Chapitre 4


Sous les toits de l’hôpital,
le personnel est sur
le qui-vive








Dans l'intimité du courrier de l’hôpital



Adama et Souad ont vu passer des milliers de lettres et de cadeaux pendant la crise, pour les patients mais aussi pour le personnel.

A Bracops, Souad et Adama distribuent les bonnes nouvelles, les cadeaux, les lettres pour les patients mais aussi les convocations, les résultats des tests Covid et les attestations médicales. “Ici, c’est un peu comme une imprimerie, ça chauffe beaucoup dans l’imprimante. On s’occupe de distribuer tout le courrier, autant au personnel qu’aux patients, on aime bien qu’on nous appelle les factrices de l’hôpital !”, lance Souad, agent de courrier pour HIS. Et il suffit de discuter deux minutes avec ces deux femmes âgées de la trentaine pour comprendre la gaieté et le dynamisme qui règne dans ce service pas comme les autres. Toutes deux s’occupent du courrier interne et externe sur les quatre sites des hôpitaux Iris-Sud, avec un entrain incomparable.

“Tout le monde nous connaît ici ! En fait, on fait le lien avec toutes les fonctions, on passe dans toutes les unités pour distribuer le courrier, que ce soit les médecins, les infirmiers, les kinés, on va partout, on travaille avec tout le monde. C’est ce qui nous motive le plus, c’est hyper varié tous les jours, on se sent utile, ça change tout le temps et il faut être flexible à 100%”, complète Adama, qui a commencé à travailler ici presque au tout début de la pandémie.

Et durant cette crise, la teneur du courrier a beaucoup changé. “Il y avait beaucoup de lettres de soutien pour les malades, de la part de leurs proches. Avant ça, c’était plus confidentiel mais vu que les visites étaient interdites, ça restait le seul moyen d’apporter du réconfort. Pour nous , c'était hyper valorisant de les transmettre, on avait l’impression de distribuer un peu de bonheur. Un jour, une petite fille avait écrit une lettre de soutien à son papa et dans le même temps, elle avait fait un dessin pour soutenir le personnel soignant, un dessin que les infirmières ont ensuite accroché dans leur unité, c’était touchant et on voyait que ça faisait du bien à tout le monde”, raconte Souad, encore émue de se remémorer ces scènes qui sont encore dans tous les esprits. Et les cadeaux envers le personnel ont également abondé ces derniers mois. “On en a reçu plus pour eux que pour les patients et ce surtout lors de la première vague. On a vu passer des chocolats, des bonbons, des fleurs, de la nourriture, des plats de traiteurs, on s’occupait donc de les transmettre aux différents services, c’est comme si c’était la Saint-Nicolas tous les jours”.

Si la charge de travail a forcément augmenté avec le covid, les deux complices ont continué de distribuer ces colis, jugés moins urgents, avec sourire et bienveillance. “On transmet le courrier de service à service mais pas seulement. On s’est senti encore plus utile pendant la crise. Par exemple, pour un service où le personnel ne pouvait pas sortir, on allait les voir au plus près, on prenait le courrier, on échangeait des infos pour le transmettre au bon endroit. D’autres fois, on laissait notre chariot pour accompagner les gens qui s’étaient perdus. Je crois qu’il faut être sociable, humain et très vite enregistrer les informations dans cette fonction car on doit être réactif et autonome par la suite pour distribuer les bons documents à la bonne personne”, détaille la factrice en chef.



Plongée dans le monde de la stérili



Des chariots à l’ultra son, les équipes de Mireille désinfectent tout le matériel médical.

Au sommet de l’hôpital Etterbeek-Ixelles se trouve le service de la stérilisation, un secteur qui fait le lien avec tous les services. Ici, tous les instruments du bloc opératoire et des consultations remontent pour être lavés et désinfectés. Première étape, une zone de lavage, qui reçoit le matériel sale sur des ascenseurs. Ce matin, sabots et matériel chirurgical sont au menu.

À la baguette, Mireille Verstraten, infirmière responsable des lieux. “Tout arrive sur des petits chariots et le matériel est trié dans un premier bac. Ensuite, ils sont placés dans des machines à ultra son qui nettoient - 93 degrés, on considère qu’après ça, tous les virus sont éliminés. Ici, tout est informatisé, tracé, on peut tout retracer, c’est optimal en matière de sécurité”, retrace celle qui dirige neuf personnes.

