Cycle-ball


Des footballeurs à vélo

Un samedi de mars au Koornbloem. Même si les bobines souriantes des Buffalos garnissent une de ses fenêtres, le café un peu vieillot de l’intramuros gantois ne vibre pas que pour le football. Dans une arrière-salle, tout au bout d’un long couloir, l’établissement dissimule en effet un terrain d’une douzaine de mètres de long garni de deux buts et délimité par des bordures hautes. Le sport qu’on y pratique est à mi-chemin entre le football et le cyclisme. Un sport hybride que les locaux appellent cyclobal, et que l’on nommera cycle-ball en français.


Le SNA Gand (pour Sport Na Arbeid, le sport après le travail) accueille la première manche du championnat de Belgique de division 1. Les six équipes de deux joueurs qui composent la crème du cycle-ball en Belgique sont au rendez-vous. Elles s’affronteront toute l’après-midi durant, dans des rencontres de deux fois sept minutes. C’est là, la première manche d’une longue saison qui se clôturera par un final four à l’issue duquel sera désigné le grand champion.


Le principe du jeu est le même qu’en football: marquer un but de plus que l’adversaire. Mais il y a une différence de taille: ici, pas question de toucher le ballon avec les pieds. Le cuir est envoyé au fond des filets à grands coups de… roue. Les pieds vissés sur leurs pédales, les joueurs baladent leur pignon fixe sur le terrain. Avec son guidon haut et sa selle placée très en arrière, la bécane ne partage pas grand-chose avec un vélo classique. Elle permet d’alterner surplace et courtes accélérations, conduite de balle et tirs surpuissants.





Évidemment, les tirs à répétition dans un ballon de 600 grammes et les blocages des roues ne sont pas sans conséquence pour le matériel. Pneus usés, rayons desserrés ou carrément cassés, les vélos souffrent. "En moyenne, un vélo de cycle-ball a une durée de vie de trois ans", glisse Dimitri. " Et il faut compter 2 000 à 3 000 € pour avoir du bon matériel. " Autant le dire: pratiquer le cycle-ball coûte cher. D’autant qu’il faut bien souvent se tourner vers l’étranger pour trouver un fabricant. " Il y a quelques années, il y avait encore un marchand qui en vendait du côté d’Ypres. Maintenant, il faut aller en Suisse, en République tchèque ou en Allemagne ", détaille Rudy, secrétaire du club gantois.


C’est sans doute en partie parce que sa pratique coûte cher que le cycle-ball demeure confidentiel. Dans la division 1, le SNA Gand fournit trois des six équipes. Les Limbourgeois de Genk et Beringen fournissent les trois autres. Le quatrième et dernier club belge, Ypres, n’est pas représenté au plus haut niveau. Le championnat à six s’étale sur toute la saison. Il se conclut par un "final four" désignant le grand champion. "C’est un petit monde, reconnaît Dimitri. On revoit souvent les mêmes joueurs, les mêmes arbitres, les mêmes officiels. À la fin, on forme une petite famille à laquelle il est très compliqué de dire adieu. Malgré tout, on sent qu’il y a de plus en plus de jeunes qui s’intéressent à ce sport à Genk, à Gand ou encore à Beringen. C’est encourageant pour les responsables."



Sur la scène nationale, c’est Beringen qui domine. Le duo formé de Niels Dirikx en Brecht Daemen survole la compétition domestique depuis plusieurs années. C’est aussi lui qui représente la Belgique sur la scène internationale. Les deux ont commencé le cycle-ball complètement par hasard, disent-ils. " Parce qu’il y avait un club dans le village".


Dans une discipline rangée par l’Union Cycliste Internationale (UCI) dans la catégorie cyclisme en salle, les Limbourgeois bataillent contre les meilleures nations du monde. "Et c’est là qu’on apprend le plus ", affirment-ils sans hésiter. Comme pour le cyclo-cross, le cycle-ball a son championnat du monde et sa coupe du monde. De quoi multiplier les confrontations contre les meilleures formations du monde. C’est en Allemagne, en Autriche et en République tchèque que l’on retrouve les joueurs les plus redoutables. Malgré la faiblesse de sa compétition nationale, la Belgique parvient à se maintenir parmi les meilleures nations au niveau mondial. Sans pour autant pouvoir rivaliser avec les meilleures toutefois.


Dimitri Convent, lui, a bien l’intention d’apporter un petit coup de projecteur à son sport. Le joueur Gantois a introduit une candidature auprès de l’UCI pour accueillir le championnat du monde de cycle-ball à Courtrai, sa ville d’origine. "Cela fait maintenant depuis 1986 que la Belgique n’a plus accueilli la compétition mondiale. On espère que la réponse sera positive ", sourit-il.


CARTE D’IDENTITE



Journaliste

Denis Vanderbrugge

DH.be

2016