Le petit génie de Neerpede

"Quand j'ai vu le petit Mus', je me suis dit 'Purée, je vais prendre du plaisir cette saison !''' Celui qui n'en revient pas, c'est Mohamed Ouahbi, le premier qui accueillera le petit Mus' au sein des U9 d'Anderlecht et l'accompagnera jusqu'en U11. En 2004, le Sporting offre un poste dans son centre de formation au paternel et la smala quitte Gand pour retrouver la capitale où les trois frères vivent déjà. Dès le premier entraînement, c'est la révélation. Et pour cause, le bonhomme sait tout faire dès qu’il reçoit le cuir dans ses pieds: jongler, dribbler, changer de direction, pied gauche, pied droit, la totale. "A cet âge, on doit leur apprendre à maîtriser la balle. Mais lui, le ballon, c'était déjà son ami. On pouvait déjà passer à l'étape supérieure", explique Ouahbi, aujourd'hui T3 de l'équipe première. "On leur demandait de faire un dribble, avant de chercher un partenaire, un dribble-passe. Mais lui, c'était dribble-dribble-dribble-passe (rires). On le laissait plus faire tant il avait du talent, mais c'était accepté par les autres, car il était déjà très fort."

Difficile en effet de dire quoi que ce soit face à cet incroyable joueur capable de retourner une situation à lui tout seul. Car Mus' n'est pas qu'une attraction à sensation ou un joueur de freestyle tendance Youtube. Il possède également une vista de grand, malgré un physique très frêle. "Très jeune, il jouait déjà comme quelqu'un qui a plusieurs années d'expérience en première division", se rappelle Yannick Ferrera, qui entraîne Mus' dès les U12. "Je le comparais à cet âge à un gars de trente ans. Il réfléchissait comme un adulte, comme un joueur qu'on pourrait surnommer 'Le Cerveau'. Il savait exactement où se placer." "Il était plus souvent taclé que les autres", complète Xavier Gies, qui poursuit sa carrière au poste de gardien de but à Dender après avoir cotoyé Mus' en U14. "Mais il restait toujours calme. Il se disait: 'Tu peux me tacler, mais je suis meilleur et tu ne m'arrêteras pas'. Jamais on ne pouvait le stopper."



"On aurait pu le surnommer 'Le Cerveau'", Yannick Ferrera


Une qualité indispensable pour ce numéro dix que les spécialistes appellent un late-mature, c'est-à-dire un garçon qui tarde à se développer physiquement et se retrouve parfois face à des adversaires bien plus baraqués que lui. "Il ne se retrouvait presque jamais dans un duel, car il savait comment les éviter", poursuit le coach de Saint-Trond. "Et quand il devait y aller, il était tellement vif et doué techniquement qu'il les évitait quand même. C'était ça, sa force." Jean-François Rémy, l'adjoint d'Enzo Scifo chez les Diablotins abonde dans le même sens. "Il possède vraiment une très belle agilité. Il est capable de s'en sortir quelle que soit la situation. On ne sait pas l'attraper."



Insatiable MVP

Un "adulte dans un tout petit corps", dixit Ouahbi, et qui réfléchit plus vite que les autres, qui désosse ses adversaires à coups de dribbles et qui survole en terme technique. Forcément, ça cartonne en tournoi de jeunes. A tel point que, vainqueur final ou pas, Anderlecht a au moins l'assurance de repartir avec un prix: le titre de meilleur joueur de la compétition. "A tous les tournois internationaux auxquels j'ai participé avec lui, il a été élu meilleur joueur, sauf une fois où Zakaria Bakkali l'a battu", explique Gies. "Le premier match, il sortait le grand jeu, dribblait tout le monde. Le public devenait fou. Et on savait que c'était dans la poche. Même en jouant mal, il était le meilleur." "C'est un gars qui ne marquait pas beaucoup", continue Ouahbi. "Comme il n'était pas costaud, il avait du mal à arriver dans les seize mètres adverses ou à frapper de loin. Mais dans chaque gros match, c'est lui qui marquait. Je me rappelle d'un tournoi, joué à Stockel, où il marque contre Barcelone en quart de finale. En finale d'un autre tournoi, contre Arsenal, c'est lui qui met le but. Ce n'était pas le meilleur buteur, loin de là, mais il était là dans les grands moments." La marque des grands…



Plébiscité par ses coaches, adoré par ses équipiers, primé en compétition, voila qui pourrait faire péter un plomb à Charly Jr, qui est en pleine adolescence, pas forcément l'âge où l'on est le plus malin. Là encore, sa maturité étonne. "Il a toujours eu un rêve et tout a tourné autour de ça", selon Yannick Ferrera. Bref, pas le genre de gamin qui ravira les tabloïds britanniques en quittant une boîte de nuit de Londres ivre mort au bras d’une bimbo siliconée. Ce plan de carrière bien ficelé est porté par une mentalité hors du commun. Concentré sur sa tâche, toujours en avance aux entraînements comme aux matches, il parvient à canaliser sa fougue grâce à une formidable envie d'apprendre et de gagner. Mais également par sa détermination et sa ténacité. "Pendant les entrainements, on commettait souvent des fautes contre lui. Il ne bronchait jamais, ne se plaignait pas, se relevait et repartait de nouveau", raconte Ludo Kums, qui prendra Mus' sous son aile en U13 jusqu'à son départ à Chelsea. Une attitude normale pour ce gamin décrit comme "tranquille" et "jamais stressé" par Bryan Verboom, son ancien partenaire à Anderlecht.



