Witsel: les débuts
d'un mec simple

Comment s'est déroulée la formation du Diable?
Plongée dans ses premières années en Rouche

La carrière d'Axel Witsel ne réserve plus beaucoup de secrets. Tout le monde connaît ses qualités, son parcours parfois surprenant et son importance dans le dispositif de Roberto Martinez en équipe nationale. Avant d'en arriver là, le Liégeois a réalisé la majeure partie de sa formation au Standard, le club de son coeur. Tous ses formateurs et proches le disent : "Gamin, il était déjà le même, c'est-à-dire quelqu'un de discret, taiseux mais qui abordait le football de manière très sérieuse. Un vrai exemple pour les jeunes d'aujourd'hui."

Pour en avoir la confirmation, nous nous sommes plongés dans les premiers pas de footballeur de l'un des plus beaux joyaux sortis de l'Académie Robert Louis-Dreyfus, également éduqué au foot de la rue, celui qu'on pratique entre amis dans les agoras.

Les débuts...
à Anderlecht

Thierry Witsel passe de nombreuses heures à taper dans le ballon à un niveau national. Axel l'accompagne souvent au bord des terrains et veut, sans surprise, rapidement l'imiter. "Il n'aurait pas pu jouer au kicker", rigole Tony Rosset, son premier délégué au Standard. A quatre ans, il s'inscrit au club de Vottem, situé juste à côté du domicile familial, mais son âge ne lui permet pas encore de disputer des rencontres de championnat. Cela ne l'empêche pas de gravir rapidement les échelons avec une arrivée, deux ans plus tard, à Visé.

C'est là-bas que son aventure débute. Les recruteurs du Standard le repèrent rapidement mais sa famille refuse un premier transfert. "Trop tôt", juge son papa. Axel partage son avis car, à cette époque, il préfère rester avec ses amis. Tout bascule au début du nouveau millénaire. Les U10 rouches affrontent Visé lors d'un match amical. "Je me vois encore dire à mon délégué : 'C'est qui ce petit gros qui m'emmerde au milieu de terrain ?'", se souvient Guy Dechamps, alors entraîneur de jeunes au Standard. Pendant tout ce match, Axel Witsel évolue dans son registre, tout en simplicité. "Il n'était pas spectaculaire mais il nous embêtait car il ne perdait pas un ballon, distribuait le jeu à sa guise et coupait toutes nos lignes de passes."

"C'est qui ce gros qui m'emmerde au milieu de terrain ?"

Guy Dechamps veut tester ce petit milieu de terrain au Standard. Problème: il faut convaincre le papa. "Là encore, Thierry nous disait que c'était trop tôt. Finalement, il est venu s'entraîner avec nous durant trois semaines et nous avons pu le tester lors d'une rencontre à Anderlecht", dit Tony Rosset.

Le 27 février 2000, Axel Witsel enfile donc pour la première fois la vareuse du Standard lors d'un match officiel. Dans l'équipe, figurent Kevin Debaty, aujourd'hui à l'Antwerp, et un certain Nacer Chadli. Dès la… première minute, le petit nouveau fait fureur en marquant sur coup franc. Sa prestation, déjà bien aboutie, sera complétée par une passe décisive.

Le rapport (voir ci-dessous) rédigé à la fin du match, ne laisse pas de place au doute: Witsel doit rester au Standard. "Il a apporté de la sérénité à notre défense en récupérant tout le trafic aérien médian et en se plaçant judicieusement en couverture."

Guy Dechamps, son entraîneur, étaye ces propos : "Il a fait étalage de toutes ses qualités. Même l'entraîneur d'Anderlecht est venu me demander où nous avions déniché un tel extraterrestre", dit-il. "Il pensait même qu'il était plus âgé", rigole Tony Rosset.

Axel Witsel a 11 ans. Et son aventure rouche peut commencer.

Chadli - Witsel:
une vraie amitié

Pendant sa formation, le Liégeois a eu la chance d'intégrer une génération particulièrement douée. Son vestiaire, il le partage notamment avec Nacer Chadli, Mehdi Carcela et Kevin Debaty. "Nacer était son meilleur ami. Il faut dire que les deux gamins se ressemblaient, alors que Mehdi était un peu différent, beaucoup plus démonstratif et blagueur", se souvient Tony Rosset. "Axel parlait aussi avec les autres joueurs de son équipe mais c'est avec Nacer qu'il pouvait échanger le plus longtemps."

