Souleymane Oularé, Marcos Pereira, Roger Lukaku ont aussi accompli une grande partie de leur carrière en Belgique. Ils s'y sont tellement plu que leur progéniture y a vu le jour et qu'elle commence à se faire des prénoms au niveau professionnel.
Charles Musonda Senior a quitté Mufilira, en Zambie, où il avait vu le jour et fait son écolage, en jouant la plupart du temps pieds nus, à destination de la Venise du Nord où il retrouvait son ami en sélection Bwalya Kalusha, transféré quelques mois auparavant. Un véritable dépaysement pour ce jeune homme timide, mais dont le sourire illuminait déjà le visage. Nous sommes en 1986 et le plat pays est encore un peu enivré par les exploits de ses Diables à Mexico.
Un gamin précoce dans la tribu de Long Couteau
La Coupe du monde, Champagne Charly, comme on va rapidement le surnommer, en rêve depuis qu'il a étrenné le maillot des Chipolopolos (boulets de cuivre) pratiquement un an auparavant alors qu'il n'avait que seize ans. Car chez les Musonda, on est précoce. Charly prenait même part au début de l'année 1986 à la CAN. Un match, une blessure. Fin de l'histoire, mais début de son rêve européen.
Qui tourne un peu cauchemar quand les médecins du Cercle constatent que la nouvelle recrue a une jambe plus courte que l'autre. On lui confectionne des chaussures sur mesure et le gamin ne tarde pas à mettre tout le monde d'accord au point d'être transféré à Anderlecht douze mois plus tard, suivant ainsi Georges Leekens alors entraineur au Cercle.
Les belles années de Champagne Charly
Un autre monde pour celui qui rappelle avoir eu peur de se faire "massacrer" par les Andersen, Gudjohnsen et Keshi lors de son premier entrainement. Mais, sous l'aile d'un Leekens qui lui sert de taxi pour l'emmener aux entrainements, il trouve petit à petit sa place avant que Long Couteau ne se fasse finalement scalper à Saint-Guidon, faute de résultats probants.
Raymond Goethals est rappelé à la rescousse, mais n'est pas totalement convaincu par son milieu zambien. Il faudra quelques mois pour que l'homme au mégot ne tombe sous la charme. Les plus belles années de Musonda chez les Mauves arrivent tandis que l'exigeant public du Parc Astrid est conquis par sa justesse technique, sa précision de passes mais aussi sa gentillesse. Jusqu'en 1991, Champagne Charly est une valeur sûre du XI mauve. Il remporte deux Coupes de Belgique et un titre de champion, tout en atteignant la finale d'une Coupe des Coupes en 1990. La suite est ternie par des blessures à répétition.
De moins en moins présent en équipe nationale à cause de ces dernières, il échappe de peu à la mort en 1993 en déclinant, à la demande de Michel Verschueren, une sélection de la Zambie pour un match de qualification pour le Mondial 1994. L'avion de ses coéquipiers s'abîme au large de Libreville. Il n'y aura aucun survivant. Le sourire de Champagne Charly disparait peu à peu pour réapparaître lors des naissances de Lamisha (1992) et Tika (1994).
Si chez les Lukaku et les Hazard, l'aîné est le plus talentueux de la fratrie, chez les Musonda, c'est le petit dernier qui est le joyau. Néanmoins être le frère de... n'a pas toujours empêché celui qui vivait dans l'ombre de faire son trou. Si Alain Van Buyten a parcouru les prés dans l'anonymat des divisions inférieures, Thorgan Hazard et Jordan Lukaku se font leur petit prénom. Le premier évolue à Mönchengladbach, un bon club allemand qui disputera la C1, tandis que le second enflamme le flanc gauche ostendais. Tous les deux ont déjà été convoqués dans le noyau élargi de l'équipe nationale. Et pas seulement en raison de la présence de l'aîné...
Le rêve blue de Lamisha n'aura pas duré longtemps
Pour Lamisha et Tika, les aînés de Junior, la situation est un peu plus compliquée. Le premier, désormais âgé de vingt-trois ans, est le seul qui a goûté à l'équipe première d'Anderlecht même s'il n'a jamais porté le maillot mauve en match officiel. Parti à Stamford Bridge avec ses deux autres frères, il est rapidement apparu qu'il ne se ferait jamais une place au sein de la première.
Prêté au FC Malines en janvier 2014, le jeune milieu de terrain n'a disputé que deux petits matches avant de revenir à Chelsea qui n'a pas, au contraire de ces deux frères, prolongé son bail.
Au mois de juin, Lamisha a passé un test du côté de Waasland-Beveren, où il n'a pas charmé Stijn Vreven. Le voici désormais libre et surtout à la recherche d'un nouveau point de chute.
