Une bonne formation ne fonctionnerait pas sans de bons matériaux bruts. C’est pourquoi le travail de détection a été pensé de manière à ce qu’aucun talent ou presque ne puisse passer entre les mailles du filet. Jusqu’au début des années 2000, il n’était pas rare qu’un joueur prometteur puisse réaliser une carrière relativement anonyme. Avec la mise en place du plan Sablon, la traque aux pépites se fait sur tous les terrains du Royaume. Des plus prestigieux aux plus boueux. Pour espérer atteindre le Graal, les promesses doivent présenter six critères de base peu importe leur degré de maturité physique : la mentalité de gagneur, la stabilité émotionnelle, la personnalité, l’explosivité, le contrôle de balle et du corps et la vision du jeu.
« En tant que fédération, tu ne peux jamais former des jeunes si tu ne détectes pas les bons joueurs dès le début », explique Bob Browaeys, actuel sélectionneur des U17. « Maintenant, on constate que tous les joueurs de l'équipe A sauf Januzaj ont fait leur trajet via les équipes nationales de jeunes ou via les écoles Foot-Élite », rajoute-t-il. Des entrainements, des stages ou des matches entre les meilleures promesses sont ainsi organisés afin d’évaluer les forces et faiblesses, techniques, tactiques, physiques et mentales, et d’en faire un rapport qui servira au joueur et à son club.
Mais il ne suffit pas de quadriller tout le pays pour dénicher les talents. Les enfants sont souvent inégaux face à l’adolescence qui permet à certains de se développer plus rapidement que d’autres. Il faut donc tenir compte de cet aspect. L’URBSFA a ainsi classé ses pépites dans trois catégories : early (précoces), normal et late mature (tardifs).
Dans la plupart des autres pays, il est frappant de constater qu’entre 70 et 85% des joueurs repris dans les sélections nationales d’âge sont nés lors des six premiers mois de l’année civile. Du coup, les jeunes plus matures physiquement ont plus de chances de se retrouver convoqués que ceux dont la croissance est plus lente. Dries Mertens, de par sa taille, est un exemple type du joueur qui aurait pu ne jamais percer en équipe nationale si on n’avait pas tenu compte de ses qualités footballistiques de base.
En U13 ou en U14, un joueur peut atteindre plus rapidement sa maturité physique. Un Romelu Lukaku a souvent survolé les catégories d’âge grâce à cela avant de voir son avance se réduire une fois arrivé à la vingtaine, quand la plupart des jeunes ont achevé leur croissance. Les plus petits en U14 n’étant pas nécessairement dans ce cas lors de leur arrivée chez les U21. Du coup, il existe des sélections d’âge avec des joueurs “early and normal mature” et des autres jugés “late mature”.
« Ce sont des joueurs qui ont du talent, mais qui ne sont pas encore prêts pour jouer avec l'équipe nationale de jeunes , pour obtenir un résultat », explique Browaeys. D’où l’importance de ne pas jouer pour gagner dans ces équipes, mais de faire “grandir” les footballeurs afin de les préparer un jour à intégrer l’équipe première. En tenant compte des “late mature”, on réalise que le taux de joueurs évoluant en équipes d’âge nés dans les six premiers mois de l’année oscille entre 60 et 70% dans notre pays. Des chiffres qui interpellent pas mal les pays qui observent le modèle belge avec attention.
Certains jeunes n’évoluant pas encore dans des clubs de D1 sont aussi parfois repris par les sélectionneurs des U15 ou U17.« J’ai deux joueurs de Division 3, l’un qui évolue à Sprimont, l’autre à Boom, qui ont beaucoup de talent. Ils sont plus frêles, mais je ne comprends pas qu’ils ne jouent pas en D1 », confie Bob Browaeys.
L’attention portée aux “late mature” pose encore parfois problème dans les clubs où le souhait de faire abstraction des résultats dans les catégories d’âge n’est pas toujours bien accepté. De plus, des talents matures physiquement peuvent être plus facilement vendus afin de soulager certaines trésoreries. Voilà pourquoi les scouts de la fédération sont aussi attentifs à ce qui se passe à l’échelon inférieur.
Le mot d’ordre au sein de la fédération est donc de laisser grandir ces adolescents sans vouloir forcer les choses. « Si un U15 dispose d’un profil dont on manque en U16, on peut parfois le faire monter de catégorie », explique Jean-François de Sart, sélectionneur de l’équipe ayant disputé les JO de Pékin en 2008. « Mais je ne suis pas favorable à cela. Il faut laisser le temps aux jeunes de se développer et de prendre confiance. Ça a été une des plaies du foot belge : de petits clubs promettaient à leur U17 une place en U21 dans le but de les retenir. Tout le monde est content au début, mais ces jeunes gens ne sont pas toujours prêts. Alors, ils restent là deux, trois ans et se découragent parfois », poursuit celui qui fut récemment directeur sportif du Standard. « Tout le monde ne partage pas mon avis, mais je suis convaincu qu'il faut laisser grandir les enfants. Même si physiquement, ils ont l'air prêts, ils ne le seront pas forcément mentalement. Même si les exceptions existent. »
Le talent ne rime pas toujours avec précocité. Voilà sans doute ce qui permet au système belge d’être aussi efficace.