Il faut dire qu'ils ne se quittent jamais. L'école et les entraînements au Standard ne les fatiguaient pas suffisamment. Ils se retrouvaient donc sur un petit terrain en béton à Vottem pour (encore) taper dans le ballon. "Pourtant, il y avait une pelouse juste à côté mais ils préféraient cette surface en béton, sans doute pour perfectionner leur technique. Ne me demandez pas combien de temps ils y ont passé, je pense que c'est impossible à calculer", sourit Sylvie, sa maman. Mehdi Carcela est également convié à ces rendez-vous entre potes, mais les matches sont alors organisés dans un agora situé à Droixhe, où vit l'actuel ailier de l'Olympiacos.

Aujourd'hui encore, Axel Witsel et Nacer Chadli n'ont pas perdu ce lien qui les unissait. Les deux hommes se retrouvent avec bonheur en équipe nationale et échangent régulièrement entre deux rassemblements internationaux.

L'école et le foot:
les fondations de sa jeunesse

Malgré sa réussite sportive, Axel Witsel n'a jamais abandonné l'école. Et même s'il l'avait envisagé, son encadrement familial l'aurait immédiatement rappelé à l'ordre. Il suit donc ses primaires à l'école communale d'Herstal et ses humanités au Collège Sainte-Véronique, partenaire du Standard. Ses horaires y sont quelque peu adaptés et, en cinquième secondaire, il est réorienté en qualification technicien en comptabilité pour, deux années plus tard, décrocher son diplôme sans n'avoir jamais doublé.

Il suit avec sérieux ses études mais le ballon rond occupe toutes ses pensées. "C'était un enfant calme. La pire des punitions pour lui, c'était de le priver de rejoindre ses copains pour aller au terrain", confirme sa maman. "On tentait d'imiter les gestes de nos idoles : Ronaldo, Zidane et Ronaldinho", se remémore l'un de ses meilleurs amis, Jonathan Robaye. "On avait environ dix ans lorsque nous nous sommes rencontrés. Nous n'étions pas dans la même école mais nous nous retrouvions à la plaine pour jouer au foot."

Là-bas, Axel Witsel et sa bande enchaînent les matches. "On devait avoir 16 ans et on affrontait des gars de 23 ans. Les vieux pensaient qu'ils allaient facilement nous battre mais nous les battions assez souvent. Il y avait aussi Nacer (Chadli) dans notre équipe et franchement, on ne se défendait pas mal. Axel avait déjà cette incroyable couverture de balle. Il n'était pas très fort physiquement mais il n'avait quand même pas peur de mettre le pied. Il allait au charbon ! C'est clair qu'il était meilleur que les autres… mais ce qui me frappait le plus chez lui, c'est qu'il n'essayait jamais d'humilier son adversaire. Ce n'était pas dans son tempérament."

"Un enfant calme": voilà comment est décrit ce jeune homme déjà très doué. Son talent lui aurait permis de prendre la grosse tête et de régner en maître sur le vestiaire mais ces notions ne font pas partie de son éducation. "Son papa a su l'encadrer et le recadrer lorsque c'était nécessaire. Nous n'avons jamais eu le moindre problème avec lui. Sa modestie n'est pas feinte, c'est même l'une des clés de sa réussite", appuie Guy Dechamps.

"Il n'essayait jamais d'humilier ses adversaires"

Sa politesse a marqué ses éducateurs. Axel Witsel se mettait au service de son équipe et ne râlait pas, malgré des conditions d'entraînement pas tout le temps faciles. "Lorsqu'il est arrivé au Standard, les terrains d'entraînement n'étaient pas encore disponibles. Nous devions donc nous rendre à Ivoz, sur une pelouse bien entretenue. Le seul petit problème, c'est que le vestiaire était situé en contre-bas et était donc souvent inondé. Nos sacs flottaient", rigole Tony Rosset. "Je le reconduisais souvent chez lui et chaque fois qu'il ouvrait la porte, il me disait 'Merci'. Cela peut sembler bête mais c'est la marque d'une bonne éducation. Nacer, Medhi, Axel : ce sont des garçons qui nous ont tout le temps respectés et encore aujourd'hui, ils ne nous oublient pas lorsqu'ils sont de retour à Liège."