Tika et ce fichu genou
Tika est sans doute le moins connu du grand public. Défenseur central pouvant jouer milieu défensif, il est âgé de vingt-et-un ans et joue donc avec son cadet avec les espoirs blues. Joueur puissant (contrairement à ses deux frères) et polyvalent, il avait réalisé une bonne première saison avant de voir la seconde gâchée par une grave blessure au genou après un tacle. Soit la même partie du corps qui avait écourté la carrière de son père.
Un peu plus tard, on découvre des caillots de sang dans sa jambe et l'amputation est même évoquée. Si le scénario catastrophe n'a pas lieu, Tika travaille actuellement pour de retrouver le niveau qui lui avait donné l'espoir réel d'avoir sa place en équipe première de Chelsea. Même s'il n'est pas considéré comme le plus talentueux et que cette blessure a ralenti fortement sa progression, le deuxième fils de Charles Musonda a vu son contrat être prolongé. Preuve qu'on semble quand même croire un petit peu en lui...
×La naissance d'une balance au milieu des Scorpions
En 1996, après sept opérations du genou, Charly Senior n'a plus trop d'espoirs de retrouver les terrains. Il ne lui reste qu'un an de contrat au Parc Astrid et il est prêté à Sacramento, dans une ligue mineure des Etats-Unis, où il rejoint Stephen Keshi. Sa famille est restée en Belgique, et c'est donc à Bruxelles à l'heure où les premiers frissons de l'automne font leur apparition que Junior voit le jour le 15 octobre sous le signe de la balance alors que son père évolue dans un club s'appelant les Scorpions.
Une naissance qui annonce un vent de changement puisque Musonda Senior retrouve le plaisir sur les prés américains. Il rejoue ensuite encore huit matches avec Anderlecht, mais son contrat arrive à son terme, et il s'engage avec Cottbus, pensionnaire de D2 allemande lors de l'été 1997. Mais son genou le lâche de nouveau. Fin de l'histoire, Charles Musonda range ses crampons à seulement vingt-neuf ans.
Deux années plus tard, Johan Boskamp, qui vient de s'engager en tant qu'entraineur de La Gantoise, pense directement à celui qu'il avait eu sous sa coupe pour entrainer les jeunes pousses buffalos. Homme à tout faire, papa Musonda y dispensera aussi des entrainements individuels, donnera un coup de main à l'équipe première et inscrira ses trois enfants au club. Des premiers pas qui ne dureront pas très longtemps, étant donné que le père, qui habite toujours Bruxelles, préfèrera finalement que sa progéniture ne doive pas effectuer trop de déplacements et les affiliera au club qui l'avait fait grandir, Anderlecht, en 2003.
Lui restera encore quelques mois en Flandre orientale le temps d'un interim de coach adjoint de l'équipe première aux côtés d'Herman Vermeulen, qui avait remplacé Jan Olde Riekerink, avant de revenir au Parc Astrid en tant que responsable du matériel.
Des premiers pas gantois comme Kevin De Bruyne
Néanmoins, à l'ombre de ce qui était encore l'Otten stadium, Jan Van Troos a gardé un souvenir particulier de sa rencontre avec le petit Charly Junior. A l'époque, il est coordinateur de la cellule de scouting des jeunes pour le compte de La Gantoise. En plus de cela, il prend à part les éléments les plus prometteurs parmi lesquels Kevin De Bruyne et Charly Musonda Jr qui accompagnait, tout comme ses deux frères, son père. "Il devait avoir quatre ou cinq ans la première fois que je l'ai vu. Il était tout petit mais avait déjà une très belle qualité technique."
Si l'homme a connu plus longtemps celui qui est désormais le transfert le plus cher de l'histoire du football belge (KDB étant resté jusqu'à ses quinze ans à Gand), était convaincu du talent de Mus', difficile pour lui de dire à l'époque jusqu'où il le voyait aller. "Quand tu les vois jouer, tu te dis qu'ils ont clairement quelque chose en plus. Tu te dis qu'ils deviendront sûrement des professionnels. Maintenant une carrière est faite de tant d'aléas qu'on ne sait jamais jusqu'où ils iront. Il était difficile d'imaginer à l'époque que De Bruyne signerait à Manchester City pour une telle somme."
Mais la mentalité peut déjà donner une indication sur ceux qui ont le plus de chances d'arriver au top niveau. "Je vois pas mal de points communs à ce niveau. Kevin et Charly Jr pensaient, malgré leur jeune âge, à tout faire pour réussir dans le foot. Ils étaient déjà sérieux."
Et aussi des leaders sur le terrain. "Ce sont des garçons calmes en dehors du terrain. Ils sont discrets et réservés, même si Charly était plus rieur. C'était vraiment un chouette gamin. Mais sur la pelouse, ce sont des chefs. Ils savent ce qu'ils veulent. Ils demandent tout le temps le ballon."
Depuis son départ à Anderlecht, Jan Van Troos, qui analyse désormais les adversaires pour le compte de Lokeren, n'a plus revu Mus'. Mais qui sait si ça ne se fera pas au sein des Diables rouges puisqu'il effectue la même mission pour le compte de Marc Wilmots depuis 2013.