour nous excuser à l’avance au cas où une de nos balles venait à atterrir sur ses plates-bandes.
“Pas de souci, par contre, je vais être obligé de me moquer.”
Les premiers coups sont hésitants mais finalement le plaisir de découvrir une nouvelle surface a surpassé la crainte du jugement des joueurs.En sueur après près d’une heure de jeu, nous demandons une rapide photo à notre voisine de terrain. Qui s’y prête sans souci avant de nous balancer un “It wasn’t that bad guys (NdlR : Ce n’était pas si mauvais les gars).” Elle finira même par un compliment à chacun soulignant le revers slicé de Kevin et ma volée amortie. Elle a certainement vu la seule réussie de la partie.
"Ce n'était pas si mauvais les gars"
J’avais en face de moi spécialiste de ce qu’on appelle entre nous le “chipotage”. Kevin joue dans un style très atypique avec beaucoup de balles bourrées d’effet.
Son slice de revers, dont la qualité a été soulignée par Petkovic, m’a vraiment posé d’énormes soucis. Les balles fusaient véritablement et me forçaient à jouer des coups largement sous la bande du filet et même à utiliser mon slice de revers au lieu de pouvoir frapper lifté comme je pourrais le faire sur une autre surface.
Les amorties sont l’autre arme à utiliser sur ce genre de terrain. Les balles s’y écrasent littéralement surtout si un effet légèrement rétro est appliqué. Le manque d’appui au démarrage n’aide pas non plus celui qui se rue vers la balle.
Servir lifté ne sert à rien. La balle ne rebondit pas aussi haut que sur terre battue et ne gêne donc pas le receveur.La meilleure solution est de frapper à plat et le plus fort possible. Avec la prise de vitesse de la balle et le rebond très bas, l’adversaire est obligé de bloquer.
Le slice peut également être utilisé, surtout en situation d’égalité pour faire sortir l’adversaire du court.
Pour retourner les balles, il faut être solidement campé sur ses jambes et bloquer la balle le plus tôt possible.
Les bons volleyeurs s’amuseront certainement sur gazon. Une volée bien claquée est un point quasi assuré tant le rebond sera inexistant ou presque. Déposer une volée courte est une autre option assez efficace.
J’ai tenté de dénaturer mon jeu pour y monter plus souvent qu’à l’habitude mais j’avais oublié que le rebond plus rapide du côté de l’adversaire signifiait que la balle revenait plus vite. Impossible donc de monter à contretemps comme je peux le faire sur terre battue. La balle m’est arrivée plusieurs fois dans les chevilles.
N’ayant pas en face de moi un partenaire qui lifte à outrance, Kevin m’a lui expliqué les sensations qu’il avait eues face à mes gros lifts, surtout en coup droit. Il était surpris par le manque de rebond de ceux-ci.
“Elle ne gicle pas autant que sur terre battue”, a-t-il résumé
Où il est habituellement forcé de prendre la balle au-dessus de l’épaule ou loin derrière sa ligne, il a pu tranquillement s’installer à une hauteur de frappe qui lui convient mieux.
Pour tenter de trouver la parade, j’ai pris les devants en étant très agressif et en prenant la balle très tôt, alors qu’elle était en phase ascendante. Si cela a donné de la puissance à mes frappes, le contrôle offert par le lift avait disparu.
Premier engagement, je fais rebondir la balle. Elle reste clouée au sol.
Certainement a-t-elle touché l’un des endroits du court qui compte des faux rebonds. Car, un peu comme au football ou au hockey à l’époque, le gazon n’est pas parfaitement droit et la balle peut parfois se montrer imprévisible.
C’est également le cas de la terre battue, et surtout de ses lignes, mais les trajectoires sur gazon sont encore plus surprenantes car parfois illogiques.
Être capable de prendre la balle très haut, très tôt et de claquer des frappes à plat, c’est posséder l’arme ultime pour gagner des points sur gazon.
J’en suis seulement capable en revers et j’ai directement senti la différence avec mes lifts habituels. C’est en le tirant le long de la ligne avec un minimum d’effet que j’ai été le plus efficace.
Les frappes à plat de Kevin m’ont, elles, extrêmement perturbé car elles s’écrasaient après avoir touché le sol. Je me suis plusieurs fois vu forcé de faire un pas en avant pour sauver les meubles. Il m’est également arrivé de passer à côté de la balle.
Le soleil dans les yeux n’a certainement pas aidé mais ce sont surtout les couleurs qui m’ont parfois joué des tours. Et plus particulièrement sur les balles courtes, comme les amorties.
Le vert de la surface et le jaune des balles semblent faciles à différencier mais ce n’était pas le cas pour moi. En tout cas, pas par rapport à un terrain en dur (souvent bleu) ou en ocre.
Sur terre battue, une petite erreur est plus facilement dissimulable que sur gazon. La balle arrive tellement vite et tellement bas que sans une prise d’appui puissante dès la frappe de l’autre côté, il est vraiment difficile d’arriver en équilibre et assez bas pour jouer le coup suivant.
La technique de glisse est également très différente et il est difficile en une petite heure d’apprendre à glisser en appui comme sur terre battue. Il arrive par contre qu’en tentant de bloquer suite à une frappe balancée sans avoir les pieds au sol que l’atterrissage soit laborieux. Plusieurs fois, ma cheville droite s’est dérobée lors de coups droits en déséquilibre arrière.
Le travail des jambes sur herbe est également plus fatigant que sur les autres surfaces. Les échanges sont moins longs mais le rythme est nettement plus élevé. Ce qui ne laisse pas de respiration ou presque entre les coups.