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Arnaud Farr

Photos : Ennio Cameriere



”Sans mesure forte, le mouvement va encore se durcir !” : au cœur de la manifestation des agriculteurs devant le parlement européen



Rémunération à la hauteur de leur charge de travail, mettre fin au libre-échange et à la concurrence déloyale des pays étrangers, l’attente de mesures fortes du secteur de la grande distribution. Les revendications des agriculteurs sont nombreuses. Reportage sur la place du Luxembourg.





L’odeur du pneu brûlé et de la saucisse grillée a été ressentie durant toute la journée sur la place du Luxembourg, lieu de ralliement des agriculteurs venus manifester leur colère devant le parlement européen. Dès le début de la journée, le ton était donné avec des œufs et des fumigènes lancés en direction de la police. Des manifestants ont tenté de forcer le barrage des forces de l’ordre avant que la police ne réplique à coups de gaz lacrymogène.







Parmi les principales revendications, les agriculteurs réclament une rémunération qui correspond à leur charge de travail tout en dénonçant la concurrence déloyale des pays étrangers. “Nous réclamons une rémunération décente par rapport aux investissements et aux normes environnementales auxquelles on doit se soumettre. Avec l’inflation, les coûts de production sont trop élevés et nous devons faire face à la concurrence déloyale des pays étrangers, principalement ceux d’Amérique du Sud et des pays de l’Est”, fustige Antonin, originaire de Juprelle en province de Liège.



"Etre agriculteur aujourd'hui devient un métier de riche"





Pour Patrick de Dorlodot, “être agriculteur aujourd’hui devient un métier de riche”. “Par rapport à il y a vingt ans, les normes qu’on doit respecter sont toujours plus contraignantes. La situation est encore plus problématique pour les agriculteurs qui ont des bêtes. Concernant les céréales, le blé vendu par un agriculteur belge est passé d’environ 315 euros la tonne à 178 euros. On travaille à perte à cause de la concurrence avec le blé ukrainien. Le prix du sucre va également suivre cette voie. La situation est catastrophique”, fustige cet agriculteur de Corroy-le-Grand. “On demande à diminuer la paperasse administrative. Le fossé entre le monde politique bureaucratisé et le monde rural ne cesse de se creuser.”

L’issue est très incertaine et les agriculteurs sont déterminés à poursuivre les actions jusqu’à ce qu’ils seront entendus. “Sans bonne nouvelle concrète, le mouvement va se répéter de manière récurrente. Nous sommes bien conscients que les blocages et les barrages embêtent la population mais c’est notre seul levier pour se faire entendre”, ajoute-t-il. “Cela fait très peur pour la nouvelle génération qui sera amenée à reprendre une exploitation qui ne sera plus rentable tout en étant étranglé avec des prêts bancaires.”

"A terme, cela signifiera la mort de l’agriculture."



Dans la foule, on retrouve une délégation d’agriculteurs venus d’Italie. “Je suis venu expressément de la ville de Cuneo pour manifester mon mécontentement”, explique Lorenzo. “On aime nos bêtes, on aime notre métier, mais à partir d’un certain moment, nous ne sommes plus respectés par les politiques qui nous imposent toujours plus de contrainte dans le cadre du Green Deal. À terme, cela signifiera la mort de l’agriculture.”

Certains citoyens sont venus jusqu’à Bruxelles pour manifester leur soutien aux agriculteurs. “J’avais à cœur de venir ici car la situation de nos agriculteurs me préoccupe”, explique Lotte, originaire de Gand. “Ils jouent un rôle essentiel dans notre société et je comprends leur ras-le-bol par rapport aux normes toujours plus restrictives auxquelles ils sont soumis.”





Sur le coup de 13h30, le président de la fédération des jeunes agriculteurs a pris la parole devant une foule acquise à sa cause. “La PAC (politique agricole commune, NdlR) change tous les ans, l’administratif aussi. On ne sait plus quoi faire. Les clauses miroirs sont indispensables !”, fustige Florian Porcelet. “Lors des barrages, on a trouvé, dans les camions d’approvisionnement des grandes surfaces, des viandes en provenance de tous les pays d’Europe qui ne sont soumises à aucune norme. Le libre-échange, le Mercosur (la zone de libre-échange qui regroupe plusieurs pays de l’Amérique du Sud, NdlR), on n’en veut plus. Nous annoncer une dérogation concernant l’obligation de mettre 4 % de nos terres en jachère, ce n’est pas suffisant.”

Enfin, il a tenu à remercier les manifestants qui continuent à effectuer des barrages. “Certains agriculteurs sont sur le ring à Hal depuis dimanche soir et vu comment ils sont équipés, ils peuvent y rester encore longtemps ! Des actions continueront à être menées chez Aldi et Lidl et on attend de Comeos et de la grande distribution des mesures concrètes sans quoi les blocages vont continuer et le mouvement va s’intensifier”, conclut Florian Poncelet.

Colère des agriculteurs place du Luxembourg à Bruxelles: on ne fait pas de manif sans casser des oeufs



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