Et la procédure à suivre reste très stricte et nécessite une attention de tous les instants, “on considère que tout est infecté, on prend toutes nos précautions, il y a peut-être des traces de Covid, de Sida ou autre”, précise Brigitte, seychelloise d’origine. Si les infirmières prennent soin des patients, ici, les équipes veillent sur le matériel “Il y a une proximité entre nous et les chirurgiens. Sans nous, ils n’opèrent pas, on les connaît et ils nous connaissent. Quand les plateaux remontent, on peut deviner qui a opéré. Ils ont leurs habitudes et certains veulent même garder leurs instruments mais parfois, leur matériel n’existe même plus !”, raconte Mireille. Dernière étape, les outils repartent emballés, comme “des paquets cadeaux”, dans les services respectifs.



“A votre avis, qu’est-ce qu’il y a après la mort?”



Depuis le printemps dernier, les aumôniers en milieu hospitalier sont un soutien important dans un climat de souffrances et d’incertitudes lié à la pandémie de Covid-19. Témoignage d’un aumônier catholique.

Quand on croise le père Benoît dans les couloirs de l'hôpital Molière, rien ne le distingue des autres personnels soignants. Il porte une blouse blanche avec son nom inscrit sur la poche au niveau de la poitrine, un masque chirurgical. Il y a juste un signe distinctif qui le distingue des autres personnes en blouse blanche, une croix chrétienne suspendue autour de son cou. Depuis qu’il intervient à l’hôpital, à hauteur d’une fois par semaine depuis une dizaine d’années, Benoît vient apporter réconfort et empathie auprès des patients.

Au chevet des malades dès les premières heures de la pandémie de coronavirus en Belgique, les aumôniers catholiques représentent une présence de soutien et de réconfort qui s’exprime à travers l’échange, la prière mais aussi le silence. Un accompagnement peut être offert à chaque patient et à sa famille, toujours en fonction des demandes exprimées. “Ma mission est d’offrir l’occasion, si le désir est là, d’aborder n’importe quel sujet et de n’importe quelle façon qui permettra aux patients de se réapproprier eux-mêmes, de se reconstruire dans un moment difficile. Ce qui me frappe, c’est que sans rien leur dire, les gens me parlent de leur vie privée, de leur profession, c’est comme une thérapie mais sans obligation de résultat et ça m’arrive d’ailleurs d’échanger avec des personnes de confessions différentes”, exprime celui qui est aujourd’hui pensionné mais continue d’exercer, “par passion et bénédiction”.

Et durant cette période d’isolement, il a senti, plus que jamais, ce besoin d'échanger, de parler de tout et de rien, “c’était criant, ils n’arrêtent pas de parler et parfois s’étonnent que je continue de les écouter. Cela peut aller de discussions spirituelles très fortes, de prières à des gens qui ont besoin de se vider la tête pour se sentir mieux”. Et parfois d’appréhender la mort par un ultime échange, comme ce mardi soir de novembre. “C’est un patient que je visitais en soins palliatifs. Ce jour-là, il me dit qu’il va être euthanasié le lendemain, qu’il n’a plus aucun espoir, que personne compte sur lui et que c’en est terminé. Il me précise alors qu’il a une question pour moi, il me demande “à votre avis, qu’est-ce qu’il se passe après la mort ? Est-ce qu’il y a quelque chose après ? J’ai dit, écoutez, je n’en sais rien, je ne suis jamais allé voir et en tout cas c’est une sacrée décision. Mais s’il y a quelque chose, ça doit être une forme d’apaisement, quelque chose de bien mais pas d’enfer, et ce que je vous demanderai, c’est que si jamais il y a quelque chose, quand on s’y retrouvera, tapez moi sur l’épaule et rappelez moi qu’on s’est vu.

Et le lendemain, il est parti. Imaginez un peu cette conversation, pour vous dire que parfois, on les accompagne jusqu’à la fin”, raconte le père Benoît, encore ému de ce dialogue, qui évoque certaines rencontres “très intenses”, et parfois particulièrement touchantes “qui nourrissent” sa foi dans un climat particulièrement instable et incertain, où finalement la religion d’autrui n’a pas tant d’importance. “Je ne sais pas toujours si je vais revoir les gens le lendemain ou la semaine d’après, c’est l’instant présent qui compte et c’est magnifique, tout se joue à la seconde”, confie celui qui a échangé à ce jour avec près de 2000 personnes.

2021 ©Les héros de l’ombre : plongée dans le quotidien des métiers insoupçonnés de l’hôpital en pleine crise Covid - By DH Les Sports +