A l'Académie Robert Louis-Dreyfus, l'une ou l'autre photo rappelle son passage dans ces lieux. Mais plus que ces clichés, c'est son comportement qui sert d'exemple. Et les éducateurs ne manquent pas de le signaler aux jeunes talents actuels. "On leur dit que tous ceux qui ont réussi étaient calmes, concentrés et respectueux. Par exemple, Axel ne faisait jamais ses lacets quand un entraîneur parlait avec son groupe", termine Tony Rosset.

Il est dragué...
mais reste fidèle

Pendant sa formation, Axel Witsel aurait eu tout le loisir de quitter le Standard pour rejoindre une formation européenne huppée. Anderlecht faisait partie des équipes intéressées par ce nouveau talent liégeois. Il se dit même que le club bruxellois a tenté sa chance après l'avoir découvert durant son premier match avec les Rouches. "Heureusement, le Sporting ne savait pas qu'à ce moment, il était simplement en test chez nous", sourit Guy Dechamps. "Mais plus sérieusement, Anderlecht n'aurait pas tenté de nous le piquer car cela ne faisait pas trop partie des habitudes à l'époque."

Sa génération remporte plusieurs compétitions prestigieuses, où il remporte souvent le titre de "joueur du tournoi". "Beaucoup de clubs voulaient le prendre", confirme Tony Rosset. "Des Italiens, des Allemands. Je crois que Benfica est déjà venu l'observer à six reprises durant son passage chez les jeunes. Mais Anderlecht n'aurait jamais pu mettre la main dessus. Axel et son papa n'étaient pas intéressés. Et puis le gamin n'a pas la couleur mauve en lui (il rit). Il a des principes, c'est-à-dire qu'il veut garder des attaches avec les personnes qui l'ont éduqué footballistiquement. Son père lui disait de retenir au moins une chose de chaque entraîneur. Axel est quelqu'un de fidèle."

Son éclosion est proche

Les années passent et, sans surprise, Axel Witsel se rapproche du noyau professionnel. Malgré les différentes convoitises, il signe son premier contrat semi-professionnel en janvier 2005, alors qu'il vient tout juste de fêter ses 16 ans. "On savait déjà qu'il allait réussir. Il était sans cesse surclassé, comme Nacer Chadli d'ailleurs. Il a très rapidement progressé", confirme Tony Rosset.

Son ami Jonathan Robaye confirme : "Je n'ai jamais douté de sa capacité à se faire une place chez les professionnels. Il passait toutes les étapes sans encombre."

L'arrivée de Michel Preud'homme à la tête de l'équipe première accélère ce processus. Le 17 septembre 2006, il remplace Steven Defour à trois minutes du terme lors d'un match face au Brussels (2-1). Il n'a, alors, pas beaucoup de temps pour se montrer mais en quelques instants, il impose déjà son style de jeu. "Il prend le ballon, il lève la tête et fait la passe juste. Tout cela était tellement naturel pour lui", se souvient Tony Rosset. "Je me souviens encore que son papa lui avait dit de ne pas avoir peur de mettre le pied, sinon il allait se faire casser."

Beaucoup de jeunes auraient stressé. Mais pas Axel Witsel. "On ne voit jamais ses émotions sur son visage. C'est quelqu'un de tranquille et son papa lui avait donné de bons conseils pour qu'il ne soit pas pris par l'ampleur de l'événement. Il faut aussi reconnaître le mérite de Michel Preud'homme, qui l'a longtemps suivi au Standard. Il a tout le temps cru en lui", raconte Jonathan Robaye. "J'étais super fier de le voir au milieu de tous ces joueurs. J'étais dans les tribunes à ce moment-là et j'avais du mal à cacher mon sourire. Mais je n'étais pas surpris car j'avais compris depuis un petit temps que cette étape arriverait très rapidement pour lui."

Plusieurs années après cette grande première, Axel Witsel lui-même était revenu sur le souvenir qu'il en gardait, dans les colonnes de la Dernière Heure: "À l’âge de dix ans, sur la route de l’entraînement, j’avais dit à mon père en passant près de Sclessin : ‘Je veux jouer là quand je serai plus grand.’ Il m’a répondu : ‘Alors tu devras beaucoup travailler !’ Quand j’ai fait mes débuts en équipe A, ce souvenir-là m’est revenu en tête. Les supporters avaient crié mon nom quand je suis entré pour les trois dernières minutes, contre le Brussels. C’était un sentiment très fort. Était-ce difficile d’être catalogué comme grand talent, alors que je n'avais que 16 ans ? Ça dépend de ton éducation. Et comme j’étais bien entouré, j’ai su garder les pieds sur terre et faire mon chemin."