Zinedine Zidane
La naissance
d'un mythe

Zinedine Zidane, entraîneur à succès, va-t-il faire oublier Zizou, l’emblématique champion du Monde et d’Europe, passé par Bordeaux avant de prendre son envol à la Juventus et d’acquérir une nouvelle dimension au Real Madrid ?

S’il est encore un peu tôt pour répondre àcette question, le Français marche en tout cas sur les traces des plus grands. Zidane peut remporter ce samedi, face à la Vieille Dame, sa deuxième Ligue des Champions, alors qu’il a permis au Real de retrouver son trône en Liga...

Pourtant, rien ne prédestinait Zidane à embrasser la carrière d’entraîneur.
Meneur d’hommes sur le terrain, Zizou tatonne à la fin de sa carrière, après un coup de boule,en finale de Coupe du Monde 2006, adressé à l’Italien Marco Materazzi.

"Quand j'ai terminé ma carrière de joueur, je ne voulais pas être entraîneur", admettait d’ailleurs le Marseillais en 2014. "J'ai d'abord pris du temps pour moi, pour ma famille. Pendant trois à quatre ans, j'ai coupé avec le foot. Mais comme je n'aime pas trop faire du business, voyager, je me suis dit qu'il fallait que je revienne sur le terrain faire ce que je sais faire de mieux: transmettre mon expérience."

Du vécu, c’est sûr : Zidane en a à revendre. Mais l’homme ne brûle pas les étapes. Il ne veut pas se griller. "Yazid (NdlR : nom du joueur) a compris que sa carrière de joueur ne suffisait pas, et qu’entraîner est un autre métier, que cela ne s’improvise pas", souligne Guy Lacombe, sur le site de la Fifa, évoquant ainsi unhomme qu’il a rencontré, et fa çonné à Cannes, dès ses 15 ans. "Pour éviter les écueils, il a pris les choses par ordre: il a observé, étudié, fait sa formation, passé des diplômes…et commencé avec les jeunes du Real. Ça, c’est la clé. Là où beaucoup d’anciens joueurs pensent qu’ils n’ont pas besoin decommencer par le début, grâce à leur expérience du terrain, Zidane a su avoir l’humilité de démarrer de zéro."

Entre diverses occupations, Zidane devient en juillet 2011 directeur du football du Real Madrid. Deux ans plus tard, l’arrivée de Carlo Ancelotti bouleverse son quotidien. L’Italien en fait son bras droit; Zidane joue alors un rôle de grand frère.
"Il sera sur le banc. Le seul problème est qu'il ne pourra pas jouer",plaisantait Ancelotti lors de sa présentation. "Quand Zizou parle, les joueurs l’écoutent. Il a un charisme et les joueurs lerespectent vraiment. Je pense que lors de la saison que nous avons passée ensemble au Real, tout a été positif, nous avons gagné et dans sa fonction d’adjoint, il m’a été très utile."
Zidane emmagasine de l’expérience, écoute et apprend. Il prend même de l’assurance.Il suffit de se rappeler de ce soir de mai 2014, lorsqu’on voit un Zidane éructant à côté d’un Ancelotti passif. "J’étais presque mort", a raconté par la suite Ancelotti. "Je regarde Zidane parce que c’était inhabituel à cette époque qu’il fasse cela. Mais dans ce match, il était très impliqué."

Il était temps donc pour le Français de s’affranchir de son mentor, de voler de ses propres ailes. Mais sans brûler les étapes. ‘Chi va piano vasano’ (‘Qui va doucement va sainement’), pourrait-on dire à la Juventus. "Après une carrière, il faut recommencer quelque chose, écrire une nouvelle histoire", racontait Zidane à l’Equipe. "Je sais que beaucoup de gens, vu que je ne parle pas beaucoup, se demandent comment je peux être entraîneur. Etre entraîneur me pousse à sortir de ma zone de confort. Avec le nom que j’ai, je me mets clairement en danger sur un banc. Si tu regardes cela sous cet angle, tu ne deviens jamais manager. Mais jene le regarde pas de cette manière."
Zinedine Zidane sait qu’il est attendu au tournant. Il y est préparé. Matraqué sur le terrain durant sa carrière de joueur, l’ancien Bordelais s’est créé une carapace. Et impose son style. "J’adore le football offensif, c’est sûr", racontait-il à la radio RMC en 2015. "Mais tu ne peux pas faire ça sans avoir un équilibre, sans penser à défendre. Mais je suis porté vers l’avant, porté vers le jeu. Je veux que mes joueurs puissent tous jouer, même ceux qui ont plus de difficultés. Ce qui m’intéresse,c’est le jeu, ce que peuvent faire les mecs sur le terrain."

Au début de la saison 2014-2015, Zidane est donc intronisé entraîneur de l’équipe B du Real Madrid, la Castilla. "A partir du moment où il a su avec certitude qu’il voulait entraîner, il a mis beaucoup d’application et de professionnalisme dans ce qu’il faisait",embraye Guy Lacombe. "Zidane ne fait jamais les choses àmoitié. Il veut pleinement réussir dans son métier, et il sait se donner les moyens pour y parvenir. Il s’est notamment mis ensituation, et en danger, en commençant par travailler avec les jeunes de la Castilla. Ce n’était pas évident. Mais pour moi,c’est précisément ce qui a permis l’éclosion du grand entraîneur qu’il est aujourd’hui."
Après une première saison avec la Castilla, où il manque de deux points la montée en deuxième division, Zidane est courtisé en France, du côté de Bordeaux. Mais l’homme jure fidélité au club de sa vie, le Real,sans doute en raison de la force de persuasion d’Ancelotti. "Je vais continuer encore une saison avec le Castilla", racontait ainsi Zidane à l’époque. "C’est ce que j’ai envie defaire maintenant. Je suis quelques jours en repos mais je vais tout de suite préparer la saison prochaine. J’avance doucement. Je ne me projette pas. Je n’ai aucune ambition pour le moment. Je suis avec le Castilla. Après, on verra."

