DÉJÀ PENSER À APRÈS-DEMAIN

Le quart de finale atteint lors du dernier Mondial est une étape importante dans le processus, mais pas une finalité. Et alors que Marc Wilmots n’a que l’objectif de l’Euro 2016 dans son champ de vision, d’autres, en coulisses, pensent déjà plus loin. “Il y a un danger parce que si l’on pense aujourd'hui qu'on travaille bien, c'est déjà le début de la chute. Donc, il faut qu'on soit vigilant sur les évolutions du football de haut niveau”, affirme Bob Browaeys, coordinateur technique de la VFV et sélectionneur national chez les U17.

Les différents tournois internationaux disputés sont donc analysés afin de trouver les évolutions tactiques qui pourraient indiquer à quoi ressemblera le football de demain et d’après-demain. “Par exemple, on analyse la dernière Coupe du Monde. Lors de celle-ci, on remarque des mouvements tactiques, ce qu’on appelle des “runs”, qu’on va directement introduire dans le plan d'apprentissage des écoles Foot-Élite, des écoles des entraîneurs et dans les équipes nationales de jeunes.”, poursuit Browaeys. “Avec les U15, on doit déjà travailler de sorte à les préparer pour dans cinq ou dix ans. Mais comment le football sera-t-il joué en 2022? Ce n'est pas évident de le deviner avec certitude.”





Des ajustements à une philosophie immuable


Lors du lancement du plan global, le 4-3-3 avec deux milieux récupérateurs était d’application. Mais entre 2004 et 2008, la tendance a été d’inverser le triangle médian pour n’avoir qu’une seule sentinelle. Le but recherché est de rester attentif aux évolutions du jeu et de n’effectuer que des ajustements par rapport à une philosophie de base qui reste immuable afin de préserver l’identité construite depuis maintenant environ quinze ans.

« Lors de chaque rencontre des équipes nationales de jeunes, on va leur demander d’évoluer très haut en se montrant très agressifs dès le coup d’envoi. Notre philosophie, c'est 100% de possession de balle avec le gardien en premier relanceur », explique l’actuel entraineur des U17 belges. « Il y a une vision, un plan, une théorie, qu'on a adapté au fil du temps, mais sans vraiment changer de direction. C'est très important de toujours garder un plan, une vision que tout le monde peut suivre », poursuit Bob Browaeys.


"J'ai pu constater, dans mon équipe, un style plus allemand qu'espagnol"


Si le modèle de base qui a inspiré les penseurs du football belge reste le “Barcelonisme” et son dérivé au sein de la Furia Roja, ils n’ignorent donc pas les dernières tendances qui ont montré le retour d’un jeu plus direct : « Si tu compares maintenant l'Espagne avec la Belgique, on joue plus direct, on joue plus dans les intervalles, on plonge plus dans le dos… Le football devient de plus en plus physique. Je viens de disputer un tournoi avec les U17 et j'ai pu constater, dans mon équipe, un style plus allemand qu'espagnol », analyse Browaeys.


Eviter de sacrifier une génération


Désormais, la sélection belge a une équipe taillée pour jouer les premiers rôles dans les grandes compétitions internationales. L’éclosion de ce qu’on appelle “la génération dorée” a été favorisée par l’absence de réels talents à l’époque d'Aimé Anthuenis et du début de l’ère Vandereycken. Mais alors que les soirées brésiliennes sont encore dans les têtes de nombreux Belges, il faut déjà penser à intégrer les promesses de demain à l’équipe actuelle alors que certains de ses cadres ne sont pas encore proches du moment où ils raccrocheront leurs crampons.




Si l’Espagne a servi de modèle aux Diables dans leur conception du football, elle n’est pas un exemple à suivre dans la transition “intergénérationnelle”. A force d’user une superbe génération jusqu’à la corde, elle a oublié de préparer ceux qui devaient reprendre le flambeau des Xavi, Iniesta, Casillas et autres Torres. Du coup, elle doit maintenant lancer au front sans qu’ils y soient totalement preparés des Muniain, Alcacer ou Isco avec le risque qu’ils deviennent les fruits d’une génération perdue malgré la présence de réels talents.

Dans notre petit Royaume, la relève pointe déjà le bout de son nez dans le noyau de Marc Wilmots avec les Dennis Praet, Yannick Ferreira-Carrasco, Adnan Januzaj, Divock Origi. Certains autres comme Maxime Lestienne ou Björn Engels doivent encore patienter alors que d’autres, comme Paul-José Mpoku, qui ont la possibilité d’opter pour une autre sélection se posent déjà la question de savoir s’ils pourront intégrer un jour le squad de Wilmots. Tout cela en attendant les Youri Tielemans et autre Charly Musonda Jr qui commencent doucement à frapper au portillon des grands.





Encore plus de talents à l’avenir ?


Jusqu’à présent les équipes d’âge n’avaient pas fait du résultat une nécessité. Mais avec l’abondance de biens, la participation à des compétitions internationales devient une nécessité. « Un gardien de but très talentueux risque d’être barré par Courtois pour quinze ans. C'est donc très important pour l'équipe d'âge de participer aux grands tournois de jeunes avec les meilleurs joueurs parce qu'à l'époque, on a fait monter rapidement les joueurs en équipe première, sans avoir l'occasion d'aligner notre meilleur onze en U19-U21 », affirme Bob Browaeys. « Aujourd’hui, il est important pour nos promesses de jouer des matches dans les compétitions internationales de jeunes pour avoir quand même des possibilités de se développer », poursuit le sélectionneur national des U17 qui ne voit pas le réservoir s'épuiser de sitôt. « Pour moi, il y a peut-être même plus de talent qu’il y a dix ans, mais il faudra préparer vraiment ces joueurs jusqu'au bout pour l'équipe A. Ce sera un grand challenge pour la fédération », conclut-il.

L’ancien sélectionneur des espoirs, Jean-François de Sart, pense que le renouvellement des cadres se fera naturellement : « Certains garçons ont eu un programme surchargé ces trois dernières années. Ils jouent en Champion’s League, parfois jusqu’au bout de la compétition. Idem pour l’Europa League, les compétitions nationales et la sélection. Ils ne peuvent pas tenir à ce rythme effrené pendant dix ans non plus et certains prendront peut-être plus vite leur retraite internationale. Malheureusement, il y aura des jeunes qui seront bloqués. Mais à terme, certains vont être incorporés au noyau au fil des matches, des absences, des blessures, des suspensions. Je pense que ce renouvellement sera naturel. »


Et il faudra bien cela pour éviter que tous les efforts entrepris en matière de formation et ce nouveau statut de nation forte du football mondial acquis par notre pays ne soit pas éphémère.