Triple changement. Une pratique presque courante pour un match amical de jeunes à l’heure de jeu. Nous sommes à Marloie, un après-midi brûlant de septembre 2012, et notre route s’apprête à croiser pour la première fois celle de Charly Musonda Junior. Un enfant frêle dans un maillot belge trop grand pour lui, propulsé au milieu de joueurs ukrainiens dont les cuisses sont déjà plus larges que le tronc de Mus’.
Coup de pied de but. La lutte semble disproportionnée. Deux Ukrainiens serrent le nouveau venu, un troisième reste en embuscade. Une fraction de seconde et un contrôle orienté plus tard, ils sont au tapis. Périmés en une touche de balle. Ce n’est plus du football, c’est de la magie. Les Belges sont mis à l’amende (1-4) mais en vérité, on a déjà oublié le score. L’ombre filiforme d’un gosse de quinze ans a obscurci le marquoir. Il paraît qu’on n’oublie jamais sa première rencontre avec le plus jeune fils de Charly Musonda.
"Un futur top cinq mondial"
"Je me rappelle de son premier entraînement avec moi. De son premier contact avec le ballon. Là, j’ai tout de suite su qu’il était hors-normes", se souvient Mo Ouahbi, l’un des coaches à avoir eu le phénomène sous ses ordres à Anderlecht. "Techniquement, il est encore plus fort que Januzaj", ajoute Ludo Kums, père du maître à jouer de La Gantoise et ancien coach de Mus’. Un phénomène, un vrai. Presque inclassable. "Je l’ai directement placé dans la lignée d’un Iniesta, pas dans celle des autres très bons joueurs belges", explique aujourd’hui Yannick Ferrera. "Après, je peux me tromper, mais je me suis tout de suite dit que j’avais affaire à un futur top cinq mondial."
Charly Junior n’est encore qu’un enfant chétif, mais toute la prestigieuse école des jeunes du Sporting connaît déjà son nom. "Chez les plus âgés, tout le monde parlait de lui", se rappelle Bryan Verboom, qui évoluait avec Lamisha, l’aîné des Musonda, dans les équipes d’âge du Sporting."On disait que c’était le joueur le plus doué du centre. On allait voir ses matches, parce qu’on savait qu’il y aurait du spectacle."
Pas besoin d’arbitre ni d’adversaire. Même à l’entraînement, Mus’ fait le show. Quand il raconte l’anecdote des années plus tard, Yannick Ferrera semble toujours ne pas en revenir: "Un jour, j’avais proposé un exercice aux gamins. Ils avaient onze ans. Le but était de jouer uniquement avec son mauvais pied, donc le gauche pour lui. Il a fait un contrôle du gauche et s’est retrouvé sur son droit. Il ne pouvait pas l’utiliser. Alors, il a fait un coup du foulard du mauvais pied. En pleine lucarne."
Bombe à retardement
À un mois de son dix-neuvième anniversaire, l’ancien phénomène de Neerpede reste un secret bien gardé. Rares sont ceux qui ont vu de leurs propres yeux le diamant le plus précieux de la formation belge, parti finir sa croissance du côté de Chelsea. Même pour celui qui a toujours eu deux coups d’avance, le temps commence à être précieux. Mus’ est une bombe prête à exploser, mais dont le compte à rebours serait resté bloqué au moment fatidique.
Même la Belgique commence à être sceptique. Et si son plus grand talent ne devenait qu’un chapitre supplémentaire dans l’encyclopédie des éternels espoirs ? "Si un gars comme ça ne réussit pas dans le foot, alors je ne comprends plus rien à ce sport", affirme Mo Ouahbi.
Aujourd’hui, il est plus que temps que le football fasse connaissance avec Charly Musonda Junior. Alors, en attendant de le voir sur le terrain, quoi de mieux que les paroles de ceux qui ont accompagné ses jeunes années ballon au pied pour apprendre à connaître le fils de Champagne Charly ? Voyage entre Bruxelles, Gand et Londres. Sur les traces d’un diamant.
Charly Jr, pied d'or dans une chaussette de velours