Pendant qu'Adnan Januzaj posait ses valises à l'ombre d'Old Trafford, alors que Youri Tielemans faisait le choix de mûrir en mauve et s'ouvrait rapidement les portes de l'équipe première et de la Ligue des Champions, Charly Musonda Junior avait l'embarras du choix. Celui qu'on donne toujours aux talents qui semblent avoir les pieds assez doués pour s'imposer n'importe où.
Mus' se rend même à Barcelone avec papa pour visiter la mythique Masia. Les dirigeants du grand Barça sont prêts à tout pour attirer le diamant de Neerpede sur les ramblas. À tout, ou presque. Lamisha et Tika, les grands frères, ne peuvent pas accompagner Junior en Catalogne. Bien plus au nord, du côté de Chelsea, on est tout à fait disposé à prendre le "Musonda Family Pack" du côté de Londres. L'amour du tiki-taka est moins fort que la fibre familiale, et l'avenir footballistique de la plus grande promesse du football belge se jouera donc à Cobham, au grand dam d'un Anderlecht qui voit encore un joyau de son centre de formation s'envoler avant même d'avoir enfilé le maillot de l'équipe première.
Charly Musonda Junior n'a encore que seize ans, mais il s'est déjà mis son club formateur à dos et beaucoup de pression sur les épaules. Rapidement estampillé "futur Eden Hazard" quand le prodige du LOSC débarque au Bridge, il passe beaucoup de son temps libre londonien avec celui dont il aimerait suivre les traces prestigieuses sous le maillot des Blues. Mais les années d'apprentissage ne font que commencer.
"La première fois que je l'ai vu, j'étais plutôt impressionné", confie Adi Viveash, coach des jeunes Blues de la prometteuse génération 1996-1997. "C'était un joueur surprenant pour son âge parce que pour un garçon si jeune, il réfléchit énormément sur son jeu. Il a déjà une très bonne analyse de ce qui se déroule autour de lui, sur le terrain."
Incontournable numéro dix à Anderlecht, il se retrouve rapidement excentré sur le côté gauche de l'attaque. Sur les traces d'Eden Hazard, déjà. "Il était petit et rapide, et il enchaînait les dribbles sur l'aile avec une facilité déconcertante", se souvient Adam Shergold, journaliste du Daily Mail qui suit les équipes d'âge pour le quotidien britannique. Comme souvent avec Mus', la première impression est saisissante : "Ce qui m'a le plus épaté, c'est sa vitesse. Et cette conduite de balle… c'est comme si sa chaussure était pleine de glu. Le défenseur qui joue face à lui passe systématiquement une sale soirée…"
Chez les U18 des Blues, Charly se fait rapidement un nom malgré une concurrence féroce. En finale de la prestigieuse Youth Cup anglaise, il fait trembler les filets de Fulham alors que les Cottagers mènent tranquillement 3-0 lors du match aller. Un but capital, qui permettra aux Baby Blues de renverser la situation au match retour. "Même dans une équipe bourrée de grands talents, il était impressionnant et se mettait en évidence", affirme Shergold. "À tel point qu'il est finalement monté en U21 avec un ou deux ans d'avance sur ce qui était prévu."
Dans la prestigieuse antichambre de l'équipe première des Blues, Mus' cotoie les grands talents en devenir que sont Boga, Christensen ou Loftus-Cheek. Et si certaines voix s'élèvent de Belgique pour dénigrer la formation anglaise et évoquer une stagnation dans le développement du dernier des Musonda, le son de cloche est bien différent de l'autre côté de la Manche: "Il s'est développé, surtout physiquement", souligne le journaliste du Mail. "Le jeu anglais peut parfois être dur, mais il s'est amélioré dans les duels et a gagné du coffre sur le plan physique. Il est meilleur que quand il a débarqué d'Anderlecht il y a trois ans."
La future star de Chelsea ?
Plus costaud, oui, mais vraiment plus fort ? "Avec le ballon, on n'avait déjà plus rien à lui apprendre à son arrivée", reconnaît sans peine Adi Viveash. "Par contre, il a progressé sur le plan tactique et au niveau de la conscience du jeu." Une progression qui, à défaut de lui ouvrir les portes d'une équipe fanion presque fermées à double tour par José Mourinho, a fait de lui l'un des cadres des U21 lauréats de la dernière Youth League, sorte de Ligue des Champions pour teenagers.
En finale, les Blues sont venus à bout du Shakhtar, tombeur d'un certain RSC Anderlecht au tour précédent. Une finale lors de laquelle Mus' a dribblé, dribblé et dribblé encore. "Parfois, il peut en faire un peu trop", souligne Adam Shergold. "Lors de cette finale, il aurait pu être critiqué pour ça, mais comme Chelsea a gagné on ne lui en tient pas rigueur." C'est toujours difficile d'en vouloir à un artiste. Priver Mus' de son instinct du dribble, c'est comme censurer l'hémoglobine dans un Tarantino.