"En tournoi, il gagnait ses prix individuels sur ses premières actions", Mo Ouahbi


Mais à force de survoler chaque catégorie avec une facilité déconcertante grâce à ses prouesses balle au pied, un danger pointe. Pas celui de se faire chiper le ballon, mais bien de choper le melon. D'où l'importance d'avoir un entourage et surtout des coaches présents pour lui faire garder les pieds sur terre. Dont Ferrera, qui se souvient "d'attitudes que certains pourraient qualifier de hautaines". "Mais ce n'est pas le cas. Il a tellement confiance en lui qu'il sait que parfois, il sait plus de choses que l'entraîneur ou la personne qui lui donne des conseils. Ca peut paraître fou et exagéré, mais c'est vrai. Mais il n'a jamais été arrogant." Toutefois, le gamin a son caractère et fait preuve d'intelligence également en dehors du terrain. "Il avait déjà une personnalité bien à lui", explique Kums. "C'est à dire que quand tu lui dis quelque chose, il a besoin d'explications et que tu aies des arguments."



Un vrai dix qui bonifie son équipe

Humble, pas "prise de tête", respectueux, Mus' comprend vite que malgré des qualités supérieures à celles de ses équipiers, il n'arrivera à rien en se contentant d'amuser la galerie à lui tout seul. Au contraire, il s'imbrique parfaitement dans un collectif où il est certes le plus solide, mais où il reste un maillon avant tout. Mais un maillon fort. Très fort, même. Car s'il n'est pas du genre à opter pour le but à tout prix si un équipier est mieux placé, il a un objectif précis: toucher un max de ballons. Ca tombe bien, il est tellement bon dans cet exercice que tout le monde est ravi de l'aider dans sa tâche. "Il sait garder le ballon, mais sait aussi augmenter le niveau collectif", explique Bob Browaeys, qui l'appellera en équipe nationale U15 dès août 2011. "Les autres autour de lui jouent mieux, car il sait donner de bons ballons. Il montre qu'il aime le football et les gens. C'est un vrai gentil."


Le Diable au corps



Un vrai gentil, sans doute, mais aussi un leader au sens technique du terme. Charly Jr n'est pas un "gueulard" dans l'âme ou celui qui va taper du poing sur la table. Mais, il possède suffisamment de charisme et surtout de talent pour mettre tout le monde d'accord. Il impose le respect à la fois en club et en équipe nationale, où il est vite nommé capitaine, notamment grâce à son don pour les langues (il est parfait trilingue), son influence sur ses équipiers dans le jeu et sa façon naturelle de se fondre dans n'importe quel collectif. En match, c'est également lui le patron, celui qui dicte le tempo, sait quand accélérer le jeu ou le ralentir. Et pour cela, il faut appeler sans cesse la balle. "Il aimait tellement le ballon qu'il ne pouvait pas s'en passer", raconte aujourd'hui Mo Ouahbi. A tel point que parfois, cela se transforme en un parfait péché mignon, qui le pousse à aller gratter le cuir un peu trop bas pour un numéro dix. "Mais avec son bagage technique et sa vision, il pouvait réussir n'importe quelle action", relativise Ludo Kums.



"Si tu aimes le foot, tu ne peux qu'aimer Mus'", Bob Browaeys


Le foot, rien que le foot pour Musonda, qui "kiffe" titiller le ballon quel que soit le maillot. Mais qui rêve grand. Et fort. "Il est très ambitieux, c'est la caractéristique du vrai talent", affirme Browaeys. "Le rôle de l'entraîneur est aussi de faire en sorte qu'il reste réaliste et ne brûle pas les étapes, mais lui, il veut arriver au plus haut niveau. Les rêves, avant de les réaliser, il faut les avoir ! Ce n'est pas un défaut, au contraire." Et le coach des Diablotins se souvient alors d'une anecdote où Mus' se mue en écrivain. Mais pas forcément en romancier utopiste. "Un jour à l'étude, après les cours, il avait fini son travail et a commencé à écrire un texte d'une page dans lequel il se lançait dans des prédictions sur l'avenir du foot belge. C'était à la Coupe du Monde au Qatar et il écrivait qu'il jouait avec les Diables rouges. Il veut vraiment qu'on se souvienne de lui comme un vrai Diable rouge en Coupe du monde", explique-t-il. "Pas par prétention, mais il veut qu'on ait cette image de lui." Mais pour rejoindre les "grands", les "vrais" Diables, il lui faut franchir un cap. Cela passera par évoluer en équipe A à Anderlecht. Ou par un changement de d'univers…