"Bien sûr, j’ai passé mes diplômes pour entrainer une équipe de première division. Maintenant, quand ça se fera, avec qui et comment ? Je ne me pose pas encore la question maintenant."

Zinedine Zidane
C’est effectivement Rafael Benitez qui arrive. Mais le règne de celui qui a fait ses armes
à la...Castilla, comme Zidane, avant de prendre son envol, ne durerera pas longtemps.
Huitième de finaliste de la Ligue des Champions mais troisième de Liga, le Real décide
au tout début de l’année 2016 de remercier Benitez et d’introniser Zizou entraineur.

A 43 ans tout juste,c’est le saut dans le grand bain. Certains se moquent déjà de Zidane et mettent en avant son nom comme seule raison de sa présencesur le banc madrilène. Mais Zizou n’en a cure. Il bosse deux fois plus, sonde son groupe, replace ses hommes. Il remet ainsi Casemiro au milieu de terrain. Le Brésilien se révèle. Isco et James resortent de la pénombre. Nacho s’impose de plus en plus endéfense. Et que dire de Morata, qui se donne à fond lorsqu’ilsort du banc ? "Le travail de Zidane a étéspectaculaire", saluait récemment Diego Simeone, l’entraîneurde l’Atletico Madrid. "Avoir pris en charge l'équipe enjanvier 2016 comme il l'a fait, avec les difficultés que connaissaitle Real Madrid au niveau du groupe... Il a rééquilibré lesémotions des joueurs, composé une grande équipe et réussi à lafaire jouer à son niveau actuel, qui est très, très bon."

Et Zidane, pour ses premiers mois à la tête
de l’équipe madrilène, de lui offrir sa onzième
Ligue des Champions.

Tout semble réussir au Français, qui confirme la saison suivante. Quoiqu’il tente, cela semble payer. Et ses choix sont de moins en moins contestés. Il décide de faire rentrer son fils Enzo en Coupe du Roi contre laCultural Leonesa (D3) ? Bingo, un but ! "Débuter avec le Real Madrid et marquer un but est un rêve et je suis trèscontent que cela se soit produit au Bernabeu et avec une victoire au bout", a dit l'aîné des fils Zidane . "Cela a été une très belle soirée. Il fallait attendre mon heure et elle est arrivée. Mais ce n'est que le début, il faut continuer a travailler pour obtenir d'autres opportunités et aider l'équipe."

La pomme ne tombe jamais loin de l’arbre... Zinedine ne se repose donc pas sur ses lauriers, peaufine son équipe et affirme son autorité. Il défend ses hommes. Comme Karim Benzema, suspendu d’équipe de France suite à son implication présumée dans le scandale de la sex-tape de Mathieu Valbuena. "C'est le meilleur joueur français", réagissait l’ancien numéro 10. "Karim attend ça depuis très longtemps, parce qu'il a envie de jouer avec l'équipe deFrance. Ca peut être un plus pour lui, c'est sûr."

Les succès sont au rendez-vous. Évidemment, est-on tenté d’écrire.

Qu’est-ce quipourrait bien se mettre en travers de la route de l’extraterrestre Zidane ? Pas grand-monde ou grand-chose. En Liga du moins,puisque le Real Madrid retrouve un titre de champion, qui lui échappait depuis 2012. Soit une éternité en Castille.
"Quand il est arrivé, l’an passé, nous n’attendions pas grand chose de lui", admettait cette semaine Cristiano Ronaldo. "Personne ne lui a trop mis la pression, car nous étions loin des premiers du classement. Cette saison, il est reparti de zéro, et il a su prouver qu’il est en passe de devenir un grand entraîneur. Je l’admirais déjà quand il était joueur. Aujourd’hui, je l’admire d’autant plus, car c’est quelqu’un de très positif. C’est un bosseur, et il est très respectueux des joueurs."

"Pour moi, c’est clair : la réussite de l’équipe, on la doit à Zidane, et à l’excellent travail qu’il réalise. Tous les joueurs sont ravis de s’entraîner avec lui."

Cristiano Ronaldo

N’en jetez plus : la coupe est pleine. La coupe aux grandes oreilles, peut-être. En effet, Zidane est en passe, si le Real Madrid bat la Juventus, de conserver son titre en Ligue des champions, ce qui n’a plus étéfait depuis Arrigo Sacchi et l’AC Milan au début des années 1990. "Les informations que je reçois des joueurs du Real ou d'autrespersonnes du monde du football me confortent dans l'idée que Zidane est un grand entraîneur", remarque Predrag Mijatović, ancien Merengue mais aussi ex-directeur sportif du Real Madrid. "C'estun gagneur. Il a accompli un excellent travail en un an et demi.J'apprécie beaucoup le fait qu'il ait pris l'équipe alors qu'elleétait en grande difficulté et qu'il ait établi une bonne relation avec les joueurs."

Et ceux-ci iront certainement à la guerre pour offrir à Zidane l’occasion d’étoffer son palmarès, d’écrire un chapitre de plus dans la construction de son mythe...